• Khifan del Youdi

    La grotte dite « du Juif » à Sefrou<o:p></o:p>

    (Maroc)<o:p></o:p>

    PAR LE<o:p></o:p>

    R.-P. Henry KOEHLER, O.F.M.<o:p></o:p>

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    La grotte dite « du Juif » à Sefrou, est située au pied de la falaise de Binna, laquelle marque environ 800 m. d'altitude. De tradition immémoriale on prétend que les rabbins y furent ensevelis; d'autre part la légende des indigènes y voit l'habitation d'un génie. Ceci tendrait à indiquer qu'il y eut en cet endroit un habitat très ancien ou un lieu de culte quelconque. Cette grotte s'ouvre à l'Est et comprend deux longs boyaux, le tout vide depuis des siècles. Nos fouilles se sont portées sur une grande excavation, située à la droite de la grotte, d'une dizaine de mètres de largeur et de profondeur, sur 2 m. 50 de hauteur. Devant l'ouverture naturelle, un énorme bloc, de 7 m. de haut, forme une sorte de paravent et ne laisse d'issue que des deux côtés, l'une très grande, l'autre fort étroite. Ce bloc ne touche terre que par ses deux extrémités, et présente au milieu tine sorte d'arche très peu accentuée mesurant 4 m. 60 de largeur et ne s'élevant qu'à 1 m. 10 au-dessus du sol rocheux de la grotte. L'intérieur de ce refuge est complètement vide, le sol est le roc apparent; seule une frange de terre de 0 m. 90 bouchait l'arche du bloc ne laissant qu'un espace de 0 m. 20 pour communiquer avec l'extérieur.<o:p></o:p>

    Devant la grotte des terres amoncelées s'étendaient sur 3 m. et 4 m. 50 respectivement, coupées au milieu par deux blocs tombés l'un derrière l'autre, le second mesurant 1 m. 50 sur 2 m. de haut. De gros quartiers de pierre reliaient ensemble la paroi de droite de la falaise et le rocher de la grotte à gauche, s'appuyant de côté et d'autre sur le bloc du milieu : ce pouvait être une plate-forme ou un mur de défense.<o:p></o:p>

    Le niveau absolu est constitué partout par la roche, mais le dépôt de terre partant de zéro allait en se relevant contre le rocher- paravent d'une hauteur de 0 m. 45 et 0 m. 80 à son plus haut niveau. Cette terre noire était homogène et ne présentait aucune trace de cendres ni de foyers, mais vers l'ouverture de l'arche, sous une couche de 0 m. 30 de cette terre noire, apparaissait une couche de terre sablonneuse rougeâtre reposant directement sur le sol rocheux. L'eau de ruissellement Га fortement agglomérée.<o:p></o:p>

    La masse des terres étant à l'extérieur, les pluies ont usé depuis des siècles le dépôt initial, si bien que les silex : éclats ou lamelles, se trouvaient nombreux en surface et que les terrains en pente rapide qui dévalent devant la grotte en sont parsemés.<o:p></o:p>

    Deux choses sont à signaler dès à présent : sous le bloc rocheux tombé devant la fouille, parmi de nombreuses pierres roulées,.<o:p></o:p>

    nous avons recueilli une balle de terre cuite; sa forme ovoïde et ses dimensions de 0 m. 06 sur 0 m. 04 nous font penser à l'une de ces balles carthaginoises que l'on a retrouvées à Carthage. Comment se trouvait-elle là? Mystère : aucun indice d'une pareille civilisation n'ayant été relevé dans les environs.<o:p></o:p>

    En second lieu : tout à fait en avant du front des fouilles, à nos premières recherches, nous avons mis au jour des fragments de crâne et quelques débris d'ossements d'un tout jeune enfant. Il ne peut s'agir d'une sépulture indigène à cet endroit; d'autre part<o:p></o:p>

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    Fig. 1. — Grotte « du Juif» à Sefrou; à gauche vue de face; à droite vue de profil.<o:p></o:p>

    il n'y avait pas trace d'une sépulture régulière, à moins que l'érosion ne l'ait fait disparaître. Etait-ce un sacrifice rituel, en vue de protéger le système de défense de la grotte? nous l'ignorons. Disons enfin que nous n'avons trouvé aucun objet de pierre polie, ni aucune trace de poterie ancienne au cours des fouilles.<o:p></o:p>

    L'ensemble des instruments recueillis est parfaitement homogène sauf dans les quelques centimètres de terre rougeâtre dont nous avons parlé plus haut. L'inventaire des pièces retrouvées dans la terre noire est le suivant :<o:p></o:p>

    1° Instruments de la technique du dos abattu :<o:p></o:p>

    Lamelles entières au-dessus de 3 cm. 50 357<o:p></o:p>

    Lamelles entières au-dessus de 3 cm. 50 (dont 15 de belle<o:p></o:p>

    venue) 34<o:p></o:p>

    Fragments de bases 198<o:p></o:p>

    Fragments de sommets 339<o:p></o:p>

    Lamelles incurvées par retouches, de 1 cm. 50 à 4 cm 33<o:p></o:p>

    Lamelles à protubérance dorsale donnant triangles scalènes. . 26<o:p></o:p>

    Lamelles à pédoncule, base amincie et retouchée 56<o:p></o:p>

    Croissants, de 1 cm. à 4 cm 75<o:p></o:p>

    Lamelles à double pointe nettement voulue 12<o:p></o:p>

    Lamelle très aiguës de 2 à 4 cm. dont 4 à pédoncule 58<o:p></o:p>

    Lamelles troncature oblique par retouches 5<o:p></o:p>

    Lamelles-pointes, base amincie, un côté abattu 97<o:p></o:p>

    Lamelles-perçoirs 18<o:p></o:p>

    On a donc un total de 1.308 spécimens de la technique du dos abattu.<o:p></o:p>

    2° Instruments à dos non abattu :<o:p></o:p>

    Lames entre 4 et 6 cm ' 130<o:p></o:p>

    Lames avec amorce de pédoncule c'est-à-dire amincissement. 9<o:p></o:p>

    Lames non achevées • 43<o:p></o:p>

    Lamelles de 1 cm. à 4 cm • 579<o:p></o:p>

    Pointes affectant la forme triangulaire ou losangique, tirées<o:p></o:p>

    de lamelles et à base retouchée ou amincie de 2 à 3 cm 47<o:p></o:p>

    Pointes aiguës, longues et piriformes 24<o:p></o:p>

    Pointes sur gros éclats dont 12 à patine épaisse 55<o:p></o:p>

    Pointes sur gros éclats ovalaires, quelques bases retouchées. . 35<o:p></o:p>

    3° Mierolithes :<o:p></o:p>

    Perçoirs, sur fragments de lamelles ou petits éclats 21<o:p></o:p>

    Burins, sur éclat de lame (douteux) 4<o:p></o:p>

    Microburins, retouchés fines, 3 sur éclats plus épais 23<o:p></o:p>

    Encoches, petites, paraissant plutôt des essais de taille 24<o:p></o:p>

    Pédoncules marqués sur éclats même rocheux .- 6<o:p></o:p>

    Pointes nombreuses soit losangiques soit triangulaires sur<o:p></o:p>

    éclats plats allongés, de 1 à 1 cm. 50 323<o:p></o:p>

    4° Instruments sur éclats de plus grande dimension, soit de 4 à 7 cm. présentant les types et la technique atérienne et cependant relevés dans la terre noire :<o:p></o:p>

    a) Silex translucide, traces laiteuses de patine, technique de l'éclat long et plat :<o:p></o:p>

    Lames à dos triangulaire, base en grattoir arondi, belles retouches; 4<o:p></o:p>

    Pointes à dos épais, plan de frappe dont un fort apparent; l'une d'elles de 6 cm., présente une sorte de pédoncule et d'aileron 8<o:p></o:p>

    Grattoirs forme ovale, plan de frappe, belles retouches 2<o:p></o:p>

    b) Silex déshydraté :<o:p></o:p>

    Lames à base arrondie en grattoir, longues retouches 11<o:p></o:p>

    Quelques pointes grossières, éclats (10 cm.) à plan de frappe très incliné, utilisées sur le bord.<o:p></o:p>

    c) Silex à patine rosée :<o:p></o:p>

    Lames à talon arrondi en grattoir section épaisse 14<o:p></o:p>

    Pointes dont une à belles retouches longues 8<o:p></o:p>

    Grattoirs soit sur éclats ronds soit sur lames 16<o:p></o:p>

    5° Dans la terre rougeâtre du fond :<o:p></o:p>

    En général tous ces instruments diffèrent des précédents par la technique de la retouche.<o:p></o:p>

    La transition nette entre la terre noire et la terre rougeâtre qui recouvre le sol rocheux n'existe pas. Les instruments rencontrés dans ce niveau sont d'ailleurs un mélange de silex microlithiqiues, de lamelles à dos abattu, et d'instruments de facture plus fruste et de type atéro-njoustérien :<o:p></o:p>

    Pointes, dont une de 10 cm., losangique, allongée 13<o:p></o:p>

    Lamelles à dos abattu 14<o:p></o:p>

    Lamelles ordinaires 30<o:p></o:p>

    6° Mention spéciale doit être faite des pointes pédonculées en forme de pointes de flèches. Nous en avons relevé 15 soit dans la terre noire de l'extérieur, soit au niveau de la terre rouge, en bordure de l'intérieur. Parmi ces pointes deux sont de forme particulière : très plates, losangiques, travaillées sur les deux faces, en roche rosée; les autres sont de forme classique avec ailerons et pédoncule travaillé sur les deux faces.<o:p></o:p>

    Le mélange des instruments que nous venons de signaler et la présence de la terre rouge et sablonneuse sous la couche de terre noire, tout à l'entrée de la grotte, et là seulement, d'autre part l'accumulation de la terre noire à l'extérieur et le vide de l'intérieur, nous prouvent que ce vide provient du repoussement des terres de surface, mais qu'à un certain endroit des restes du sol primitif sont demeurés. C'est là que se sont conservées les traces d'une habitation probablement très restreinte d'une population atérienne, et c'est pourquoi, le nettoyage de la grotte n'ayant pas été fait à fond, les lamelles à dos abattu se sont retrouvées en contact avec des instruments plus anciens.<o:p></o:p>

    Il convient de remarquer cependant, qjue dans les stations de surface que nous avons repéré dans les environs de la grotte et la région de Sefrou, nous avons noté la coexistence de microlithes avec les pièces pédonculées.<o:p></o:p>

    Quant au matériel ibéro-maurusien que nous avons trouvé dans la fouille, la présence d'amincissement de la base en manière de pédoncule plus ou moins apparent, nous fait supposer qu'il s'agit d'armatures de flèche; on se trouverait ici sur un atelier d'armurerie. Cette supposition serait confirmée par le matériel osseux recueilli. Les ossements animaux ne permettent pas de supposer des reliefs de cuisine, mais les fragments innombrables ont fait l'objet d'une industrie grossière mais évidente :<o:p></o:p>

    Fragments plats à base coupée en biseau ou double biseau ou<o:p></o:p>

    à base arrondie comme celle des grattoirs, de 3 à 7 cm 22<o:p></o:p>

    Fragments taillés en forme de flèches à ailerons, pédoncules<o:p></o:p>

    très nets pour la plupart, de 2 à 6 cm 21<o:p></o:p>

    Fragments dont la base coupée forme triangles scalènes. ... 20<o:p></o:p>

    Fragments affectant une forme cintrée 10<o:p></o:p>

    Fragments droits et fins 16<o:p></o:p>

    La plupart de ces formes reproduisent celles des instruments à dos abattu et permettent de penser qu'ils ont servi aux mêmes usages.<o:p></o:p>

    Parmi les autres objets trouvés dans la fouille :<o:p></o:p>

    Quelques petits fragments de pierres plates coupés en triangle; nous avons recontré ce même genre de pierres énigmatiques dans - d'autres fouilles de la région.<o:p></o:p>

    Pierres, de taille moyenne, avec cupule.<o:p></o:p>

    Fragments de roches de 30 et 40 cm., dont le milieu creusé rappelle les meules.<o:p></o:p>

    Broyeur rond et un autre cylindrique, portant traces d'usage.<o:p></o:p>

    Instrument de roche verdâtre, genre lissoir, long de 7 cm., large de 2 cm., épais de 1 cm.; portant marque d'utilisation sur le plat de ses deux extrémités.<o:p></o:p>

    Une centaine de nuclei de toutes tailles et, sauf de rares exceptions qpi sont des nuclei à lamelles.<o:p></o:p>

    Quatre fragments très petits d'œuf d'autruche. ,<o:p></o:p>

    Faune de la grotte.<o:p></o:p>

    Nous avons dit que les os trouvés ne portent pas trace de feu, ce sont d'ailleurs, avec des dents nombreuses de chevaux et de bovidés, les os longs des membres inférieurs.<o:p></o:p>

    Equus mauritaniens : molaires supérieures, inférieures incisives, extrémité proximale métatarsien. Bos ibericus : molaires, astragale. Alcelaphus bubalis : molaires, phalanges, astragale. Hyena (?) deux canines. Gazella dorcas : deux molaires, une corne. Phacochoerus africanus : molaire.<o:p></o:p>

    Chronique de protohistoire.<o:p></o:p>

    Désireux de servir de trait d'union entre les chercheurs dans le domaine de la protohistoire, le Bulletin de la Société Préhistorique Française consacrera désormais quelques pages à une chronique des âges des métaux en France et en Europe occidentale (Age du Bronze, Age du Fer jusqu'à l'ère chrétienne).<o:p></o:p>

    Nous vous serions reconnaissants, si vous voulez que cette chronique soit aussi complète que possible, et qu'elle parle notamment de vos travaux et de vos découvertes, d'envoyer régulièrement (outre ceux destinés à la Bibliothèque de la S. P. F., à expédier à notre secrétaire général, comme d'usage) des tirages à part à l'adresse suivante :<o:p></o:p>

    J. J. HATT, conservateur du Musée archéologique de Strasbourg, château Rohan, Strasbourg (Bas-Rhin).<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>


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