• Les potentialités de développement du Moyen-Atlas oriental

    Les potentialités de développement du Moyen-Atlas<o:p></o:p>

    oriental et leur appréciation par les acteurs locaux<o:p></o:p>

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    Boutayeb Tag<o:p></o:p>

    Université de Fès, Faculté des Lettres de Saïs-Fès, Département de Géographie<o:p></o:p>

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    REVUE DE GÉOGRAPHIE ALPINE 1996 N° 4<o:p></o:p>

    05-Tag 9/03/04 14:26 Page 51<o:p></o:p>

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    Introduction<o:p></o:p>

    Le Moyen-Atlas est composé de deux parties situées de part et d’autre d’une ligne suivant l’accident Nord moyen-atlasique et allant de l’oued Guigou, au sud-ouest, à la sortie de la montagne de l’oued Melloulou, au nord-est. Le Moyen-Atlas oriental, dont il est question ici, se situe à l’est de cette ligne (fig. 1). Structuralement, cette partie correspond au Moyen-Atlas plissé, constitué de cinq alignements de plaines synclinales séparées les unes des autres par quatre axes anticlinaux. Le tout est façonné dans les séries calcaires et marno-calcaires essentiellement jurassiques. La succession de ces alignements se fait d’ouest en est de la manière suivante : plaine de Guigou, suivie des Jbels Taboujbart, Bouigadar (1 848 m), Tajda (1 942 m) ; plaine de Skoura et synclinal de Bouangar, suivis de l’anticlinal des Jbels Tichoukt (2 794 m), Oudiksou (2 300 m) et Habbou (2 455 m) ; ride du Jbel Bou Iblane ; synclinal de Talzemt, Imouzzer Marmoucha, Njil ; ligne des Jbels Irhezdis, Bou Naceur (3165 m), Tsiwant (2304 m), Tafagourt (2112 m), Oughilas (2053 m), qui dominent la plaine de la Moulouya.

    Dans cette région montagneuse accidentée les précipitations sont comprises en moyenne entre plus de 800 mm par an à l’ouest, et moins de 200 mm seulement à l’est. Les chutes de neige peuvent survenir entre octobre et mai sur les sommets les plus élevés de la région.

    Selon le dernier découpage administratif (1993), l’espace montagnard étudié est subdivisé en 13 communes rurales (dont 11 appartenant à la Province de Boulmane et 2 seulement à la Province de Taza) et 2 communes urbaines (fig. 2). Au dernier recensement général de population (1994), ces 13 communes rurales totalisent 88263 habitants alors que la population urbaine n’est que de 11 515 habitants (6 067 pour la municipalité de Boulmane et 5448 pour le centre urbain de Guigou).

    Les populations majoritairement berbérophones de cette région (Aït Youssi, Marmouchas et Aït Waraïn) ont pendant longtemps souffert des conditions naturelles difficiles, de l’enclavement et des bouleversements des structures socio-économiques et spatiales.

    Ainsi une situation de crise et de stagnation a-t-elle profondément marqué la société et l’espace du Moyen-Atlas oriental. Cependant, ici et là, l’espoir d’un développement local est apparu depuis peu, grâce à de multiples initiatives et à une nouvelle appréciation des potentialités de la région par les acteurs locaux.

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    1. Les aspects de la crise dans le Moyen-Atlas oriental<o:p></o:p>

    Les campagnes moyen-atlasiques ont en général profondément souffert des effets de la déstructuration socio-spatiale. En effet la dissociation des zones de bordures (dirs et piémonts) et des zones de montagne ainsi que la perte d’homogénéité du système de production d’autrefois (Jennan L., 1989) ont beaucoup perturbé l’évolution de la société locale. Le Moyen-Atlas oriental, plus pauvre que le reste du massif à cause de son relief accidenté et de sa sécheresse, n’avait comme principale ressource économique que l’élevage. Or l’activité pastorale a fortement régressé, pour plusieurs raisons que nous rappellerons brièvement dans l’analyse des manifestations de la crise affectant les espaces ruraux de cette région de montagne.

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    LE RELÂCHEMENT DES LIENS ENTRE LA SOCIÉTÉ TRIBALE ET LESPACE PASTORAL<o:p></o:p>

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    Les origines de ce relâchement remontent à la période coloniale, quand la délimitation des espaces pastoraux des tribus a été faite d’une manière arbitraire par la conspiration de certains chefs de tribus cherchant à défendre des intérêts personnels. L’intervention de sociétés forestières pour l’exploitation des forêts de cèdres – ou des autres espèces d’arbres– ainsi que le passage des espaces forestiers du domaine collectif au domaine de l’Etat, ont évincé progressivement l’exploitation pastorale de vastes superficies. Face à ces interventions les populations montagnardes ont réagi brutalement par le déboisement clandestin, soit pour agrandir leurs terroirs agricoles, soit pour tirer des profits complémentaires du bois des forêts qui ne leur appartenaient plus.

    La disparition progressive des mouvements de transhumance a entraîné le relâchement des liens entre les populations pastorales et certaines parties de leurs territoires de parcours. Ainsi le piémont oriental de la montagne a été progressivement perdu pour la transhumance des Marmouchas, Aït Hassan, Tsiwant et Aït Ali parce que la délimitation des nouvelles communes rurales de cette région décourageait les pratiques traditionnelles de la transhumance en vigueur dans ces tribus. Même à l’intérieur du domaine montagnard les mouvements pastoraux de jadis ont beaucoup régressé, pour plusieurs raisons :

    fortes contraventions pour des pacages non réglementaires sur des espaces forestiers, sédentarisation des populations pastorales, extension anarchique de la céréaliculture (plaine de Serghina), plantations de rosacées (plaines d’Almis Marmoucha et Njil), projets d’aménagement agricole (plaine de Skoura) et reboisement d’une partie des plaines autrefois connues pour leur vocation pastorale (plaines d’Imi ou Allal). Le tableau n° 1 donne une idée de la diminution du nombre des tentes de pasteurs dans la plus grande partie des communes rurales de l’espace étudié.

    L’intervention de l’Etat dans le domaine du collectif tribal est devenue très forte pour assurer une meilleure mise en valeur de ces terres et éviter les spoliations illégales. A ce titre, l’Etat peut soutenir et encourager tout investissement agro-pastoral sérieux de

    longue durée sur une partie d’un terrain collectif après accord des ayants droit. Enfin l’exode d’une partie de la population montagnarde qui caractérise, comme nous le verrons plus loin, la démographie de cette région, est dû sans doute à la faiblesse des moyens de subsistance, mais aussi à l’éclatement des grandes familles patriarcales (Kerbout M.,1989). Cette mobilité de la population aggrave le relâchement des liens avec le territoire collectif pastoral à un moment où s’achève la disparition de la vieille génération (pères et grands-pères de la première moitié de ce siècle) qui était très attachée au patrimoine collectif. La nouvelle génération s’est désintéressée aussi bien de l’activité pastorale à la manière d’autrefois que de son foncier collectif dont elle va jusqu’à perdre la mémoire et ignorer les limites!

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    L’ENCLAVEMENT<o:p></o:p>

    Plus que d’autres régions du Moyen-Atlas la partie orientale souffre encore d’un enclavement très prononcé, sans être totalement marginalisée. A une époque où les conditions de communications, qu’elles soient clandestines ou légales, ne cessent de s’améliorer, il reste difficile de voyager à travers le Moyen-Atlas oriental en dehors des jours de souks organisés ici et là dans la région. La situation déplorable du réseau routier constitue un très gros problème de transports. En dehors d’un seul tronçon de route secondaire goudronnée reliant la route principale Fès-Missour au cœur du Moyen-Atlas oriental (le petit centre urbain d’Imouzzer Marmoucha et le centre rural d’Almis Marmoucha) la région n’est desservie que par des pistes difficiles conduisant aux différents douars et centres ruraux.

    LE DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE DE LA MONTAGNE<o:p></o:p>

    Pour l’ensemble des communes rurales de l’espace étudié (tabl. 1), le taux d’accroissement annuel de la population, pour la dernière période intercensitaire 1982-1994, est devenu négatif: - 1,8% par an au lieu de + 2,6% pour le taux national. Plus de la moitié de ces communes rurales, 7 sur 12, ont enregistré une diminution plus ou moins importante de leurs forces vives : jusqu’à plus de 5 % par an à Berkine qui a vu sa population s’effondrer. Une évolution plus favorable, avec des accroissements pouvant aller jusqu’à 2,4% par an, n’est à signaler que pour 4 d’entre elles.

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    Quels sont les éléments explicatifs d’une telle situation démographique ? Si le taux d’accroissement naturel est encore élevé dans cette région, avec 4,2% par an, la mortalité infantile l’est aussi en raison d’une mauvaise hygiène générale et des conditions de vie difficiles inhérentes au milieu montagnard. D’autre part l’exode rural vers les nouveaux centres urbains situés sur les bordures du bourrelet montagneux est très fort. Cet exode est justifié par la recherche d’une vie quotidienne nettement meilleure en ville : électricité, eau potable, hôpital, scolarisation des enfants etc.

    C’est cette forte émigration vers les centres urbains les plus proches qui explique l’accroissement rapide de la population de toutes les villes petites et moyennes situées en montagne mais surtout sur les bordures de celle-ci (tabl. 2). Globalement la population urbaine a plus que doublé de 1982 à 1994.

    A ces facteurs de dépopulation il y a lieu d’ajouter le recrutement massif des jeunes dans les Forces Armées Royales, la vie de soldat constituant un vieux métier pour les hommes de cette région de montagne (Idil O.,1982), comme dans d’autres massifs montagneux du Maroc d’ailleurs.

    Cette régression de la dynamique démographique peut être considérée comme un facteur négatif pour les potentialités humaines (fuite des jeunes arrivant à l’âge de travail).

    En plus, la mobilité croissante des habitants a eu comme effet un déséquilibre sur la répartition spatiale de la population. Les espaces pastoraux se vident progressivement au profit des vallées et des plaines riches en eau et en cultures. Il en est de même pour les douars les plus isolés de la montagne, comme c’est le cas par exemple chez les Aït Hassan, les Béni Bou Illoul, les Béni Makbel, Ahl Reggou etc.

    Ces différents aspects de la crise, que nous venons de rappeler brièvement, s’inscrivent dans le lent processus des mutations socio-spatiales d’une société berbérophone longtemps restée barricadée dans un milieu montagnard difficile. Aujourd’hui cette société est appelée à prendre en considération les transformations récentes que subissent les fonctions et les activités anciennes de son espace de vie. Une prise de conscience s’impose si on veut sauvegarder le patrimoine économique, social et culturel de cet espace montagnard déshérité qu’est le Moyen-Atlas oriental. Elle nécessite une nouvelle appréciation des potentialités par les acteurs locaux pour permettre le passage de la crise à l’espoir d’un développement local.

    2. Le potentiel de développement<o:p></o:p>

    Les potentialités de développement de la région que nous étudions sont certes assez limitées et peu diversifiées pour des raisons dictées d’abord par un milieu naturel difficile: relief accidenté, climat rigoureux… Cependant les possibilités offertes par la nature, combinées avec la volonté, l’ingéniosité et le savoir faire des habitants de la montagne, peuvent permettre d’espérer un meilleur développement local de la région et une amélioration des conditions de vie des autochtones. Quelles sont ces potentialités?

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    L’EAU ET L’EXTENSION DES SURFACES IRRIGUÉES<o:p></o:p>

    Les eaux de surface, dont l’écoulement est pérenne dans plusieurs rivières de la région, peuvent permettre l’extension des superficies agricoles irriguées dans toutes les communes rurales de la montagne. Les oueds et les sources assurent déjà l’irrigation de plus de 2600ha, mais on estime que plus de 11 000 ha de terres pourraient être irriguées d’une manière pérenne ou saisonnière, réparties en parcelles réduites et éparpillées le long des cours d’eau étroits de la montagne ou dans des dépressions alimentées par des sources (tabl. 3).

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    LA VALORISATION DE L’ESPACE AGRICOLE<o:p></o:p>

    Dans le cadre du système agraire traditionnel, l’activité agricole était basée sur des cultures céréalières d’automne et de printemps et quelques arbres fruitiers très peu rentables. Aujourd’hui les plantations de rosacées ne cessent de faire tache d’huile. Plus rémunératrices, elles constituent désormais un moyen de valorisation de l’agriculture irriguée traditionnelle caractérisant la vieille paysannerie de montagne. En effet, depuis plus d’une décennie, les plantations de pommiers, poiriers, cerisiers etc. attirent, dans le Moyen-Atlas, de plus en plus de capitaux d’origine citadine (Mèknes, Fès…). Les résultats encourageants de telles plantations ont provoqué chez les habitants de la montagne (possesseurs de terre) une prise de conscience des possibilités naturelles favorables aux rosacées. Le «phénomène rosacée» ou encore «la révolution des vergers de rosacées dans le Moyen-Atlas » (Badidi B.,1995) est aussi bien une caractéristique des transformations des pratiques agricoles moyen-atlasiques qu’une nouvelle appréciation des potentialités du milieu naturel montagnard par une partie de ses acteurs locaux: les fellahs.

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    LA MODERNISATION DE L’ÉLEVAGE<o:p></o:p>

    L’élevage lui-même s’adapte progressivement aux nouvelles données de l’économie de marché (engraissement du bétail à l’étable). La société berbère du Moyen-Atlas oriental a été depuis l’origine une société pastorale. Aussi a-t-elle acquis une véritable maîtrise de l’exploitation de l’espace pastoral et une grande diversité des pratiques d’élevage, aussi bien dans le temps que dans l’espace. Cependant, à côté des pratiques traditionnelles, de nouvelles formes d’élevage se mettent en place, comme l’élevage avec stabulation et l’introduction de vaches laitières de pure race.

    Ces transformations que connaît le secteur de l’élevage s’inscrivent dans deux types d’évolution de la société pastorale en général, moyen-atlasique en particulier. Le premier aspect est celui de la sédentarisation des semi-nomades. Qu’elle soit forcée ou voulue (Tag B.,1985), la fixation des éleveurs nomades est liée à l’évolution des sociétés pastorales soumises aux effets de la « modernisation », de l’aménagement territorial et de l’économie de marché. Les implications socio-culturelles du processus de sédentarisation sont nombreuses: ce sont, soit une reconversion en direction de l’agriculture, qui est un mode d’insertion adapté et sûr (Skounti A.,1995), soit un départ vers les villes et l’insertion est alors très problématique, avec toute chance de se révéler inadaptée et catastrophique (Tag B., 1987). Le second aspect est lié au premier dans la mesure où l’espace pastoral est une source complémentaire pour la nourriture du bétail, même dans le cadre d’un élevage extensif où la part du troupeau servant à la reproduction ou celle destinée à la commercialisation nécessitent une alimentation d’appoint qui doit être achetée (orge en particulier).

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    LE DÉVELOPPEMENT DE LA PLURIACTIVITÉ<o:p></o:p>

    Dans le nouveau contexte de la diversification des ressources familiales, la pluriactivité en milieu rural se développe. Elle est même devenue une nécessité permettant d’une part de surmonter les problèmes du chômage, et d’autre part de diversifier les chances de travail dans un milieu longtemps voué à la monoactivité agro-pastorale. La pluriactivité occupe une partie importante des jeunes, aussi bien en milieu rural (coupe du bois, distillerie du romarin, travaux des chantiers de la Promotion Nationale, forage de puits etc.) que dans les centres urbains (commerce sans local, travaux du bâtiment et autres petits boulots de survie comme la vente des cigarettes au détail etc.).

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    3. Les acteurs locaux et les modalités d’appréciation des potentialités
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    de développement<o:p></o:p>

    Dans une région de montagnes pauvres comme celle dont nous parlons, la plupart des ressources sont liées soit à l’exploitation directe du milieu naturel, soit à l’exploitation agro-pastorale. Mais les modalités d’appréciation varient selon les trois principaux types d’acteurs locaux : la population active, les collectivités locales et les décideurs-gestionnaires de l’Etat.

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    LES DÉCIDEURS-GESTIONNAIRES DE L’ETAT<o:p></o:p>

    Ce sont les différents services intérieurs et extérieurs des Provinces qui, dans le cadre de la politique de développement définie et impulsée par les administrations centrales, encouragent par de multiples actions le développement local, notamment au niveau communal. Le cas de la province montagneuse de Boulmane nous semble très significatif de l’action territoriale menée par les pouvoirs publics. Ici les modalités d’appréciation des potentialités locales s’expriment en effet à travers une démarche comportant trois phases:

    – la première essaie de parvenir à une meilleure connaissance et à une évaluation correcte des potentialités provinciales;

    – la seconde porte sur le choix des actions les plus efficaces et les mieux adaptées au contexte provincial pour aboutir à une exploitation rationnelle des différentes potentialités offertes (la terre, l’eau, les pâturages, la forêt, le paysage naturel, la culture locale, le savoir faire des hommes de la montagne etc.);

    – la troisième se propose de déboucher sur la réalisation d’actions de développement intégré dans un cadre socio-économique de concertation et un climat de confiance à l’égard des collectivités locales.

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    LES COLLECTIVITÉS LOCALES<o:p></o:p>

    Les administrations communales sont évidemment les plus concernées par les potentialités de développement du territoire qu’elles gèrent et dont elles tirent une partie de leur budget. Aujourd’hui, malgré les subventions accordées par l’Etat aux communes, ces dernières essayent de tirer un maximum de ressources financières du milieu local, aussi limitées soient-elles en raison de la pauvreté du monde montagnard. Quelles que soient l’étendue et la diversité de ces ressources, il en est une qui importe beaucoup pour toute commune rurale : c’est la tenue d’un souk hebdomadaire, grâce à la possibilité de prélèvement de taxes qu’elle représente. Mais une telle ressource s’avère le plus souvent très insuffisante. C’est pourquoi, compte tenu de la richesse forestière du Moyen-Atlas oriental, une autre ressource est très appréciée des collectivités de montagne: les ventes de coupes de bois, notamment de cèdre, qui restent une des ressources financières essentielles pour le budget de certaines communes rurales telles Meghraoua, Talzemt, Berkine, Oulad Ali… Cependant, l’exploitation exagérée et anarchique des forêts pose aujourd’hui le problème de l’amenuisement et peut-être de la disparition prochaine d’une telle ressource.

    Dans ce contexte d’insuffisance des recettes du souk hebdomadaire et de la régression alarmante des cédraies se développe chez les collectivités locales un intérêt nouveau à l’égard d’autres ressources qui, jusqu’à une date récente, ne présentaient qu’un intérêt secondaire: il s’agit notamment de la location des terrains collectifs faisant l’objet d’une exploitation agricole (plantations de rosacées par exemple) par des personnes acceptant des contrats de baux à long terme.

    Quant aux ressources provenant directement du milieu naturel, elles font aujourd’hui l’objet de réflexions de la part des collectivités locales, qui encouragent et facilitent les investissements débouchant sur la réalisation de petits projets: il s’agit par exemple de l’ouverture de carrières, de la création de briqueteries ou de la mise en place de microcentrales hydroélectriques (sur des cascades d’eau) pour l’électrification des douars reculés de la montagne.

    On assiste donc à une volonté de redéploiement des ressources des collectivités locales. Celles-ci sont de plus en plus appelées à compter sur leurs propres potentialités pour gérer leurs affaires et mettre en place les bases d’un développement local, soit dans le cadre de chacun des territoires communaux de leur compétence, soit dans le cadre élargi de la collaboration intercommunale.

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    LA FRACTION ACTIVE DE LA POPULATION<o:p></o:p>

    Les populations du Moyen-Atlas oriental longtemps livrées à elles-mêmes, sinon abandonnées à leur destin – très peu d’aide étant venue de l’extérieur – sont aujourd’hui très conscientes de la nécessité de mieux mettre en valeur leurs ressources pour arrêter le puissant phénomène d’exode rural (conduisant parfois, comme nous l’avons vu, à la dépopulation) frappant les campagnes déshéritées de la région. Par ailleurs, si la raison principale de la fixation des populations pastorales semble devoir être attribuée au rapprochement des infrastructures sociales de première nécessité dont dispose chaque commune rurale, il

    apparaît aussi que la sédentarisation des nomades corresponde à cet intérêt nouveau accordé par les habitants de la région aux anciennes ressources que sont l’eau, la terre, l’élevage, la forêt ; mais des ressources revisitées en quelque sorte, c’est-à-dire vues sous une nouvelle perspective capable de porter le développement.

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    Si le meilleur exemple est celui des plantations de rosacées, réussies grâce aux expériences engagées par des personnes étrangères à la région, l’extension d’autres cultures comme la pomme de terre, les haricots verts et autres cultures maraîchères à haut rendement, témoigne du même état d’esprit. Les transformations qui affectent les anciens espaces pastoraux eux-mêmes (épierrage des sols pour gagner de nouveaux terrains cultivables, travaux de défonçage de la croûte calcaire, équipement en puits pour l’irrigation, etc.) procèdent de cette nouvelle appréciation des potentialités locales et régionales par la population active.

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    Conclusion<o:p></o:p>

    Jusqu’au début des années quatre vingts, le Moyen-Atlas oriental n’a pas suivi le mouvement de transformations qu’a connu la partie occidentale voisine, et encore moins celui d’autres régions rurales plus riches du Maroc. Après une longue période d’inertie due à des difficultés d’ordre général propres à l’ensemble du pays, et au manque de dynamisme économique et social propre à cette région de montagne souffrant de nombreux handicaps, s’amorce aujourd’hui un espoir de développement territorial dont la responsabilité est partagée par les décideurs-gestionnaires de l’appareil administratif, les élus des collectivités locales et les habitants eux-mêmes. Tous ces acteurs du développement doivent œuvrer dans la concertation pour une meilleure appréciation des potentialités locales et pour la concrétisation d’un développement bien intégré au plan local, en attendant la mise en place de la nouvelle politique régionale du pays encore en gestation.

    Bibliographie<o:p></o:p>

    BADIDI B., 1995. — La révolution des vergers de rosacées dans le Moyen-Atlas, thèse de doctorat, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Limoges.

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    IDIL O., 1982. — L’évolution des structures sociales et spatiales dans le Moyen-Atlas du Nord, thèse de 3ème cycle, Université de Toulouse le Mirail.

    <o:p> </o:p>

    JENNAN L., 1989. — Evolution récente des systèmes socio-économiques et différenciations spatiales au Moyen-Atlas, in « Le Maroc : espace et société », Actes du colloque maroco-allemand de Passau.

    <o:p> </o:p>

    KERBOUT<o:p></o:p>

    M., 1989. — Les mutations des campagnes du Moyen-Atlas oriental. Le cas des Béni Yazgha et des Marmouchas, in « Le Maroc : espace et société », Actes du colloque maroco-allemand de Passau.

    <o:p> </o:p>

    SKOUNTI A., 1995. — Le sang et le sol. Les implications socio-culturelles de la sédentarisation : cas des nomades Ayt Merghad (Maroc), thèse de doctorat, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris.

    <o:p> </o:p>

    TAG B., 1985. — Les hauts plateaux du Maroc oriental : la déstructuration du nomadisme et ses conséquences, Revue de la Faculté des Lettres Dhar Mahrez, n° spécial : « Etudes géographiques sur le Maroc ».

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