• L'école coranique

    Comme je l’ai promis, je vais vous entretenir aujourd’hui de mon expérience au « msside » autrement dit l’école coranique. Je ne sais pas si vous avez vécu cette belle aventure. Surtout toi Toumi et toi HKOUYA Mghili, bons francisants* que vous êtes !!!! et bons orateurs comme le souligne justement notre ami PLOJIK que je remercie beaucoup pour son amabilité et sa fierté d’être Yazghi.

    Le mssid, c’était le lieu d’apprentissage et aussi d’éducation. Pour mon père, c’était quelque chose de primordial. L’école de l’administration coloniale, même après l’indépendance, n’était que khoudra fou9 t3am. D’ailleurs, si mes parents avaient opté pour m’envoyer à l’école, ce n’était pas par nécessité, mais parce qu’à leurs yeux je ne pouvais pas supporter les travaux pénibles des champs: j’étais tellement chétif et paresseux! C’était aussi pour eux, une certaine forme, quoique qu’inconsciente, de prendre leur distance vis-à-vis de l’occupant. L’école moderne n’était pas un privilège au temps du nommé lkaid laarbi , c’était une peine qu’on infligeait aux familles démunies. Mon oncle, par exemple, n’était pas obligé d’envoyer ses enfants à l’école car il était mokhazni. Aussi, ironie du sort, aucun d’eux n’a été scolarisé, et ils en veulent un peu maintenant à leur père.

    Nous avons, mon frère et moi, commencé à fréquenter le « mssid » à l’âge de quatre ans. Mes parents étaient fiers de nous. L’apprentissage de l’écriture et de la lecture se faisait dans la douleur et l’euphorie en même temps. Nous avons connu la baguette du cognassier à un âge précoce. Mais chaque verset appris était un grand évènement pour la grande famille et une ressource de valeur pour le fkih, car à l’achèvement de chaque « sourat », nous devions lui offrir quelque chose « alkhtma » : 50 centimes, un plat de « mellui »ou d’la9rais, le plus souvent des œufs beldi « (une dizaine). Notre grand bonheur fut lorsqu’un soldat revenait d’Indochine. Le fkih nous envoyait chez lui pour lui demander « thrira ». Le fkih nous relâchait pour une demi journée. Et c’était la liesse et les cris de joie. Un après-midi de liberté de jeux : « billes » « chaba » « trinbo » « lamkahel » « slague ouloubaré » » « 9ach9ach », « sabsabbout » « takhbabbou3 » « drarej » les camions de cactus et généralement les parties se terminaient par des bagarres entre nous enfants du même douar ou contre ceux d’un autre douar. Le bon vieux temps mon cher Toumi !! Te rappelles-tu encore ces bons moments d’enfance ? Que c’était riche !

    Je n’ai pas terminé mon propos. Je vous promets d’y revenir plus tard.

    Auteur: Fandlaoui

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    Notre ami Fandlaoui nous a parlé d'un souvenir que nous partageons tous avec lui et particuliérement notre génération! Je dis à notre ami Fandlaoui que je n'ai pas oublié ATTAHMILA wa Adraka Ma ATTAHMILA !! destinée à tous ceux qui n'apprenaient pas leurs versets par coeur !! et malheur à eux s'ils le répétaient à leurs parents lorsqu'ils rentraient à la maison, car ils risquaient de recevoir une deuxiéme correction! Tout ce qui tu nous as raconté mon cher Fandlaoui est exact, et je m'en souviens comme si c'était hier !!!!.

    Auteur: toumi10

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    Notre ami Fandlawi a évoqué l'une des belles époques qui ont gravé notre mémoire à jamais, celle de LMSID, mais je rappelle que les générations suivantes ont aussi connu LMSID sauf que l'appellation n'était pas la même. Je fais allusion aux propos de Toumi. On l'a connue sous le nom de "JAME3", une petite école composée d'une seule salle de classe et de toilettes (le strict minmum). La récréation on la prenait carrément à l'extérieur dans la rue. Vous l'avez peut-être deviné, je parle de JAME3 dyal lmenzel qui se situe juste derrière la mosquée dyal lmenzel et qui en fait partie d'ailleurs. Ce qui est marquant aussi c'est LMDARBA, GHIR KANKHORJOU MAKAYEN GHIR CHIYER BELLOUHA (l'ardoise). Il faut que je pose la question à ma mére pour savoir combien de points de sutures j'ai eus à la tête à cause de ces batailles qui avaient lieu à l'époque pour tout et n'importe quoi. Eh oui ça fait déjà bientot trois decennies! Que de bonheur malgré tout. Envers notre f9ih (lf9ih lmellahi lah ydokrou bkhir) nous étions dociles et respectueux. Je priais Dieu pour ne pas le croiser dans la rue le dimanche tellement j'avais peur de lui: rien à voir avec les élèves d'aujourdhui...!

    Auteur:
    PLOKIJ

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    J'aimerais bien revenir un peu sur ton texte du Mssid pour te dire que tu as oublié un détail très important et qu'on ne saurait passer comme ça sous silence. Il s'agit de l'ambiance qui régnait dans le Mssid, en pleine séance d'apprentissage collectif du Saint Coran.

    La séance qui consiste en la lecture répétée, à haute voix, par chacun des MHADRA (élèves) de sa LOUHA (tablette), commence sur ordre du fkih, qui en donne le coup d'envoi en tapant devant lui, un grand coup de bâton sur le HSSIR (natte). Et la cohue s'ébranle, à qui mieux mieux. Les petits, qui rivalisent les uns avec les autres en répétant inlassablement, et sur la même intonation, la seule "BASMALA" (BISMI LLLLAAAHI RRRAHMAAANI RRAHIIM), suivie de quelques mots d'AL HAMDOU LILLAHI RABBBIL'AAALAMIIIN..... Et les plus grands qui s'isolent, un peu en retrait pour attaquer la mémorisation, en procédant par fragments de versets, qu'ils répétent autant de fois que nécessaire, les yeux ouverts dans un premier temps, puis en les fermant par intermittence, pour voir si ça rentre ou pas. L'intonation est souvent cadencée par des coups de "DAKKAN", une sorte de gros doigt en bois taillé en biais sur un bout, que "LAMHADRI" frotte sur la tablette, de haut en bas et de bas en haut, en suivant la ligne de mots qu'il prononce, pour les bien graver dans son disque dur.

    Le bourdonnement continue sous la surveillance du fkih qui veille à l'animation, oeil ouvert et bras levé, prolongé d'un matériel qui, rien qu'à la vue, donne la chair de poule aux plus hardis. Ce matériel est de differents types et il y en a de tous les goûts. Il y a des pièces qui servent à traiter la proximité, et d'autres qui permettent de raser au loin les têtes fortes. Quant aux goûts, il y en a qui sentent le coing, comme celui auquel a goûté notre ami Fandlaoui, d'autres qui ont la saveur de la grenade, de l'olive, de la prune etc... C'est un consommable à durée de vie limitée, surtout pendant les périodes où le fkih est mécontent. Les connaisseurs parmi les MHADRA qui sont chargés de procurer ce matériel, surtout ceux qui se considèrent au dessus du lot, de par un quelconque lien direct, familial ou autre avec le fkih, pour en augmenter la durée de vie, ne manquent pas de le passer au feu après sa cueillette, comme on fait pour les gaules pour augmenter leur résistance (TALOUAT).

    Les fkih étaient, parallèlement à ce métier, des tailleurs de djellaba. Une fois la cohue lancée, le maître-massacreur tire son projet de djellaba d'à côté et se met à l'oeuvre. La baisse de son attention entraîne automatiquement une diminution du volume de son de la scène, à cause de la fatigue qui gagne les acteurs. Le fkih fait même semblant de s'assoupir pour augmenter leur confiance. Tout d'un coup, c'est la réaction foudroyante du maître des lieux qui fait preuve d'une grande dextérité dans le maniement de son materiel, balayant dans tous les sens, et à deux mains. Et c'est la relance, cette fois-ci, du son et.. des senteurs. Quelle pédagogie!

    Auteur: mghili

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    Ca fait vraiment plaisir de voir une participation de plus en plus importante sur le forum "Le Grand Douar" de Yabiladi. Je suis ravi de constater le débat qu'a provoqué le texte de notre ami Fandlaoui concernant les souvenirs de LAMSID. C'était le passage obligé et obligatoire pour apprendre à lire et à écrire avant de faire une démarche auprès du Directeur de l'école primaire pour s'inscrire au C.P. J'ai bien aimé le débat, et c'est ainsi que je conçois nos échanges d'idées sur ce forum.
    Ce travail sur le souvenir nous pousse à nous rappeler ce que nous avons vécu et a pour objectif que notre mémoire reste une MEMOIRE VIVE. Il reste des choses à dire sur la vie de LAMHADRA et de lAMSID. Mais nos amis Fandlaoui, Mghili, ainsi que Plokij ont dit les plus importantes.

    J'ajouterai tout simplement que je n'ai pas oublié que chaque matin il fallait laver ALLOUH puis le badigeoner avec de l'argile blanche " ASSALSSAL" que nous les kalâoui on cherchait au-dessus de AIN KBIR c'est-à-dire à BABA FOUYANE, n'est-ce pas mon cher Kalâoui?
    Ensuite il fallait préparer " ALKALME " fait avec un morceau de roseau et le tremper dans un encrier de "SMAGH" pour écrire nos versets.

    J'ajouterai également pour les FKIH-TAILLEURS: il y avait toujours un MHADRI qui DRABE ALBARCHMANE !!

    Auteur: toumi10

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    En effet il y a quelque temps, j’avais entamé quelques modestes souvenirs du Mssid. Nos amis Mghili, Toumi et Plojik ont contribué à l’évocation des leurs. Je les remercie de leur intéressante participation à ce thème très cher à beaucoup d’entre nous.
    Certes le mssid évoque en nous un tas de souvenirs. Chacun de nous l’a vécu à sa manière. Mais, ce qui est certain c’est qu’aucun d’entre nous n’a échappé aux coups de la verge de cognassier, à la falaka ou à la tahmila...
    Mon Mssid à moi avait ses règles : un novice, par exemple, n’avait pas le droit de s’asseoir comme il le désirait. Il devait se tenir droit, les jambes jointes, la planchette sur les genoux. Il y avait souvent parmi les élèves (lamhadra) des filles de différents âges et devaient elles aussi se soumettre à cette pénible règle. Quand elles n’avaient pas de pantalon ( seroual battakka), cela donnait au aux anciens l’occasion, lorsque le fkih s’assoupissait, de jeter un coup d’oeil furtif entre les jambes: ce fut un rêve qui se prolongea durant des jours et des jours. Ah le rêve de l’adolescence !!! Qu’en dis-tu mon cher Toumi ? A cinquante ans ce n’est plus la même chose ? N’est ce pas ?
    Les anciens avaient plus de droits. Ils pouvaient se croiser les jambes, demander fréquemment à sortir (assi nakhrej). Le plus ancien avait même le droit de remplacer le fkih lorsque ce dernier vaquait à certaines occupations : faire ses ablutions, manger, annoncer la prière, ou écrire un talisman pour quelques malades ou pratiquer une saignée (lahjama). Sais-tu mon cher Mghili ce que c’est « lahjama » ? Je pense que ceux qui ont la tête dure et ne veulent pas raconter leurs souvenirs aux autres en ont besoin...

     Auteur: Fandlaoui

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    Comme je l’ai annoncé dans mon dernier écrit, je n’ai pas encore épuisé le tas de souvenirs que je garde encore de mon Mssid. Aussi vais-je encore une fois aujourd’hui vous en entretenir.
    La gestion de toute la mosquée était assurée par le fkih. D’abord son "élection" à ce poste se faisait en concertation entre tous les chefs de familles du douar, et ce à la fin de la récolte des céréales, vers le mois de septembre.
    Un contrat verbal entre la « jmaâ » et le nouveau fkih est établi. En quoi consiste ce contrat ? Le fkih s’engage à veiller sur les équipements en place, à assurer l’annonce de la prière, à être l’imam des croyants, à apprendre le coran aux enfants, et à tenir une conduite exemplaire parmi les habitants du douar. De sa part, « la jmaâ » s’engage à garantir au fkih sa subsistance : deux repas par jour « ennouba », le déjeuner et le dîner, répartis à tour de rôle sur toute les familles. Après la prière d’ « al asr » un ou deux élèves sont envoyés par le maître de l’école chez telle famille pour lui annoncer son tour.
    Il m'arriva parfois, distrait et paresseux que je fus, d’oublier la mission dont le fkih m’avait chargé. Dès que je sortais de la mosquée et que je me retrouvais avec des enfants qui jouaient, j’oubliais vite ma mission. Le lendemain, ce dernier ne trouvait rien à mettre sous la dent. Alors c’est moi qui me trouvais au régime de « la falaka ». « chantrou lkalb _ t3aoud tanssa ennouba dlafkih ? _ aa ssi oullah man3aoud._ ila 3aout n3aoudek. » Le fkih mangeait n’importe quoi, des olives noires, et on n’en parlait plus.
    La jmaâ s’engage aussi à donner au fkih ce qu’on appelle « echart » : un « moud » et demi de blé et deux  « moud » d’orge si la famille possède une paire d’animaux pour labourer, si elle ne possède qu’un seul animal c’est un « moud » de blé et un autre d’orge. Le fkih grignote par-ci par- là quelques miettes : tahrira, lkhatma, un peu d’huile un peu de beurre, lfatra, etc.
    Le nôtre n’était jamais mécontent. Il se suffisait de peu.
    La prochaine fois je vous conterai, si vous le permettez, un souvenir qui reste gravé dans ma mémoire et qui me traumatise encore maintenant. L’histoire de la planchette «ellouha » jetée dans le puits.

    Auteur: Fandlaoui

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    Comme promis, je vais vous conter aujourd’hui l’histoire de la maudite planchette « louha ».
    C’était vers le mois d’avril. Il commençait à faire chaud chez nous. Oui, avril, là où tu vois les fèves penche-toi. En arabe on disait « ibrine finma chaft lfoul mil ». C’était aussi un moment crucial de l’année : les silos des pauvres étaient presque à sec. « 3ounk l3am ». Notre fkih, que dieu ait son âme, devait s’absenter pour une quinzaine de jours. Il devait aller au pélerinage. Son pélerinage à lui était Moulay abdessalam au nord, « hajj lmaskin » le pèlerinage des pauvres. Alors il nous a confiés à un ancien élève, un taleb. Nous étions une dizaine d’élèves.

    Le fkih nous maintenait, mon frère et moi, au même niveau. Cela lui facilitait la tâche de la dictée et nous incitait au travail. Pour moi, c’était une pénible besogne, du fait que j’allais à la fois au mssid et à l’école. Cela n’était pas le cas pour mon frère. J’arrivais difficilement à apprendre mon quart du verset coranique, souvent je trichais. Le fkih par intérim décida un jour que celui d’entre nous qui apprendrait son tman, passerait au suivant, prétextant que nous, mon frère et moi, nous n’étions pas nés « les têtes attachée » et que chacun se débrouillerait comme il le voudrait.

    Ce fut une décision aux lourdes conséquences sur moi. Mon père avait approuvé la décision du remplaçant du fkih. A la maison j’étais la risée de tout le monde. Que faire ? Je devais réagir. Alors, un beau matin, je profitai de l’inattention de mon frère. Je m’emparai de sa planchette et je la jetai dans le puits de la mosquée, espérant le retarder un peu. C’était un puits abandonné, d’une profondeur de quelques vingt mètres et sur lequel on racontait d’étonnantes et horribles histoires. On disait par exemple qu’il était habité par une vipère à sept têtes, par des jnouns et même par sidna « 3azrail ». Souvent on avait la chair de poule quand on passait à proximité. Quand je suis revenu de l’école, au mssid on ne parlait que de la planchette de mon frère. Qui aurait osé voler une planchette d’un lieu sacré ? Chacun émettait ses suppositions. Moi aussi j’avais les miennes. Le fklh avait jugé bon, pour son enquête, de nous faire passer par la bastonnade «la falaka » à tour de rôle. Quand mon tour arriva, j’avais senti que mon bourreau savait quelque chose et qu’il m’était inutile de continuer à cacher la vérité, et je passai aux aveux, au grand soulagement de ceux qui n’avaient pas encore goûté aux coups de la verge du cognassier. Vite on alla chercher des cordes « toual. ». On me plaça dans un couffin attaché à la corde et hop au gouffre !!! Tu ne pourras jamais imaginer mon cher Toumi les souffrances que j’ai endurées. J’ai vécu en noir et blanc puis en couleurs toutes les histoires qu’on racontait sur le puits : Sidna 3azrail avec son gourdin de fer, les diables avec leurs longues oreilles et surtout lhaicha « la vipère aux sept têtes. Il m’a même semblé, à un moment donné, que j’étais mordu et mort à jamais. Au fond du puits, j’entendais des hurlements qui me parvenaient d’en haut. Je plongeai ma main (je n’avais plus de main, tellement je tremblais de tout mon corps), dans de la boue et rencontrai par hasard la maudite planchette. Je lançai un strident « tirez je l’ai trouvée !!!!! ». Au-dessus de moi éclatèrent des rires de joie et moquerie. On me remonta à l’entrée du puits. Certains proposèrent de me faire redescendre au fond encore une fois, d’autres de me laisser accroché dans mon couffin. Mais le fkih remplaçant jugea bon de me faire passer par la falaka. La falaka n’était rien en comparaison avec ce que je venais de vivre.
    Quand maintenant je repasse à côté de ce puits, ce qui me reste encore des cheveux se hérisse et j’ai la trouille comme vous dites en France.

    Auteur: Fandlaoui


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