• Le souk d'El Menzel en 2007

     

    Photos de Leila Froissart

     


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  • KHALI (oh! pardon) TOUMI (eh! ne m'interdis pas tout de même d'écrire ton nom en majuscules)

    En traitant le sujet du souk, tu m'as rappelé un souvenir qui a rapport avec les mercredis et dimanches. Ces jours me font penser à une musette (mozett en arabe du bled) vert olive, crasseuse du fait des quantités d'huile qui s'y sont déversées quatre années durant. Cette sacoche dans laquelle feu mon père ALLAH YRAHMOU m'apportait, ou m'envoyait, deux ou tois grandes galettes (d'AL FARRAH) de pain d'orge et une petite bouteille verte (de limonade POM'S, tu t'en rappelles?) pleine d'huile d'olive, avec un épi de mais (qôrta) comme bouchon. Ce colis, je devais aller le chercher chaque jour de souk à la petite bâtisse située à l'extrémité de la rangée d'étals de bouchers au centre du village, et qui faisait office de "bureau des chioukhs" de Béni Yazgha, où mon père ou son émissaire, me le déposait. Des fois, la MOZETT n'arrivait pas, pour cause de pluie ou de neige surtout, et c'était la catastrophe. Que faire alors? C'était la fameuse CHA3RIA (vermicelle) qui sauvait la situation, avec les pommes de terre et carottes que nous piquions parfois, dans vos champs, vous les "AHL EL MENZEL ET LAKLOUE", pour deux ou trois jours de suite...

    Auteur: mghili

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    Le récit de tes souvenirs _ mon cher _ Mghili, m'a fait penser à tous les autres éléves comme toi qui venaient étudier à El Menzel ! Je voyais encore Ahl Zawia qui venaient à bicyclette chaque matin, qu'il pleuve ou qu'il neige! Ahl Alkasba ou Ahl Sraghna ! Ahl Mtarnagha arrivaient en retard,voire manquaient les cours à cause de Chmounda qui était en collère et qui les empêchait de traverser ! J' avais beaucoup d'admiration,de compassion et de commisération pour vous tous! Je rends hommage au courage de tous les anciens camarades de Ahl Barra,qui n'étaient que des adolescents et qui pourtant se debrouillaient comme des grands.

    Certains habitaient chez nous et je sais de quoi je parle! Vous aviez du mérite! Je sais que la situation était très pénible et très difficile pour nous tous, mais pour vous, c'était encore pire ! Tu me demandais si je me souvenais de " l'office " du Bureau de Chioukhs ".

    Evidemment!

    C'est celui qui était à côté de l'ex-abattoir "ALGOURNA " !

    Le temps coule et nous passons,et ne reste qu'un souvenir!

     Auteur: toumi10

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    Cher Toumi,

    Je te remercie pour ta compassion antérieure pour nous, les "AHL BARRA". Tu sais, notre passage à El Menzel, à un âge aussi critique que celui des premières années de l'adolescence, livrés à nous mêmes sur tous les plans, a eu son effet sur nous. Le bizutage précoce auquel nous avons été soumis nous a bien façonnés. Cette épreuve, comparable à l'opération de "la sélection naturelle" qui se fait dans les sociétés primitives, a scellé le sort de tout un chacun; les bonnes graines ont germé et donné le fruit et, les autres ont fini dans le tout-venant que l'on donne au bétail. El Menzel était pour nous une aventure où nous devions passer ou trépasser. Il n'y avait pas d'alternative.

    Nonobstant la dureté de la vie et les conditions d'étude peu favorables, nous avons connu des moments plaisants à El Menzel, car le bonheur ne réside pas toujours dans la qualité des mets que l'on mange ou dans la somptuosité du lit où l'on couche. Nous avons manqué certes de moyens materiels comme la quasi-totalité des Marocains de l'époque, mais nous avons eu le privilège d'affronter la vie et ses affres très jeunes. Ceci ne nous a pas été que négatif, dans la mesure où il nous a été permis de goûter à la liberté de vivre seuls, loin de l'emprise des parents et de leurs ordres coercitifs, qui vous obligeaient parfois à executer des travaux d'Hercule. Nous avons aussi profité de notre plein temps, les jours sans classes et, même parfois les autres, à jouer aux cartes (la fameuse RONDA) jusqu'au petit matin, avec comme enjeu, le prix du dîner, généralement une épaisse MAAQOUDA à deux ou trois dirhams (l'oeuf coûtait au plus 10 centimes de dirham, soit jouj rials).Les perdants se retrouvaient le lendemain, et pour plusieurs jours, sans le sou. Nous avons même goûté au MAAJOUN et au SEBSI, et j'en passe. Nous avons fait des folies que l'on ne pouvait pas se permettre tout près des parents. Oui, nous avons fait tout cela. Et moi personnellement, je ne le regrette pas beaucoup. Bien sûr, j'aurais aimé être à l'époque à Fès, Rabat, Casablanca, voire même à Paris, dans un petit palais, et pourquoi pas un très grand, bien entouré, pour pouvoir devenir par la suite un... un...euh! quoi au fait? Je ne trouve rien. Ministre dites-vous? Oh! non. Vous blaguez là!. Eh oui! évidemment vous avez raison. Ne sommes-nous pas les premiers habitants de Fès? d'où nous avons été chassés? Ah! si nous y étions restés! je vous laisse deviner la suite. Je délire là. Ne me prenez pas au serieux. C'est l'effet du MAAJOUN et du SEBSI que j'ai pris à El Menzel en 1966 qui me remonte à la tête. C'est féerique, Ouallah, un petit coup de rêverie de temps à autre...

    Auteur: mghili

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    Mghili, tu nous as parlé de tes souvenirs d'éléve quand tu étais à El Menzel !! Tout ce que tu as dit est vrai !!! Vous Ahl Barra, vous aviez l'avantage de faire "la grasse matinée ", de jouer aux cartes, de vous amuser, le jour où on n'avait pas école, alors que nous, nous devions aider les parents pour irriguer, biner, ramasser l'herbe pour le bétail, garder les bêtes, ramasser les légumes et les préparer pour les vendre le jour du Souk, autrement dit, aider les parents dans le quotidien, et le soir il fallait réviser et apprendre ses leçons, se débrouiller pour faire ses devoirs car les parents ne pouvaient pas nous aider comme nous les aidions à faire les travaux des champs! Donc il fallait aussi bien travailler à l'école, sinon on avait droit à un sermon! Par contre lorsqu'on rentrait à la maison, il y avait un tajine, ou un bol de soupe tout chaud! sans oublier la tendresse et la chaleur d'une maman, qui mettait en oeuvre tout ce qu'elle pouvait pour nous remonter le moral et nous réchauffer le coeur! Je rends hommage à ma mère et à toutes les autres mamans car elles ont beaucoup de mérite, sans oubier le rôle des papas qui etait capital, car sans leurs efforts énormes, on n'aurait jamais réussi! Je pense également à ceux que le destin a selectionnés et sanctionnés pour ne pas leur donner une vie meilleure! Je trouve que c'est injuste, car certains méritent beaucoup mieux que ce que cette vie leur a offert !!!

    Donc, Cher Mghili, c'était l'école de la vie !!! Elle nous a donné de bonnes leçons et on s'en sert tous les jours !!! Comparativement à nos enfants qui pensent tout savoir et tout comprendre !!! Eux qui sont à deux mètres de l'école et qu'il faut amener et ramener en voiture, eux dont il faut écouter les caprices, comprendre les besoins, eux qu'il faut aider pour les devoirs, à qui il faut payer des cours de tous genres de sport, offrir tous les instuments de la technologie moderne, sinon nous sommes des vieux qui ne comprennent rien! Conflit de générations! Et le pire, c'est qu'on accepte! Peut-être que pour nous c'est une thérapie: " donner à nos enfants ce que nous, nous n'avons pas eu: le meilleur de nous-mêmes!

    Auteur:
    toumi10


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  • Bonsoir

    Hier c'était Dimanche! Le Dimanche pour chaque Yazghi est un jour important! C'est un jour de repos et de détente pour tout le monde ou presque; c'est un jour de convivialité et de rencontres, c'est un jour où le Mtarnaghi vient chercher le Soughati ; où le Zawi demande des nouvelles d'un kalâwi ou d'un manzli; c'est le jour aussi où chacun achète ou vend quelque chose! Vous avez compris que je parle du SOUK !!!

    Le jour du souk reste ancré dans la tête et la mémoire de chaque Yazghi, même s'il se trouve dans l'un des quatre coins du monde. Là où on se trouve, on y pense! Plus on est loin, et plus les images du passé reviennent! On ne voit pas seulement le souk comme il est actuellement, mais on voyage dans le temps! On imagine les petites caravanes de mulets et d'ânes qui venaient des environs d'El Menzel! Les Berbéres d'Ait Sghrouchen et Beni Waraine traversaient El Kalâa pour se diriger vers l'ancien Souk qui se trouvait au centre.
    Le Dimanche matin, j'entendais dans mon village parler berbère plus qu'arabe, et les gamins ricanaient et plaisantaient sur le comportement des passants!
    Il y avait de l'animation! En arrivant au souk, on trouvait de tout: fruits, légumes, betail, viandes, marchands de poudres de "KAMMILA " qui parlaient fort dans leur mégaphone pour attirer l'attention des passants, marchands d'oeufs, de poulets "Albaldis", marchands de LAHBALS préparés avec du doum (Laâzefs ). Le Souk aussi c'est le jour de la rumeur, de l'information et du téléphone arabe!etc...

    L'ETE nous offrait un maquillage naturel _ fabrication locale _ qui ressemblait au fond de teint. La préparation en était faite du mélange de la chaleur, de la poussiére, et de la transpiration!
    L'HIVER ce n'était pas mieux ! la boue rougeâtre remplissait nos chaussures de AL GAMOUSSE ; et les djellebas pleines de tâches de rousseur comme si elles avaient été trempées dans du Héné! Il y avait aussi un parking pour les ânes et les mulets: ALFANDAK ! C'était la distraction de certains! Le jour du souk n'était pas seulement un jour de marché, mais c'était aussi un jour de fête, car El Menzel manquait de lieux de distraction, d'animation, et de détente: pas de maison des jeunes et de la culture, pas de bibliothèque; pas de cinéma, sauf celui qu'on regardait chaque ETE lorsque certaines marques d'Huile ou d'autres produits venaient faire leurs promotions (le début de la société de consommation!). Avant leur propagande, ils nous passaient un film Hindi, de Charlot, ou Laurel et Hardy. C'était le cinéma de RASS ALÄâM (fin d'année). Le cinéma de plein air! Maintenant, les voitures, les Pijous et les Honda ont remplacé les ânes et les mulets ou "presque "! Il n' ya plus de FANDAK, plus de caravanes qui relient le souk et les environs, mais il y a TOUJOURS la boue et la poussière, ce qui fait le charme de cette journée tant attendue par les Yazghis!
    C'est avec un grand plaisir que j'y retournerais pour y revivre ces moments inoubliables!
    Amicalement...

    PS: en envoyant mon texte, je viens de me rendre compte que j'ai commis une grande erreur en oubliant une chose importante, capitale le jour du Souk:
    Que les marchands de Chwa, Boulfafes et  Thé à la menthe me pardonnent!
    Car en sillonnant les allées du Souk on ne peut pas ne pas remarquer la fumée des brochettes (le brouillard!) et le parfum du thé à la menthe: car c'est sous le Kitoun que la fête commence et que les affaires se négocient!

    Auteur: toumi10


     


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