• Les moulins de Mghila

    A la fin de chaque année scolaire, la classe de filles de l'école berbère d'Ahermoumou, accompagnée de son institutrice, faisait un pèlerinage au marabout de Sidi Ali ou Yahia. Nous partions tôt le matin, descendions vers la vallée du Zloul avant de remonter vers Mghila où nous nous arrêtions pour pique-niquer. Je me souviens de ce beau village aux maisons massives, de ces jardins intensément verts, des vignes qui grimpaient partout, des oliviers, des figuiers, des champs de fèves... J'ai le souvenir de cascades, du bruissement de l'eau. Je me souviens du moulin à eau, de la noria qui déversait son eau dans une seguia. Ce moulin à eau a paraît-il disparu. Et j'en suis fort attristée. Mghili, pouvez-vous nous raconter l'histoire du moulin à eau de Mghila?

    Auteur: Karaba (la vraie!) 



    A la demande de notre chère KARABA la Vraie, j’essaie de vous parler un peu du moulin à eau de Mghila qu’elle a cité dans son dernier écrit. 

    Tout d’abord, Mghila dont j’ai déjà décrit la situation géographique et la topographie, à la page 5 de notre forum, se distinguait par l’abondance des eaux de ses sources qui alimentaient l’Oued Boujrain (rivière aux grenouilles), laquelle rivière coulait le long du village sur une distance de plus de 6 kms pour se jeter dans l’Oued Zloul. De ce fait, le village n’avait pas un seul moulin à eau, mais sept, implantés le long de l’Oued, de l’amont (Est) à l’aval (Ouest) : 

    -Un à Lasnad, appartenait à la famille des Ouled Stimouh. 
    -Un à Ain Guendal, appartenait à la famille des Ouled Hsain. 
    -Un à Bab Dchar, appartenait à la famille des Ouled Hmidouch. 
    -Un à Ain El Hamma, appartenait à Lhaj Braham. 
    -Un à Ain Boujtat, appartenait à la famille des Ouled Yakhlef. 
    -Un à Ain Tafza, appartenait à Sidi Allal El Ouazzani 
    -Un à Tinouarine, appartenait à Bridou (la famille Zeroual) 

    Celui indiqué par Karaba la Vraie est certainement celui de Bab Dchar, situé au centre du village, sur la route de Sidi Ali Ouyahia. Il a fonctionné jusqu’au début des années 70, comme tous les autres, qui ont dû arrêter de tourner à cause de la modernité et surtout de la sécheresse. Le dernier, qui a mieux résisté, pour quelque temps aux deux phénomènes, est celui de Ain Tafza. Actuellement, ils ne sont tous que ruine, ou tout simplement, à l'état de traces qui rappellent aux gens de leur temps encore en vie, des visages d’hommes, de femmes ou d’enfants, ou des circonstances particulières, les incitant à moudre leurs grains pour préparer leurs moments de joie ou de tristesse, bref des souvenirs. 

    Mghila, telle que vous la connaissez, ma chère Karaba, relève du passé. Le présent, jusqu’à l’été dernier, y était très dur à cause de la sécheresse qui a tout décimé. Les vergers et champs de fèves ou de maïs (en été), qui vous sont restés en mémoire, ont changé de couleur depuis longtemps pour devenir ocres et nus. C’est du moins ce que j’ai en tête, moi qui n’ai pas visité le douar depuis l’été de l’année dernière. Cependant, selon ce que j’entends dire ces jours-ci, les quantités très importantes de pluie tombées dernièrement ont redonné vie à la végétation et aux sources d’eau, à tel point que la cascade de Zerrab Slimane (haute de quelque 70 mètres), que tout le monde considérait morte à jamais, inonde le vallon de sa buée épaisse. J’espère qu’elle continuera à couler jusqu’au printemps, et pourquoi pas l'été prochain pour la contempler en votre présence, tous, autour d’un verre de thé et d’un tagine de poulet beldi, si vous le voulez bien. 

    Auteur: 
    mghili 

    Voir la vidéo "Les cascades de Mghila" 



    Mghili juste un détail à propos de Mghila: il y avait la rivière qui descendait de Aïn Ajri et qui prenait sa source à Aïn ajri dans la source qui portait le même nom. Autrefois l'eau était tellement abondante qu'il était difficile de traverser... La verdure, les poissons... et cette rivière descendait jusqu'à Mghila,  à 3 km de Aïn Ajri, plus bas, à pied. Malheureusement le gouvernement a détourné la source pour alimenter Ahermoumou. Cela s'est produit en 1967 et depuis c'est la sécheresse totale aussi bien pour Aïn Ajri que Mghila, voilà comment le gouvernement tue des villages paradisiaques. 
    Mais il faut savoir que la source de Aïn Ajri a été " vendue " au gouvernement par des traitres que tout le monde connaît car ce sont les seuls qui ont bénéficié des compensations, notamment une famille très très connue à Aïn ajri que vous connaissez tous jusqu'à Rabat ...

    Voilà un extrait d'arrêté du 13/12/1967: 

    Bulletin officiel n° 2876 du 13/12/1967 (13 décembre 1967) 
    Arrêté du ministre des travaux publics et des communications n° 665-67 du 22/11/1967 (22 novembre 1967) portant ouverture d'enquête sur le projet de reconnaissance des droits d'eau existant sur la source dite Aïn Ajri, située dans l'annexe d'Ahermoumou (province de Taza). 


    Par arrêté du ministre des travaux publics et des communications n° 665-67 en date du 22 novembre 1967 une enquête publique est ouverte du 8 janvier au 9 février 1968 dans l'annexe d'Ahermoumou (province de Taza) sur le projet de reconnaissance des droits d'eau existant sur la source dite Aïn Ajri , située dans l'annexe d'Ahermoumou (province de Taza). 

    Le dossier est déposé dans les bureaux de l'annexe d'Ahermoumou (province de Taza). 

    Auteur: hdgremix  



    Tu as raison mon cher Remix. Oued Boujrain prenait naissance à Ain Ajri et Aghzer, puis Lahouaza où il recevait l'apport de plusieurs sources dont la plus importante est Ain Kébir, avant de se jeter dans la cascade de Zerrab Slimane. 

    Oui, je comprends parfaitement que le problème de l'eau à Mghila provient du tarissement des sources, de Ain Ajri et de Mghila. Ce tarissement est dû particulièrement à la sécheresse, et aussi à la surexploitation de la nappe aquifère, aussi bien à Ain Ajri pour alimenter Ahermoumou et sa région en eau potable, qu'à Igli, pour irriguer les exploitations agricoles qui ne cessent de se développer dans la région. 

    C'est une vraie problématique car à quoi doit-on donner la priorité? Est-ce à l'irrigation de vergers ou à l'alimentation de toute une population en eau potable? Le bon sens se range naturellement du côté de cette dernière option. Et les autorités ont opté pour la plus simple solution, à savoir pomper l'eau de Ain Ajri pour en alimenter les populations. Seulement, elles ont oublié que cette demi-solution a tué une autre population, de Ain Ajri à Tinourine, dont le nombre est quand même assez important. 

    Il n'est pas plus navrant que de choisir toujours la facilité, car elle ne génère jamais de richesse, mais que de la misère. La seule solution vraiment salvatrice n'est autre que la construction d'un barrage sur l'Oued Zloul, qui devra être crânement revendiquée par les populations et autres acteurs de notre région. C'est le seul espoir qui reste, sauf si le ciel demeure clément à l'avenir, comme il l'a été cette année.  

    Auteur: mghili 

  • Commentaires

    1
    mohand1978
    Samedi 2 Juin 2012 à 08:00
    Ain Ajri signifie d'ailleurs la source des grenouilles.
    Je connais bien cette source, ou j'allais souvent quand j'étais jeune.
    En effet, elle alimente le village de Ahermoumou.
    Le problème au Maroc, c'est que la croissance démographique et économique épuise les ressources en eau, et il n'y a pas d'autres solutions que de puiser dans les nappes phréatiques non renouvelables.
    Ahermoumou ne bénéficie pas d'une pluviométrie importante: 530 mm en moyenne.


    2
    PATRYCKFROISSART1 Profil de PATRYCKFROISSART1
    Samedi 2 Juin 2012 à 09:38
    Merci, Mohand, pour ces précisions.
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