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Par PATRYCKFROISSART1 le 12 Mars 2009 à 13:33
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Par PATRYCKFROISSART1 le 12 Mars 2009 à 12:44
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ROUDH EL-KARTAS
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB (ESPAGNE ET MAROC) ET ANNALES DE LA VILLE DE FEZ
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TRADUIT DE LARABE
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PAR A. BEAUMIER,
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AGENT VICE-CONSUL DE FRANCE À RABAT ET SALÉ (MAROC) CHEVALIER DE LA LÉGION DHONNEUR,, ETC. PUBLIÉ SOUS LES .AUSPICES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.
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PARIS
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IMPRIMÉ PAR AUTORISATION DU GARDE D ES SCEAUX
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À LIMPRIMERIE IMPÉRIALE.
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MDCCCLX (1859)
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AVERTISSEMENT
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Roudh el-Kartas, le Jardin des feuillets, écrit à 1a cour de Fès, en 1326, sur les livres et les documents les plus authentiques de lépoque, par limam Abou Mohammed Salah ben Abd el-Halim, de Grenade, nous éclaire sur Cinq siècles et demi de lhistoire dOccident, durant lesquels cinq dynasties et quarante-huit émirs se sont succédés sur le trône de Fès et de Maroc. Chacune de ces dynasties a eu sa capitale de prédilection et sa nécropole, où les tombeaux des anciens souverains sont aujourdhui encore vénérés comme des lieux saints ; chacune a laissé des monuments que lon peut dire impérissables. Lauteur commence son récit à la fuite dEdriss, cinquième des cendant dAli, gendre du Prophète, qui, en lan 788 de Jésus-Christ, chassé de lArabie, arrive dans le Maroc, y propage lIslamisme, bâtit Fès et londe la dynastie des Edrissites, qui règnent pendant, deux cents ans. Les Zenèta enlèvent le pouvoir aux descendants dAli, se décla rent. Indépendants des Ommiades, maîtres de lEspagne, et, ne pouvant asseoir leur gouvernement à Fès (la turbulente), fondent Oudjda, où ils maintiennent pendant quatre-vingts ans le siège de leur puissance. Les Almaoravides, sélançant du Sahara occidental, parviennent à renverser les Zenètas fondent Maroc, leur capitale, et pénètrent en Espagne à la suite de :la sanglante bataille de Zalaca (1086 de J. -C.). Ils règnent simultanément à Maroc et à Cordoue pendant soixante et dix-huit ans, avec le titre de Princes des Croyants, que les sultans du Maroc ont conservé depuis lors. En lan 1140 de Jésus-Christ, les Almohades, surgis de Tywmâl, ville de lAtlas (Daren), arrachent aux Almoravides Maroc, Fès, tout le nord de lAfrique jusquà Barka et la plus grande partie de lEspagne ; ils élèvent à son apogée la puissance musulmane en Occident (bataille dAlarcos, 1196 (le J.-C.), et marquent, par leur désastre dHisn elOukab (Las Navas de Tolosa, 1212 de J. C.), la première heure de sa décadence. Pendant, un règne de cent trente ans, les Almohades édifient Gibraltar ; les quais, la kasbah, les fortifications, laqueduc, la kasbah et laqueduc de Fès; la kasbah, laqueduc et la grande tour de Maroc, la ville de Rabat et la tour de Hassan; Ies fortifications dOudjda, de Mezemma et de Badès dans le Rif. Enfin les Beny Meryn, anciens Arabes dOrient, confondus avec les Berbères de la lisière du Sahara, arrivent pour saisir et perdre pair; à peu lhéritage en lambeaux des Almohadess, dont ils ne, conservent que la partie comprise entre la Moulouïa et lAtlantique, la côte du Rif et le Désert, cest-à-dire le Maroc tel quil est encore aujourdhui. Les Beny Meryn édifient successivement les nouvelles villes dAlgéziras el-Djedid, Fès el-Djedid, Tlemcen el-Djedid et Oudjda, quils avaient rasée au commencement de leur domination. Cest sous le règne du neuvième souverain de cette dynastie des Beny Meryn qua vécu limam Abd el-Halîm ; cest à cette époque (1326 de J. C.) que sarrête son histoire. Roudh el-Kartas contient, en outre, les dates et quelquefois les descriptions des phénomènes célestes et des fléaux qui ont épouvanté ou frappé lhumanité durant cette longue période de plus de cinq siè cles. Il donne les titres de certains ouvrages et les noms de divers personnagess de lépoque, auteurs, médecins, légistes et autres, et ces notes ne peuvent que faciliter les nouvelles recherches que lon pour rait faire, dés à présent, dans les bibliothèques de Séville et de Cordoue, et qui se feront sans doute un jour dans celles, de Fès, où lauteur du Kartas nous dit que treize charges de manuscrits ont été déposées, en 684 (1285 J. C.), par lémir Youssef, qui les avait arrachés au roi de Séville, Sancho, fils dAlphonse X. Roudh el-Kartas, en nous faisant suivre la marche des armées dans toutes les directions de lempire maghrebin, nous donne encore de précieux renseignements sur la topographie du Maroc. Le Maroc ! étrange phénomène politique qui, en regard des côtes de lEurope et limitrophe de lAlgérie, est resté Jusquà ce jour end dehors des inves tigations des savants, des voyageurs et du courant, de la civilisation ! Écrit par un Musulman et pour des Musulmans, ce livre dévoile, enfin, le caractère immuable de cette loi Intolérante qui peut toujours, dun moment à lautre, reproduire ces excès de fanatisme sanglant qui viennent, une fois encore, de faire frémir tout le monde chrétien ! de cette religion du fatalisme qui paralyse seule lintelligence incontesta ble et la bonne nature de lArabe africain ! Aussi, au risque de sacri fier quelquefois lélégance du style à lexactitude de la traduction, nous sommes-nous appliqué à reproduire en français le texte arabe de limam Abd el-Halim dans toute son originalité, et mot à mot, pour ainsi dire. En lisant cet ouvrage, quiconque a des rapports avec, les Musulmans reconnaîtra que les Arabes de nos jours pensent, agissent et écrivent comme pensaient, agissaient et écrivaient les Arabes du Roudh el-Kar tas, il y a mille ans, et ce sera, entre autres enseignements, une obser vation pleine de conséquences. «Jai pu,» écrivait dernièrement un juge très compétent, M. Léon Roches, dans un rapport, officiel sur la traduction de Roudh el-Kartas, «jai pu comparer la correspondance des émirs entre eux, il y a huit cents ans, et celle des émirs avec les princes chrétiens ; il me semblait lire les lettres que lempereur du Maroc adressait, en 1844, à son fils et au maréchal Bugeaud, et qui ont été trouvées à la bataille dIsly » En publiant notre traduction de Roudh el-Kartas, nous navons pas la .prétention doffrir une uvre inconnue à la science ; les savants orientalistes ont pu, depuis longtemps, trouver dans les différentes bibliothèques de Paris, dUpsal, de Wiborg, de Leyde et dOxford, des exemplaires arabes plus ou moins complets de cet intéressant ouvrage, sur lesquels M. C. J. de Tornberg a fait sa remarquable traduction latine publiée à Upsal, en 1846, aux frais du gouvernement suédois. M. de Tornberg a placé, au commencement de son volume, un savant examen critique de ces divers manuscrits arabes, dont pas un seul exemplaire ne possède, daprès lui, un texte correct, et dont plu sieurs seraient même singulièrement tronqués ou altérés. Notre traduction a été faite sur deux manuscrits arabes, les seuls que nous ayons pu nous procurer durant, quinze années de recherches en Afrique. Le premier est une copie textuelle dun très-ancien manuscrit (loriginal peut-être), déposé dans la grande mosquée de la ville de Maroc, faite par un thaleb que nous envoyâmes, à cet effet, pendant notre séjour à Mogador ; il porte la date de Maroc, an 1263 (1846 de J. C.). Le second a été trouvé par nous quelques années plus tard, à Tunis, et porte la date de Fès, an 1100 (1688 de J. C.). Les orientalistes pourront consulter ce dernier exemplaire, qui est très net et très complet, à la Bibliothèque impériale de Paris, à laquelle nous mous proposons den faire hommage aussitôt après la publication de notre traduction.(1)
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Nous nous proposons également de loffrir à la bibliothèque de Marseille
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Dans son examen critique, M. de Tornberg discute également la valeur des différentes traductions du Kartas, qui ont été tentées à plu sieurs époques. La première, qui existe à la Bibliothèque impériale de Paris, est un manuscrit français, autographié de Pétis, de la Croix, «ter miné le 28 novembre 1693.» Une copie en a été donnée à la bibliothè que dUpsal ; «il est, dit M. de Tornberg, comme lébauche dun livre. Cest plutôt une espèce de paraphrase quune traduction fidèle, moins en rapport avec les termes quavec le, sens, du texte.» Vient ensuite une traduction en allemand (Agram, 1794) de F. Dombay : «Il sen faut de beaucoup, dit le savant suédois, que le livre de Dombay soit la traduction fidèle de louvrage de lauteur ; on peut, à bon droit, ne la considérer que comme un abrégé.» En 1828, un père de la Merci, Antonio Moura, homme «dun rare talent dans la littérature arabe,» fit paraître une traduction en portugais «plus conforme au texte, et destinée à mettre en lumière lhistoire du Portugal.» Enfin, «Conde,» dit toujours lauteur de lexamen critique que nous citons, «a inséré dans son livre très-connu sur lhistoire dEspagne, traduite en allemand par Rutsch mann, la presque totalité du Kartas, sans faire mention de lauteur, sui vant son habitude Le jugement sévère que Gayangos a naguère porté sur le livre de Conde me parait dautant mieux fondé quen le lisant avec attention, jy ai trouvé de grossières erreurs qui ne pourraient sexpliquer si on navait à constater que Conde était mort avant que, son travail fût terminé.» En ce qui nous, concerne, nous devons humblement confesser que, lorsque nous fîmes copier à grands frais notre premier manuscrit dans la bibliothèque de la mosquée de Maroc, nous ignorions complè tement lexistence des divers exemplaires répandus en Europe, ainsi que des traductions qui en avaient été faites; ce nest quau moment de la publication de notre ouvrage que la connaissance du livre latin de M. de Tornberg nous a éclairé. Néanmoins, loin de rien regretter, nous trouvons, au contraire, dans le cas que nos maîtres paraissent avoir tou jours fait de cet important livre dhistoire, le meilleur témoignage de lutilité de notre travail. Nous espérons, dailleurs, quil nous sera tenu compte davoir mené à fin un pareil ouvrage, en saisissant, pour ainsi dire, les rares loisirs que nous ont laissés des fonctions publiques, acti ves et incessantes, pendant un séjour de quinze années au Maroc et à Tunis, où, moins heureux que le savant professeur dUpsal, nous navi ons, hélas ! aucune des ressources ni aucun des documents qui auraient pu faciliter ou abréger notre tâche. Un mot sur le nom de lauteur et la signification du titre de Roudh el-Kartas. Lexamen critique de M. de Tornberg nous apprend quil sest élevé, à ce sujet, de nombreuses controverses. Sans avoir le droit de nous prononcer sur ces questions, nous nous bornerons à dire quen concédant à limam Abd-el-Halim lhonneur davoir écrit le Kartas, nous nous sommes conformé non-seulement aux textes de nos manuscrits arabes, mais encore à lopinion unanime des foukhâa et des tholba ou savants marocains que nous avons consultés. Ces érudits nous ont tous également donné la même explication du titre, assez bizarre il est vrai, de cet ouvrage. Selon eux, il serait ainsi nommé Roudh el-Kartas, le Jardin des feuillets, parce que limam Abd el-Halîm a dû recueillir une foule de notes, de documents, de feuillets épars pour les rassembler dans son livre, comme on rassemble des fleurs dans un parterre. En résumé, nous navons dautre but, en publiant notre traduc tion, que de vulgariser un des pares ouvrages dhistoire marocaine qui jouissent, à juste titre, de lestime générale des savants européens et des lettrés arabes. Cest parce que la connaissance du Roudh el-Kar tas nous a rendu, à nous-même, les plus grands services dans nos rap ports avec les Musulmans, que nous espérons faire une uvre utile en le livrant à létude pratique des hommes, nombreux aujourdhui, que leurs fonctions mettent en contact avec les Arabes ou qui ont intérêt à les connaître, et aux méditations de tous ceux qui soccupent de lhis toire et de lavenir de notre belle colonie dAfrique. Quil nous soit, permis, en terminant, dadresser ici un témoi gnage public de notre profonde gratitude, A S. Exc. M. Thouvenel, ministre des affaires étrangères, dont la haute bienveillance nous a mis à même dentreprendre la publication de notre ouvrage, et qui a daigné nous autoriser à le placer sous les auspices de son Département ; A chacun des ministères du gouvernement protecteur de Sa Majesté Impériale, qui ont honoré notre livre du généreux concours de leurs souscriptions ; A lImprimerie impériale de Paris ; A nos directeurs et sous-directeurs du ministère des affaires étrangères ; A tous nos chefs et à nos amis, qui nous ont assisté de leurs con seils et de leurs encouragements dans laccomplissement de notre tra vail. Auguste BEAUMIER.
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Paris le 15 octobre 1860.
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Nota. Les ouvrages français qui traitent des Arabes ont adopté chacun une orthographe particulière pour les noms de lieux et de per sonnes. Cette diversité dans les modes de reproduction en français des lettres arabes est une cause permanente dobscurité et de difficultés quil serait indispensable de faire disparaître. Nous croyons savoir que le ministère de lAlgérie, préoccupé à juste titre de ces inconvénients, songe à faire publier un dictionnaire officiel de tous les noms arabes transcrits en caractères français. En attendant cette utile publication, nous nous sommes conformés, autant que possible, en ce qui nous con cerne, à hiu lorthographe adoptée par M. le baron de Slane dans son savant et bel ouvrage, lHistoire des Berbères.
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ROUDH EL-KARTAS
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HISTOIRE
DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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ET
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ANNALES DE LA VILLE DE FÈS.
Au nom de Dieu clément et miséricordieux! Que Dieu répande ses bénédictions sur notre seigneur Mohammed, sa famille et ses compagnons, et leur accorde le salut ! Il ny a de force et de puissance quen Dieu très-haut, très-magnifi que ! Le cheïhh, limam distingué, savant et sage, versé dans le hadits, Abou Mohammed Salah ben Abd el-Halim, que le Très-haut lui fasse misé ricorde et lagrée, amen ! a dit : Louanges à Dieu qui conduit toutes choses selon sa volonté et sa direction, qui aplanit les difficulté par son soutien et son concours, qui a créé toutes choses dans sa sagesse et leur a donné leurs formes, qui a donné la vie à ses créatures par son pouvoir et leur a dispensé les choses néces saires à leurs besoins ! Je lui adresse mes louanges, et mes louanges sont celles dun homme qui connaît sa faiblesse et les bienfaits du Seigneur. «Il ny a de Dieu que Dieu seul, il na pas dassocié ! Je le témoigne du fond de mon cur et de ma pensée, Je témoigne aussi que notre seigneur Mohammed est le serviteur et lenvoyé de Dieu, qui la élu pour remplir sa mission, et dont il a mérité lamitié, les bienfaits et la toute-bonté. Que le Très-haut répande ses bénédictions sur lui et sur sa famille juste et pure, sur ses femmes sans taches quil a exemptées de souillures ! Que Dieu soit propice à ses compagnons qui, les premiers, lont suivi dans la foi et la victoire, lui ont porté honneur et respect, et à ceux qui les ont suivis et qui les suivront jusquau jour de la résurrection dans la voie du bien ! Que cette prière sont faite aussi longtemps que la nuit aura ses ténèbres et le jour sa lumière !» Je prie aussi pour lHeureux règne des Méryn, fils dOthman. Que Dieu élève leurs- ordres et leur puissance ! Quil conserve leur gouverne ment aussi longtemps que les jours ! Quil les comble de grandeurs et de prospérités, leur donne la victoire et des conquêtes éclatantes ! Ensuite, que Dieu prolonge la vie de notre maître le khalife, limam qui chérit et élève lislam, qui déteste et dompte linfidèle, la couronne qui répand la justice, qui découvre et confond linjustice, le prince du temps, lornement Élu siècle, le défenseur de la religion et de la foi, lémir des musulmans, Abou Saïd Othman, fils de notre maître, le protégé, le victorieux, le roi, ladora teur, laustère, le juste qui excelle en toutes choses, le prêtre de, la justice, le soutien de la vérité, lémir des musulmans, Abou Youssef Yacoub ben Abd el-Hakk ! Que Dieu rende notre maître victorieux ! Quil le protége, éternise son gouvernement et ses jours ! Quil comble de bonheur et de vic toires sa bannière et ses enseignes ! Quil lui ouvre les régions de lOrient et de 1Occident ! Quil fasse tomber les têtes de ses ennemis pour quil puisse monter sur leur s cols on temps de paix ou de guerre ! Quil lui donne des victoires éclatantes ! Quil laisse le khalifat à ses descendants jusquau jour de la résurrection, et que ses descendants le con servent et le fassent revivre sans cesse ! Quils élèvent sa lumière ! Quils le préservent du mal ! Puissent la prospérité. accompagner leurs affaires, la joie être toujours sur leur seuil, la victoire unie à leur bannière, et puissent tous les curs les aimer aussi longtemps que les teintes variées de laurore coloreront le vêtement de la nuit, et que les oiseaux chanteront et gazouille ront soir les arbres ! Je prie pour notre maître qui ne cesse de défendre lis lam, qui combat dans la vérité pour cette vie et pour lautre, qui donne sans ostentation, et chez qui lon trouve ce que lon désire. Et, lorsque jai vu la générosité de cet heureux gouvernement, que Dieu léternise ! ce règne semblable à un collier de perles précieuses, dont toutes les bouches chan tent les louanges et dont toutes les actions étincellent, jetant partout leur clarté, ce règne quune resplendissante lumière soutiendra à jamais ; ce prince qui suit lexemple de ses ancêtres et ne peut pas périr : jai voulu aussi en tracer les beautés et chercher à les rendre accomplies. Jai essayé décrire ses grandeurs dans cet ouvrage; mais elles sont telles que je nai pu les exprimer par des mots. Je me suis placé sous lombre de cette cour, et jen ai bu leau douce ! Mon livre, dune étendue moyenne, contient les beaux faits de lhistoire ; il réunit les principales époques, leurs merveilles et leurs prodiges. Il contient aussi lhistoire des rois et des hommes illustres de lantiquité, et la durée des dynasties anciennes, leurs règnes, leurs ori gines, leurs âges, leurs gouvernements, leurs guerres, leur conduite envers leurs peuples, leurs constructions dans le Maghreb, leurs conquêtes dans les régions diverses, la description de leurs châteaux et de leurs forteresses, les impôts quils ont perçus. Jénumère émir par émir, roi par roi, khalife par khalife, siècle par siècle, selon leur rang et leur mérite, depuis le com mencement du règne du chérif Edriss ; fils dAbd Allah el-Hosseïn jusquà nos jours. Jy ai mis tous mes soins, jy ai employé tous mes efforts, jy ai consacré tout mon temps. Jai demandé à Dieu si mon uvre lui serait agréable. Je lai prié de me secourir. Dieu ma entendu et je dois la Réussite à ses bienfaits et à la bénédiction de notre maître, lémir des musulmans. Jai rassemblé ce joli recueil en choisissant les perles des principaux livres dhistoire authentiques. Je nai décrit que les faits véritables et je me suis borné aux explications essentielles, en renvoyant pour plus de détails aux ouvrages dont je me suis servi. Jai ajouté ce que jai appris moi-même des cheïkhs de lhistoire, de mes collègues, et des écrivains contemporains, tous gens honnêtes et dignes de foi, dont je connais la .vie et lorigine, que jaurais rapportées si je navais craint de surcharger -et obscurcir mon livre de choses inutiles. Jai cherché à dire le plus de choses possible en peu de mots, et jai ainsi fait un livre détendue moyenne, ce qui est préférable à tout, comme le savent les sectateurs du Prophète (que Dieu le comble de bénédictions !), au précepte duquel je me suis conformé.. Dans le hadits, il est dit quun jour Mohammed, conversant avec ses compagnons, leur apprit que, de toutes choses, la moyenne est la meilleure. Jai intitulé mon livre Roudh el-Kartas (Jardin des feuillets), Histoire des souverains du Maghreb et annales de la ville de Fès. Que Dieu préserve mon ouvrage derreurs, il ne contient que ce que jai pensé. Puissé-je en être récompensé ! Que le Seigneur nous conserve notre maître, lémir des musulmans, que son règne soit au-dessus de tous les règnes, et que ses ennemis lui soient soumis, que sa puissance soit victorieuse et ses jours chéris de tous ! Il ny a de Dieu que Dieu, et de bien que son bien !
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ANNALES DES SOUVERAINS DU MAGHREB, DEPUIS LES EDRISSITES HOSSEÏNIEINS (que Dieu les agrée !),
LEUR HISTOIRE ET CELLE DE LA VILLE DE FÈS, BÂTIE PAR EUX,
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DEMEURE DE LEURS PRINCES ET SIÈGE DE LEUR GOUVERNEMENT.
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Lauteur de ce livre (que Dieu lui pardonne !) raconte ainsi les motifs de la venue et de létablissement dans le Maghreb des Edrissites Hosseï niens. Limam Mohammed, fils dAbd Allah, fils dHosseïn, fils del-Hos seïn, fils dAli, fils dAbou Thaleb (que Dieu les agrée !), sétait soulevé contre Abou Djafar el-Mansour, lAbbassite, prince des musulmans dans lHedjaz, dont il blamait la tyrannie et les iniquités ; on était alors dans lannée 145 (762 J. C.) : El-Mansour envoya à Médine une grande armée qui chassa limam Mohammed et sempara de sa famille et de ses amis. Limam, sétant échappé, se dirigea secrètement vers les pays de la Nubie, où il demeura Jusquà la mort del-Mansour (que Dieu lui fasse miséri corde !). El-Mehdi; fils del-Mansour, devint khalife à la place de son père ; Mohamnaed ben Abd Allah ben Hosseïn partit pour la Mecque à lépoque du Mousam, et, à son arrivée, il convoqua le peuple pour se faire proclamer souverain ; un nombreux parti laccueillit, et les habitants de la Mecque et de Médine, ainsi quun grand nombre dhommes de lHedjaz, se soumi rent à lui. Mohammed fut surnommé le Probe, à cause de sa dévotion et de son extrême probité, de ses aumônes, de son abstinence, de sa science et de ses bienfaits. Il avait six frères : Yahya, Soliman, Ibrahim, Aïssa; Ali et Edriss; il en dépêcha plusieurs dans les principaux pays, avec mis sion de faire reconnaître sa souveraineté. Ali, quil envoya en Ifrîkya, fait accueilli par un grand nombre de tribus berbères, mais il mourut avant davoir atteint son but. Yahya, qui fut envoyé au Khorassan, y demeura jus quà lépoque de la mort de son frère Mohammed, où il se réfugia dans le pays de Deïlem. Il y fut bien reçu, parvint à sy faire reconnaître souverain, et devint très-puissant. Le khalife el-Rachid, après avoir vainement envoyé ses armées contre lui, fut obligé demployer la ruse, et parvint à lattirer à sa cour en lui donnant laman. Yahya resta quelque temps auprès du khalife et finit par y être empoisonné. Soliman alla en Égypte, et y demeura jusquà ce quil eût appris la mort de Mohammed son frère ; alors il passa successivement dans le Soudan, dans le Zâb africain(1), et arriva enfin à Tlemcen ; ville, du Maghreb, où il se fixa. Il eut un grand nombre denfants, qui, plus tard, à lépoque de son frère Edriss, prirent le nom dHosseïniens, à cause de leur descendance de Soliman, fils dAbd Allah, fils dHosseïn. Ce fut aussi alors, dit-on, que ces Hosseiniens se répandirent dans le sud, et pénétrèrent jusque dans le Sous el-Aksa(2). Cependant limam Mohammed étant devenu fort et puissant à la Mecque, en sortit avec une nombreuse troupe de soldats de lHedjaz, de lYémen et dautres lieux, pour attaquer larmée del-Mehdi. La rencontre eut lieu à un endroit connu sous le nom de Fadj, situé à six milles de la Mecque (que Dieu lennoblisse !). Un grand combat fut livré, et le mas sacre fut sanglant. Limam Mohammed fut tué (que Dieu lui fasse misé ricorde !), son armée mise en déroute, la majeure partie de ses soldats massacrés, et les autres dispersés et mis en fuite. Les cadavres furent aban donnés sur le champ de bataille, tant ils étaient nombreux, et devinrent la proie des oiseaux et des lions. Le combat eut lieu un samedi, jour de Trouyat(3), 8 du mois doul hidjâ de lannée 169 (786). Ibrahim, qui fut du nombre des fuyards, vint chercher asile à Bassora, où il se fixa. Il continua à faire la guerre à ses ennemis, jusquà ce quil eût trouvé la mort dans un combat (que Dieu lui pardonne !) Edriss, après la mort de son frère et des siens, prit 1a résolution de se réfugier dans le Maghreb. Il sortit, déguisé, de la Mecque, accompagné dun ancien serviteur, nommé Rachid, passa en Égypte, et arriva dans la capitale, qui était gouvernée par un des lieutenants del-Mehdi, nommé Ali ben Soliman el-Hachemy. Edriss et son serviteur firent halte en cette ville, et, un jour; tandis quils parcouraient les places et les rues, ils sarrêtèrent devant une fort belle maison, dont ils se mirent à contempler larchitec ture et lextérieur remarquable. En ce moment le maître du logis sortit, les salua, et, après quils eurent rendu le salut, leur demanda pourquoi ils con sidéraient ainsi cet édifice. « Seigneur, répondit Rachid, nous admirons sa grandeur, son archi tecture et sa solidité. Vous êtes étrangers, à ce que je vois ? dit cet homme. Puisse notre venue vous être propice ! nous sommes étrangers. Quel est votre pays ? LHedjaz. Et de quelle ville de lEldjaz ètes vous ? Nous sommes de la Mecque. Appartiendriez-vous aux descen dants dHosseïn, et seriez-vous du nombre de ceux qui ont pris la fuite après
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1 Zâb, ancienne province dAfrique, dont le chef-lieu était Biskera.
2 Sous el-Aksa, province extrême de la Mauritanie, chef-lieu Tarudant. (Géographie
dAboulféda et dIdirisi.)
3 jour de la boisson ; cest le jour où les pélerins de la Mecque boivent leau du puits de
Zemzem.
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ET ANNALES DE LA VILLE DE FÈS.
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la défaite de Fadj ?» A, cette question, Edriss et Rachid furent sur le point de déguiser la vérité. pour cacher leurs affaires ; mais, leur interlocuteur leur ayant paru bon et bienfaisant, Rachid répondit ; «Seigneur, sur votre physionomie il nous a semblé que nous navions que le bien à attendre de vous ; car vos actions doivent-être comme la sérénité de votre front et la joue de votre visage. Cependant, si nous nous faisions connaître à vous, si nous vous disions nos affaires, garderiez vous le secret ? Je vous le promets, au nom du Seigneur de la Kaaba ! Je cacherai vos affaires ; je garderai vos secrets, et je ferai tout ce qui me sera possible pour votre bien. - Cest ce que nous avions pensé de vous, et ce que nous attendions de votre bienfaisance, reprit Rachid. Eh bien, voici Edriss, descendant dHossein, fils dAli, fils dAbou Thaleb (que Dieu les agrée tous !), et je suis son serviteur Rachid, et je lai accompagné dans la fuite, parce que je craignais quil ne perdît la vie avant quil eût atteint le Maghreb. Rassurez-vous donc, et cessez de craindre. Jappartiens aussi au peuple de la Mecque, je suis un de ses serviteurs, et, comme tel, je dois être le premier à garder ses secrets et à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour son bien. Soyez donc sans peur, sans soupçons, car vous êtes mes hôtes.» Ils entrèrent alors dans la maison, et ils y demeurèrent quelque temps, comblés dattentions et de générosités. Cependant le gouverneur Ali ben Soliman el-Hachemy, ayant été informé de la présence de ces étrangers, fit venir lhôte qui les avait accueillis, et lui dit : «Je sais que tu donnes refuge chez toi à deux hommes, et le commandeur des croyants a ordonné de poursuivre les Hosseïniens, et de faire périr tous ceux que lon découvrirait. Il a envoyé ses cavaliers sur les chemins pour les chercher, et il a placé des gardes :sur les routes de la ville, pour visiter les caravanes, afin que nul ne passe avant davoir fait reconnaître son identité, expliqué sers affaires, et déclaré doù il vient et où, il va. Je ne veux point pourtant faire verser le sang du peuple de la Mecque, ni être cause quil lui arrive aucun mal. Je donne dont laman à toi et à tes hôtes ; va les trouver, et fais que dans trois jours ils ne punissent plus être en mon pouvoir !» LÉgyptien se rendit immédiatement auprès dEdriss et de Rachid, leur fit connaître ce dont il sagissait, et soccupa aussitôt des préparatifs de leur départ pour le Maghreb. Il ,acheta trois bêtes de somme, dont une pour lui, fit dabondantes provisions, et se . munit de tout ce qui était nécessaire pour aller en Ifrîkya. Il dit, ensuite à Rachid : «Sors avec la foule par la grande route, tandis quEdriss et moi nous prendrons un chemin détourné et solitaire. La ville de Barka sera le lieu de notre rendez-vous, et, nous ty attendrons; car là nous serons à labri des poursuites. - Ton avis est le mien,» répondit Rachid ; et, sétant déguisé en marchand, il sortit par, la grande
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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route avec la foule. Edriss et lÉgyptien partirent aussi, et, suivant toujours les lieux déserts, ils arrivèrent à la ville de Barka ; ils attendirent la venue de Rachid, et alors lÉgyptien, ayant renouvelé les provisions et tout ce qui était nécessaire pour la continuation du voyage de ses hôtes, leur dit adieu et retourna dans son pays. Edriss et: Rachid se mirent en route à travers lIfrîkya, et marchèrent à grandes journées jusquà ce quils eussent atteint la ville de Kairouan, où ils se reposèrent quelque temps avant de reprendre leur voyage vers le Maghreb el-Aksa. Rachid était de ceux qui réunissent en eux le courage, la science, la prudence, la force, lesprit, la religion et la pureté de la famille par excellence. En sortant de Kairouan, il revêtit par précaution Edriss dune robe de laine ordinaire et dun turban grossier, et, lui donnant des ordres, il affectait de le traiter comme un domestique. Ils allèrent ainsi jusquà Tlemcen, doù, après sêtre reposés quelques jours, ils se dirigèrent, vers les terres de Tanger, et ayant passé lOued Moulouïa, ils entrèrent dans le Sous el-Adna. Le Sous el-Adna est compris entre la Moui louïa et la rivière Oumm el-Rebya. Cest la terre productive du Maghreb ; elle est dune merveilleuse abondance. Le Sous el-Aksa est compris entre Tedla et le Djebel Derèn. Edriss et son serviteur marchèrent jusquà ce quils eussent atteint, la ville de Tanger. Tanger était alors la capitale du Maghreb, la mère de ses villes, la plus belle alors et la plus vieille. Mais jai déjà parlé de sa fonda tion et de ses annales dans mon grand ouvrage intitulé Zohrat el-Boustân fi Akhbâr el-Zeman. Edriss et Rachid. demeurèrent quelque temps à Tanger ; mais ils ne purent sy plaire, et ils se remirent en route. Ils arrivèrent à Oualily(1), chef lieu des montagnes de Zraoun. Oualily était une ville entourée de superbes murs de construction antique, et située au milieu de belles tertres, abondam ment arrosées et couvertes doliviers et de plantations. Edriss descendit chez le chef dOualily, nommé Abd el-Medjid, qui le reçut généreusement, et qui, en lui entendant conter son histoire, donna les plus grandes marques de joie, laccueillit dans sa propre maison et le servit en cherchant à prévenir tous ses désirs. Ce fut lan 172 (788 J. C.) quEdrisss entra dans le Maghreb. Son arri vée chez Abd el-Medjid à Oualily eut lieu dans les premiers jours du mois béni raby el-aouel de la même année. Edriss demeurait depuis six mois à Oualily, lorsque dans le commen cement du ramadhan de ladite année, Abd el-Medjid, ayant rassemblé ses frères et les Kabyles dOuaraba, leur fit connaître lhistoire dEdriss, ses vertus et sa parenté avec le prophète de Dieu (que le Seigneur le comble de
____________________ 1 Oualily, aujourdhui Zaouïa Moulaï Edriss, située deux des montagnes de Zraoun, à vingt myriamètres environ de Fès et en vue de Mekenès. Lien saint inaccessi ble aux infidèles.
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bénédictions et lui accorde le salut). Il leur parla de sa noblesse, de sa science, de sa religion et de toutes les autres bonnes qualités qui étaient réu nies en lui. «Loué soit Dieu qui nous là donné ! sécrièrent les Kabyles. Sa présence au milieu de nous, nous ennoblit ; car il est notre maître et nous sommes ses esclaves, prêts à mourir, pour lui ! Mais dites : Que désirez vous de nous ? Proclamez-le souverain, répondit Abd el-Medjid. Nous avons entendu; quil soit notre souverain, quil reçoive ici le serment de notre Soumission et de notre fidélité !»
HISTOIRE DU RÈGNE DE LIMAM EDRISS LHOSSEÏNIEN, PREMIER IMAM SOUVERAIN DU MAGHREB.
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Edriss, fils dAbd Allah, fils dHossein, fils del-Hosseïn, fils dAli, fils dAbou Thaleb (que Dieu les agrée !), se montra en public dans la ville dOualily, le vendredi quatrième jour du mois de Dieu ramadhan de lan née 172. La tribu des Ouaraba fut la première à le saluer souverain; elle lui donna le commandement et la direction du culte, de la guerre et des biens. Ouaraba était à cette époque la plus grande des tribus du Maghreb ; puis sante et nombreuse, elle était terrible dans les combats. Vinrent ensuite la tribu des Zenèta et des fragments des tribus berbères de Zouakhta, Zouagha, Lemmaya, Louata, Sedretta, Khyata, Nefrata, Mekenèsa et Ghoumâra, qui le proclamèrent et se soumirent, à lui. Edriss affermit son gouvernement et son pouvoir ; de toutes parts ou venait en foule lui rendre hommage. Bientôt devenu puissant, il se mit à la tête dune immense armée, composée des principaux dentre les Zenèta, Oua raba, Senhadja et Houarâ, et il sortit pour faire une razia clans le pays de Temsena. Il se porta dabord sur la ville de Chella, qui était la plus proche, et sen empara. Il soumit ensuite une, partie du pays de Temsena et se dirigea sur Tedla, dont, il enleva les forteresses et les retranchements. Il ny avait dans ce pays que quelques musulmans ; les chrétiens et les juifs y étaient très-nombreux ; Edriss leur fit à tous embrasser la religion de Mohammed. Limam Edriss revint à Oualily, où il fit son entrée à la fin du mois doul-hidjâ de ladite année 172. Il y passa le moharrem, premier mois de lan 173 (789 J. C.), pour donner à ses gens le temps de se reposer, et il sortit de nouveau pour aller soumettre ce qui restait encore dans le Maghreb de Berbères, chrétiens, juifs ou idolâtres. Ceux-ci étaient retranchés et fortifiés sur des montagnes et dans des châteaux inaccessibles; néanmoins, limam ne cessa de les attaquer et de les combattre que lorsquils eurent tous, de gré ou de force, embrassé lislamisme. Il sempara de leur terres et de leurs retranchements ; il fit périr la plus grande partie de ceux qui ne voulurent pas se soumettre à lislam, et, dépouilla les autres de leurs familles et de leurs biens. Il ravagea le pays, détruisit les forteresses des Beni Louata, des
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Mediouna, des Haloula et les citadelles .des Khyata et de Fès ; il revint alors à Oualily et y entra vers le milieu de djoumada el-alchira de la même année 173. Un mois après, vers le 15 de radjeb, son armée étant reposée, limam se remit en campagne et se porta sur Tlemcen, qui était occupée par lies tribus des Mahgraoua et des Beni Yfran. Étant arrivé dans les environs de cette ville, il campa, et aussitôt lémir Mohammed ben Ghazen ben Soulat el-Maghraouy el-Ghazy, qui la commandait, vint vers lui pour demander laman. Edriss le lui accorda, et reçut sur le lieu même la soumission de Mohammed ben Ghazen et de tous ceux qui laccompagnaient. Limam entra sans coup férir à Tlemcen, donna laman au peuple et, édifia une belle mosquée, quil orna dune chaire sur laquelle il fit graver ces mots : «Au nom de Dieu clément et miséricordieux. Ce temple a été élevé par les ordres de limam Edriss ben Abd Allah ben Hossein ben elHosseïn ben Ali ben Abou Thaleb, que Dieu les agrée !» On était alors au mois de safar de lannée 174 (180 J. C.). Sur ces entrefaites, on annonça au, khalife Rachid quEdriss avait conquis le Maghreb, que toutes les tribus lavaient proclamé souverain, et quil sétait emparé de la ville de Tlemcen, où il avait fait élever une mos quée. On linforma également du courage entreprenant de limam, de ses moyens, du grand nombre de ses sujets et de leur, puissance à la guerre, et on lui parla du dessein quil avait conçu de semparer de lIfrîkya. A ces nouvelles, le khalife craignit quEdriss, rendu puissant, ne vînt un jour lat taquer, car il nignorait pas ses bonnes qualités et lamour que les hommes portaient à ceux qui appartenaient à la famille du Prophète. (Que lieu le comble de bénédictions et lui accorde le salut !) Cette pensée lépouvanta et linquiéta vivement ; il envoya chercher son premier ministre Yhya ben Khaled ben Bermak, homme puissant et entendu dans les affaires du gouvernement, pour lui raconter ce quil venait dapprendre, et lui deman der conseil. Il lui dit quEdriss descendait dAli fils dAbou Thaleb et de Fatime, fille du Prophète (que; Dieu le comble de bienfaits et lui accorde le salut !), quil avait affermi sa souveraineté quil commandait de nombreu ses troupes, et quil sétait emparé de la ville de Tlemcen. «Tu sais, ajouta le khalife que Tlemcen est la porte de lIfrîkya, et que celui qui se rend maître de la porte est bientôt maître de la maison entière. Javais résolu denvoyer une forte armée pour faire périr Edriss ; mais ayant ensuite réflé chi à léloignement du pays, à la longueur de la route qui sépare lOrient de lOccident, jai vu quil était impossible aux armées de lIrak daller jusque redans le Sous, qui est situé à lOccident, et jai changé davis ; je ne sais que faire, donne-moi donc tes conseils. Mon opinion, répondit Yhya ben Khaled, est que vous envoyiez un homme résolu, rusé, éloquent et
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audacieux, qui tuera votre ennemi et vous en débarrassera. Cest bien, Yhya, ton opinion est bonne ; mais où trouver cet homme ? Prince des croyants, reprit le ministre, je connais parmi les gens de votre suite un individu nommé Soliman ben Djérir, entreprenant, audacieux, fourbe et méchant, fort en discussion, éloquent et rusé : vous pourriez lenvoyer. Quil parte à ]instant, dit le khalife, Aussitôt le ministre se rendit chez Soliman ben Djérir, lui apprit ce dont il sagissait et la mission dont le chargeait le prince des croyants, en lui promettant en récompense de léle ver aux premières dignités et de le combler de richesses et de biens ; il le munit de tout ce qui pouvait lui être nécessaire et le congédia. Soliman ben Djérir partit de Bagdad, et marcha avec diligence jusquà son arrivée dans le Maghreb. Il se heurta à Edriss dans la ville dOualily et le salua. Limam lui ayant demandé son nom, son origine, sa résidence Habituelle et le motif de son voyage, il répondit quil était un des anciens serviteurs de son père, et quayant eu de ses nouvelles, il était venu vers lui pour lui offrir ses ser vices, sa fidélité, et le dévouement quil professait pour ceux de :la famille par excellence, qui étaient supérieurs à tous et nétaient comparables quà eux-mêmes. Edriss, tranquillisé par ces paroles, laccueillit avec joie, lui accorda sa confiance et son estime, et bientôt il ne lui permit plus de le quit ter. Jusque-là limam ne sétait attaché particulièrement à personne, parce que, à cette époque, les habitants du Maghreb étaient grossiers et barbares; mais, reconnaissant la politesse, lesprit, les talents et la science quil y avait chez Soliman ben Djérir, il lui accorda son affection entière. Dans les assemblées où Edriss siégeait au milieu des principaux Berbères et Kaby les, Soliman prenait la parole, parlait des vertus et de la sainteté de la famille, par excellence, et, faisant venir le discours sur limam Edriss, il disait que lui seul était imam, et quil ny avait dimam que lui. Il appuyait son raisonnement de démonstrations et de preuves évidentes, et gagnait ainsi le cur dEdriss. Mais tandis que celui-ci, frappé de tant desprit., de talent et de connaissances, ladmirait et laimait toujours plus, Soliman cherchait le moyen et le moment de tuer limam, chose jusque-là impossi ble, car Rachid le serviteur ne quittait jamais son maître. Enfin, il arriva un jour que Rachid dut sortir pour faire quelques visites. Ben Djérir vint chez limam selon sa coutume, sassit auprès de lui et lui adressa quelques paroles. Bien certain de labsence de Rachid, il crut avoir trouvé loccasion favorable de mettre son projet à exécution, et il dit à Edriss : «Seigneur, puissé-je vous être propice ! Jai apporté avec moi de lOrient un flacon dessence odoriférante, et, comme il ny en a point dans ce pays, jai pensé que cétait à vous quil appartenait den faire usage plutôt quà moi, qui ne suis rien auprès de vous, et cest là ce que jai à vous offrir.» En même
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temps il sortit un flacon et le donna à Edriss, qui, après lavoir remercié beaucoup de cette attention, louvrit et se mit à en respirer le parfum. Ce quayant vu, Soliman ben Djérir, qui savait avoir atteint son but, se leva et sortit tranquillement, feignant davoir un besoin à satisfaire.; il, se rendit chez lui, et aussitôt, sautant sur un superbe cheval, excellent coursier, quil tenait toujours prêt à lévénement, il sortit de la ville dOualily, pour se mettre en sûreté par la fuite. Le flacon était empoisonné. A peine Edriss eut-il respiré lessence, que le poison, lui montant à la tête et se répandant bientôt dans le cerveau, létourdit, et il tomba sans connaissance la face contre terre, de sorte que personne ne put savoir ce quil avait, avant que Ben Djérir, auquel on ne pensait pas, se fût déjà fort éloigné. Limam resta dans cet état jusquau soir et rendit lâme (que Dieu lui fasse miséricorde !. Dès que le serviteur Rachid avait été informé de ce qui se passait, il était accouru en toute hâte et était arrivé auprès de son maître, qui respirait, encore, mais qui ne pouvait déjà plus proférer un seul mot, tant la mort était proche. Rachid, anéanti et ne sachant à quoi attribuer ce malheur, demeura au chevet dEdriss jusquau dernier moment. Limam Edriss mourut dans les derniers jours du. mois de raby el-aouel, an 177 (793 J. C.), après avoir gouverné le Maghreb pendant cinq ans et sept mois. On nest pas dac cord sur le genre dempoisonnement dont fut victime limam ; outre la version de lessence que lon vient de raconter, il en est dautres qui rap portent quEdriss sempoisonna en mangeant du chabel (alose), on bien des anguilles. Ceux-ci sappuyent sur ce que limam fut pris durant son agonie dun relâchement des parties génitales. Dieu connaît la vérité ! Cependant, après quon eut enseveli Edriss, Rachid demanda où était Soliman ben Djérir. On ne sut où le trouver, et bientôt des gens venus du dehors donnèrent la nouvelle quils lavaient rencontré à une distance de plusieurs milles de la ville. On comprit alors que cétait lui qui avait empoisonné limam, et aussitôt un grand nombre de Berbères et Rachid lui même, montant à cheval, partirent à sa poursuite : la nuit ne les arrêta point, et ils coururent tant que les chevaux eurent de forces ; ils succombèrent tous, excepté celui de Rachid, qui seul atteignit le fuyard au moment où il passait lOued Moulouïa. Rachid se précipita sur Soliman, lui coupa la main droite et lui porta trois coups de sabre sur la tête ; mais son cheval était à bout de forces, et il fut obligé de sarrêter avant, davoir tué le traître qui, mutilé et couvent de sang, continua à fuir. Ben Djérir arriva dans lIrak: des gens venus plus tard de Bagdad affirmèrent lavoir vu manchot du bras droit, et marqué de plusieurs cicatrices à la tête. Rachid, abandonnant la poursuite, retourna à la ville pour tranquilliser
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la population par sa présence et faire élever, un tombeau à limam. (Que
Dieu très-haut lui fasse miséricorde et lagrée !)
Edriss mourut sans enfants, mais il laissa sa femme enceinte. Mohammed
Abd el-Malek ben Mohammed el-Ourak dit avoir lu, dans louvrage inti
tulé Ed-Mekabès, dans El-Bekry, El-Bernoussy et plusieurs autres auteurs,
qui traitent de lhistoire des Edrissites, que limam Edriss, fils dAbd Allah,
qui navait point eu denfants durant sa vie, laissa, en mourant, sa femme,
Berbère de naissance et nommée Khanza, enceinte de sept mois.
Rachid, après avoir achevé de rendre les derniers devoirs à son maître, rassembla les chefs des tribus des principaux du peuple. «Limam Edriss, leur dit-il, est mort sans enfants, mais Khanza, sa femme, est enceinte de sept mois, et, si vous le voulez bien, nous attendrons jusquau jour de son accouchement pour prendre un parti. Sil naît un garçon, nous lélèverons, et, quand il sera homme, nous le proclamerons souverain ; car, descendant du prophète de Dieu, il apportera avec lui la bénédiction de la famille sacrée. Sil naît une fille, vous verrez ce que vous aurez à faire pour choisir entre vous un homme de bien. - Ils répondirent, ô vieillard béni ! pouvons-nous avoir dautre avis que le vôtre ? Ne tenez-vous pas auprès de nous la place dEdriss ? Comme lui donc soyez notre chef, dirigez notre culte, gouvernez-nous selon le Livre et le Sonna jusquau jour de laccou chement de Khanza ; si elle nous donne un garçon, nous lélèverons et le proclamerons souverain. Dans le cas contraire, nous ne serons point embar rassés ; car nul ici ne vous surpasse en vertus, en religion et en science !» Rachid, les remercia, et, après avoir prié avec eux, il les congédia. Il se mit donc à la tête des affaires, et gouverna les Berbères jusquau jour de lac couchement de Khanza, qui mit au monde un garçon, dune ressemblance frappante avec limam Edriss. Rachid présenta le nouveau-né aux princi paux dentre les Berbères, qui sécrièrent unanimement : «Cest Edriss lui même! Edriss na pas cessé de vivre,» et lon donna à lenfant le nom de son père. Rachid continua à gouverner les Berbères et, à veiller aux affaires. Dès que lenfant eut cessé dêtre allaité, il le prit auprès de lui, pour lui donner, une bonne éducation. Il commença par lui faire étudier le Koran (et à lâge de huit ans, le jeune Edriss le savait entièrement par cur). Il linstruisit dans le Sonna, la doctrine, la grammaire, la poésie, les sentences et les pensées arabes, dans lorganisation et la direction des biens. Il le fit exercer à monter à cheval, à lancer le javelot et lui enseigna lart et les ruses de la guerre. A dix ans, Edriss, fils dEdriss, possédait toutes ces connais sances. Rachid le présenta au peuple, pour le faire reconnaître souverain du Maghreb ; sa proclamation eut lieu dans la mosquée de la ville dOualily.
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HISTOIRE DU RÈGNE DE LIMAM EDRISS,
FILS DEDRISS LHOSSEÏNIEN. QUE DIEU LAGRÉE !
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Limam Edriss, fils dEdriss, fils dAbd Allah, fils dHosseïn, fils dEl-Hosseïn, fils dAli, fils dAbou Thaleb, que Dieu les agrée ! eut pour mère Khanza, femme quEdriss avait reçue en présent, et naquit le troi sième jour du mois de radjeb de lannée 177. Edriss ben Edriss, auquel on donna le prénom dAbou, el-Kasem, était le portrait vivant de son père; teint rose, chevelure frisée, taille parfaite, yeux noirs et parole facile ; très-bien élevé, savant dans le Livre de Dieu, dont il suivait fidèlement les préceptes, observateur du Hadits du Prophète que le Seigneur lui accorde le salut et le comble de bénédictions !), fort versé dans la doctrine et le Sonna, distinguant sagement ce qui est permis de ce qui est défendu, jugeant sainement tous les différends, désintéressé, reli gieux, charitable, généreux, laborieux, courageux, bon soldat, très-intelli gent, profond dans les science, et versé dans les affaires. Voici ce que rapporte Daoued ben Abd Allah ben Djafar. «Jaccompagnais Edriss, fils dEdriss, dans une expédition contre les Berbères hérétiques de Seferia, qui se présentèrent à nous au nombre de trois mille. Au moment où les deux troupes se furent rapprochées, je vis Edriss descendre de cheval, se purifier, se prosterner et invoquer le Dieu très haut, puis remonter à cheval et .se précipiter au combat. Le massacre fut sanglant ; Edriss, courant dun bout à lautre de sa ligne, frappait partout et sans cesse. Vers le milieu du jour, il se retira dans son Camp et vint. se placier près de son drapeau, tandis que ses gens continuaient à combattre sous ses yeux ; je métais mis derrière lui, et je lobservais attentivement. Debout, à lombre des bannières, il excitait sa troupe au combat et diri geait ses mouvements. Jétais frappé détonnement, par tant de courage et de talent, lorsque, ayant tourné la tête, il maperçut et me dit : ô Daoued ! quas-tu donc à mobserver ainsi ? Prince, lui répondis-je, jadmire en vous des choses que je nai vues chez nul autre. Et quelles sont ces choses, Daoued ? Ce sont, repris-je, votre beauté, votre élégance, la tranquillité de votre cur, la sérénité de votre visage, et lardeur sans pareille avec laquelle vous fondez sur vos ennemis ! Ces biens, ô Daoued, me viennent de la bénédiction de mon aïeul, le prophète de Dieu (que le Seigneur lui accorde le salut !) qui veille sur moi, et pour lequel je prie ; ils sont aussi lhéritage de notre père Ali, fils dAbou Thaleb (que Dieu lagrée !) Comment se fait-il, prince, lui dis-je encore, que vous ayez la bouche si fraîche, tandis que la mienne est sèche et brûlante. - Ceci, Daoued, provient du sang-froid et du courage que japporte à la guerre,
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tandis que chez toi ; esprit faible, la peur dessèche la bouche et trouble les sens. Et pourquoi, seigneur, vous agitez-vous sur la selle ? Pourquoi, courant sans cesse, ne restez-vous pas a un moment au même endroit ? Lactivité et la résolution, ô Daoued, sont choses bien nécessaires à la guerre. Ne va pas penser, au moins, que ces courses et ces mouvements soient motivés par la crainte,» et il ajouta en vers : « Tu ne sais donc pas que notre père Hachim, ceignant ses vêtements, a transmis à ses fils lart de frapper de la lance et du sabre ? Nous ne redou tons pas la guerre, et la guerre ne nous dédaigne pas. Si le malheur nous atteint, nous ne nous plaignons pas.» Edriss était bon poète. Voici ce quil écrivit à un certain Behloul ben Abd el-Ouahed, chef puissant et son allié, auquel Ben el-Khaleb, lieute nant du khalife El-Rachid, qui commandait dans lIfrîkya, avait conseillé de passer de son côté et de se soumettre au khalife, avec promesse de lui donner les plus grands biens : «O Behloul ! les grandeurs dont ton esprit se flatte auront bientôt changé leur éclat en tristesse. Ibrahim, quoique loin de toi, te trompe ; et demain tu te trouveras bridé sans ten douter. Comment ne connais-tu point les ruses de Ben el-Khaleb ? Demande, et tous les `pays te les feront con naître. Tes plus belles espérances, Behloul ne sont que malheurs ! les pro messes dIbrahim sont des chimères !» Edriss eut pour ministre Ameïr ben Mosshab Elezdy ; pour kady, Amer ben Mohammed ben Saïd el-Kasby, et pour secrétaire Abou el-Has sen Abd Allah ben Malek el-Ensary. Limam Edriss ayant accompli dix ans et cinq mois, Rachid le Ser viteur résolut de le mettre à la tête du gouvernement des tribus berbères et autres du Maghreb ; mais il men eut point le temps, car Ibrahim ben Khaleb, qui gouvernait dans lIfrîkya, ayant connu son projet, gagna, par de fortes sommes envoyées secrètement, les Berbères de sa suite, qui le mirent à mort en 188 (803 J. C.). Rachid fut remplacé dans les affaires par Abou Khaleb ben Yezid ben Elias el-Hamoudi, qui fit reconnaître, vingt jours après, la souveraineté dEdriss par toutes les tribus berbères. Sa pro clamation eut lieu un vendredi, au commencement du mois de raby el aouel, an 188. Abd el-Malek et-Ourak, parlant dans son histoire de la mort de Rachid, rapporte ce qui suit : «Ibrahim ben Khaleb, dans une de ses lettres au khalife Rachid, écri vit en témoignage de soit dévouement et de sa. fidélité. Sachez que Rachid a succombé à mes ruses et nexiste plus, et que je tends pour Edriss de nouvelles embûches. Jai su les atteindre dans leur demeure lointaine, et je leur ai fait justement ce quils voulaient me faire. Cest le frère de Hakim
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qui a tué Rachid, mais cest moi qui lai poussé, car il dormait tandis que je veillais.» Celui que Ben Khaleb désigne par le frère de Hakim se nommait Mohammed ben el-Mekatel el-Haky, et avait aussi un commandement dans lIfrîkya que le khalife Rachid lui ôta à cette occasion pour le donner à Ibrahim ben el-Khaleb. Dans Bekry et Bernoussy on trouve que Rachid ne mourut quaprès la proclamation dEdriss, et il est dit ce qui suit : «Limam Edriss, ayant accompli sa onzième année, possédait un esprit, un talent, une raison et une éloquence qui surprenaient les sages et les savants ; Rachid le présenta aux Berbères pour le faire reconnaître comme souverain. Cétait le vendredi de raby el-aouel, an 188. Edriss monta en chaire pour réciter au peuple les prières de ce jour, et dit : Louange à Dieu ! je le glorifie ! Quil me pardonne et me secoure ! Dieu unique, je vous ai imploré ; guidez mon âme dans le bien, préservez-moi du mal et préservez-en les autres. Ici, je le témoigne, il ny a de Dieu que Dieu, et notre seigneur Mohamamed (que le Tout-puissant le bénisse !) est son serviteur et son prophète, envoyé auprès des hommes et des génies pour les avertir, les instruire et les rappeler dans la voie du ciel, au nom de leur Dieu et par des signes évidents. Répandez, ô mon Dieu, vos bénédictions sur lui et la famille sacrée, famille pure, préservée de tout mal et exempte de toute souillure ! Ô hommes ! je vais avoir désormais le commandement de ces affaires que Dieu récompense ou punit doublement, selon quelles sont bonnes ou mauvaises. Nallez donc pas chercher un autre chef que moi, et soyez certains que je comblerai vos désirs, tant quils seront con formes à la justice. Les assistants furent frappés de la clarté, de lesprit, de lénergie et du sang-froid quEdriss déployait, si jeune, et à peine fut-il descendu de chaire quils se portèrent en foule vers lui pour lui baiser la main en signe de leur soumission. Cest ainsi queut lieu la proclamation, dEdriss dont la souveraineté fut reconnue par les tribus des Zenèta, Oua raba, Senhadja, Goumâra et tous les Berbères du Maghreb. Rachid mourut quelque temps après.». Dieu connaît la vérité ! Edriss ayant reçu la soumission de tous les habitants du Maghreb, régularisa et étendit sa domination, augmenta le nombre de ses officiers et agrandit ses armées. On accourait vers lui de tous pays et de tous côtés. Il employa le reste de lannée de sa proclamation, 188, à distribuer des biens, à faire des présents aux nouveaux venus et à sattacher les grands et les cheïkhs. En 189 (804 àu J. C.), une foule dAra bes des pays dIfrîkya et dAndalousie arrivèrent chez Edriss, ainsi que cinq cents cavaliers environ des tribus dAkhysia, El-Houzd, Medehadj, Beni Yahthob, Seddafy et autres. Limam les accueillit avec joie, les éleva aux honneurs et les initia aux affaires de son gouvernement, à lexclusion des
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Berbères, auxquels il les préférait à cause de lidiome arabe que ces der niers ne savaient pas. Il choisit pour ministre Ameïr ben Mosshab ; cétait un des principaux chefs arabes dont le père, Mosshab, sétait maintes fois distingué en lfrîkya et en Andalousie, où il sétait valeureusement comporté dans les guerres contre les chrétiens. Il éleva également Amer ben Moham med ben Saïd el-Akhyssy de Khys Khillen à la dignité de kady. Amer était homme de bien, intègre, instruit, et versé dans les doctrines dEl-Malek et de Souffian el-Tourry, quil suivit exactement. Edriss se décida à aller faire la guerre sainte en Andalousie ; mais à peine fut-il descendu dans lAdoua, quil fut rejoint par un grand nombre dArabes et autres qui venaient se rallier à lui de tous les points du Maghreb ; alors, considérant que sa domination sétait étendue, que son armée sétait augmentée à tel point que Oualily était désormais trop petite pour la con tenir, limam conçut lidée de bâtir une nouvelle ville pour lui, sa famille, sa suite et les principaux de ses sujets. Revenant donc sur son premier des sein, il partit, avec quelques officiers et les chefs de sa suite, à la recherche dun emplacement. On était alors en 190 (8o5 J. C.). Arrivé au Djebel Oua likh, Edriss, charmé de la position du terrain, de la douce température et de létendue des vallées qui entouraient cette montagne ; traça à sa base le circuit de la ville. On commença à bâtir ; mais déjà une partie des murs denceinte était élevée, lorsque un torrent, se précipitant une nuit du haut de la montagne, détruisit tout ce qui était construit, emporta les habitations des Arabes et dévasta les champs. Edriss cessa de bâtir et dit : «Ce lieu nest point prospère à lélévation dune ville, car le torrent le domine.» Cest ainsi que Ben el-Ghâleb rapporte ce fait dans son histoire. On raconte aussi quEdriss, fils dEdriss, ayant atteint le sommet du Djebel Oualikh, fut charmé de la belle vue que lon avait de tous côtés; et ayant rassemblé les chefs et les principaux de leurs sujets, il leur ordonna de bâtir au pied de la montagne. Ceux-ci, se mettant à louvrage, construisirent des maisons, percèrent des puits, plantèrent des oliviers, des vignes et autres arbustes. Limam lui-même jeta les fondements dune mosquée et des murs den ceinte, qui étaient déjà élevés au plus du tiers de leur hauteur, lorsquune nuit la tempête survint et plusieurs torrents réunis, descendant impétueuse ment de la montagne, détruisirent tout ce qui avait été construit, dévastè rent les plantations et emportèrent les débris jusquau fleuve Sebou où ils sengloutirent. Un grand nombre dhommes périrent cette nuit-là, et telles furent les causes qui firent abandonner les travaux en cet endroit. Au commencement de moharrem, an 191 (806 J. C.), limam Edriss se mit de nouveau en campagne pour aller chercher lemplacement de la ville quil voulait construire. Arrivé à Khaoullen, près du fleuve Sebou, il fut séduit par le voisinage de leau et du bois, et résolut dy bâtir sa ville.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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Il commença à creuser les fondements, à préparer le mortier et à couper des pièces de bois ; mais au moment de construire, il lui vint à lidée que les eaux bouillonnantes du Sebou, déjà si abondantes, pouvaient bien; eu temps de pluie, augmenter encore et causer par leur débordement. la perte de ses gens. Saisi de crainte, il renonça encore cette fois à sa ville et revint à Oualily. Cependant, il chargea son ministre Ameïr ben Mosshab el-Azdy le lui trouver un emplacement convenable pour mettre son projet à exécution. Ameïr partit, accompagné de quelques hommes, et parcourut le pays en tous sens ; arrivé à Fhahs Saïs, il fut satisfait des terres vastes, fertiles et bien arrosées qui se déroulèrent devant lui, et il mit pied à terre près dune fontaine dont les eaux limpides et abondantes coulaient à travers de vertes prairies. Sétant purifié ainsi que ses gens à cette source, le ministre fit la prière du Douour et supplia. le Dieu très-haut de lui venir en aide et de lui désigner le lieu où il lui serait agréable que ses serviteurs demeurassent. Alors, remontant à cheval, il partit en ordonnant à ses gens dattendre là son retour. Ce fut Ameïr ben Mosshab qui donna le nom à cette fontaine, que de nos jours encore on appelle Aïn Ameïr. Cest de lui que descendent également les Beni Meldjoum, qui sont les maçons de Fès. Ameïr parcourut Fhahs Saïs et sarrêta aux sources de la rivière de Fès, qui jaillissent au nombre de soixante et plus, sur un beau terrain cou vert. de romarins, de cyprès, dacacias et autres arbres. «Eau douce et légère ! dit Ameïr après avoir bu à ces sources, climat tempéré, immenses avantages !... Ce lieu est magnifique ! Ces pâturages sont encore plus vastes et plus beaux que ceux du fleuve Sebou !» Puis, suivant le cours de la rivière, il arriva à lendroit où la ville de Fès fut bâtie ; cétait un vallon situé. entre deux hautes montagnes richement boisées, arrosé par de nom breux ruisseaux, et qui était alors occupé par les tentes des- tribus des Zènèta désignées sous les noms de Zouagha et Beni Yarghich. Retournant près dEdriss, le ministre lui rendit compte de ce quil avait vu, et lui fit une longue description de ce pays si beau, si fertile, abon damment arrosé et placé sous un climat doux et sain. Limam, émerveillé, lui demanda : «A qui donc appartient cette propriété ? A la tribu des Zouagha, quon appelle aussi Beni el-Kheïr (Enfants du Bien), répondit Ameïr. Ce nom est de bon augure, dit Edriss, et aussitôt il envoya chez les Enfants du Bien pour acheter lemplacement, de la ville, quil leur paya 6,000 drahem, ce dont il fit dresser acte. On raconte aussi que lendroit où Fès est située était habité par deux tribus zenèta, les Zouagha et, les Beni Yarghich, hommes libres, dont les uns professaient lislamisme et les autres étaient chrétiens, juifs ou ido lâtres. Les Beni Yarghich étaient campés sur le lieu nommé aujourdhui
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Adoua el-Andalous ; mais leurs habitations et leurs familles étaient à Bel Chybouba. Les Zouagha occupaient lemplacement actuel de lAdoua elKairaouyn. Ces deux tribus étaient constamment en guerre, et elles se battaient pour une question de territoire, lorsque Edriss et son ministre Ameïr arrivè rent. Limam, ayant appelé à lui les principaux des deux partis, leur fit faire la paix et leur acheta lemplacement de Fès, qui étant alors couvert de bois et deau, et servait de repaire aux lions et aux sangliers. Suivant un autre récit, limam acheta des Beni Yarghich lemplace ment de lAdoua el-Andalous pour l,500 drahem quil leur paya, et fit dres ser lacte de vente par son secrétaire le docte Abou el-Hassen Abd Allah ben Malek el-Ensary el-Regeragi. On était alors en 191. Edriss commença à bâtir et établit ses tentes à lendroit nommé aujourdhui encore el-Gedouara quil entoura de broussailles et de roseaux: Ce fut après cela quEdriss acheta pour 3,500 drahem lemplacement de lAdoua el-Kairaouyn, qui appartenait aux Beni el-Kheïr, fraction, des Zouagha
HISTOIRE DES CONSTRUCTIONS FAITES PAR LIMAM EDRISS DANS LA VILLE DE FÈS. DESCRIPTION DES BIENFAITS ET DES BEAUTÉS QUE DIEU A DISPENSÉS À FÈS, QUI EXCELLE SUR TOUTES LES AUTRES VILLES DU MAGHREB.
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Lauteur du livre (que Dieu lagrée !) continue : Depuis sa fondation, la ville de Fès a toujours été le siège de la sagesse, de la science, de la paix et de la religion ; pôle et centre du Maghreb, elle fut la capitale des Edrissites hosseïniens qui la fondèrent, et la métropole des Zenèta, des Beni Yfran, des Maghraoua et autres peuples mahométans du Maghreb. Les Lemtuna sy fixèrent quelque temps, lors de leur domination; mais bientôt ils bâtirent la ville de Maroc, quils préférèrent à cause de la proximité de leur pays, situé dans le sud. Les Mouâhédoun (Almohades), qui vinrent après eux, suivirent leur exemple par la même raison; mais Fès a toujours été la mère et la capi tale des villes du Maghreb, et aujourdhui elle est le siége des Beni Meryn qui la chérissent et la vénèrent. (Que Dieu perpétue leurs jours !) Fès réunit en elle eau douce, air salutaire, moissons abondantes, excellents grains, beaux fruits, vastes labours, fertilité merveilleuse, bois épais et proches, parterres couverts de fleurs, immenses jardins potagers, marchés réguliers attenant les uns aux autres et traversés par des rues très droites ; fontaines pures, ruisseaux intarissables qui coulent à flots pressés sous des arbres touffus, aux branches entrelacées, et vont ensuite arroser les ,jardins dont la ville est entourée. Il faut cinq choses à une ville, ont dit les philosophes : eau courante, bon labour, bois à proximité, constructions solides, et un chef qui veille à sa prospérité, à la sûreté de ses routes et air respect dû à sa puissance. A ces
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conditions, qui accomplissent et ennoblissent une ville, Fès joint encore de grands avantages, que je vais décrire, sil plait à Dieu. Dans nulle partie du Maghreb on ne trouve de si vastes terres de labour et des pâturages si abondamment arrosés que ceux qui entourent Fès. Du côté du midi sélève la montagne des Beni Behloul, dont les forêts superbes donnent cette quantité incalculable de bois de chêne et de charbon que lon voit accumulée chaque matin aux portes de la ville. La rivière, qui partage la ville en deux parties, donne naissance, dans son intérieur, à mille ruisseaux qui portent leurs eaux dans les lavoirs, les maisons et les bains, et arrosent les rues, les places, les jardins, les parterres, font tourner les moulins et emportent avec eux toutes les immondices. Le docte et distingué Abou el-Fadhl ben el-Nahouy, qui a chanté les louanges et la description de Fès, sest écrié : «O Fès, toutes les beautés de la terre sont réunies en toi ! De quelle bénédiction, de quels biens ne sont pas comblés ceux qui thabitent ! Est-ce ta fraîcheur que je respire, ou est-ce la santé de mon âme ? Tes eaux sont elles du miel blanc ou de largent ? Oui peindra ces ruisseaux qui sentre lacent sous terre et vont porter leurs eaux dans les lieux dassemblées, sur les places et sur les chemins !» Le docte Abou el-Fadhl ben el-Nahouy était de ceux qui possèdent science, religion, intégrité et bienfaisance, ainsi quil est dit dans le Téchaouif qui traite de lhistoire des hommes savants du Maghreb. Un autre illustre. écrivain, le docte et très-savant Abou Abd Allah el-Maghyly, étant kady à Azimour, a dit ce qui suit dans une de ses odes à Fès : «O Fès ! que Dieu conserve ta terre et tes jardins, et, les abreuve de leau de ses nuages ! Paradis terrestre qui surpasse en beautés tout ce quil y a de plus beau et dont la vue seule charme et enchante ! Demeures sur demeures aux pieds desquelles coule une eau plus douce que la plus douce liqueur ! Parterres semblables au velours, que les allées, les plates-bandes et les ruisseaux bordent dune broderie dor ! Mosquée el-Kairaouyn, noble nom! dont la cour est si. fraîche par les plus grandes chaleurs !... Parler de toi me console, penser à toi fait mon bonheur ! Assis auprès de ton admira ble rejet deau, je sens la béatitude ! et avant de le laisser tarir, mes yeux se fondraient en pleurs pour le faire jaillir encore !» Lauteur du livre reprend : LOued Fès, dont. leau lemporte par la douceur et la légèreté sur le meilleures eaux de la terre, sort de soixante sources qui dominent la ville. Cette rivière traverse dabord une vaste pleine couverte de gossampins et de cyprès: puis, serpentant à travers les prairies toujours vertes qui avoisinent la ville, elle entre à Fès, où elle se divise, comme on la dit, en une infinité de petits ruisseaux. Enfin. Sortant de Fès,
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elle arrose les campagnes et les jardins, et va se jeter dans le fleuve Sebou, à deux milles de la ville. Les propriétés de leau de lOued Fès sont nombreuses ; elle guérit de la maladie de la pierre et des mauvaises odeurs ; elle adoucit la peau et détruit les insectes ; on peut sans inconvénient eu boire en quantité à jeun, tant elle est douce et légère (qualités quelle acquiert en coulant à travers le gossampin et le cyprès). Le médecin Ben Djenoun rapporte que, bue à jeun, cette eau rend plus agréable le plaisir des sens. Elle blanchit le linge sans quil soit nécessaire demployer du savon, et elle lui donne un éclat et un parfum surprenants. On tire de lOued Fès des pierres précieuses qui peu vent. remplacer les perles fines. Ces pierres valent un metkal dor la pièce, ou plus ou moins, selon leur pureté, leur beauté et leur couleur. On trouve également dans cette rivière des cheratyns (écrevisses) qui sont très-rares dans les eaux de lAndalousie, et on y pèche plusieurs espèces de poissons excellents et très-sains, tels que el-boury (le mulet), el-seniah, el-lhebyn (cyprinum), el-bouka (murex) et autres. Eu résumé, lOued Fès est supérieur aux autres rivières du Maghreb par ses bonne, et utiles qualités. Il nexiste nulle part des mines de sel aussi remarquables que celles de Fès ; situées à six milles de la ville, ces mines occupent un terrain de dix-huit milles, et sont comprises entre le hameau de Chabty et lOued Mesker, dans le Demnet el-Bakoul. Elles, donnent différentes espèces de sel variant entre elles de couleur et de pureté. Ce sel, rendu en ville, coûte un drahem les dix sâa, quelquefois plus, quelquefois moins, selon le nombre des ven deurs; autrefois avec un drahem on en avait une charge (de chameau), et sou vent même les marchands ne pouvaient sen défaire, tant labondance était grande ; mais ce qui est vraiment merveilleux, cest que lespace occupé par ces mines est coupé en divers sens par des champs cultivés, et certes, quand au milieu du sel on voit sélever de belles moissons dont les épis se balan cent sur de vertes tiges, on ne peut que dire : cest là un bienfait de Dieu, un signe de sa bénédiction ! A un mille environ de Fès est situé le Djebel, Beni Bazgha, qui fournit ces quantités indicibles de bois de cèdre qui chaque jour arrivent en ville. Le fleuve Sebou, qui na quune seule source, sort dune grotte de cette monta gne et suit son cours à lest de Fès, à. une distance de deux milles. Cest dans ce fleuve que lon pèche le chabel et le boury (lalose et le mulet), qui arrivent si frais et en si grande quantité sur les Marchés de la ville. Cest aussi sur les bords du Sebou que les habitants de Fès viennent faire leurs parties de plaisir. À tous les avantages qui distinguent, Fès des autres villes, il faut ajou ter encore les beaux bains de Khaoulen, situés à quatre milles de ses portes, et dont les eaux sont dune chaleur extraordinaire. Non loin de Khaoulen sont enfin les magnifiques thermes de Ouachnena et de Aby Yacoub, les
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plus renommés du Maghreb. Les habitants de Fès ont lesprit plus fin et plus pénétrant que les autres peuples du Maghreb ; fort intelligents, très-charitables, fiers et patients, ils sont soumis à leur chef et respectent leur souverain. En temps danarchie ils lont toujours emporté sur les autres par leur sagesse, leur science et leur religion. Depuis sa fondation, Fès a toujours été propice aux étrangers qui sont venus sy établir. Grand centre, on se réunissent en nombre les sages, les docteurs, les légistes, les littérateurs, les poètes, les médecins et autres savants, elle fut de tout temps le siége de la sagesse, de la science, des études nouvelles et de la langue arabe, et elle contient à elle seule plus de connais sances que le Maghreb entier. Mais, sil na jamais cessé den être ainsi, il faut lattribuer aux bénédictions et aux prières de celui qui la fondée; limam Edriss, fils dEdriss (que Dieu lagrée !), au moment dentreprendre les premiers travaux, leva les mains au ciel et dit : «O mon dieu ! faites que ce lieu soit la demeure de la science et de la sagesse ! que votre livre y soit honoré et que vos lois y Soient respectées ! Faites que ceux qui lhabiteront restent fidèles au Sonna et à la prière aussi longtemps que subsistera la ville que je vais bâtir !» Saisissant alors une pioche, Edriss commença les pre miers fondements. Depuis lors jusquà nos jours, an 726 (1325 J. C.), Fès a effectivement toujours été la demeure de la science, de la doctrine orthodoxe, du Sonna, et le lieu de réunion et de prières. Dailleurs, pour expliquer tant de bienfaits et de grandeurs, ne suffit-il pas de connaître la prédiction du prophète (que Dieu le bénisse et le sauve !), dont les propres paroles sont rapportées dans le livre dEdriss ben Ismaël Abou Mimouna, qui a écrit de sa propre main ce qui suit : « Abou Medhraf dAlexandrie ma dit quil tenait de Mohammed ben Ibrahim el-Mouaz; lequel le tenait de Abd er-Rahmann ben el-Kassem, qui le tenait de Malek ben Ans, qui le tenait de Mohammed ben Chahab elZahery, qui le tenait de Saïd _ ben el-Messyb, qui le tenait dAbou Hérida, lequel avait entendu de Sidi Mohammed lui-même (que Dieu le sauve et le bénisse !) la prophétie suivante : Il sélèvera dans lOccident une ville nommée Fès qui sera la plus distinguée des villes du Maghreb ; son peuple sera souvent tourné vers lOrient; fidèle au Sonna et à la prière, il ne sécar tera jamais du chemin de la vérité ; et Dieu gardera ce peuple de tous les maux jusquau jour de la résurrection !» Abou Ghâleb raconte dans son histoire quun jour limam Edriss, se trouvant sur lemplacement de la ville quil voulait bâtir, était occupé à en tracer les, contours, lorsque arriva vers lui un vieux solitaire chrétien, qui paraissait bien avoir cent cinquante ans, et qui passait sa vie en prières dans
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un ermitage situé mon loin de cet endroit. «Que le salut soit sur toi ! dit le solitaire en sarrêtant; réponds, émir, que viens-tu faire entre ces deux montagnes ? Je viens, répondit Edriss, élever une ville où je demeurerai et où demeureront mes enfants après moi, une ville où le Dieu très-haut sera adoré, où son Livre sera lu et où lon suivra ses lois et sa religion ! Si cela est, émir, jai une bonne nouvelle à te donner. Quest-ce donc, ermite ? Écoute. Le vieux solitaire chrétien, qui priait avant moi dans ces lieux et qui est mort depuis cent ans, ma dit avoir trouvé dans le livre de la science quil exista ici une ville nommée Sèf qui fut détruite il y a dix-sept cents ans, mais quun jour il viendrait un homme appartenant à la famille des prophètes, qui rebâtirait cette ville, relèverait ses établissements et y ferait revivre une population nombreuse ; que cet homme se nomme rait Edriss; que ses actions seraient grandes et son pouvoir célèbre, et quil apporterait en ce lieu lislam qui v demeurerait jusquau dernier jour. Loué soit Dieu ! Je suis cet Edriss,» sécria limam, et il commença à creu ser les fondations. A lappui de cette version lauteur cite le passage dEl-Bernoussy où il est dit quun juif, creusant les fondements dune maison près du pont de Ghzila, sur un lieu qui était encore, comme la plus grande partie de la ville, couvert de buissons, de chênes, de tamarins et autres arbres, trouva une idole en marbre, représentant une jeune fille, sur là poitrine de laquelle étaient gravés ces mots en caractères antiques : «En ce lieu, consa cré aujourdhui à la prière, étaient jadis des thermes florissants, qui furent détruits après mille ans dexistence.» Daprès les recherches des savants qui se sont particulièrement occupés des dates et de la fondation de la ville de Fès, Edriss jeta les premiers fondements le premier jeudi du mois béni de raby el-aoued, an 192 de lhégyre (3 février 808 J. C.). Il commença par les murs denceinte de lAdoua(1) el-Andalous, et, un an après, dans les premiers jours de raby el-tâni, an 193, il entreprit ceux de lAdoua el-Kai raouyn. Les murs de lAdoua el-Andalous étant achevés, limam fit élever une mosquée auprès du puits nommé Gemda el-Chiak (lieu de réunion des cheïkhs) et y plaça des lecteurs. Ensuite il fit abattre les arbres et les brous sailles qui couvraient de leurs bois épais lAdoua el-Kairaouyn, et il décou vrit ainsi une infinité de sources et de cours deau. Ayant mis les travaux en train sur cet emplacement, il repassa dans lAdoua el-Andalous et séta blit, sur le lieu appelé el-Kermouda ; il construisit la mosquée El-Cheyâa (que Dieu lennoblisse !) et y plaça des lecteurs. Ensuite il bâtit sa propre maison, connue jusquà ce jour sous le nom de Dar el-Kytoun et habitée par les chérifs Djoutioun, ses descendants; puis il édifia lAl-Kaysserïa (les bazars) à côté de la mosquée, et établit tout autour des boutiques et des
____________________ 1 Adoua, rive ; les rives dun fleuve, dun ruisseau, les deux côtés dun détroit.
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places. Cela fait, Edriss ordonna à ses gens de construire leurs demeures. «Ceux dentre vous, dit-il, qui auront choisi un terrain et qui auront sur ce terrain établi des maisons ou des jardins avant que les murs denceinte soient entièrement achevés, en resteront propriétaires. Je le leur donne, dès à présent, pour lamour du Dieu très-haut.» Aussitôt le peuple se mit à bâtir et à planter des arbres fruitiers ; chacun, choisissant un emplacement assez vaste pour construire sa demeure et son jardin, le défrichait et employait à la construction de sa maison le bois des arbres quil abattait. Sur ces entrefaites, une troupe de cavaliers persans de lIrak, appar tenant en partie aux Beni Mélouana, arrivèrent auprès dEdriss et campè rent dans le voisinage de l lAïn-Ghalou ; cette fontaine, située au milieu dune épaisse forêt de dhehach, de ghyloun, de kelkh, de besbâs et autres arbres sauvages, était la demeure dun nègre nommé Ghalou, qui arrêtait les passants. Avant la fondation de Fès, personne nosait sapprocher de cet endroit, ni même se mettre en chemin, de peur de rencontrer Ghalou. A cette peur se joignait lépouvante quoccasionnaient le bruissement des bois épais, le grondement de la rivière et des eaux, et des cris des bêtes féroces qui avaient là leurs repaires. Les bergers fuyaient ces parages avec leurs troupeaux, et si quelquefois il leur arrivait de se hasarder de ces côtés, ce nétait, jamais que sous une nombreuse escorte. Edriss commençait à bâtir sur lAdoua el-Andalous lorsquil apprit ces détails; immédiatement il donna lordre de semparer du nègre, et, dès quon le lui eut amené, il le tua et fit clouer le cadavre à un arbre situé au-dessus de ladite fontaine, où il le laissa jusquà ce quil eût entièrement disparu en lambeaux de chair décomposée. Cest de là que vient le nom de Ghalou que cette fontaine porte encore aujourdhui. Dans la construction des murs de lAdoua el-Kairaouyn, limam prit pour point de départ le sommet de la colline dAïn Ghalou, où il fit la pre mière porte de la ville quil nomma Bab Ifrîkya (porte dAfrique) ; de là, portant les murs vers Aïn Derdoun et jusquà Sabter, il éleva la deuxième porte Bab Sadaun ; de Bab Sadaun, il se dirigea vers Ghallem, où il établit la porte appelée Bab el-Fars (porte de Perse) ; de Ghallem, il descendit sur les bords de la rivière (Oued Kebir) qui sépare les deux Adoua, et il fit le Bab el-Facil (porte de la séparation), qui conduit dune Adoua à lautre. Passant sur lautre rive, il construisit, en remontant le cours de leau, cinq mesafat de murs, au bout desquels il établit le Bab el-Ferdj (porte du soula gement), que lon nomme aujourdhui Bab-el-Selsela (porte de la chaîne); repassant la rivière et rentrant sur lAdoua el-Kairaouyn, il remonta de nouveau le courant jusquaux fontaines situées entre El-Sad et El-Gerf, et construisit là le Bab el-Hadid (porte de fer) ; rejoignant enfin cette dernière porte au Bab Ifrîkya, il acheva lenceinte de lAdoua el-Kairaouyn, ville
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de grandeur moyenne, ayant six portes, abondamment arrosée et contenant grand nombre de Jardins et de moulins à eau. Passant à lAdoua el-Anda lous, il construisit au midi la porte par laquelle on prend le chemin de Sid jilmeça, que lon nomme aujourdhui Bab el-Zeïtoun (porte des oliviers) ; de là il dirigea les murs le long de la rivière, en remontant vers Bersakh, et, arrivé vis-à-vis le Bab el-Ferdj de lAdoua el-Kairaouyn, il fit une porte; puis continuant les murs jusquà Chybouba, il construisit la porte de ce nom qui fait face au Bab el-Facil de lautre Adoua ; de Bab el-Chybouba il arriva à la pointe de Hadjer el-Feradj, et y plaça la porte de lorient nommée Bab el-Kenesya (porte de léglise), qui conduit an bourg des malades et par laquelle on prend le chemin de Tlemcen. Cette dernière porte fut conservée telle quEdriss lavait faite jusquen 540 (1145 J. C.). A cette époque, elle fut détruite par Abd el-Moumen ben Ali, qui, devenu maître du Maghreb, sétait emparé de la ville de Fès. Elle lut rebâtie en 601 (1204 J. C.) par El-Nasser ben el-Mansour lalmohade, qui refit à neuf les murs denceinte, et elle prit alors le nom de Bab el-Khoukha (porte de la lucarne). Le bourg des malades était situé au dehors de Bab el-Khoukha de façon à ce que le vent du sud pût emporter loin de la ville les exhalaisons qui auraient été nuisibles au peuple. De même la rivière ne passait dans ce bourg quau sortir de Fès, et on navait point à craindre ainsi que les eaux se corrompissent par le contact des mala des qui sy baignaient et y jetaient leurs ordures. Mais, en 619 (1222 J. C.), lors de la désastreuse famine qui, jusquen 637 (1239 J. C.), bouleversa le Maghreb et le plongea clans les troubles et la misère (malheurs dont Dieu se servit pour mettre fin au gouvernement des Almohades et faire briller celui des Meryn), les lépreux passèrent le Bab el-Khoukha, et vinrent sétablir en dehors de Bab el-Cheryah. (une des portes de lAdoua el-Kairaouyn), dans les grottes situées auprès du fleuve, entres les silhos aux grains et le Jardin Meserlat. Ils demeurèrent là jusquà ce que les Meryn, devenus souverains du Maghreb, eurent affermi leur pouvoir, fait briller la lumière de leur jus tice, répandu leur bénédiction sur le peuple, rétabli la sûreté, des routes et accru par leurs bienfaits la population de la ville. Alors seulement, en 658, on se plaignit à lémir des musulmans, Abou Youssef Yacoub ben Abd elHakk, de ce que les malades se baignaient et lavaient leurs vêtements, leur vaisselle et autres objets dans la rivière, et corrompaient ainsi les eaux dont lusage compromettait la santé des musulmans de la ville. Aussitôt Abou Youssef (que Dieu lui fasse miséricorde !) ordonna au gouverneur de Fès, Abou el-Ghala Idriss ben Aby Koreïch, de faire sortir les malades de cet endroit et de les chasser loin de la rivière. Cet ordre fût exécuté, et les lépreux furent relégués dans les cavernes de Borj el-Koukab, au dehors de Bab el-Dysa, une des portes de lAdoua el-Kairaouyn.
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Edriss construisit une porte dans le sud de lAdoua el-Andalous et la nomma Babel-Kabla (porte du Sud); cette porte resta intacte jusquà lépo que on elle fut détruite par Dounas el-Azdy, qui sempara, les armes à la main, de lAdoua el-Andalous ; elle fut ensuite reconstruite par El-Fetouh ben el-Mouaz ben Zyry ben Athia el-Zenety el-Maghraouy, lors de son gou vernement à Fès, où, suivant lhistoire de Ben Ghâleb, par El-Fetouh ben Manser el-Yfrany, qui lui aurait donné son nom. Fès, dit Abd el-Malek el-Ourak, était anciennement composée de deux villes ayant chacune ses murs denceinte et ses portes ; la rivière qui les sépa rait rentrait du côté de Bab el-Hadid par une ouverture pratiquée dans le mur, à laquelle on avait, adapté une porte à bon et beau grillage de bois de cèdre, et sortait par deux portes semblables à lendroit nommé El-Roumelia; les murs et les portes des deux villes étaient hauts et forts ; par le Bab el-Hadid on prenait le chemin du mont Fezez et des mines de Ghouam ; par la grande porte (Bab-Soliman), on prenant celui de la ville de Maroc, du. Messamid et autres pays ; par le Bab el-Mkobera (porte du Cimetière), on allait vers lancienne chapelle située au sommet du mont Meghaya. Cette dernière porte fut fermée à lépoque de la famine, en 627, et na plus été ouverte depuis. Enfin la dernière porte construite par Edriss dans lAdoua el-Andalous fut le Bab Hisn Sadouu, située au nord des murs, sur le mont Sather. Plus tard, à lépoque des Zenèta, la population sétant accrue, une partie des habitants dut aller se loger dans les jardins situés au dehors de la ville, et ce fut alors que lémir Adjycha ben el-Muaz et son frère ElFetouh, qui gouvernait lAdoua el-Andalous, renfermèrent dans une même enceinte les deux Adoua et leurs murs ; ils firent construire chacun une porte à laquelle ils donnèrent leur nom. Le Bab Adjycha, situé vis-à-vis le Bab Hisn Sadoun susmentionné, fut conservé tout le temps des Zenèta et. des Lemtouna jusquà lépoque du gouvernement de lémir des croyants Aby Abd Allah el-Nasser lAlmohade, qui fit reconstruire les murs détruits en 540 par son grand-père Abd el-Moumen. Aby Abd Allah fit bâtir par delà le Bab Adjycha une grande porte quil appela également Adjycha, dont on fit El-Djycha, en substituant larticle el au aïn, nom quelle garda jusquà sa fin. Détruite par le temps, en 684 (1285 J. C.), elle fut relevée par ordre de lémir des musulmans Abou Youssef Yacoub ben Abd el-Hakk (que Dieu lui fasse miséricorde !), lequel était alors à Djezyra el-Hadra (île verte, Algési ras) dans lAndalousie. En même temps on refila à neuf toute la partie des murs attenants à cette porte, excepté le Kous el-Barâni (arc des étrangers), que lon trouva en bon état et auquel on ne toucha pas. En 681 (1282 J. C.), Abou Youssef (que Dieu lui fasse miséricorde !), après avoir fait réparer et reconstruire les murs du sud de lAdoua el-Anda lous, fit abattre toute la partie comprise depuis le Bab el-Zeytoun jusquau
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Bab el-Fetouh. Ces travaux furent exécutés sous la direction du docte kady Abou Oumya el-Dylley. Les maisons de Fès ont deux, trois, et jusquà quatre étages, tous éga lement bâtis en pierres dures et en bon mortier; les charpentes sont en cèdre, le meilleur bois de la terre; le cèdre ne se corrompt point, les vers ne latta quent pas, et il se conserve mille, ans, à moins que, leau ne latteigne, Chaque Adoua a toujours eu sa mosquée principale, ses bazars et son Dar Sekâ (établissement de la monnaie) particuliers ; à lépoque des Zenèta ces deux parties eurent même un sultan chacune, El-Fetouh et, Adjycha, fils tous deux de notre père lémir El-Mouaz ben Zyry ben Athia; El-Fetouh commandait lAdoua el-Andalous et Adjycha lAdoua el-Kairaouyn ; lun et lautre avaient une armée, une cour, et adressaient leurs prières au Dieu très haut; mais lun et lautre aussi voulaient le pouvoir suprême et gouverner le pays entier. De là, haine mortelle entre eux et une longue suite de combats sanglants qui furent livrés sur les bords de la grande rivière, entre les deux villes, à lendroit connu sous le nom de Kahf el-Rekad. Les habitants de lAdoua el-Andalous étaient forts, valeureux et la plupart adonnés aux travaux de la terre et des champs ; ceux de lAdoua el-Kairaouyn, au contraire, généralement haut placés et instruits, aimaient le luxe et le faste chez eux, dans leurs vêtements, à leur table, et ils ne se livraient guère quau négoce et aux arts. Les hommes de lAdoua elKairaouyn étaient plus beaux que ceux de lAdoua el-Andalous ; mais, en revanche, les femmes de lAdoua el-Andalous étaient les plus jolies. On trouve à Fès les plus belles fleurs et les meilleurs fruits de tous les climats. LAdoua el-Kairaouyn surpasse cependant lautre Adoua par leau délicieuse de ses nombreux ruisseaux, de ses fontaines intarissables et de ses puits profonds ; elle produit les plus délicieuses grenades aux grains jaunes du Maghreb, et les meilleures qualités de figues, de raisins, de pèches, de coings, de citrons et de tous les autres fruits dautomne. LAdoua el-Anda lous, de son côté, donne les plus beaux fruits dété, abricots, pêches, mûres, diverses qualités de pommes, abourny, thelkhy, khelkhy, et celles dites de Tripoli, à peau fine et dorée, qui sont douces, saines, parfumées, ni grosses ni petites, et les meilleures du Maghreb. Les arbres plantés à Merdj Kertha, situé au dehors de la porte Beni Messafar, produisent deux fois par an, et fournissent en toute saison à la ville une grande quantité de fruits. Du côté de Bab el-Cherky, de lAdoua elKairaouyn, on moissonne quarante jours après les semailles ; lauteur de ce livre atteste avoir vas semer en cet endroit le 15 avril et récolter à la fin du mois de mai, cest-à-dire quarante cinq jours après, dexcellentes moissons, et cela en 690 (1291 J. C.), année de vent dest continuel, et durant laquelle il ne tomba pas une goutte de pluie, si ce nest le 12 avril.
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Ce qui distingue encore Fès des autres villes du Maghreb, cest que les eaux de ses fontaines sont fraîches en été et chaudes en hiver, tandis que celles de la rivière et des ruisseaux, qui sont froides en hiver, sont chaudes en été, de sorte quen toutes saisons on a de leau froide et de leau chaude à volonté, pour boire, faire les ablutions et prendre des bains. On nest pas daccord sur létymologie du mot Fès. On raconte que, lors dès premiers travaux, limam, par humilité et pour mériter les récom penses de Dieu, se mit lui-même à louvrage avec les maçons et les artisans, et que ceux-ci, voyant cela, lui offrirent un fès(1) (pioche) dor et dargent. Edriss laccepta, et sen servit pour creuser les fondements ; de là le mot fès fut souvent prononcé ; les travailleurs disaient à tout instant, donne le fès, creuse avec le fès, et cest ainsi que le nom de Fès est resté à la ville. Lauteur du livre intitulé El-Istibsâr fi Adjeïb el-Amçar(2) rapporte quen creusant les premiers fondements du côté du midi, on trouva un grand fès pesant soixante livres et ayant quatre palmes de long sur une palme de large, et que cest là ce qui fit donner à la ville le, nom de Fès. Selon un autre récit, on commençait, déjà à construire, lorsque le secrétaire dEdriss demanda quel serait le nom de la nouvelle ville. «Celui du premier homme qui se présentera à nous,» lui répondit limam. Un individu passa et répondit à la question qui lui en fut faite. «Je me nomme Farès;» mais, comme il blésait, il prononça Fès pour Farès, et Edriss dit : «Que la ville soit appelée Fès.» On raconte encore quune troupe de gens du Fers (Persans) qui accompagnaient Edriss tandis quil traçait les murs denceinte furent presque tous ensevelis par un éboulement, et quen leur mémoire on donna au lieu de laccident le nom de Fers, dont plus tard on fit Fès. Enfin on rapporte que lorsque les constructions furent achevées, limam Edriss dit : «Il faut donner à cette ville le nom de lancienne cité qui exista ici pendant dix huit cents ans et qui fuit détruite avant que lIslam ne resplendît sur la terre. Cette ville se nommait Sèf et en renversant le mot on en lit Fès. Cette version dernière est la plus probable de toutes ; mais Dieu seul connaît la vérité. Lorsque la ville et les murs denceinte furent achevés et que les portes furent mises en place, les tribus sy rendirent et sétablirent chacune séparé ment dans un quartier ; les Kyssyta occupèrent la partie comprise entre Bab Ifrîkya et Bab el-Hadid de lAdoua el-Kairaouyn; à côté deux se rangèrent les Haçabyoun et les Agyssya. Lautre partie fut occupée par les Senhadja, les Louata, les Mesmouda et les Chyhan. Edriss leur ordonna de diviser les terres et de les cultiver, ce quils firent, en plantant, en même temps des arbres sur les bords de la rivière, dans Fhahs Saïs, depuis sa source jus quà lendroit où elle se jette dans le fleuve Sebou. Un an après, ces arbres
____________________ 1 securis, bipennis. (Kam. Dj.) 2 Considérations sur les merveilles des grandes villes.
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donnèrent des fruits, et cest là un prodige dû à la bénédiction et aux vertus dEdriss et de ses ancêtres. (Que le Dieu très-haut les agrée !) A Fès, la terre est excellente, leau très-douce, le climat tempéré, aussi la population saccrut-elle promptement, et avec elle les biens et labon dance, et bientôt on vit de tous côtés accourir une foule innombrable de gens qui venaient se rallier au descendant de la famille de lÉlu, race généreuse et pure. (Que Dieu la comble de bénédictions !) Un grand nombre de gens de tous pays et quelques fragments de tribus vinrent bientôt, de lAndalousie chercher à Fès le repos et la sûreté ; en même temps une foule de juifs sy réfugièrent, et il leur fut permis de sétablir depuis Aghlen jusquà la porte de Hisn Sadoun, moyennant un tribut annuel (djeziâ) quEdriss fixa à 30,000 dinars. Les grands et les kaïds choisirent leurs habitations dans lAdoua el-Andalous, et Edriss, après avoir laissé à la garde de gens de confiance ses chevaux, ses chameaux, ses vaches et ses troupeaux, fixa sa résidence dans lAdoua el-Kairaouyn avec sa famille, ses serviteurs et quelques négociants, marchands ou artisans. Fès demeura ainsi pendant tout le règne dEdriss et de ses successeurs Jusquà lépoque des Zenèta; sous la domination de ceux-ci, elle fut consi dérablement agrandie ; on construisit, au dehors une infinité de maisons qui rejoignirent bientôt les jardins de la ville. Du Bab Ifrîkya jusquà lAïn Aslî ten sélevèrent au nord, au sud et à lest des fondouks (caravansérails), des bains, des moulins, des mosquées et des souks (marchés, places). Tout cet espace fut, rempli par les tribus Zenèta, Louata, Maghila, Djyraoua, Oua raba, Houara, etc. qui sétablirent chacune dans un quartier à part ; auquel elles donnèrent leurs noms. Cest ainsi que prirent naissance le faubourg Louata, le faubourg El-Rabt ou Aghlân, le faubourg Aben Aby Yakouka cou Berzakh, le faubourg Beni Amar ou El-Djer el-Ahmar, etc. Huit mille familles de Cordoue, ayant été battues et chassées de lAn dalousie par limam Hakym ben Hischâm(1), passèrent dans le Maghreb et vinrent à Fès ; elles sétablirent dans lAdoua el-Andalous et commencè rent à bâtir à droite et à gauche depuis Keddân, Mesmouda, Fouara, Harat el-Bryda et Kenif jusquà Roumelia. Cest depuis lors que cette Adoua sappela Adoua el-Andalous. Lautre Adoua prit également son nom de Kai raouyn, de trois mille familles de Kairouan qui vinrent sy fixer du temps dEdriss. Les Zenêta bâtirent dans lAdoua el-Kairaouyn les bains nommés hamam el-Kerkoufa, hamam el-Amir, hamam Rechacha, hamam Rbatha, et dans lAdoua el-Andalous, ceux nommés hamam Djerouaoua, hamam-Ked dân, hamam Cheikhyn et hamam Dyezyra. Ils augmentèrent également le
____________________ 1 Hakym ben Hischâm. troisième Khalife ommiade dEspagne (180 à 200 de lhégyre).
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nombre des fondouks (caravansérails) et des mosquées. Ils retirèrent les khatheb (prédicateurs) de la mosquée El-Cheurfa, construite par Edriss ben Edriss, mais ne touchèrent point au monument par respect pour le fondateur, et nul après eux nosa y porter le moindre changement, jusquà ce quenfin le temps eût fait tomber sort toit et fait crouler ses murs ; alors seulement, en 708 (1308 J. C.), elle fut reconstruite, exactement telle que lavait bâtie Edriss, par le docte mufty El-Hadj el-Moubarek Abou Meryn Chouayb, fils du docte El-Hadj el-Meberour Aby Abd Allah ben Aby Medyn, qui sefforça ainsi de mériter le pardon et les récompenses du lieu très-haut. Cest à lépoque des Almohades que Fès fut dans toute la splendeur de la richesse, du. luxe et de labondance. Elle était la plus florissante des villes du Maghreb. Sous le règne dEl-Mansour lAlmohade et de ses suc cesseurs, on comptait à Fès sept cent quatre-vingt-cinq mosquées ou chapel les; quarante-deux diar loudhou et quatre-vingts skayat, soit cent vingt-deux lieux aux ablutions à eau de fontaine ou de rivière; quatre-vingt-treize bains publics; quatre cent soixante et douze moulins situés autour et; à lintérieur des murs denceinte et non compris ceux du dehors. Sous le règne de Nasser, on comptait en ville quatre-vingt-neuf mille deux cent trente-six maisons ; dix-neuf mille quarante, et un mesrya(1) ; quatre cent soixante-sept fondouks destinés aux marchands, aux voyageurs et aux gens sans asile ; neuf mille quatre-vingt-deux boutiques ; deux kaysseria(2), dont un dans lAdoua elAndalous, près de lOued Mesmouda, et lautre dans lAdoua el-Kairaouyn; trois mille soixante-quatre fabriques ; cent dix-sept lavoirs publics ; quatre vingt-six tanneries ; cent seize teintureries ; douze établissements où lon travaillait le cuivre ; cent trente-six fours pour le pain, et mille cent soixante et dix autres fours divers. Les teinturiers sétablirent, à cause de la proximité de leau, des deux côtés de la langue de terre qui partage lOued Kebyr depuis son entrée en ville jusquà Roumelia. Les faiseurs de beignets et les marchands de gazelle ou autres viandes cuites, bâtirent également leurs petits fours en cet endroit, et au-dessus deux, au premier étage, se fixèrent tous les fabricants de haïks. Le Oued Kebyr est le seuil qui se présente aujourdhui encore nettement à la vue; tous les autres ruisseaux de la ville de Fès sont couverts par les constructions. La plupart des jardins ont aussi disparu, et il ne reste plus des anciennes plantations que les oliviers de Ben Athya. Il y avait à Fès quatre cents fabriques de papier; mais elles furent toutes détruites à lépoque de la famine, sous les gouvernements dEl-Adel et de ses frères El-Mamoun est Rachid, de lan 618 à lan 638. Ces princes,
____________________ 1 Mesrya, petits logements à un étage. ou simple chambre indépendante pour un homme seul. 2 Kaiysseria, bazar généralement couvert, comme un passage.
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qui régnèrent pendant ces vingt années de malheur et de misère, furent remplacés par les Meryn, qui relevèrent le pays et rétablirent la sûreté des routes. Lauteur de ce livre déclare avoir pris tout ce qui précède dun manus crit du cheïkh docte et noble Abou el-Hassen Aly ben Omar el-Youssy, qui lavait pris lui-même dun ouvrage écrit de la main du noble El-Kouykiry, inspecteur de la ville sous le règne de Nasser lAlmohade. Ben Ghâleb raconte dans son histoire que limam Edriss, ayant achevé de construire la ville, monta en chaire un jour de vendredi, et quaussitôt après le prône, levant les mains au ciel, il sécria : «O mon Dieu ! vous savez que ce nest point par vanité, ni par orgueil ou pour acquérir des grandeurs et de la renommée que je viens délever cette ville ! Je lai bâtie, Seigneur, afin que, tant que durera le monde, vous y soyez adoré, que votre livre y soit lu et quon y suive vos lois, votre religion et le Sonna de notre seigneur Mohammed (que Dieu le comble de bénédictions !). O mon Dieu ! proté gez ces habitants et ceux qui viendront après eux, défendez-les contre, leurs ennemis, dispensez-leur les choses nécessaires à la vie, est détournez deux le glaive des malheurs et des discussions, car vous êtes puissant sur toutes choses !» Amen ! dirent les assistants. En effet, la nouvelle ville prospéra bientôt. Du temps dEdriss et pen dant cinquante ans, labondance fut si grande que les récoltes étaient sans valeur. Pour deux drahem on avait un saa de blé, et pour un drahem un saa dorge; les autres grains se donnaient. Un mouton coûtait un drahem et demi; une vache, quatre drahem ; vingt-cinq livres de miel, un drahem ; les légumes et les fruits ne coûtaient rien. Lorsque la ville fut achevée, limam vint sy établir avec sa famille et en fit le siège de son gouvernement. Il y. demeura jusquen 197 (812 J. C.); à cette époque, il en sortit pour aller faire urne razia sur les terres des Messa mides, dont il conquit le, pays et les villes de Nefys et. de -Aghmât. Étant rentré à Fès, il en sortit de nouveau en 199 (814 de J. C. ) pour combattre les Kabyles de Nefrata ; il les vainquit, et vint à Tlemcen, quil visita et quil fit réparer ; il dota dune chaire la mosquée de cette ville, et, à ce sujet, Abou Mérouan Abd el-Malek el-Ourak rapporte ce qui suit : «Je suis allé, dit-il, à Tlemcen, en 550, et jai vu, au sommet de la chaire de la mosquée, un mor ceau de bois de lancienne chaire sur lequel limam avait gravé ces mots: Construit par les ordres de limam Edriss ben Edriss ben Abd Allah ben Hos sein hein el-Hosseïn (que Dieu les agrée tous !), dans le mois de moharrem, an 199.» Edriss demeura trois ans à Tlemcen et, dans ses environs, et revint à Fès, doù il ne sortit plus. Il mourut-à lâge de trente-trois ans, an 213 (828 J. C.). (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Il fut enterré dans la mosquée du côté de lorient, disent les uns, du côté de loccident, selon les autres.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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El-Bernoussy rapporte quEdriss ben Edriss mourut étouffé en man geant des raisins, le 12 de djoumad el-tâny, an 213 ; quil était âgé de trente huit ans, et se trouvait à cette époque à Oualily, dans le Zraoun, où il fut enseveli dans le cimetière dOualily à côté du tombeau de son père. Edriss mourut après avoir gouverné le Maghreb pendant, vingt-six ans, et laissa douze enfants : Mohamed, Abd Allah, Ayssa, Edriss, Ahmed, Giaffar, Yhya, El-Kassem, Omar, Aly, Daoued et Hamza. Mohammed, laîné de tous, lui succéda.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LIMAM MOHAMED BEN EDRISS BEN EDRISS LOSSEÏNIEN.
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Limam Mohammed ben Edriss ben Edriss ben Abd Allah ben Hos sein ben el-Hosseïn ben Aly ben Abou Thaleb (que le Dieu très-haut les agrée tous !) eut pour mère une femme légitime dEdriss, appartenant à une famille noble de la tribu de Nefiza. Il était blond, bien fait; il avait urne figure agréable et les cheveux frisés. A peine fut-il au pouvoir que, pour, complaire aux désirs de Khanza, sa grand-mère, il divisa le Maghreb en préfectures ou provinces, dont il donna le commandement à ses frères comme il suit : A Kassem, les villes de Tanger, Sebta (Ceuta), Hadjer el-Nesr (Alhu cema), Tétouan et leurs dépendanses, auxquelles il joignit le pays de Mes mouda; A Omar, les villes de Tedjensas, Targha, les pays de Senhadja et de Ghoumâra; A Daoued, les pays de Houara, Tsoul, Mekenesa el, le Djebel Ghyatha; A Yhya, les villes de Basra, Asîla, Laraïch et dépendances jusquau pays de Ourgha ; A Ahmet, les villes de Meknès, de Tedla et le pays de Fezez ; A Abd Allah, la ville de Aghmât, les pays de Nefys, de Messamid et le Sous el-Aksa; A Hamza, la ville de Tlemcen et dépendances. Limam Mohammed, sétablit à Fès où il fixa le siège de son gouver nement, et garda auprès, de lui, sous la tutelle de son aieule Khanza, ceux de ses frères qui, à leurs grands regrets, navaient point eu de commandements. Mohammed et ses frères soccupèrent chacun à fortifier et à organiser leurs gouvernements, à assurer là tranquillité des routes, et firent tous leurs efforts pour . rendre leurs actions utiles et méritoires. Cependant Ayssa, qui com mandait à la ville de Chella et au pays de Temsena, se révolta contre limam, son frère, avec lintention manifeste de semparer du pouvoir. Mohammed écrivit immédiatement à Kassem, gouverneur de Tanger, et lui ordonna dal ler soumettre le rebelle; mais Kassem ne répondit pas même à la lettre de son frère, qui sadressa alors à Omar, qui était à Tedjensas, dans le pays de Ghoumâra. Celui-ci se prit aussitôt en campagne avec une forte armée
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composée de Berbères de Ghoumâra, Ouaraba, Senhadja et autres, et marcha contre son frère Ayssa. Étant arrivé dans les environs de la ville de Chella, il écrivit à limam pour lui demander un renfort de dix mille cavaliers Zenèta; puis, ayant rencontré Ayssa à la tête de ses troupes, il livra bataille et rem porta une victoire complète. Il chassa Ayssa de la vrille et le força même de sortir des états quil commandait. Omar, écrivit, aussitôt à Mohammed pour linformer de ses succès, et limam, layant beaucoup remercié, lui confia le gouvernement du pays quil venait de soumettre, et lui ordonna daller sur le-champ châtier El-Kassem, qui lui avait désobéi en refusant daller com battre Ayssa. Omar exécuta ce nouvel ordre et livra bataille à Kassem qui, à son approche, était sorti de Tanger à sa rencontre. Le combat fut sanglant; El-Kassem fut battu et forcé de se retrancher dans sa ville; mais, bientôt, tout le pays étant tombé au pouvoir de son frère, il dut songer à sa sûreté et, prenant la fuite par le rivage, il arriva près dAsîla, où il construisit une cha pelle sur le bord dune petite rivière nommée El-Mharhar, et là, il renonça au monde et consacra à la prière le reste de ses jours. Que Dieu lui fasse miséricorde !). Omar joignit les états de Kassem aux siens et à ceux dAyssa, et les gouverna tranquillement au nom de son frère Mohammed jusquà sa mort. Son corps fut transporté de Fedj el-Fers, du pays de Senhadja, à Fès, où son frère Mohammed le fit ensevelir après avoir lu lui-même les prières dusage sur son cercueil. Omar ben Edriss est laïeul dés deux Mohammed qui régnèrent en Andalousie vers lan 400 de lhégyre; il laissa quatre enfants, Aly et Edriss, fils de Zineba bent el-Kassem el-Djady, et Abd Allah et Mohammed quil avait eus de Rebaba, Elle dune esclave. Limam Mohammed ne survécut que sept mois à son fière Omar; il mourut à Fès dans le mois de raby el-tâny, an 221 (387 J. G.), et fut enseveli dans la mosquée du côté, de lorient, auprès de son frère et de son père. Il avait régné huit ans et un mois. Durant sa dernière maladie, il choi sit pour lieutenant son fils Aly, qui lui succéda.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR ALY BEN MOHAMMED, BEN EDRISS EL-TÂNI LHOSSEÏNIEN. QUE DIEU LES AGRÉE TOUS !
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Lémir Aly ben Mohammed ben Edriss ben Edriss eut pour mère Rakietta, femme légitime de limam Mohammed et fille dIsmaël ben Omar ben Mosshab el-Azdy. Il fut proclamé le jour même de la mort de son père, qui déjà lavait nommé son khalife. Lémir Aly avait alors neuf ans et quatre mois, et à cet âge il avait déjà lesprit droit et distingué et toutes les qualités de ses ancêtres et de sa noble famille. Il suivit, la voie de son père et de sou aïeul, et comme eux il fut juste, vertueux, religieux et prudent. Il gouverna au nom de la vérité, organisa le pays, fit réparer les villes et tint ses ennemis en res pect. Le peuple du Maghreb vécut dans la paix et le bonheur sous son règne.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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Aly mourut au mois de radjeb de larmée 234 (848 J. C.), et eut pour suc cesseur Yhya son frère.
HSTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR YHYA BEN MOHAMMED BEN EDRISS BEN EDRISS LHOSSEÏNIEN.
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Lémir Yhya ben Mohammed ben Edriss, etc. fut proclamé souverain le jour de la mort de son frère Aly, et marcha dans la voie de ses prédéces seurs. Sous son règne la population de Fès saccrut considérablement, et la ville fut bientôt insuffisante ; une foule détrangers venus de lAndalousie, de lIfrîkya et, de toutes les parties du Maghreb, furent obligés de sétablir dans les jardins du dehors. Yhya fit construire de nouveaux bains et de nouveaux caravansérails pour les marchands, et cest à cette époque que fut bâtie la célèbre mosquée El-Kairaouyn. (Que Dieu lennoblisse de plus en plus !)
HISTOIRE DE LA MOSQUÉE EL-KAIRAOUYN, SA DESCRIPTION, SES ACCROISSEMENTS DEPUIS SA FONDATION JUSQUÀ NOS JOURS, AN 726.
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Lauteur de ce livre (que Dieu lui pardonne !) a dit : Sous les Edris sites, les cérémonies religieuses du vendredi furent toujours célébrées dans mosquée El-Cheurfa bine par Edriss dans lAdoua el-Kairaouyn et, dans la mosquée des cheïkhs de lAdoua el-Andalous. Lemplacement où est cons truite la mosquée El-Kairaouyn était alors un terrain nu, contenant du gypse et clairsemé de quelques arbres ; il appartenait à un homme dHouara qui en avais hérité de son père, lequel en était devenu propriétaire avant que la ville fût achevée. Or on se rappelle que du temps dEdriss un grand nombre de familles de Kairouan vinrent sétablir à Fès; de ce nombre était celle de Mohammed el-Fehery el-Kairouany qui était arrivé dIfrîkya avec sa femme, sa sur et sa fille. Cette dernière, appelée Fathma et surnommée Oumm elBenïn (la mère des deux fils), était une femme vertueuse et sainte; à la mort de ses Parents elle hérita dune grande fortune légitimement acquise, dont on ne sétait jamais servi pour le commerce, et quelle voulut consacrer à une uvre pieuse pour mériter la bénédiction de Dieu. Fathma a crut attein dre ce but en bâtissant une mosquée, et, sil plaît à Dieu très-haut, elle trou vera sa récompense en lautre monde, le jour où chaque âme retrouvera devant elle le bien quelle aura fait !(1) Elle acheta du propriétaire, moyen nant une forte somme dargent, lemplacement de la mosquée El-Kairaouyn dont elle jeta les premiers fondements le samedi 1er du mois. de ramadhan le grand, an 245 (859 J. C.). Les murs furent bâtis en tabiah .et en keddhân que lon extrayait au fier et à mesure dune carrière située sur le terrain même,
____________________ 1 Koran, chap. III, verset 28.
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qui fournissait aussi la terre, les pierres et le sable dont on avait besoin. Fathma fit creuser le puits qui existe aujourdhui encore au milieu de la cour, et doù lon tira toute leau nécessaire aux travailleurs, de sorte que cette mosquée sacrée fut entièrement bâtie avec les matériaux de son propre sol, et que lon eut ainsi la certitude que rien de ce qui aurait pu nêtre pas par faitement légitime et pur navait été employé. La sainte femme jeûna tout le temps que durèrent les travaux, et, lorsquils furent achevés, elle adressa des actions de grâces au Dieu très-haut qui lavait secondée. La mosquée bâtie par Fathma mesurait 150 empans du nord au sud ; elle avait quatre nefs, une petite cour, un mîhrab(1) qui occupait la place située aujourdhui sous le grand lustre. Son minaret était peu élevé et construit sur lAneza du côté du sud. Telle est la version que rapporte Abou el-Kassem ben Djenoun, dans ses Commentaires sur lHistoire de Fès. On raconte aussi que Mohammed el-Fehery avait deux filles, Fathima Oumm el-Benin et Meriem Fathma bâtit la mosquée El-Kairaouyn, et Meriem la mosquée El-Andalous avec les biens légitimes dont elles avaient hérité de leur père et de leur frère. Ces mosquées restèrent telles que les avaient construites les deux surs pendant le règne des Edrissites jusquà lépoque des Zenèta. Ceux-ci, devenus maîtres du Maghreb, renfermèrent dans une seule enceinte les deux Adoua et les jardins qui les entouraient, et ils reculèrent ainsi les premières limites de la ville, dont aujourdhui encore on peut voir les vestiges. Puis, la population sétant accrue, la mosquée ElCheurfa devint insuffisante pour les cérémonies du. vendredi, et les Zenèta les firent célébrer à la mosquée El-Kairaouyn qui était la plus spacieuse et quils embellirent dune chaire. Cela eut lieu en lan 306 (918 J. C.). Le premier prône fut prononcé par le docte et distingué cheïkh Abou Abd Allah ben Aly el-Farsy. Selon une autre version, le premier qui fit passer les khatheb de la mosquée El-Cheurfa à la mosquée El-Kairaouyn fut lémir Hamed ben Mohammed el-Hamdany, lieutenant dObeïd Allah el-Chyhy au Maghreb, an 321 (932 J. C.). Lémir Hamed déplaça également les khatheb de la mos quée des cheïkhs, et les attacha à la mosquée El-Andalous, où le premier prône fut prononcé par Abou el-Hassan ben Mohammed el-Kazdy. Les choses restèrent, en cet état et aucun changement ne fut plus apporté ni à lune ni à lautre de ces mosquées, jusquà lépoque où lémir des croyants Abd er-Rahman el-Nasser Ledyn Illah, roi de lAndalousie, sétant emparé de lAdoua (El-Gharb) fit reconnaître sa souveraineté à Fès, dont il confia le gouvernement à un préfet choisi entre les Zenèta et nommé Ahmed ben Aby Beker el-Zenéty. Celui-ci, homme de bien, vertueux,
____________________ 1 Le Mihrab est une niche pratiquée dans le mur de la mosquée pour indiquer la direction de la Mecque.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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religieux et intègre, écrivit aussitôt à lémir des croyants pour lui demander lautorisation de faire réparer, agrandir et embellir la mosquée El-Kai raouyn. El-Nasser accueillit favorablement son message, et lui envoya de fortes sommes dargent provenant du cinquième du butin fait sur les chré tiens, et lui ordonnant de les consacrer comme il le désirait à la mosquée ElKairaouyn. Ahmed ben Aby Beker se mit de suite à luvre, et lit élargir la mosquée du côté de lorient, du côté de loccident et du côté du nord. Il détruisit les restes de lancien minaret situé sur lAneza, et fit élever celui qui existe aujourdhui.
HISTOIRE DU MINARET DE LA MOSQUÉE EL-KAIRAOUYN. QUE DIEU LENNOBLISSE !
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Limam Ahmed ben Aby Beker construisit le minaret de la mosquée El-Kairaouyn en forme de tour carrée, ayant sur chaque côté 27 empans(1) de base sur 108 empans, somme des quatre bases ou côtés, de hauteur, dimen sion exacte de cet édifice construit, dailleurs, dans les règles de larchitec ture. Sur la porte située à la façade du couchant sont gravés dans le plâtre et incrustés dazur les morts suivants : «Au nom de Dieu clément et miséri cordieux! Louange à Dieu lunique, le tout-puissant ! Ce minaret a, été élevé par Ahmed ben Aby Beker Saïd ben Othman el-Zenèty. Que Dieu très-haut le conduise dans la vraie voie, lui donne la sagesse et lui accorde ses récom penses les plus belles ! Sa construction fui commencée le premier mardi du mois de radjeb, lunique de lannée 344 (955 J. C.), et fut entièrement ,achevée dans le mois de raby el-tâny, an 345 (956 J. C.).» On lit également, sur un des côtés de la porte, «Il ny a de Dieu que Dieu, et Mohammed est lapôtre de Dieu ;» et sur le côté opposé : «Dis, ô mes serviteurs : vous qui avez agi uniquement envers vous-mêmes, ne désespérez point de la miséri corde divine ; car Dieu pardonne tous les péchés ! il est indulgent et miséri cordieux(2).» Sur le sommet, du minaret on plaça une pomme en métal doré et incrustée de perles et de pierreries ; limam Ahmed ben Aby Beker fit sur monter cette pomme de lépée de limam Edriss ben Edriss, afin dattirer sur lédifice la bénédiction du fondateur de Fès. On raconte, à ce sujet, que le minaret était à peine achevé lorsque les descendants de limam Edriss, se disputant la propriété de cette épée, en appelèrent, après de vives querelles, à limam Ahmed ben Aby Beker. «Soyez daccord, leur dit celui-ci, et vendez moi cette arme ! Et quen feras-tu, émir ? redemandèrent-ils unanime ment; Je la placerai sur le haut de ce minaret que je viens de construire,
____________________ 1 Spithama, empan, palme. 2 Koran, chap. XXXIX, verset 54.
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afin quelle le couvre de sa bénédiction. Si tel est ton désir, émir, nous te vendons lépée et nos querelles sont finies.» Et ainsi il fut fait. Ce minaret avait été bâti en belles et bonnes pierres de taille ; mais, une fois achevé, personne ny toucha plus et les oiseaux, pigeons et étourneaux, entre autres, y établirent leurs nids. Ce ne fut quen 688 (1289 .J. C.) que le docte et ver tueux Abou Abd Allah ben Aby el-Sbar, qui cumulant les fonctions de kady, de khatheb et dimam de la mosquée El-Kairaouyn, eut là pensée de répa rer cet édifice, et en demanda lautorisation à lémir des musulmans Abou Yacoub, fils de lémir des croyants Youssef ben Abd el-Hakk (que Dieu leur fasse miséricorde et les agrée !). Ce prince la lui. accorda et lui offrit les fonds nécessaires prélevés sur les tributs imposés aux chrétiens ; mais Abou Abd Allah le, remercia en lui disant que les biens des mosquées (habous) suffiraient avec laide de Dieu, et il commença aussitôt les réparations, en ayant soin de planter de grands clous en fer de distance en distance pour soutenir le plâtre et la chaux : 18 rbah 1/2 (460 livres) de clous furent ainsi employés. Une fois ce travail finit, les ouvriers se mirent à polir et repolir la surface jusquà ce quelle fût devenue unie comme celle dun miroir très pur, et on parvint ainsi, en embellissant le minaret, à le préserver des oiseaux qui lui avaient causé maints dégâts. Abou Abd Allah bâtit, en même temps; la chambre des muezzins qui est située auprès de la porte. Après lémir Ahmed ben Aby Beker, nul ne toucha à la mosquée bénie jusquà lépoque de Hachem el-Mouïd, qui éleva à la dignité de hadjeb El-Mansour ben Aby Amer. Celui-ci construisit un dôme à la place de lancien minaret sur lAneza situé au milieu de la cour, et fit placer sur ce dôme les, signes et les talismans qui se trouvaient sur la coupole qui surmontait dans le temps le premier mîhrab. Ces anciennes figures furent ajustées sur des pointes de fer que lon planta sur le nouveau dôme. Un de ces talismans avait pour vertu de préserver la mosquée de tous les nids de rats; ces animaux ne pouvaient pénétrer dans le saint lieu sans, être aussitôt découverts et détruits. Un autre, sous la forme dun oiseau tenant en son bec un scorpion dont on napercevait que les palpes, garantissait la mosquée ,des scorpions, et sil arrivait. quun de ses insectes y pénétrât transporté sur le haïk de quelque fidèle, il ne tom bait point et sortait en même temps que celui auquel il sétait accroché. «Un vendredi, raconte le docte El-Hadj Haroun, assistant à la prière, je vis un scorpion qui était entré sur les vêtements dun fidèle ou plus probablement sur quelque objet qui avait été déposé à terre, venir dans lespace qui sépa rait le rang dont je faisais partie du rang de ceux qui priaient devant moi, et tout à coup demeurer là étourdi et privé de tout mouvement. Les assis tants, dabord saisis de crainte, se rassurèrent, croyant lanimal mort ; mais il ne létait point, et lorsque, la prière finie, on voulut lécraser, il se débattit
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longtemps.» Ce fait-là est certain. Un troisième talisman, monté sur une pointe de cuivre jaune, a la forme dun globe et éloigne les serpents, aussi nen a-t-on jamais vu un seul dans la mosquée, où ils ne pourraient pénétrer sans être aussitôt découverts et tués. Abd el-Malek ben el-Mansour ben Aby-Amer fit construire le Bit elMostadhil (chambre ombragée) situé près du Hafat (bord de la rivière et la Skayah (bassin, réservoir) qui reçoit les eaux de lOued Hassen qui coule hors de la ville du côté de Bab el-Hadid. Il fit également construire une chaire en bois de jujubier et débène, sur laquelle fut gravée linscription suivante : «Au nom de Dieu clément, et miséricordieux ! Que Dieu comble de ses bénédictions notre seigneur Mohammed, sa famille et ses compagnons et leur accorde le salut ! Cette chaire a été construite par les ordres du kha life, épée de lIslam, El-Mansour Abd Allah Hachem ben el-Mouïd Billah (que Dieu prolonge ses jours !), sous la direction de son hadjeb Abd elMalek el-Medhafar ben Mohammed el-Mansour ben Aby Armer (que le Très-Haut le protège !). Djoumad el-tàny, an 375 (985 J. C.)» Jusquau temps des Lemtouna, les khatheb firent leurs sermons dans cette chaire. Les gouverneurs, les émirs et les rois eurent toujours à cur dajouter quelque chose à la mosquée El-Kairaouyn, ou au moins de réparer ce que le temps endommageait, dans lespérance que les récompenses du Très-Haut leur seraient acquises. A lépoque de la domination des Morabethoun (Almoravides) dans le Maghreb, et sous le règne de lémir des musulmans Aly ben Youssef ben Tachfyn el-Lemtouni, la population de Fès saccrut considérablernent, et la mosquée El-Kairaouyn devint insuffisante, au point que, les vendredis, les fidèles étaient obligés de prier dans. les rues et les marchés environ nants. Lés cheïkhs et les fekhys se réunirent chez le kady de la ville Abou Abd Allah Mohammed ben Daoued pour délibérer à ce sujet, et chercher le moyen de remédier à cet inconvénient. Le kady, homme de science, de justice et dune intégrité parfaite; écrivit à lémir des croyants pour lui faire part de la réunion de ce conseil, et lui demander lordre de faire agrandir la mosquée. Lémir accueillit favorablement cette demande et ouvrit à Ben Daoued un crédit sur le bit el-mâl (trésor) pour subvenir aux dépenses ; mais celui-ci le remercia et lui répondit : «Dieu fera peut-être que nous naurons pas besoin de toucher aux, fonds du trésor, et quil nous suffira de retirer les rentes des habous qui sont entre les mains des oukils (percepteurs).» Toutefois Aly ben Youssouf lui recommanda bien de nemployer que des sommes pures, et appartenant exclusivement aux mosquées ; il lengagea en même temps à me rien épargner pour les réparations et les embellissements de la mosquée El-Kairaouyn, et lui ordonna de rechercher avec soin tous les
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habous et den réunir les produits en les retirant des mains de ceux qui en jouissaient. Le kady se rendit au lieu où il faisait la justice, et, ayant mandé tous les oukils, il lui fut aisé de découvrir quil y avait entre eux des hommes impies qui avaient dépensé les biens qui leur étaient confiés, et dautres qui se les étaient appropriés ; il fit rendre compte à chacun, non seulement des propriétés habous, mais encore des revenus dont ils avaient joui, et se fit restituer le tout ; en même temps, il nomma de nouveaux oukils dune pro bité garantie, et qui par leurs soins augmentèrent les produits et les rentes de cette année-là. Le docte Mohammed ben Daoued parvint ainsi à réunir une somme de plus de r 18,000dinars ; il commença par acheter les terrains attenant au sud et à lest de la mosquée, et il en paya la juste valeur pour ne méconten ter personne. Cependant, comme il y avait sur ces emplacements un assez grand nombre de maisons appartenant à des juifs (que Dieu les maudisse !) qui refusaient de les vendre, on fit une juste estimation de ces propriétés, on leur en compta la valeur et on les chassa, conformément à une loi établie par lémir des musulmans Omar ben el-Khettâb (que Dieu lagrée ! qui sétait trouvé dans un cas semblable lorsquil voulut agrandir la mosquée sacrée, de la Mecque. Lorsque le terrain nécessaire fut acheté, le kady fit abattre toutes les maisons qui y étaient situées, et vendit les décombres pour une somme égale à celle quil avait dépensée, de sorte que lemplacement ne lui coûta rien, tant est grande la bénédiction de Dieu ! Il joignit-ce nouveau terrain à celui de la mosquée, et y fit bâtir la grande porte de loccident, nommée ancien nement Bab ek-Fekharyn (porte des potiers), et appelée aujourdhui Bab elChemahyn (porte des vendeurs de cire). Mohammed ben Daoued assistait aux travaux et donnait lui-même les mesures de hauteur, largeur et profon deur de cette porte ; il y plaça de magnifiques battants ajustés sur de beaux gonds, véritables chefs-duvre, et il fit graver ces mots sur le fronton inté rieur : «Cette porte a été commencée et achevée dans le mois de doul hidjâ, an 528 (1133 J. C.)» En creusant à lendroit où lon voulait établir le support des battants, cest-à-dire à gauche en entrant, où se trouve aujourdhui la Doukhana, on découvrit une fontaine fermée par une pierre carrée de huit achebars de côté, et surmontée dune voûte très ancienne dont on ne put reconnaître lépoque. Les travailleurs pensèrent quil pouvait y avoir là quel que trésor caché, et ils commencèrent à démolir ; or ils ne trouvèrent quun réservoir rempli deau douce dans laquelle vivait une énorme tortue, dune surface égale à celle du réservoir; quelques-uns essayèrent de tirer dehors cet animal, mais cela leur fut impossible, et ils coururent faire part de la découverte au kady Ben Daoued et aux autres fekhys de la ville. Ceux-ci
____________________ 1 Achebar, empan, palme.
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décidèrent dans leur sagesse de laisser la tortue tranquillement à sa place, et de rebâtir la voûte telle quelle était auparavant. «Glorifions Dieu magni fique et puissant qui dispense comme il lui plait les choses nécessaires à la vie de ses créatures ! Il ny a de Dieu que Dieu, vers lequel tout retourne.» Ce fait est raconté comme il précède par Abou el-Kassem ben Djenoun. «Cependant, ajoute lauteur du livre, jai lu une note écrite de la main du docte et juste Aly el-Hassan ben Mohammed ben Faroun Ellezdy qui a fait remarquer que la voûte en question fut découverte près du Karsthoun, à droite en entrant.» Cette grande porte resta telle que lavait construite le kady Abou Abd Allah ben Daoued, jusquà I»incendie des bazars, dans la vingt-deuxième nuit du mois de djoumad el-tâny, an 571 (1175 J. C.). Le feu partit du Souk, près du Bab el-Selselat, et détruisit. tout ce quil rencontra jusquà cette porte, qui fut elle-même consumée en grande partie ainsi que le dôme qui lui était attenant. Lémir des croyants, Abou Youssef ben Aly ben Abd elMoumen, fit relever la porte et le dôme dans de mois de djoumad el-tâny, an 6oo (1203 J. C.), et confia à Abou el-Hassen ben Mohammed el-Layrak elAthar la direction des travaux qui furent faits aux frais du bit el-mâl (trésor) dont le kady Abou Yacoub ben Abd el-Hakk était alors le gardien. Le docte kady Abou Abd Allah ben Daoued fuit remplacé à sa mort par le vénérable Abd el-Hakk, ben Abd Allah ben el-Mahycha, qui acheva ce qui était commencé, et fit réparer ce qui était endommagé. Ce nouveau magistrat, ayant conçu le projet de construire le mihrab (niche) El-Kai raouyn sur lemplacement de lAïn Kerkouba, rassembla les principaux maçons et les artisans les plus habiles, qui reconnurent que la chose nétait pas possible à cause des maisons du fekhy Aly ben Aby el-Hassen qui étaient situées sur ce terrain: Il fut donc résolu que lon agrandirait la mos quée de trois nefs seulement, pour construire le mihrab et la chaire, et on ajouta, en effet, une nef au-dessus du niveau du sol, au nord, et deux nefs de lest à louest. Tous ces travaux furent faits avec les matériaux du propre sol, sains quil fût besoin davoir recours aux carrières dont on extrayait les pierres pour les constructions ordinaires. En creusant au milieu de la deuxième nef, on découvrit une carrière doù lon put tirer en même temps du sable, de la terre, et de grosses pierres qui, passant directement de la main des carriers dans celle des maçons, rendaient le travail plus commode, et assuraient par leur pureté la solidité et la durée de ces constructions. Le docte kady décida également dans sa sagesse que toutes les portes fussent doublées de cuivre jaune, que chacune fût surmontée dun dôme, quelles fussent agrandies, et quil fût fait quelques, changements au minaret. Lorsque le mihrab fut achevé, on construisit sa coupole, que lon incrusta dor, dazur et autres diverses couleurs ; la précision et lélégance
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de ce travail étaient telles que les curieux restaient émerveillés, et que les fidèles ne pouvaient même sempêcher dêtre distraits de leurs prières par léclat ales peintures; aussi, lorsque les Almohades entrèrent à Fès (le jeudi dixième jouir de raby el-tâny, an 540 (1145 J. C.) les cheikhs et les fekhys de la ville craignirent que les nouveaux venus, qui nétaient arrivés au pouvoir que par mensonge et hypocrisie, ne leur reprochassent vivement ce luxe de décors et de peinture, et leur crainte redoubla quand ils surent que le lende main, vendredi, lémir des croyants Abd el-Moumen ben Aly, accompagné de ses cheikhs, devait entendre la prière dans la mosquée El-Kairaouyn. Dans cet embarras, ils rassemblèrent à la hâte les principaux maçons, et, pendant la nuit, ils leur firent recouvrir tout le dôme avec du papier sur lequel ils passèrent une couche de plâtre et quelques couches de chaux, de sorte que les Almohades ne virent le lendemain quun dôme parfaitement blanc. A la même époque fut construite la chaire dont on se sert encore aujourdhui. Cette chaire est faite en bois débène, de sandal incrusté divoire, darneg, de .jujubier et antres bois précieux; on la doit aux soins du cheikh distingué Abou Yhya el-Attady, imam, rhéteur et poète, qui vécut environ cent ans. Il en était au tiers de ses travaux lorsquil fut remplacé par le kady de la ville, le docte, le zélé, le savant, le conseiller Abou Merouan Abd el-Malek ben Bydha el-Khissy. Celui-ci acheva tout ce qui était commencé conformé ment aux plans dAbou Mohammed Abd el-Hakk ben el-Mahycha, excepté quil ne doubla point les portes en cuivre jaune, et quil ne porta aucun chan gement au minaret. Tous les travaux dont on vient de parler furent achevés dans le mois de Dieu châaban le grand, an 538 (9 1143 J. C.). Le premier prédicateur qui fit le khotba dans la nouvelle chaire dElKairaouyn fut le cheikh, le fekhy vertueux Abou Mohammed Mehdy ben Ayssa. Ce célèbre khatheb prêcha depuis tous les vendredis sans jamais pro noncer deux fois le même sermon ; il fut destitué, parles Almohades, qui bouleversèrent tout à leur arrivée à Fès ; autorités, khatheb, imam, furent remplacés, sous prétexte que, ne connaissant point la langue berbère, leur ministère devenait inutile. Le Sehan (la cour) fut pavé sous le kady Abou Abd Allah ben Daoued, architecte habile. Avant lui quelques essais avaient été faits, mais ces tra vaux inachevés ne lui convinrent point, et il confia lentreprise au connais seur Abou Abd Allah Mohammed ben Ahmed ben Mohammed el-Khoulany, qui lengagea à faire un sol uni et assez incliné pour que les eaux pussent sécouler jusquà la dernière goutte. El-Khoulany (que Dieu lui fasse misé ricorde !) avait quatre maisons, biens hallal dont il avait hérité ; il les vendit et employa le produit à faire fabriquer les briques nécessaires et à payer le salaire des ouvriers. Ainsi, de son propre argent, et sans le secours de per sonne, il eut la gloire de paver cette cour, de même quil avait pavé celle de
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Ben Messaoud. nespérant dautres récompenses que celles quil plaira à Dieu de lui donner. Puisse Dieu très-haut le récompenser ! Cinquante-deux mille briques furent employées au pavage de la cour de la mosquée El-Kairaouyn. Voici le calcul : il y a 11 arcades, et sous chaque arcade il y a 20 rangs de 200 briques chacun, soit, 40,000 briques; donc 11 fois 4,000 font 44,000, et à cette somme il faut encore ajouter 8,000, nombre des briques faisant le tour des arcades; on a donc, 52,000 briques, total sur lequel il nest permis délever aucun doute. Cest à cette même époque, 526 (1131 J. C.), que ledit kady Ben Daoued fit construire la grande porte qui est située vis-à-vis le karsthoun. Quand le pavage de la cour fut achevé, le docte kady fit faire une tente en coton, soigneusement doublée, de la grandeur exacte du Sehan, qui sétendait, et se pliait à volonté au moyen de poulies et de grosses cordes. En été on se préservait ainsi de la chaleur, et pendant la canicule on laissait la tente tendue nuit, et jour. Le temps détruisit ce, chef-duvre, que nul, depuis, na été capable de remplacer. Le bassin et le jet deau qui sont au milieu de la cour furent construits en 599 (1222 J. C.), sous Aby Amrân Moussa ben Hassen ben Aby Chemâa, géomètre et architecte habile, qui dirigea lui-même les travaux faits aux frais du fekhy ben Abou el-Hassen el -Sidjilmessy. (Que Dieu le récompense !) Abou el-Hassen était religieux, humble, modeste, et dépensait chaque jour en aumônes 10 dinars de son bien ou de ses revenus. Moyennant un canal de plomb souterrain on amena leau du grand réservoir jusque. dans la cour au bassin et au jet deau. Le bassin est de beau marbre blanc dune pureté irréprochable, et reçoit par plusieurs robinets une quantité deau égale à celle qui peut sortir en même temps par quarante ori fices pratiqués sur les bords, vingt à droite, vingt à gauche. Lajustage du jet deau est en cuivre rouge doré et monté sur un tuyau également de cuivre, de cinq palmes de haut au-dessus du sol. Ce tuyau est divisé dans sa longueur en deux compartiments ; dans lun, leau monte à lajustage au bout duquel elle jaillit par dix ouvertures dune pomme en métal, et elle retombe dans un petit bassin doù elle redescend par le deuxième compartiment du tuyau, de sorte que le jet va sans cesse, et que le grand bassin est toujours plein deau, constamment renouvelée sans quil sen répande une seule goutte à terre. Cette eau est à la disposition du Public ; en prend qui veut pour son usage, et celui qui désire boire trouve des gobelets dorés suspendus à de petites chaînes tout autour de la fontaine. Au-dessus du bassin on construisit, en marbre blanc, une fenêtre à grillage, merveille de lépoque, sous laquelle on grava sur une pierre rouge linscription suivante : «Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Que le Dieu très-haut répande ses bénédictions sur notre Seigneur Mohammed, car des rochers coulent des torrents, les pierres se
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fendent et font jaillir leau ! Il y en a qui saffaissent par la crainte de Dieu! et certes Dieu nest pas inattentif à vos actions(1).» Ces ouvrages furent achevés dans le mois de djoumad el-tâny, an 599. Au sortir du bassin et de la fontaine à jet, leau passe dans les réservoirs de lAïn Kerkouba, alimente les maisons et les abreuvoirs des environs, et se répand dans les fabriques, où elle est entièrement absorbée. Lancien Anezà, où lon fait les prières en été, était construit en plan ches de bois de cèdre, et surmonté de cette inscription : «Cet Anezà a été construit dans le mois de châaban, an 524.» LAnezà actuel, construit aux frais des habous, par le docte, le khathîb, le kady Abou Abd Allah Abenou Aby el-Sbor à lépoque de son kadydat, fut commencé le premier doul kaada, an 687 (1288 J. C.), et mis en place an 689 (1290 J. C.), le samedi 18 raby el-aouel, correspondant au 10 mars de lère barbare. Il y a dans la mosquée El-Kairaouyn 270 colonnes qui forment 16 nefs de 21 arcs chacune, tant en longueur quen largeur. (Dans chaque nef sétablissent, les jours de prières, 4 rangs de 210 fidèles, soit 840 fidèles par nef, somme exacte à nen pas douter, puisque chaque arc contient 10 hommes dune colonne à lautre. Pour avoir le nombre dhommes qui peu vent assister à la prière, on a donc 16 fois 840, soit 13,440, total auquel il faut ajouter 560, nombre des fidèles qui se placent au besoin devant les colonnes, plus 2,700 que contient la cour, plus, enfin, 6,000 autres qui prient, sans ordre, dans la galerie, les vestibules et sur le seuil des portes, ce qui fait en tout 22,700, nombre exact, ou à peu près, des personnes qui peuvent, le vendredi, entendre ensemble la prière de limam, comme cela sest vu aux époques florissantes de Fès. On compte 467,300 tuiles sur les toits de la mosquée El-Kairaouyn, qui a quinze grandes portes dentrée pour les hommes, et deux petites portes exclusivement réservées aux femmes. Les plus anciennes de ces portes sont celles de lorient, de loccident et du midi ; la porte du nord est nouvelle, mais la plus récemment faite de toutes est la grande porte de lescalier, qui est située au midi, et qui a été construite par le fekhy, le juste Abou el-Has san Aly ben Abd el-Kerym el-Djedoudy à lépoque de son commandement à Fès. El-Djedoudy perça également une nouvelle porte faisant face à la mosquée el-Andalous, et y amena leau de lAïn ben el-Sâady, aujourdhui Aïn el-Khouazyn (source des potiers), quil conduisit par le Rahbâ el-Zebyb (marché aux raisins) où il construisit un nouveau réservoir. Ces travaux furent achevés en 689. Cependant lémir des Croyants Abou Yacoub ben Abou Youssef ben Abd el-Hakk, irrité de ce quon avait ouvert cette dernière porte, qui était dailleurs inutile, sans ses ordres et même sans sa permission,
____________________ 1 Koran, la Vache, chap. II, verset 69.
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adressa de vifs reproches au fekhy el-Djedoudy, son gouverneur, et lui ordonna de la faire fermer immédiatement. Le grand lustre fut construit sous le fekhy, le sage, le khatbîb, le ver tueux Abou Mohammed Abd Allah ben Moussa. Celui dont on se servait à cette époque était abîmé et en partie. détruit par le temps ; Abou Mohammed le fit fondre avec une quantité suffisante, de cuivre de la même qualité pour en faire un nouveau, et dépensa de son propre argent 717 dinars 2 drahem 1/2, tant pour lachat du métal que pour le salaire des ouvriers. Ce lustre pèse 1,763 livres, et a 509 becs ou lampes qui ne contiennent pas moins ensemble dun quintal et sept jarres dhuile. Dans la vingt-septième nuit du ramadhan, où il est dusage dallu mer toutes les lampes de la mosquée, au nombre de 1,700, on consomme trois quintaux et demi dhuile. Le grand lustre fut régulièrement allumé les vingt-septièmes nuits de ramadhan jusque sous le kadydat dAbou Yacoub ben Amran, qui ordonna de lallumer durant tout ce mois. Ce kady mourut le jour dArafat(1), an 617 ; cest lui qui fit ouvrir le Bab el-Ouarakyn (porte des lecteurs), surmonté de cette magnifique coupole en plâtre découpée. Lannée suivante (618) on alluma encore le grand lustre pendant tout le ramadhan ; mais cest alors que survinrent ces temps. malheureux, où la population de Fès fut décimée par les troubles, la misère et la faim : la mosquée, appauvrie, ne put plus se procurer de lhuile, qui avait fini par disparaître complètement du pays, et le grand lustre ne fut plus allumé, ni pendant tout le ramadhan, ni même pendant la ving-septième nuit. On sen consola pourtant sur ces paroles du fekhy : «Ce nest point le feu que nous adorons, mais cest Dieu.» Les choses restèrent ainsi jusquen 687 : à cette époque, le fekhy, le khathîb, Aby Abd Allah ben Aby el-Sebor, kady de la ville, demanda lautorisation dallumer de nouveau le grand lustre à lémir des Musulmans, Abou Youssef Abd el-Hakk (que Dieu lui fasses miséri corde !), qui voulut bien la lui accorder, toutefois pour la vingt-septième nuit seulement du ramadhan de chaque année. Cet usage sest conservé depuis, et se pratique encore de nos jours. Les deux battants rouges de la porte El-Kabla, qui donne sur le pas sage de Bab el-Djysa, appartenaient dans le temps à Abou el-Kassem elMeldjoun, connu sous le nom de Ben Berkya, qui les avait fait faire à grands frais pour une pavillon construit sur sa maison, située au faubourg Louata. De ce pavillon Ben Berkya dominait lintérieur des maisons voisines, et voyait les femmes entrer nues dans leurs bains ; il se plaisait surtout à plon ger ses regards dans le meslah (vestiaire) de la fille El-Ban, qui demeurait à côté, et cela si souvent que lon finit par porter plainte à lémir des Croyants.
_____________________ 1 Jour dArafat, neuvième jour du mois doul hidjà, où les pèlerins de la Mecque se rendent au mont Arafat.
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Abou Youssef ben Abd el-Hakk, en appuyant laccusation du témoignage du lieutenant Abd el-Malek. Lémir envoya aussitôt au kady de Fès, Abou Mohammed el-Tadly, lordre de faire raser ce pavillon, et cela fut fait le mercredi, 30 radjeb, an 588. Les successeurs de Ben Berkya conservèrent les deux battants de ce pavillon, et, ne pouvant mieux les employer, ils en firent présent à la mosquée El-kairaouyn, où ils furent mis en place en 617, avec une inscription portant le nom de Ben. Berkya, celui de louvrier qui les avait. construits, et la date à laquelle ils avaient été achevés, mois de radjeb an 578. Le Mestoudâ (Sacrarium) fut commencé par le fekhy vertueux Aby Mohammed Ychekour, qui fit faire la chambre souterraine, dont, les parois en pierre et en terre, soutiennent une voûte en marbre qui est recouverte de sable et de plâtre. Le fekhy, Abou el-Kassem ben Hamyd, chargé de ces constructions, fit poser trois serrures à chacune des deux portes du Mes toudâ, et plaça dans lintérieur plusieurs coffres-forts, mais cela nempêcha pas que sous le kadydat dAbou Amrân, les capitaux de la mosquée, les reve nus des habous, les livres et autres dépôts précieux, y furent volés sans quon ait pu jamais découvrir le voleur. Le mur de lorient et ses dépendances, déjà très anciens et nayant pu être entretenus, faute dargent, pendant le temps de famine et de troubles qui désolèrent Fès, tombaient en ruine. En 682 (1283 J. C.), Abou Abd Allah elMadhoudy écrivit à lémir des Musulmans El-Kaïm Bil Hakk Abou Yacoub ben Abd el-Hakk, pour lui demander la permission de faire toutes les répara tions nécessaires. Ce prince généreux (que Dieu lagrée !) lui répondit favo rablement, et lautorisa à prélever les fonds sur les revenus de la djeziâ et de lachoura, après toutefois que les sommes habous auraient été employées. Abou Abd Allah el-Madhoudy refit donc à neuf toute la partie est de la mos quée, et y dépensa de fortes sommes. Le mur du nord tombait également en ruines ; en 699, le fekhy Abou Ghâleb el-Maghyly demanda lautorisation de le réparer à lémir des Musul mans Aby Yacoub (que Dieu lagrée !). Ce prince la lui accorda, et lui envoya en même temps un bracelet dor de la valeur de cinq cents dinars. «Sers-toi de ce bracelet, lui écrivit-il, pour refaire à neuf la partie nord de la mosquée. Cest un bien hallal, pur. Lémir mon père fit, faire ce bijou avec largent, que Dieu lui avait dispensé sur le cinquième du butin remporté sur les Chrétiens en Andalousie, et en fit présent à ma mère, dont jai hérité. Puis-je en faire un meilleur usage que de le consacrer à la mosquée bénie ?» (Que le Dieu très-haut les récompense tous trois !) Le mur du nord fut donc refait à neuf avec le produit de ce bracelet, depuis le Bab el-Hafat jusquà la petite chapelle des femmes. La grande skayah (réservoir, bassin) fut construite sous le fekhy, limam vertueux, intègre et modeste, le béni Abou Mohammed Ychekour
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(que Dieu le .protége !), et aux frais du cheïkh Aby Amran Moussa ben Abd Allah ben Sydâf. Ce cheïkh, qui était fort riche, avait quitté le Djebel Beny Bezgha, son pays, et sétait fixé à Fès, où il sétait lié avec le fekhy Abou Mohammed Ychekour. «Jai beaucoup de biens, lui dit-il un jour, et je dési rerais lemployer à quelque uvre utile à la mosquée sacrée ; mes richesses sont hallal et pures, jen ai hérité de mon père, auquel mon grand-père les avait laissées ; jamais elles nont servi à faire le commerce ; mes aïeux les ont amassées du produit de leurs terres et de leurs troupeaux.» Mais le fekhy Abou Mohammed Ychekour, ne sen tenant pas à ces paroles, refusa son offre et lui déclara dabord quil ne permettrait pas, quun seul drahem de ces biens fût employé à la mosquée. Pourtant Aby Amrana layant supplié encore de lui laisser au iinoins construire une skayah et un dar loudhou (réservoir et lieux aux ablutions) pour le service des fidèles, à côté de la mosquée, le fekhy ne put le lui refuser, mais, il exigea quil prêtât serment, et, lorsque, dans la mosquée, au milieu du mîhrab, une main star le Livre, il eut juré que ses biens étaient purs et hallal, quils provenaient de lhéritage de ses pères, et que, jamais ils navaient servi à faire le commerce, Il lui dit : «A présent, Aby Amram, tu peux employer tes richesses à une bonne uvre: construis la skayah ; Dieu très-haut le récompensera !» Aby Amram acheta donc le terrain du dar loudhou qui est situé vis à-vis le Bab el-Hafat, et après lavoir soigneusement nivelé, if fit ses cons tructions, qui furent achevées dans les premiers jours du mois de safar, an 576 (1120 J. C.). De son côté, le fekhy Abou Mohammed Ychekour écrivit à lémir des Musulmans pour lui faire part de cette affaire et pour lui deman der, en même temps, lautorisation de faire arriver leau à ce nouveau réser voir. Lémir lui ayant répondu de prendre toute leau quil voudrait, dût-elle passer à travers la ville, il rassembla les hommes de lart, les maçons et les principaux habitants, et leur ordonna de désigner le lieu doù lon pour rait titrer cette eau. Leur choir. tomba sur Aïn el-Debâghin (fontaine des tanneurs) ; mais il ne convint pas au fekhy Abou Mohammed, qui objecta que les eaux de cette fontaine étaient corrompues par les tanneries dont elle recevait toutes les immondices, et, sur son refus, on désigna la magni fique fontaine nommée Aïn Khoumâl, située au dehors des tanneries, dans une fabrique de teinture. Aby Amram acheta cette fabrique et la paya le double de sa valeur à cause de ladite fontaine. La source est située dans une chambre souterraine semblable à une salle de bains, où leau jaillit en deux endroits à travers un rocher. Cette eau, bien que difficile à digérer, est pure et douce. Aby Amram lamena, au moyen dun canal, dans un bassin situé à côté de ladite chambre ; de là il établit, une conduite eu plomb qui passe à travers la montée du Souk el-Doukhan, suit le karsthoun au sud de la mos quée El-Cheurfà, traverse les bazars, le marché El-Hararyn (des soyers), la
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place El-Khezâzyn (marchands détoffes), et aboutit au bassin en plomb situé devant la dernière boutique des mouthekyn (notaires) qui est attenante à la mosquée El-Kairaouyn. De ce bassin leau passe dans une citerne carrée doublée de plomb, doù enfin elle se répand en quantité suffisante à chaque endroit, dans les skayah, à lancien jet deau, au Bab el-Hafat, dans les chambres du dar loudhou et dans le grand bassin de la fenêtre à grillage. Le dar loudhou (lieux daisances), est pavé en marbre et, contient quinze cabinets qui reçoivent leau chacun en même temps. Au milieu du beydhat (chambre aux ablutions) est construite une large pile au centre de laquelle sélève un tuyau de cuivre doù leau jaillit par plusieurs robinets. Tout cela est dun travail fini et dune remarquable élégance. Le beydhat est surmonté dune magnifique coupole en plâtre, incrustée dazur et dautres couleurs diverses ; il fait face au Bab, el-Hafat. A, côté de cette porte, qui est moins haute que large, et par laquelle lai foule entre et sort le plus, se trouve un petit bassin en cuivre, doù leau retombe sur des dalles de marbre blanc, vert et rouge, pour le service de ceux qui vont pieds nus ; toutes les autres portes dentrée furent pavées en marbre jusquà la cour par le khathib Abou Abd Allah Mohammed ben Aby Sbor; avant lui elles étaient pavées en briques, comme la cour. A côté du Bal et-Hafat est située lancienne skayah, construite par Abd el-Melek el-Moudhafar. Les fidèles, y font aussi leurs ablutions, et quelques-uns y viennent puiser leau qui leur est nécessaire. Au sortir de cette skayah, les eaux forment un ruisseau où les ouvriers prennent leau dont ils ont besoin et où les écoliers vont jouer et se baigner.
HISTOIRE DES KHATHEB(1) (PRÉDICATEURS) DE LA MOSQUÉE EL-KAIRAOUYN, SOUS LE RÈGNE DES ALMOHADES ET SOUS CELUI DES MERYN, DESCENDANTS DABD EL-HAKK. QUE DIEU PROLONGE LEURS JOURS ET ÉTERNISE LEUR GOUVERNEMENT !
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Lauteur du livre a dit : Le premier khathib qui prêcha dans la chaire dElKairaouyn, construite par Abou Mohammed Abd el-Hakk ben Mahycha fut le
____________________ 1 Les fonctions dimam et de khathîb sont très-simples ; ces prêtres président à la prière, la commencent à haute voix aux heures où les musulmans se rendent à la mosquée, et veillent au maintien de lordre. Les plus anciens ou les plus habiles remplis sent un rôle analogue à celui de nos prédicateurs : ce sont les khatheb. Chaque vendredi, à lheure de midi,. ils montent eu chaire et prononcent ce que lon appelle le khotbah, sermon, espèce de prône qui doit renfermer la louange de Dieu, celle du prophète et une formule ou acclamation en faveur du sultan et pour la longue durée de son règne. Cet usage date de lépoque des premiers khalifes dorient, qui lavaient institué, en leur nom, dans leurs états et dans ceux qui reconnaissaient leur suzeraineté. Plus tard, et après lextinction de la race des Abbassides, chaque prince mahométan fit faire cette prière, véritable Domine salvum, pour son propre compte et en son nom seul, ce qui sobserve
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kady, le fekhy, vertueux et intègre Abou Mohammed Mehdy ben Ayssa. Homme de bien et grand orateur, il avait la parole facile, claire et persuasive. Chaque vendredi il prononçait un nouveau sermon, cependant il ne conserva ses fonctions que pendant cinq mois, et il fut remplacé, à larrivée des Almo hades, par le docte et vertueux Abou el-Hassem ben Athya, qui avait lavan tage de parler le berbère. Celui-ci prêcha pour la première fois, le premier vendredi du mois de djoumad el-aouel, an 540, et demeura khathîb de la mosquée jusquau jour de sa mort, le samedi 8 du mois dou1 kaada, an 558. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Le fekhy Abou Mohammed Ychekour el-Djeroury lui succéda. Cétait un des cheïkhs du Maghreb en religion, en bienfaisance et en générosité ; fort riche et possédant dans son pays dim menses troupeaux et de nombreuses bêtes de somme dont il avait hérité de son père, il sétait adonné aux belles-lettres et à létude des sciences. Toute fois il ne parlait quun berbère si inintelligible quil ne lui fut pas possible de faire le khotbah ; conservant les fonctions dimam, il confia celles de khathib à Abou Abd Allah Mohammed ben Hassen ben Zyad Allah el-Mezly, qui les remplit jusquau jour de sa mort, le mercredi 23 djoumad el-aouel, an 572. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Il fut remplacé par le fekhy Abou el-Kassen Abd er-Rahman ben Houmyd, également désigné par Mohammed Ychekour, lequel exerça pendant quarante ans les fonctions dimam de la mosquée El-Kairaouyn, et noublia pas une seule fois de remplir ses devoirs religieux, tant son cur était dégagé de toute antre pensée. Le khathîb Abou el-Kassem mourut le mardi 14 ramadhan le grand, an 581, et eut pour suc cesseur le fekhy Abou Amram Moussa el-Maâlim (le maître) qui tenait une école sur le point dAby Raous. El-Maâlim avait la parole si touchante que tous ceux qui lui entendaient réciter le Koran ne pouvaient retenir leurs
encore aujourdhui non-seulement au Maroc, mais en Turquie, en Perse et chez plusieurs peuples de lAsie centrale. Le khatbîh, lorsquil prend la parole, tient en main un bâton, en guise dépée, insigne dune religion dont lesprit dominant a été la conquête et est encore aujourdhui lintolérance. Quelquefois il arrive que le sermon se borne à la lecture dune sentence impériale ou dun ordre relatif à quelque affaire de douane ou dadministration. Quil sagisse, par exemple, dune levée dhommes ou dimpôts, et les fidèles manqueront de voix pour le vivat de lempereur. Mais il est des circonstances. rares il est vrai, surtout dans les temps modernes, où le khathîb soulève dun mot un enthousiasme frénétique, cest lorsquil sagit de faire appel à la guerre sainte contre les Chrétiens. A la lecture solennelle du chapitre VIII* du Koran, intitulé le Butin, succèdent, suivant les circons tances et les localités, des commentaires qui peuvent émaner dordres supérieurs, comme cela sest pratiqué en 1846, ou bien, comme on la vu souvent en Algérie, nêtre dictés que par le fanatisme de simples marabouts. * Cest sur le 63e verset de ce chapitre, «Sils inclinent à la paix (les infidèles), tu ty prêteras aussi et tu mettras ta confiance en Dieu, car il entend et sait tout,» que sest appuyé Moulaï Abd el-Rahman, en t 1844, pour se disculper aux yeux des bons musulmans davoir traité avec la France.
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larmes. En recevant lordre qui lui conférerait les fonctions de khathîb il fut saisi détonnement et de crainte «O mon Dieu ! sécria-t-il, en sanglotant, ne me couvrez pas de, confusion au milieu de vos serviteurs, ô Seigneur clé ment et miséricordieux !» Le lendemain, jeudi, il sen alla dans les zaouias et se mit à visiter les tombeaux des Justes en pleurant et en priant ; le soir il se retira dans urne chapelle oie se trouvaient plusieurs personnes, et passa toute la nuit en larmes à invoquer le Très-Haut et à réciter le Koran. Les assistants émus, pleuraient, de ses pleurs et étaicnt tristes de sa tristesse. Ils firent avec lui la prière du matin. Lorsque le muezzin fit entendre le premier chant du vendredi, El-Maâlim, revêtu de ses plus beaux habits, se rendit, précédé des muezzins, à la mosquée sacrée ; triste et silencieux, il sassit sur un banc de pierre; puis, au second appel du muezzin, il monta dans la chaire, autour de laquelle le peuple se pressait ; tant que les chiants durèrent, il ne cessa de verser des pleurs ; alors il se leva et lut la prière correctement et sans hésitation, et, sétant placé sur, le mîhrab, il fit le khotbah avec tant de sagesse et déloquence que les assistants ne purent retenir leurs larmes, et chacun, à la fin du sermon, se précipita vers lui pour lui baiser les mains. Moussa el-Mâalim continua, dès lors, à remplir les fonctions de khathîb. Lorsque le kady Abou Abd Allah Mohammed ben Mymoun el-Houary vint à Fès, son premier mot, en entrant en ville, fut pour demander aux habi tants quel était le khathîb de la mosquée El-Kairaouyn. «Un saint homme, lui répondit-on ; et après quon leut nommé, il approuva le, choix. Cepen dant le vendredi suivant, étant allé à la prière, il trouva à Moussa el-Maâlim une figure si déplaisante quil ne put sempêcher de dire quil était honteux davoir conféré une pareille dignité à un tel homme. «Seigneur, lui répliqua quelquun, quand vous entendrez son khotbah, vous trouverez sa figure, belle.» Et, en effet, à peine le khathîb eut-i1 prononcé quelques mots que le kady ben Mymoum ne put retenir ses larmes et alla lui demander humble ment pardon des paroles quil avait dites. Le fekhy Abou Amram Moussa el-Maâlim était dune grande sensibilité, et dune modestie qui allait parfois jusquà la crainte. A la mort dAbou Mohammed Ychekour (20 doul kaada, an 598), il réunit les fonctions dimam à celles de khathîb, mais il ne les conserva que pendant trois mois, étant mort lui-même le 20 safar, an 599. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Le fekhy Abou Abd Allah succéda à son père Moussa el-Maâlim. La première fois quil monta en chaire il avait à peine dix-huit ans ; mais, aussi beau que sage, il se distinguait déjà par sa bienfaisance, son intégrité et son éloquence. Il neut aucune des passions de la jeunesse, et dès sa plus tendre enfance il se livra exclusivement à létude des sciences et de la religion. Cest le seul exemple dun homme jeune et imberbe qui soit monté dans la chaire de la mosquée El-Kairaouyn; ses rares qualités étaient connues de tous ; vertueux, religieux, modeste, sa conduite fut toujours aussi belle que sa figure. Lorsque Moussa el-Maâlim tomba
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malade, on vint le prier de désigner son fils pour lui succéder au khotbah; mais le vertueux fekhy répondit : «Dieu connaît le bien, et à lui seul il appar tient de choisir les serviteurs, de sa maison !» et, quelques jours après il rendit lâme. Lorsque son corps fut transporté au cimetière et déposé au bord de la tombe, tous les assistants sanglotaient et disaient : «Qui est ce qui pourra réciter les prières sur ce cercueil ? Cest au fils, répondit le kady, quil appartient de rendre les derniers devoir du père !» Et le jeune Abou Mohammed layant pris la parole, récita les prières dusage et lon se sépara. Le fils dEl-Maâlim avait ainsi rempli ses premières fonctions dimam. Le vendredi suivant, il se revêtit des vêtements que, son père portait en chaire, et ayant passé pardessus un burnous blanc dont lui avait fait cadeau Abou Mrouan, il lut le khotbah et récita les prières avec une onction qui étonna les assistants et les remplit dadmiration pour cet enfant si sensible et si craintif encore. Lémir des croyants, Abou Abd Allah el-Nasser étant venu à Fès, désira voir le fekhy Abou Mohammed pour lui offrir quelques cadeaux. Lejeune khathîb sétant rendu au palais (situé sur le Oued Fès) dans la matinée du mardi, engagea avec lémir une conversation dans laquelle il fit preuve dun esprit et dune éloquence qui plurent fort à ce prince. A lheure du Douour, lémir le pria de faire la prière, et lui dit : «Qui est ce qui récitera la prière dans la mosquée aujourdhui, puisque tu es avec nous ? « Jai laissé un remplaçant, qui vaut mieux que moi, répondit le fekhy, cest le maître qui ma enseigné à lire le livre, du Dieu que je chéris. Avant de sortir je me suis souvenu du Prophète, et ne sachant pas quand je reviendrais, jai prié mon maître de mie remplacer à la Chaire et à la prière, et mon maître est mon seigneur ; car le Prophète (que Dieu le comble de ses bénédictions !) a dît : Celui qui vous enseigne les versets du livre de Dieu très-haut est votre seigneur et maître. Je lai donc choisi et tous, men ont remercié.» Abou Abd Allalh el-Nasser, ayant congédié le jeune khathîb, le fit suivre dun serviteur chargé de sept vêtements et dune bourse contenant mille dinars, mais le fekhy, revenant aussitôt sur ses pas pour le remercier, lui dit : «Ô émir des Croyants ! jaccepte volontiers les sept vêtements que tu moffres; mais je te rends largent, dont je nai nul besoin. Je suis copiste habile et mes copies me donnent de quoi vivre. Nimporte, lui répondit lémir, garde toujours cette somme : elle te servira à te minir de choses utiles. Ô émir des Croyants garde-toi douvrir pareille porte, Cette somme test, plus nécessaire quà moi. Tu as des serviteurs et des soldats à payer, des bons Musulmans à secourir et des frontières à défendre.» Et il sortit sans vouloir accepter un seul drahem. Abou Mohammed ben Moussa el-Maâlim remplit les fonctions dimam et de khathîb jusquà sa mort, le dimanche 11 du moi de radjeb lunique, an 621 (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Pendant sa
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maladie il choisit pour le remplacer son maître Abou Mohammed Kassem el-Koudhakhy, qui lui avait enseigné la lecture du livre de Dieu chéri. Devenu imam et khathîb, à la mort de son élève, El-Koudhakhy, fut bientôt attaqué par des fekhys et des cheïkhs, qui laccusèrent davoir des rapports avec les femmes par lentremise de ses écoliers. Le fekhy Abou Mohammed ben el-Nehyry, ayant écrit au prince des croyants pour lui faire part de ce qui se passait, reçut cette réponse de lémir : «Ce que vous mécrivez relative ment à El-Koudhakhy est impossible, car jai moi-même entendu son prédé cesseur dire que son Maître valait, mieux que lui ; en conséquence, jentends que rien ne soit changé. Cependant, lorsque le fekhy Abou Mohammeed Kassem el-Koudhakhy eut connaissance de cette accusation, il abandonna lécole et ne sortit plus de la mosquée, où il vécut retiré dans son apparte ment dimam jusquau jeudi 22 ramadhan, an 625. (Que Dieu lui fasse misé ricorde !) A la mort dEl-Koudhakhy, le khotbah passa au fekhy Abou Abd Allah Mohammed ben Abd er-Rahmam el-Chekhaby, homme docte, bien faisant, religieux, éloquent et versé dans la connaissance des temps et des astres. Cest durant son imamat quarriva du Ksar Ketâma le muezzin Abou el-Hadj Youssef ben Mohammed ben Aly el-Skathy, astronome habile et doué dune si belle voix, que le kady Ben Amrân lui conféra, en 626, le khotbah dans la mosquée de la Kasbah, dont le Khathîb était malade. ElChekhaby mourut en 629, et fut remplacé par le fekhy vénérable, El-Hadj el-Khathib, auquel succéda, en 635, le cheikh Abou Mohammed Abd elKhaffar, qui céda lui-même ses fonctions au bout de six mois au cheïkh Abou el-Hassan Aly ben el-Hadj, qui mourut en 653. Son successeur, le cheikh, limam, le savant, le guerrier saint, le conseiller, le vertueux, lintè gre Abou Abd Allah Mohammed ben el-Cheikh el-Hadj ben el-Hadj Yous sef el-Mezdaghy (que Dieu le récompense !) confia le khotbah à son fils, le fekhy Abou el-Kassem, et garda pour lui les fonctions dimam. Il avait déjà refusé trois fois limamat, et, un jour, questionné sur la cause de ces refus, il répondit : «Le cheïkh vertueux et versé dans le Hadits, Abou Der el-Hacheny, qui ma enseigné à lire le livre de la sagesse, me dit, le jour même de la mort de limam Abou Mohammed ben Moussa el-Mâalim, en me regardant dun regard prolongé : «O Mohammed ! tu deviendras lémir de la prière dans la mosquée El-Kairaouyn, mais alors la fin de tes jours sera proche !» Cette pensée, qui me revient sans cesse à lesprit, a été la cause de mes premiers refus.» Le fekhy Abou Abd Allah Mohammed fut remplacé, à sa mort, par le cheïkh, limam Abou el-Hassen Aly ben Hamydy ; et son fils Abou el-Kas sem céda le Khotbah à Abou AbdAllah Mohammed ben Zyad el-Medemy ; à leur mort, les cheikhs et les fekhys de la ville élurent pour imam le fekhy
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tueux et béni, le lecteur du livre dans la mosquée El-Kairaouyn, Abbas Ahmed ben Aly Zrah, et ils confièrent le khotbah au cheïkh vertueux et bien faisant, Abou el-Kassem ben Mechouna ; mais soixante et dix jours après ces nominations, il arriva un ordre supérieur de lémir des Croyants, Abou Youssef, qui conférait le khotbah au fekhy versé dans le Hadits, Abou elKassem el-Mezdekhy, et limamat au cheïkh vertueux et juste, Abou Abd Allah Mohammed ben Aby el-Sebrany, qui le céda plus tard au juste, et versé dans le Hadits, Abou el-Abbas, fils du fekhy Aby Abd Allah ben Rachid, le plus docte, le plus saint imam de son époque. Limam Abou elAbbas ben Rachid se retira au bout de trois ans environ, et fut remplacé par le fekhy Abou el-Kassem el-.Mezdakhy, qui remplit les fonctions dimam et de khathîb tant que son âge avancé le lui permit, et les céda enfin à son fils, le fekhy vertueux et béni, Abou el-Fadhl. (Que Dieu le conserve par sa toute-bonté ; car Dieu est miséricordieux et bienfaisant !)
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La mosquée El-Andalous demeura telle quelle avait été bâtie jusquà lan 600. A cette époque, lémir des Croyants Abou Abd Allah el-Nasser donna lordre dy faire toutes les réparations nécessaires. En même temps il fit ouvrir la grande porte du nord, qui donne sur la cour, et fit construire au-dessous un réservoir en marbre rouge, dans lequel leau fut amenée du Bab el-Hadid. Le jet deau et le bassin de la cour furent faits aux frais de Sid Abou Zakaria, père de khalifes, qui versa entre les mains dAbou Chama el-Djyachy, directeur des travaux, la somme nécessaire à ces cons tructions. Depuis lors, jusquen 695, on ne toucha plus à cette mosquée ; à cette époque, Abou Abd Allah ben Mechouna, imam et cheïkh, pria lémir des Croyants, Abou Yakoub, fils de lémir des Musulmans, Abou Youssef ben Abd el-Hakk (que Dieu les agrée !), de lui permettre de réparer cet édi fice. Lémir layant autorisé, Ben Mechouna refit à neuf tout ce qui était détruit ou endommagé, et dépensa à cela de fortes sommes habous. Le jet deau, le bassin, le réservoir et les lieux aux ablutions reçurent leurs eaux de la source du Bab el-Hadid jusquà, lépoque de la famine de deux ans, où, tous les canaux ayant été détruits, il fallut puiser à la rivière Mesmouda leau nécessaire à la mosquée. Plus tard, lémir des Musulmans, Abou Thâbet Amer ben Abd Allah, y amena de nouveau leau de la fontaine du Bab elHadid, en faisant reconstruire les travaux faits dans le temps par El-Nasser lAlmohade, et dont il ne restait plus que les traces. Ces travaux, semblables aux premiers, furent faits en 707 (1307 J. C.) aux frais du bit el-mal, et sous la direction de larchitecte Abou el-Abbas Ahmed el-Djyâny.
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CONTINUATION DE LHISTOIRE DES EDRISSITES HOSSEÏNIENS (QUE DIEU LEUR FASSE MISÉRICORDE !)
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Lémir Yhya succéda à son père Yhya ben Mohammed ben Edriss ben Edriss, sous le règne duquel la mosquée El-Kairaouyn fut construite. Yhya ben Yhya était un prince de mauvaises murs ; il viola dans le bain une jeune fille juive nommée Hanyna, la plus belle femme de lépoque, qui avait résisté à ses offres et à ses prières. Bientôt Abd er-Rahman ben Aby Sahel et-Djedmy se révolta contre le nouvel émir, et forma, avec la femme de Yhya ben Mohammed, le complot de lassassiner; mais Khateka, fille dAly ben Omar et femme de lémir, ayant découvert leur projet, pressa son mari de passer dans lAdoua el-Andalous, afin de se soustraire à leurs tentatives ; il nen eut pas le temps ; il mourut dans la même nuit, de douleur et de remords de sêtre attiré, par sa propre faute, la honte et lopprobre qui le couvraient. Abd er-Rahman ben Aby Sahel prit alors le gouvernement de la ville ; mais Khateka écrivit aussitôt à son père, Aly ben Omar ben Edriss, pour lui faire part de ce qui venait de se passer et de lusurpation de Ben Aby Sahel. A la réception de ces nouvelles, Aly ben Omar ben Edriss, qui gouvernait le pays des Senhadja, rassembla à la hâte ses soldats et ses gens, et marcha sur Fès. Il entra dans lAdoua el-Kairaouyn, renversa lusurpateur et fit reconnaître par les deux Adouas sa souveraineté, quil eut bientôt établie et étendue sur tout le Maghreb. Cest ainsi que le pouvoir passa des mains des descendants de Mohammed ben Edriss dans celles des descendants dOmar ben Edriss, frère de. Mohammed.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LIMAM ALY BEN OMAR BEN EDRISS.
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Aly ben Omar ben Edriss ben el-Hosseïn ben el-Hosseïn ben Aly ben Abou Thaleb (que Dieu les agrée !) fut proclamé souverain de Fès et de tout le Maghreb après la mont de son cousin Yhya ben Yhya. Il conserva le pouvoir jusquà lépoque où il fut attaqué par Abd el-Rezak el-Fehery, létranger. Celui-ci, étant passé de Ouechka(1) en Andalousie, son pays, dans le Maghreb, vint camper sur le mont Ouablân, situé à une journée et demie de Fès. Accueilli par un grand nombre de Berbères des tribus de Médiouna, de Ghyata et autres, qui lélurent pour chef, il construisit, sur le mont Sla, dans les terres de Médiouna, un château quil appela Ouechka, du nom de sa patrie, et qui existe encore aujourdhui. Ensuite, ayant fait une descente dans le pays de Sfarya, il sempara du village de Sfar, dont les habitants augmentè rent le nombre de ses soldats, et alors, revenant sur ses pas, il marcha sur Fès. A son approche, lémir Aly ben Omar, ben Edriss sortit de la ville avec une forte armée et lui livra bataille. Le combat fut sanglant, mais la victoire resta
1 Huesca.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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à Abd el-Rezak, et lémir, voyant la plus grande partie de son armée détruite, prit la fuite et se retira dans le pays de Ouaraba. Abd el-Rezak entra à Fès et sétablit dans lAdoua el-Andalous, où les khotbah furent faits en son nom. Toutefois il ne put se faire reconnaître par les habitants de lAdoua el-Kairaouyn qui, ayant envoyé chercher Yhya ben el-Kassem ben Edriss, surnommé el-Mekadem (le chef), le proclamèrent émir et le mirent à leur tête. Celui-ci, ayant attaqué Abd el-Rezak, le défit et le chassa de lAdoua elAndalous, où sa souveraineté fut aussitôt reconnue et par les indigènes et par les étrangers andalous qui lhabitaient. Lémir Yhya ben el-Kassem confia le gouvernement de lAdoua el-Andalous à un préfet nommé Thalabah ben Mehârib ben Abd Allah, de la tribu de Azdy, du pays de Rebath et descen dant de Mehhaleb ben Aby Sfrah. Thalabah fut remplacé à sa mort par son fils AbdAllah, surnommé Abboud, également nommé par lémir Yhya, et auquel succéda son fils Mehârib ben Abboud ben Thalabah.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR YHYA BEN EL-KASSEM BEN EDRISS EL-HOSSEÏN, SURNOMMÉ EL-MEKADEM (LE CHEF).
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Lémir Yhya ben. El-Kassem fut proclamé souverain de Fès après la fuite de son cousin Aly ben Omar, et après avoir chassé Abd el-Rezak de lAdoua el-Andalous, dont il confia le gouvernement à son préfet Thalabah ben Mehârib. Ce prince se mit immédiatement en expédition pour aller châ tier les gens du pays de Sfarya contre lesquels il eut à soutenir de grands combats et de sanglants massacres. Dailleurs, il gouverna heureusement jusquen 292, époque à laquelle il fut assassiné par Rébi ben Soléïman.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR YHYA BEN EDRISS BEN OMAR BEN EDRISS.
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Yhya ben Edriss ben Omar ben Edriss, lHosseïnien, succéda à son cousin germain Yhya ben el-Kassem el-Mekadem ; il fut proclamé émir par les deux Adouas, et son nom fut placé dans tous les khotbah du Maghreb. Il distribua les commandements des provinces aux descendants dOmar, et fut le plus grand et le plus illustre des Edrissites après Edriss ben Edriss. Aucun ne fut si instruit, si bien élevé, si puissant, et neut une domination aussi étendue. Docteur en loi et versé dans le Hadits, il parlait larabe pur, et il fut juste et religieux. Il gouverna tranquillement jusquen 305, où il lut atta qué par Messala ben Habous el-Mekenèsy, kaïd dObeïd Allah el-Chyay(l), qui régnait alors à Kayrouan. A lapproche de ce général, lémir Yhya
1 Obeid Allah el-Chyay on Chyi, fondateur de la dynastie des Fathimites, en Afri que, appelée aussi des Obeïdites ou des lsmaëliens. Obeïd Allah surgit de Sidjilmessa en 296 ou 298 de lhégire, refaisant appeler El-Mehdy, le directeur, et se disant annoncé par ces paroles de Mahomet : Vers lan 300 le soleil se lèvera du côté de loccident.» (DHerbelot.)
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sortit de la ville avec ses troupes ; mais il fut battu et forcé de rentrer à Fès, où il se renferma. Assiégé par Messala, il fut bientôt obligé de capituler et de se soumettre aux conditions du vainqueur, qui exigea de fortes sommes, et une déclaration écrite par laquelle lémir se reconnaissait dépendant dAbd Allah el-Chyay, souverain de lIfrîkya. Messala retourna alors à Kayrouan, laissant la surveillance du Maghreb à Moussa ben Aby el-Afya, maître de Tsoul et du pays de Taza qui, à son arrivée, était venu au-devant de lui avec des présents, lavait bien accueilli dans ses états et avait pris part à la guerre quil venait de faire dans le Maghreb. Moussa ben Aby el-Afya, enorgueilli parle succès, chercha bientôt à faire prévaloir son autorité dans le Maghreb; mais il ne put lemporter sur Yhya ben Edriss, lHosseïnien, qui avait pour lui noblesse, générosité, religion, justice, et qui contrecarrait aisément tous ses plans. Moussa était dévoré de colère et denvie; aussi, en 309, lorsque le kaïd Messala passa pour la seconde fois dans le, Maghreb, lui adressa-t-il les plus vives instances pour quil semparât de la personne de lémir de Fès, tant quenfin ce général, excité et poussé à bout par, ses supplication réitérées, condescendit à ses désirs et marcha sur Fès. A son approche, lémir Yhya sortit avec lélite de ses soldats pour le recevoir ; mais à peine arrivé, il fut arrêté et couvert de chaînes. Messala entra à Fès précédé de son prisonnier, monté sur un chameau ; puis, à force de mauvais traitements, il se fit livrer tous les biens et les trésors cachés du malheureux Yhya, et, lorsquil neut plus rien à attendre de ses révélations, il lui ôta ses chaînes et lexila dans la ville dAsila, nu et manquant de tout. Lémir Yhya passa quelque temps chez son cousin, où la pitié de ses amis lui prodiguait des secours. Bientôt, ne pouvant plus se résigner à accepter ces aumônes, il partit pour passer en Ifrîkya ; mais, arrêté en route par Moussa, il fut jeté dans les prisons de la ville de Mekenès, où il demeura très-longtemps avant de recouvrer sa liberté. Tel fut pourtant leffet de la colère paternelle. Un jouir, Omar ben Edriss, son père, sétant fâché, avait appelé sur lui la douleur; la misère et la honte; et, en effet, le malheureux Yhya resta près de vingt ans dans les prisons de Ben el-Afya. Lorsquil en sortit, il ne trouva dautre refuge que la ville de Mehdïa, dont le peuple était en révolte, et il mourut de faim au commencement de lannée 332 (943 J. C.), pendant quAbolu Zyd Moukl halid ben Keïdâd , le Zenèta, assiégeait cette ville. Messala conserva le gouvernement de Fès et des pays circonvoisins pendant environ trois ans, sous le commandement de son préfet, Ryhan, qui fut, chassé par El-Hassen ben Mohammed ben el-Kassem ben Edriss el-Hosseïn.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR EL-HASSEN BEN MOHAMMED BEN ELKASSEM BEN EDRISS EL-HOSSEÏN, SURNOMMÉ EL-HADJEM (LE CHIRURGIEN, LE BARBIER, LE PHLÉBOTOMISTE).
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Lémir El-Hassen ben Mohammed ben el-Kassem ben Edriss fut sur nommé El-Hadjem parce que, dans un grand combat quil soutint contre son oncle Ahmed ben el-Kassem, il frappait les cavaliers ennemis justement au mehadjem (endroit du cou où sappliquent les ventouses) ; ce que voyant, Ahmed sétait écrié : «Décidément mon neveu est hadjem.» Le surnom lui resta, et, cest ce qui lui fit un jour répondre à quelquun ce vers : «On map pelle Hadjem, mais je ne suis point hadjem, bien que je ne manque jamais le mehadjem de mes ennemis.» Lan 310 (922 J. C.), lémir el-Hassen entra secrètement à Fès avec quelques hommes, et peu de jours après il se fit proclamer souverain, à linsu du gouverneur Ryhan el-Mekenèsy, qui prit la fuite ; il fut reconnu par un grand nombre de tribus berbères, et étendit sa domination sur les villes, de Louata, Sefra, Médiouna, les deux Mekenès, Basra, et sur la plus grande partie du Maghreb. En 311, il se mit en expédition pour aller atta quer Moussa ben Aby el-Afya, auquel il livra bataille à Fahs el-Dhad, sur les bords de lOued el-Methahen(1). Ce fut le plus grand combat qui eut lieu. sous les Edrissites ; 2,300 soldats de Moussa restèrent sur le champ de bataille, et de leur nombre était Sahel, fils de ce général. Lémir El-Hassen ne perdit environ que 600 hommes, mais, en retournant à Fès, il eut lim prudence de devancer son escorte et de rentrer seul en ville. En le voyant arriver ainsi, le kaïd Hamed ben Hamdan el-Hemdany el-Ouaraby, qui était dorigine africaine, saisit loccasion, et fit fermer les portes de la ville à la face de larmée qui arrivait. Ayant attendu la nuit, il se rendit chez lémir, le chargea de chaînes et lemmena prisonnier dans sa maison ; puis il expédia un courrier à Moussa ben Aby, el-Afya pour lui annoncer ce quil venait, de faire et lengager à venir prendre le gouvernement de Fès. Moussa arriva en toute hâte, entra dans lAdoua el-Kairaouyn, et fut bientôt maître de lAdoua el-Andalous. Une fois souverain de Fès, Moussa dit à Hamed ben Hamdan : «Livre-moi El-Hassen afin que par sa mort je compense la perte de mon fils.» Mais Hamed frémit à cette demande, car il nétait pas assez criminel pour faire verser le sang de la famille pair excellence. Il cacha encore plus soigneusement son prisonnier, et, à la faveur de la nuit, il alla le trouver, rompit ses fers et le fit échapper par-dessus les murs de la ville. Le malheu reux El-Hassen,, faute dune corde, dût sauter de fort haut et se cassa la jambe ; cependant il parvint à se traîner jusquà lAdoua el-Andalous, où il mourut après y être demeuré caché pendant trois jours.
____________________ 1 Oued el-Methahen : rivière des moulins, entre Fès et Taza.
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En apprenant cette fuite, Moussa ben Aby el-Afya, oubliant, que cétait à Hamed ben Hamdan quil devait le gouvernement de Fès, résolut de le faire périr à la place de Hassen el-Hadjem ; mais il nen eut pas le temps, Hamed ben Hamdan avait pris la fuite pour la Mehdïa. Le règne de lémir El-Hassen dit El-Hadjem avait duré environ deux années.
HISTOIRE DU RÈGNE DE MOUSSA BEN ABY EL-AFYA, ÉMIR DE FÈS ET DUNE GRANDE PARTIE DU MAGHREB.
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Lémir Moussa ben Aby el-Afya ben Aby Bacel ben Aby el-Dhahak ben Medjoul ben Feradys ben Feradys ben Ouanif ben Meknas ben Sethif elMekenèsy émir des Mekenèsa, se rendit maître de Fès en 313 (953 J. C.), et étendit successivement sa domination sur les villes de Taza, Tsoul, El-Kou tany, Tanger, El-Basra et sur une grande partie des provinces du Maghreb. A peine les habitants de Fès eurent reconnu sa souveraineté, il séleva entre lui et Hamed ben Hamdan une forte querelle au sujet de lémir Hassen; et, comme nous lavons raconté, Hamed ben Hamdan, déjà accablé de remords, nayant pu consentir à livrer lémir, ne dut son salut quà la fuite. Bientôt Moussa, proclamé émir par tous les cheïkhs et les Kabyles du Maghreb, se mit à la tête de ses troupes pour chasser les Edrissites de leur pays; et, à mesure quil les renvoyait impitoyablement de leurs demeures, il sempara des villes de Asîla, de Chella et de quelques autres points que ces mal heureux princes avaient conservés. Vaincus, subjugués, poursuivis, les des cendants dEdriss se réfugièrent tous ensemble dans la citadelle dHadjer el-Nser (Alhucema), place forte et inexpugnable. (Mohammed ben Ibrahim ben Mohammed ben El-Kassem dit, dans son histoire, quà cette époque les Edrissites disparurent dans un nuage(1)). Moussa ben Aby el-Afya vint aussi tôt mettre le siége devant Hadjer el-Nser avec lintention manifeste danéan tir la race des Edrissites. Mais les cheïkhs et les principaux du Maghreb qui laccompagnaient len empêchèrent : «Comment, lui dirent-ils, vous voulez enlever à notre pays jusquau dernier rejeton de la famille du prophète ! Vous voulez exterminer cette race bénie ! cela ne sera pas, et, non-seulement nous ne vous aiderons point, mais nous nous y opposerons par tous nos moyens.» Moussa, honteux de ces justes reproches, leva le siège et retourna à Fès, en laissant toutefois un de ses kaïds, Abou el-Fath de Tsoul, avec 1,000 cavaliers pour bloquer et gouverner les derniers descendants dEdriss. Ces événements saccomplirent en 317 . Moussa, émir de Fès, gou verna tranquillement jusquen 320, époque de la venue, dans le Maghreb, de Hamid ben Sahel, kaïd dObeïd Allah el-Chyay, émir de Mehdïa, qui arriva
____________________ 1 Image : la forteresse de Hadjer el-Nser (rocher de laigle) est située sur le sommet dun mont souvent enveloppé de nuages.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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à la tête dune grande armée avec Hamed ben Hamdan el-Hemdany. Voici pourquoi : A son retour de Hadjer el-Nser, Moussa était reste quelque temps à Fès, et, pendant son séjour, il avait fait périr Abd Allah ben Thalabah ben Mhârib ben Abboud, gouverneur de lAdoua el-Andalous, et avait nommé à sa place Mohammed ben Thalabah, frère dAbd Allah, qui, destitué à sont tour, avait été remplacé par Taoual ben Aby Yezy ; dun autre côté, il avait confié lAdoua el-Kairaouyn à Moudyn, son propre fils. Alors il sétait mis en marche et sétait porté sur Tlemcen, qui était encore au pouvoir dun descendant dEdriss, nommé Hassen ben Abou el-Aïch ben Edriss, lequel, ayant fait aussitôt sa soumission, se retira, en 319, à Melilia, une des îles de la Moulouia, abandonnant à Moussa Tlemcen et ses dépendances. Un an après, au mois de châaban 320, Moussa sétait emparé de la ville de Tekrour et de tout le pays environnant ; et alors, comme roi de Fès, de Tlemcen et de Tekrour, il avait envoyé sa soumission à lémir de lAndalousie, Abd erRahman el-Nasser Ledyn Illah, au nom duquel il fit faire les khotbahs dans tous ses états. Ce fut, en apprenant cette dernière nouvelle, quObeid Allah elChyhy, régnant à Mehdïa, se décida à envoyer dans le Maghreb son kaïd Hamid, à la tête de dix mille cavaliers. Ce général, ayant rencontré Moussa à Fahs-Mysour, lui livra bataille. Le combat fut sanglant, mais sans résultat. Alors Hamid; ayant attendu la nuit, tomba sur le camp ennemi et le défit entièrement. Moussa prit la, fuite et se retira avec le reste de ses soldats à Aïn Ashak dans le pays de Tsoul. Après ce succès, le kaïd Hamid marcha sur Fès, dont il sempara sans coup férir, et dont le gouverneur, Moudyn, fils de Moussa, avait pris la fuite à son approche. Le kaïd Hamid confia le gou vernement de ses conquêtes à Hamed ben Hamdan el-Hemdany et retourna en Ifirîkya. Quand les Edrissites, réfugiés à Hadjer el-Nser, apprirent la défaite de Moussa, la fuite de Moudyn, et que Fès était, au pouvoir de Hamed ben Hamdan, ils se soulevèrent contre le kaïd Abou el-Fath, le chassèrent et dis persèrent ses soldats. Ceci eut lieu lan 321. Cependant Hamed ben Hamdan ne conserva pas longtemps le com mandement de Fès. Attaqué par Ahmed ben Aby Beker Abd er-Rahman ben Sahel, kaïd de Moussa, il fut défait et resta aux mains du vainqueur, qui envoya sa tête et son enfant à Moussa. ben Aby e1-Afya, lequel les adressa en hommage à lémir des Musulmans, El-Nasser Ledyn Illah à Cordoue. Ahmed ben Aby-Beker gouverna la ville de Fès, au nom de Moussa. ben Aby el-Afya, jusquen lan 323 (934 J. C.) ; à cette époque il fut atta qué, à son tour, par Mysour el-Fetah, kaïd dAby el-Kassem el-Chyly, qui, étant passé dans le Maghreb pour tirer vengeance de la mort dObeïd Allah
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el-Fehery, père dAby el-Kassem, vint mettre le siége devant Fès. Ahmed se défendit aussi longtemps quil put ; mais, nayant pu lasser îles assiégeants, il se décida à faire sa soumission, sortit de la ville avec de riches présents quil vit déposer aux pieds de Mysour. Celui-ci accepta les présents, puis aussitôt il le fit prendre, le chargea de chaînes et lenvoya à la Mehdïa. A la vue de cette trahison, les gens de Fès fermèrent de nouveau les portes de leur ville et continuèrent de soutenir le siége, sous le commandement de Hassen ben el-Kassem el-Louaty, quils élurent gouverneur. Pendant six mois encore tous les efforts de Mysour furent vains. Voyant quil ne faisait pas le moindre progrès, il se décida, à, son tour, à parlementer avec les assié gés, et leur accorda la paix moyennant, six mille dinars et quelques provi sions. De plus, il se fit donner par écrit acte de leur soumission à lémir des Musulmans, Aby el-Kassem el-Chyhy, leur enjoignit de frapper la monnaie au nom de ce prince, et de faire dire le khotbah pour lui dans toutes les chai res. Ces points étant réglés, Mysour leva le siége et se porta contre Moussa ben Aby el-Afya, latteignit, et lui livra un sanglant combat dans lequel les descendants dEdriss se battirent avec un courage acharné. Moussa fut vaincu et senfuit au Sahara, poursuivi par les vainqueurs. A cette époque, les Edrissites, quoique placés sous le commandement de Aby el-Kassem, possédaient déjà plus de biens que nen avait Ben Aby el-Afya lui-même; aussi Moussa, nosant plus se hasarder, continua à errer dans le Sahara et dans le pays quil avait pu conserver sous sa domination, cest-à-dire depuis Aghersyf jusquà Tekrour, et, mourut enfin, en 341, dans les environs de la Moulouïa. Selon El-Bernoussy, Moussa ben Aby el-Afya serait mort en 328, et aurait eu pour successeur son fils Ibrahim, mort en 335, auquel aurait succédé Abd Allah, son fils, mort en 360, auquel enfin aurait succédé Mohammed, son fils, avec lequel séteignit, en 363, la dynas tie des Beni El-Afya de Mekenèsa. Quelques historiens rapportent encore que ce dernier prince, Mohammed, eut pour successeur son fils El-Kassem ben Mohammed, lennemi des Lemtouna, contre lesquels il aurait fait une guerre acharnée, et qui aurait enfin succombé sous les coups de Youssef ben Tachefyn, qui se serait. emparé de tous ses états et aurait ainsi anéanti la race des Beni el-Afya. Suivant ce récit, la dynastie des Beni el-Afya aurait régné cent quarante ans, de 305 à 445, cest-à-dire depuis le commencement du règne dAbd er-Rahman el-Nasser Ledyn Illah, jusquà la domination des Lemtouna. Le kaïd Mysour, après avoir accordé la paix au peuple de Fès, en laissa :le-commandement à Hassen ben el-Kassem, qui gouverna cette ville pendant dix-huit ans, de 323 à 341, époque à laquelle il céda volontairement la place à Ahmed ben Aby-Beker, revenu de Mehdïa. Aben el-Ban, dans son histoire intitulée Djellan el-Dhân, rapporte que, lorsque Moussa, chassé par
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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le kaïd Mysour, eut pris la fuite, le gouvernement du Maghreb passa aux enfants de Mohammed ben el-Kassern ben Edriss el-Hosseïn, Kennoun et Ibrahim, frères utérins ; laîné, Kennoun, prit le premier le gouvernement.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR KENNOUN.
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Le vrai nom de lémir Kennoun était Kassem ben, Mohammed ben el-kassem ben Edriss ben Edriss lHosseïnien. Il régna sur tout le Maghreb, à lexception de la ville de Fès, et tint sa cour à Hadjer el-Nser, où il mourut en 337, laissant pour successeur son fils Abou el-Aïch Ahmed ben Kennoun.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR ABOU EL-AÏCH AHMED, BEN EL-KASSEM KENNOUN.
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Ce prince était très-savant, versé dans létude des lois et des sciences abstraites. Il savait lhistoire des souverains et lhistoire des peuples; il con naissait les origines des tribus du Maghreb et des Berbères ; prudent, cons tant, éloquent, vertueux, généreux, on le distingua des autres descendants dEdriss en joignant à son nous lépithète El-Fadhl (le vertueux). Partisan des Mérouan, il avait choisi son entourage parmi les descen dants de ce prince, et, lorsquil succéda à son père, il secoua le joug des Obéïdes pour se placer sous la souveraineté dAbd Allah el-Nasser Ledyn Illah, khalife dEspagne, au nom duquel il fit faire le khotbah dans tous ses états. El-Nasser lui ayant répondu quil nacceptait sa soumission que, si les villes de Tanger et de Ceuta lui étaient livrées, Abou el Aïch repoussa cette condition, et El-Nasser envoya un corps darmée contre lui qui le battit et le força à consentir à la cession demandée des places de Tanger et de Ceuta. Ce prince, ses frères et ses cousins Edrissites fixèrent alors leur résidence à Basra et à Asîla, et demeurèrent vassaux de lémir de Cordoue, tandis que les généraux dEl-Nasser, à la tête de nombreux soldats de lAndalousie, continuaient à faire la conquête de lAdoua, en faisant périr ceux qui résis taient, en accueillant avec bienveillance ceux qui se soumettaient, se servant des uns pour combattre les autres, et soutenant ceux qui envoyaient à lémir El-Nasser des contributions dhommes et dargent; cest ainsi que lémir de lAndalousie parvint à semparer de la plus grande partie du Maghreb, et maintint sous sa domination un grand nombre des tribus Zenèta et autres Berbères. Les khotbahs furent prononcés en son nom dans toutes les chaires, depuis Tanger jusquà Teheret, à lexception de celles de Sidjilmessa, qui était, gouvernée à cette époque par Menâder le Berbère. Les habitants de Fès, suivant, lexemple des autres, proclamèrent éga lement la souveraineté de. lémir El-Nasser, qui confia alors le gouvernement
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de toute lAdoua à Mohammed ben el-Kheyr ben Mohammed el-Yfrany elZenèty, qui fut le plus fort et le plus puissant des rois Zenèta, respectant et louant sincèrement les émirs Ommyades, parce que Othman ben Offan sétant attaché à son aïeul Harb ben Has ben Soullat ben Ourhan el-Yfrany, lui avait fait embrasser lislamisme, et lui avait, donné le gouvernement des Zenèta. Aussi lamitié et les bons rapports ne cessèrent jamais entre ses suc cesseurs et les Ommyades. Mohammed ben el-Kheyr devint donc émir de Fès ; il resta environ un an dans cette capitale, et il vit sortit pour passer en Andalousie faire la guerre sainte contre les Chrétiens, laissant le gouvernement de 1a ville à son cousin, Ahmed ben Aby-Beker ben Ahmed ben Othman ben Saïd elZenèta, qui bâtit le minaret de la mosquée El-Kairaouyn, en lan 344. En 347, lémir El-Nasser donna le gouvernement de Tanger et dépendances à Yaly ben Mohammed el-Yfrany, qui vint alors sétablir dans ce pays avec sa tribu des Yfran. Lorsque Abou el-Aïch vit que El-Nasser avait conquis lAdoua, il lui écrivit à Cordoue pour lui demander lautorisation de venir faire la guerre sainte ; lémir El-Nasser accéda à sa prière, et ordonna quon lui bâtit des forts à toutes ses étapes, depuis Algérisas jusquà la frontière, et quon lui fournit, à chaque halte, la nourriture, la boisson et les lits nécessaires, plus mille dinars. Cet ordre fut exécuté sur toute la route comprenant trente étapes, depuis Algérisas jusquà la frontière. En partant pour lAndalousie, Abou el-Aïch avait nommé à sa place son frère, El-Hassen ben Kennoun ; il mourut en combattant les Chrétiens, en lan 343 (954 J. C.). Que Dieu lui fasse miséricorde !
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR HASSEN BEN KENNOUN.
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Hassen ben Kennoun ben Mohammed ben el-Kassem ben Edriss elHosseïn fut proclamé émir après le départ de son frère, qui mourut à la guerre sainte. Ben, Kennoun est le dernier des rois Edrissites au Maghreb, et il resta sous la suzeraineté des Mérouan jusquà lépoque où Mâdh el-Chyhy; maître de lIfrîkya, ayant appris que Nasser avait conquis lAdoua et soumis à la dynastie des Ommyades les populations berbères et zenèta qui lhabitaient, donna ses pleins pouvoirs à Mehdy ben Ismaël et envoya son kaïd Ismaël Djouhar el-Roumy (le chrétien(1)) à la tête de vingt mille cavaliers, avec ordre de parcourir le Maghreb et de le subjuguer. Djouhar partit de Kairouan en
____________________ 1 Djouhar le Chrétien, nom dun esclave Grec de nation, lequel, ayant été affran chi par El-Mansour, khalife des Fathimites en Afrique, savança dans les charges militai res jusquà celle de général darmée. Ce fut lui qui conquit lÉgypte pour Mouaz Ledyn Illah, et qui lit bâtir la ville du Caire en 358, sous lhoroscope de la planète de Mars, surnommée El-Kaher par les astronomes arabes. (Dr. Herbelot.)
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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347 et marcha sur le Maghreb ; à la nouvelle de son approche, Yaly ben Mohamlhed el-Yfrany, émir des Beni Yfran et lieutenant du khalife El-Nas ser Ledyn Illah dans lAdoua, rassembla les Beni Yfran et les Zenèta et savança à la tête dune nombreuse armée jusquaux environs de la ville de Teheret, qui furent le théâtre dune guerre sanglante entre les deux partis. Enfin le kaïd Djouhar étant parvenu à, corrompre, moyennant. de fortes sommes dargent, les chefs de la tribu de Ketama, ceux-ci se révoltèrent contre Yaly ben Mohammed, le massacrèrent et envoyèrent sa tête et ses vêtements à Djouhar, qui les récompensa par de riches présents, et envoya ces sanglants trophées à son maître, Mâdh Mouaz ben Ismaël, lequel les fit promener dans les rues de Kairouan. Après la mort de leur prince, les Beni Yfran furent chassés et dispersés, et Yaly fut le dernier émir de cette tribu, quoique quelques-uns des Beni Yfran se fussent ralliés pour nommer Yddou fils dYaly ben Mohammed pour succéder à son père. Après ce premier succès, Djouhar se porta sur Sidjilmessa où régnait en ce temps-là Abou Mohammed ben el-Fath el-Kharydjy, plus connu sous le nom de Ouachoul ben Mejmoun ben Medrar el-Safyry, qui prétendait être khalife et se faisait appeler émir des Croyants. Il sétait fait surnommer elChaker Billah (le reconnaissant envers Dieu), et faisait battre monnaie sous ce nom, et cette monnaie, dailleurs fort bien frappée, sappelait chakerya. Malgré cela, Mohammed ben el-Fath était homme de bien, et gouvernait selon la justice et le Sonna, en suivant la doctrine El-Maleky. Djouhar mit le siège devant Sidjilmessa, et après lavoir de plus en plus resserrée, il y entra les armes à la main, sempara de Chaker, dispersa ses soldats, fit périr ses compagnons et ses favoris de Safyria, et lemmena à Fès captif et enchaîné; cela était en lan 3ûg (g6o J. C.). Djouhar fit le siège de Fès, et après lavoir bloquée de tous côtés pendant treize jours, il y entra à lassaut, massacra beaucoup de monde et fit prisonnier lémir Ahmed ben Aby Beker el-Zenety, qui avait reçu le gouvernement de cette capitale de lémir El-Nasser, lors que celui-ci avait été proclamé par le peuple de Fès. Djouhar fit périr les principaux habitants, sempara des trésors, détruisit les murailles et lit dim menses ravages ; son entrée à Fès eut lieu dans la matinée du jeudi 20 de ramadhan de lannée 349 ; aussitôt après. Djouhar parcourut le Maghreb, dispersant les chefs et les partisans des Mérouan (Ommyades) ; semparant des villes, et chassant devant lui les Zenèta et autres Kabyles qui fuyaient à son approche. Cest ainsi quil tint le gouvernement du Maghreb durant trente mois ; il retourna alors auprès de son maître Mâdlh ben Ismaël elObéïdy, pour lui rendre compte de ses exploits au Maghreb où il avait ren versé la puissance des Mérouan en faveur des Obéïdes, au nom desquels, les khotbah se prononçaient dans toutes les chaires. Djouhar arriva à la
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Mehdïa(1), traînant à sa suite Mohammed Abou Beker el-Yfrany, lémir de Fès et vingt-cinq de ses cheïkhs, et Mohammed ben el-Fath, émir de Sid jilmessa, tous emprisonnés dans des cages de bois, hissés sur le dais des chameaux, et coiffés de calottes de vieille bure surmontées de cornes. Ces prisonniers furent dabord ainsi promenés et exposés sur tous les marchés de Kairouan, et à leur arrivée à Mehdïa ils furent jetés dans des cachots, où ils moururent. Lémir El-Hassen ben Kennoun reconnut la suzeraineté des Fathimites durant, tout le séjour de Djouhar au Maghreb ; mais au départ de celui-ci, à la fin de lannée 349, il se plaça sous celle des Ommyades, non point certes par affection, mais par la crainte quils lui inspiraient, et il leur resta soumis jusquà larrivée de Belkyn ben Zyry ben Mounâd, le Senhadja, qui passa de lIfrîkya au Maghreb pour venger la mort de son père. Belkyn battit les Zenèta et domina tout le Maghreb, où il renversa les Ommyades, dont il fit périr les représentants, et il remplaça tout ce pays sous la suzeraineté de Mâdh ben Ismaël, comme Djouhar lavait, fait avant lui. A larrivée de Belkyn, lémir Hassen ben Kennoun, qui résidait à Basra, avait été le premier à attaquer les Ommyades, et à secouer leur jou ; aussi El-Hakem el-Moustan syr, furieux en apprenant cette défection, expédia aussitôt contre lui son kaïd Mohammed ben el-Kassem, à la tête dune nombreuse. armée. Ce général partit dAlgérisas et débarqua à Ceuta avec un corps darmée considérable, dans le mois de raby el-aouel, an 362 (972 J. C.); il se mit immédiatement en marche pour aller attaquer Ben Kennoun et ses Kabyles berbères. Les deux armées se rencontrèrent dans les plaines de Tanger connues sous le nom de Fahs beny Mesrah. Le combat fut sanglant ; Mohammed ben el-Kassem fut tué avec un grand nombre des siens, et le restant prit la fuite et se réfugia à Ceuta. Ceux-ci se renfermèrent dans la ville et écrivirent au khalife pour lui demander du secours. El-Moustansyr leur envoya Ghâleb son premier kaïd, son compagnon de guerre, le plus distingué de tous ses généraux par son courage, son énergie, son intelligence, son habileté et son intrépidité, auquel il donna de fortes sommes et une armée nombreuse, avec ordre daller atta quer les Alydes chez eux et de les exterminer. En le congédiant il lui dit : «O Ghâleb ! va prudemment, et ne reviens ici que vainqueur ou tué ; ne ménage point largent, répands le largement pour attirer les hommes à toi !» Ghâleb sortit de Cordoue à la fin du mois de chouel de lannée 362. A la nouvelle de son approche, Ben Kennoun fut saisi dépouvante, et il sortit de la ville de Basra emportant avec lui son harem, ses trésors et ses
____________________ 1 Mehdïa, sur la côte de Tunis, à deux journées de Kairouan, bâtie en 303 par Obeïd Alllah, premier khalife des Fathimites, surnommé El-Mehdy (le directeur dans la bonne voie) par ceux-ci, et El-Chyhaï (lhérétique, limposteur), par les Sunnites. (Dr. Herbelot.)
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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biens, et il se réfugia à Hadjer el-Nser, près Ceuta, où il renferma le tout. Ghâleb arriva par mer dAlgérisas au château Mesmouda, où il trouva Ben Kennoun à la tête dune armée. Après quelques combats, Ghâleb, faisant usage de son argent, envoya de fortes sommes aux chefs berbères qui soute naient lémir, en leur faisant dire quils avaient laman et pouvaient venir à lui. En effet, ceux-ci abandonnèrent El-Hassen, qui resta bientôt seul avec les gens de sa suite, et neut dautre ressource que de rentrer à Hadjer elNser, où il se fortifia. Ghâleb le suivit de près et assiégea la place en lentou rant de tous côtés, de façon à intercepter toutes communications. Telle était la situation, lorsque, sur lordre de Hakem el-Moustansyr, tous les Arabes et les principaux guerriers de lAndalousie vinrent rejoindre Ghâleb, qui, en recevant ces renforts, au commencement du mois de moharrem, an 363, redoubla les rigueurs du siége, au point que El-Hassen Kennoun se vit bien tôt réduit à demander merci ; il sollicita laman pour sa personne, pour sa famille, pour ses biens et pour les gens de sa suite, avec condition de se rendre et daller résider à Cordoue. Sur lacceptation de Ghâleb, El-Hassen ben Kennoun, ouvrant la place aux assiégeants, se rendit avec sa famille, ses biens et les gens de sa suite. Ghâleb, prenant le commandement de la forteresse dHadjer el-Nser, y fit transporter tous les Alydes qui se trouvaient sur les terres ou dans les villes de lAdoua, sans en excepter un seul. Cela fait, il se rendit à Fès, et, après avoir dirigé le gouvernement pendant quelque temps, il confia le commandement de lAdoua el-Kairaouyn à Mohammed ben Aby ben Kchouch, et celui. de lAdoua el-Andalous à Abd el-Kerym ben Thalabah ; ces deux gouverneurs restèrent fidèles aux Ommyades jus quà la conquête de Zyry ben Athya el-Zenèty el-Maghraouy. Ghâleb revint donc en Andalousie, emmenant avec lui El-Hassen ben Kennoun et tous les princes Edrissites, après avoir subjugué le Maghreb entier et y avoir établi ses gouverneurs; après avoir anéanti le culte des Obéïdes et lavoir remplacé partout par celui des Ommyades. Ghâleb sortit de Fès à la fin de ramadhan de lannée 363, et se rendit à Ceuta, où il sembarqua pour Algérisas. De là, il écrivit à El-Hakem elMoustansyr pour lui annoncer son arrivée et celle des Alydes quil condui sait. A la réception de cette lettre, El-Hakem ordonna à la population de la ville de se porter à la rencontre du vainqueur, et lui-même, étant monté à cheval, se rendit au-devant de Ghâleb avec une brillante escorte composée de tous les personnages les plus distingués de sa cour. Le jour de cette entrée solennelle fut une grande fête à Cordoue ; cétait le 1er de moharrem, de lan 364. (974 J. C.). El-Hassen ben Kennoun sinclina devant le khalife, qui laccueillit avec bienveillance et lui accorda son pardon. El-Moustansyr lui fit donner tout ce qui lui était nécessaire et une forte pension pour lui et les
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gens de sa suite, quil admit même au nombre de ses employés. Ils étaient en tout sept cents hommes, mais ils en valaient bien sept mille des autres. Ils demeuraient tous à Cordoue, ainsi que Ben Kennoun, jusquen 365, époque où ils en furent chassés, et voici pourquoi : Ben Kennoun possédait un mor ceau dambre fort gros et dun parfum exquis, quil avait trouvé un jour en se promenant sur la plage, durant sois règne, et quil plaçait habituellement sons son oreiller quand il dormait. Un jour El-Hakem eut envie de ce mor ceau dambre, et le lui demanda en lui offrant en échange tout ce quil vou drait, mais Kennoun le lui refusa obstinément, et El-Hakem, perdant enfin patience, fit piller sa demeure et lui enleva non-seulement le morceau dam bre, mais tout ce quil avait. Ce morceau dambre resta dans le trésor des rois de Cordoue jusquà la conquête de Aly ben Hammoud el-Hosseyny, qui, après avoir vaincu les émirs de lAndalousie, pénétra dans le palais des Ommyades, où il retrouva ce morceau dambre qui venait de son cousin Ben Kennoun et qui, après être ainsi passé de mains en mains, retourna aux Alydes, ses premiers propriétaires. El-Hakem, non content de la disgrâce de Kennoun et de tous les biens quil lui avait enlevés, lui ordonna de sortir de Cordoue avec tous les Alydes et de sen aller dans le Levant. Ils partirent donc, et sembarquèrent à Almé ria pour Tunis, en lan 365, et El-Hakem neut plus à penser à leur entretien. De Tunis, Ben Kennoun et les siens passèrent en Égypte et sétablirent près de Nysar ben Mad, qui les accueillit parfaitement et leur promit généreuse ment de les venger en les aidant à reprendre leur puissance. Ils restèrent au Caire jusquau commencement de lan 373, sous le règne de Hachem elMouïd. A cette époque, El-Nysar les invita à retourner dans le Maghreb, et il écrivit à son lieutenant de lIfrîkya, Belkhyn ben Zyry ben Mounady, de leur fournir les troupes nécessaires. El-Hassen ben Kennoun arriva chez Belkhyn, qui lui donna une armée de trois mille cavaliers, à la tête desquels il rentra au Maghreb, où il reçut la soumission des tribus berbères accourant au-devant de lui. A cette nouvelle, El-Mansour ben Aby Amer, lieutenant de Hachem el-Mouïd, expédia son cousin, le visir Abou el-Hakem Omar ben Abd Allah ben Aby Amer, avec une forte armée, et en lui donnant ordre dal ler prendre le gouvernement du Maghreb et den chasser Hassen ben Ken noun. Abou el-Hakem se mit aussitôt en marche, passa la mer et débarqua à Ceuta, doù il sélança à la poursuite de Hassen, quil battit et harcela assez, longtemps sans résultats, Jusquà larrivée dEl-Mansour ben Aby Amer ben Abd Allah el-Malek, envoyé de lAndalousie avec une forte armée pour ren forcer celle du visir. Cest alors que Ben Kennoun, se sentant perdu et ne trouvant aucun moyen de séchapper, demanda laman avec condition dal ler à Cordoue, comme la première fois. Le visir Aby-Beker accéda à sa
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demande, et lui fournit tout sors nécessaire, en prévenant son cousin ElMansour de la prochaine arrivée à Cordoue de son ennemi vaincu ; mais El-Mansour ne ratifia point du tout laman donné par son cousin, et il lui ordonna de faire périr Ben Kennoun en route, ce qui fut exécuté. Le visir fit décapiter Kennoun, dont le corps fût enterré et la tête envoyée à El-Man sour, qui la reçut à Cordoue le premier jour de djoumad el-aouel, an 375 (985 J. C.). Le règne de Hassen ben Kennoun avait duré seize ans la première fois, de lan 347 à lan 364, et un an et neuf mois la seconde fois. Cest ainsi que le vent des Alydes séteignit an Maghreb et quils furent dispersés ; il en resta un petit nombre à Cordoue, faisant partie du divan du sultan pour les affaires du Maghreb, jusquau règne dAly ben Hamoud, qui releva leur position. A la mort de Kennoun il y eut un coup de vent terrible qui emporta son manteau, quon ne revit jamais. Selon Ibn el-Fyadh, Hassen ben Ken noun était méchant, cruel et sans merci. Lorsquil semparait dun ennemi, dun voleur ou dun bandit, il le faisait précipiter du haut des remparts de Hadjer el-Nser dans des précipices dont 1oei1 ne voyait pas le fond, et où les condamnés narrivaient quen morceaux. La dynastie des Edrissites hosseïniens séteignit ainsi dans le Maghreb par la mort de Ben Kennoun, qui fut le dernier de leurs rois. Leur règne, depuis le jour de la proclamation dEdriss dans la ville dOualily, jeudi 7 de raby el-aouel, an 172 (788 J. C.) jusquà la mort de Kennoun, dans le mois de djoumad el-aouel, an 375 (985 J. C.) avait duré deux cent deux ans et cinq mois. Leur domination sétendit depuis le Sous el-Aksa jusquà la ville dOran, et ils eurent pour capitale Fès, et plus tard El-Basra. Ils furent alter nativement en lutte avec deux grandes dynasties, celle des Obéïdes en Égypte et en Afrique, et celle des Ommyades en Andalousie, qui leur enlevèrent le khalifat, le pouvoir et les richesses. Lors de leur plus grande prospérité, ils sétendirent jusquà Tlemcen; mais ladversité les réduisit aux villes dElBasra, Asîla et Alhucema, et cest ainsi quils finirent et que finit leur règne. Dieu seul est éternel ! Dieu sans lequel il ny a pas de Dieu ! Celui qui ne finit jamais et qui est seul adorable !
CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS REMARQUABLES QUI ONT EU LIEU DANS LE MAGHREB SOUS LES EDRISSITES.
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De lan 208 à lan 240 (823 à 861 J. C.) consécutivement, il y eut grande abondance dans le Maghreb ; à Fès, le prix moyen du blé fut, durant cette période, de trois drahems la charge.
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232 (846 J. C.). Grande sécheresse dans lAndalousie; les animaux, les arbres, les figuiers et les vignes périrent. - Les sauterelles dévastèrent les campagnes. - Mort de limam Abd er-Rahman ben el-Hakem. 237 (831 J. C.). Un muezzin des environs de Tlemcen, se disant pro phète et changeant, à son gré, le vrai sens du Koran, parvint à rassembler parmi les mauvais sujets un grand nombre de prosélytes. Entre autres pré ceptes, la nouvelle loi défendait de se couper les cheveux et les ongles, de sépiler et de porter des ornements, disant quil ne fallait, rien Changer aux créatures de Dieu. Lémir de Tlemcen donna lordre darrêter ce faux pro phète, qui prit aussitôt la fuite et parvint à gagner le port de Honein (entre Oran et Nemours), où il sembarqua. Étant passé en Andalousie, il continua à prêcher sa doctrine, et réussit encore à former un nombreux parti de toutes sortes de gens. Enfin le roi de lAndalousie le fit prendre, et après lavoir vai nement engagé à abjurer ses erreurs, le condamna à être crucifié ; le muezzin supporta le supplice et mourut eu répétant : Tuerez-vous un homme parce quil dit : Dieu est mon Seigneur(1) ! 253 à 265, (867 à 878 J. C.). Grande disette et longue sécheresse qui désolent les pays de lAndalousie et de lAdoua. 254 (868 J. C.). Éclipse totale de lune pendant une grande partie de la nuit. 260 (873 J. C.). Disette générale dans tout le Maghreb, en Andalou sie, en Afrique, en Égypte et dans Hedjaz. Les habitants de la Mecque eux mêmes durent aller chercher leur, subsistance en Syrie, et leur ville resta presque entièrement déserte. La kâaba fut fermée pendant quelque temps. Dans le Maghreb et lAndalousie il y eut de plus urne forte peste, qui fut, ainsi que la famine, un très-grand nombre de victimes. 266 (879 J. C.). Dans la nuit du neuvième jour avant la fin du mois de safar (21 safar), une magnifique rougeur (aurore boréale) apparut sur le ciel et dura toute la nuit. Jamais on navait, vu un pareil phénomène. 267 (880 J. C.). Dans la nuit du jeudi 29 chouel il y eut un terrible tremblement de terre, comme on nen avait jamais ressenti de mémoire dhomme. Les palais furent détruits jusque dans leurs fondements. Les habi tants des villes senfuirent dans les campagnes, et la plupart des maisons furent renversées. Les oiseaux eux-mêmes, abandonnant leurs nids et leurs petits, se tinrent dans les airs jusquà la fin du désastre. Les secousses les plus violentes se firent, sentir en même temps dans lAdoua, depuis Tlemcen jusquà Tanger, dans toute lAndalousie, dans les montagnes aussi bien que dans les plaines de tous les pays compris entre la mer El-Chamy (mer de Syrie, Méditerranée) et le Maghreb el-Aksa (extrême occident); néanmoins
____________________ 1 Koran, ch. XL, le Croyant, v. 29.
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personne ne périt, tant est grande la bonté de Dieu pour ses créatures. 273 (886 J. C.). Mort de limam Mohammed ben Abd er-Rahman ben Abd el-Hakim(1) ; il est remplacé par son fils El-Moundhîr. 276 (889 J. C.). Les troubles et la discorde désolent lAndalousie, le Maghreb et lAfrique. 287 (900 J. C.). Il y eut, cette année-là, une horrible famille dans lAndalousie et le Maghreb, où lon vit les hommes se manger entre eux. A ce fléau succédèrent bientôt la peste et les maladies, qui firent dinnom brables victimes. Les cadavres étaient jetés pêle-mêle dans une même fosse, sans quil fût possible de les laver ou seulement de réciter sur eux les prières des morts. 299 (911 J. C.). Éclipse totale de soleil, le mercredi 29 chouel ; le soleil sobscurcit après la prière de lAsser, et un grand nombre de per sonnes, entendant lAdhen (chant du muezzin, accoururent dans les mos quées pour faire la prière du Maghreb (prière du soir). Bientôt le disque du soleil fut entièrement couvert et les étoiles brillèrent. Puis le soleil reparut et resta encore une demi-tiers dheure (dix minutes) avant de se coucher, et le peuple, reconnaissant son erreur, recommença lAdhen et la prière du soir. 296 (908 J. C.). El-Chyhy subjugue lIfrîkya et en chasse les Beni Ghâleb dont il renverse le gouvernement. 297 (909 J. C.). Le même El-Chyhy proclame lIfrîkya indépendante des Abassides, sintitule émir des Croyants et fait, comme tel, prier pour lui dans les khotbahs ; il se donne le surnom de Mehdy. Cest lui qui, le premier, fit battre monnaie. 303 (915 J. C.). Grands troubles en Andalousie, dans lAdoua et en Ifrîkya, auxquels succède une famine semblable à celle de lan 260. Jamais peuple ne souffrit dune faim pareille. Un moud de blé se vendait trois dinars! La mortalité fut si grande quon ne put même plus ensevelir les cadavres. 305 (917 J. C.). Senet el-Nahr (lannée du feu) fut ainsi nommée parce que lincendie détruisit presquen même temps, dans le mois de chouel, les bazars de la ville de Teheret, capitale des Zenèta, les bazars de Fès, les jardins de Mekenès et les bazars de Cordoue. 307 (919 J. C.). Grande abondance dans le Maghreb, en Andalousie et en Ifrîkya; malheureusement la peste fit encore de grands ravages, et dans lAdoua un épouvantable coup de vent déracina les arbres et renversa plu sieurs édifices de Fès. Le peuple, terrifié, accourut dans les mosquées pour implorer la miséricorde de Dieu, et on ne se livra quaux bonnes uvres. 313 (925 J. C.). Moussa ben Aby el-Afya Sempare de Fès et soumet tout le Maghreb à sa domination.
____________________ 1 Cinquième khalife omnyade dEspagne.
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323 (934 J. C.). Le kaïd Mysour prend Fès dassaut et fait périr trois mille habitants ; il sempare également, les armes à la main, de Ouarzigha et Ghousedja, villes du pays de Mekenèsa, qui étaient défendues par plus de sept mille soldats quil extermina. 327 (938 J. C.). Année de nuage. Le soleil est obscurci pendant cinq jours consécutifs, et, les brouillards sont si épais quon ne voit. que la place que lon occupe. Le peuple, effrayé, fait des aumônes et des bonnes uvres, et Dieu disperse les nuages. 328 (944 J. C.).Mort de Moussa ben Aby el-Afya, maître de tout le pays de Mekenèsa. 333 (960 J. C.). Abou Zyd Moûkhalled ben Kydâd el-Yfrany sem pare de la ville de Kairouan- et de toute lIfrîkya. 349 (960 J. C.). Djouhar, kaïd dEl-Chyhy, prend dassaut la ville de Fès, dont il massacre un grand nombre dhabitants, et emmène les cheikhs prisonniers en Ifrîkya. Il sempare également de Sidjilmessa et renverse la dynastie des Beny Medrâr ; dans cette même année, Abd er-Rahman el-Nas ser se rend maître de Ceuta et de Tanger, quil fait réparer et en partie recons truire : quelques-uns rapportent cet événement en lan 319. 325 (936 J. C.). Un homme nommé Hamym, se disant prophète, surgit dans les montagnes de Ghoumâra, et parvint à convertir à sa religion un grand nombre des habitants de ce pays. Hamym prescrivait à ses prosélytes de faire deux prières par jour, la première au lever du soleil, lautre au coucher ; de faire trois rikha (prosternations) dans chacune ; de pleurer en priant, et de mettre les mains entre la face et la terre, en se prosternant. Il fit aussi un Koran (une lecture), que lon devait réciter après linvocation suivante : «Délivre moi du pêché, ô toi qui permets aux yeux de voir luni vers ! Délivre-moi du péché, ô toi qui tiras Jonas du ventre du poisson et Moise de la mer !» Et chaque rikha, il fallait dire : «Je crois en Hamym et en son compagnon Aby Ykhelaf, et je crois en Talya, tante de Hamym !» Or la femme Talya était une magicienne. Hamym ordonnait le jeûne les mardi, jeudi et vendredi de chaque semaine; dix jours dans le mois de ramadhan et deux jours dans le mois de chouel. Celui qui, sans nécessité, nobservait pas le jeûne du jeudi, était obligé de. faire une aumône de trois taureaux, et une amende de deux taureaux était imposée à celui qui mangeait le mardi. Hamym prescrivait laumône et fixait la dîme au dixième de tout, ce que lon possédait. Il supprimait le pèlerinage, les ablutions et la purification après lacte conjugal. Il permettait de manger la femelle du porc ; «car, disait-il, Mohammed a défendu le porc, mais non pas la femelle du porc.» Il défendait le poisson mort sans être égorgé, ainsi que les ufs et la tête de toutes espè ces danimaux. Tout cela donna aux Chrétiens de lAndalousie sujet de se moquer et de blâmer le gouvernement, qui, ouvrant enfin les yeux, fit prendre
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et crucifier le faux prophète au Ksar Mesmouda. La tête de Hamym fut envoyée à Cordoue, et tous ses sectateurs revinrent à lislam. 339 (950 J. C.). Lhiver fut des plus rigoureux. Il tomba des grêlons pesant jusquà une livre chacun. Les oiseaux, les animaux sauvages et domestiques, et bon nombre de personnes moururent de froid. Les arbres fruitiers et les autres plantes furent gelés, et il sensuivit une grande disette. 342 (953 J. C.). Lhiver est également fatal. Le froid tue les animaux et les arbres. fruitiers. Les pluies dépassent les besoins du pays. Tout le Maghreb est sillonné par dimpétueux torrents ; grandes tempêtes succes sives, les éclairs et la foudre font place à un vent violent qui renverse les constructions tes plus fortes. 344 (955 J. C.): La peste fait de grands ravages en Andalousie et dans le Maghreb. El-Nasser Ledyn Illah se rend maître de la ville de Tlemcen, faisant partie de lAdoua. 350 (961 J. C.). Mort dAbd er-Rahman el--Nasser Ledyn Illah. 355 (965 J. C.). Violent coup de vent qui déracine les arbres, renverse les maisons et emporte les hommes. - Dans la treizième nuit du mois de radjeb, une comète apparaît sur la mer, sa chevelure resplendissante sélève comme une colonne magnifique, qui éclaire la nuit de sa lumière et la rend semblable à la nuit dEl-Kadr(1) ; sa clarté est comme celle du jour. - Dans le même mois, éclipse de soleil et éclipse de lune, la première le 28, lautre le 14. 358 (970 J. C.). Conquête de lÉgypte, par El-Chyhy. 361 (971 J. C.). Fléau des sauterelles dans le Maghreb. 362 (972 J. C.). Entrée des Zenèta el-Maghraoua dans le Maghreb. Mort du cheikh, le juste et vertueux fekhy Abou Mymoun Drar ben Ismaël. 363 (973 J. C.). Mort de Mâdh ben Ismaël el-Chyhy, roi dÉgypte et dIfrîkya. 366 (976 J. C.). Mort dEl-Hakym el-Moustansyr, roi de lAndalou sie. Il est remplacé par son fils Hachem el-Mouïd, âgé de dix ans. 368 (978 J. C.). Conquête de la ville de Louata par Yaly ben Zyd elYfrany. 369 (979 J. C.). Belkhyn ben Zyry entre dans le Maghreb, marche sur Fès, sen empare, fait mourir les deux gouverneurs Mohammed ben Aby Aly ben Kchouch, qui commandait lAdoua el-Kairaouyn, et Abd el-Kerym ben Thalabah, commandant lAdoua el-Andalous. Il passa ensuite en Afrique par Ceuta. 368 (978 J. C.). Zyd ben Athya soumet les Kabyles Zenèta à sa domi nation.
____________________ 1 Lilla el-Kadr, la nuit de la puissance, est celle où le Koran descendit du ciel. Les Musulmans ont des doutes sur lanniversaire de cette nuit. Au Maroc, on la célèbre la vingt-septième nuit de ramadhan. Cest cette nuit-là que sont réglés les décrets de Dieu et les événements de Iannée suivante.
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375 (985 J. C.). Askélâdja passe de lAndalousie en Afrique, prend Fès dassaut et y établit la souveraineté des Ommyades, à lexception de lAdoua el-Kairaouyn, qui demeure au pouvoir de Mohammed ben Amer el-Mekenèsy, kaïd des Obéïdes, jusquen 379. A cette époque, Aby Byach Ythouth ben Belkyn el-Maghraoua, sétant emparé les armes à la main de lAdoua el-Kairaouyn, fit périr le gouverneur Mohammed ben Amer, et y établit également la souveraineté des Ommyades. 377 (987 J. C.). Fléau de sauterelles dans tout le Maghreb. 378 (988 J. C.). Pluies torrentielles, débordement des rivières et des fleuves. 379 (989 J. C.). Le vent dest souffle avec violence pendant six mois consécutifs, et, aussitôt après, la peste et les maladies sévissent sur le Maghreb. 380 (990 J. C.). Grande abondance dans le Maghreb, au point quon ne trouvait à qui vendre les récoltes, et que dans beaucoup dendroits on ne se donna même pas la peine de moissonner.
HISTOIRE DU RÈGNE DES ZENÈTA EL-MAGHRAOUYN ET EL-YFRANYN DANS LE MAGHREB.
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Après les Edrissites et les Beny Aby el-Afya el-Mekenèsy, le Maghreb passa, sous la domination des Zenèta. Le premier dentre eux qui le gouverna fut Zyry ben Athya ben Abd Allah ben Mohammed el-Zenéta el-Maghraoua el-Khazeri, roi des Zenèta en 368. Placé sous la suzeraineté de Hachem-elMouïd et de son hadjeb El-Mansour ben Aby Amer, Zyry conquit tout le Maghreb, et vint, en 376, fixer sa demeure et sa cour à Fès, où il sétait fait précéder par ses kaïds Askélâdja et Aby Byach. Il soccupa, dabord, à tran quilliser le Maghreb, et il devint bientôt fort et puissant partout. Sur ces entrefaites, en 377, Abou el-Behary ben Zyry ben Menâd, le Senhadja, se souleva contre son neveu Mansour ben Belkhyn, émir dAfri que et prince de la dynastie des Obéïdes, et se plaça sous la suzeraineté des Mérouan. Il sempara des villes de Tlemcen, Tunis, Oran, Chelef., Chelchel, Médéa, des monts Ouanchéris et dune grande partie du Zab, en faisant, en même temps, prier dans les khotbahs pour El-Mouïd et son hadjeb ElMansour ben Aby Amer. Celui-ci, en récompense de cette soumission, con firma El-Behary dans le commandement des villes quil avait conquises, et luis envoya, entre autres présents, un vêtement dhonneur et quarante mille dinars ; mais, environ deux mois après avoir reçu ces dons, El-Behary se replaça sous les Obéïdes. El-Mansour, outré de cette mauvaise foi, écrivit aussitôt à Zyry ben Athya pour lui donner lordre de semparer des possessions dAbou elBehary, et de le faire mourir. En effet, le roi zenèta sortit de Fès à la tête dune armée innombrable, composée, en majeure partie, de tribus zenèta, et
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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marcha sur El-Behary ; mais, à son approche, celui-ci prit la fuite, et alla se réfugier auprès de son neveu Mansour ben Belkhyn. Zyry ben Athya sempara de tout le pays abandonné par El-Behary, et devint ainsi souve rain maître du Maghreb, depuis le Zab jusquau Sous el-Aksa. Son premier soin fut de rendre compte de ses succès à El-Mansour ben Aby Amer, et il accompagna son message de riches présents, composés, entre autres choses, de deux cents magnifiques chevaux de race, cinquante chameaux Mehary(1), mille boucliers recouverts de peau de lamt(2), de nombreuses charges, darcs en bois de zan(3), de chats musqués, de girafes, de lamts et autres animaux du Sahara, de mille charges de dattes et dune quantité détoffes en laine fine. El-Mansour reçut ces dons avec plaisir, et, en reconnaissance, il lui renou vela lacte qui lui conférait, la souveraineté du Maghreb. On était alors en 381 (991 J. C.). Zyry ben Athya rentra à Fès, et établit sa tribu sous les murs de loccident de la ville, où elle dressa ses tentes. Un an après, en 382, ayant reçu une lettre dEl-Mansour qui linvitait à venir le voir à Cordoue, lémir Zyry confia le gouvernement du Maghreb à son fils El-Mouaz, en lui enjoignant daller demeurer à Tlemcen, et laissa le commandement de Fès à deux de ses kaïds, Abd er-Rahman ben Abd el-Kerym ])en Thalabah pour lAdoua el-Andalous, et Aly ben Mohammed ben Aby Aly ben Kchouch, pour lAdoua el-Kairaouyn, auxquels il adjoignit pour remplir les fonctions de kady le fekhy Abou Mohammed Kassem ben Amer el-Ouzdy. Après avoir pris ces dispositions, il se mit en voyage, portant avec lui, entre autres présents magnifiques, un oiseau savant qui parlait larabe et le berbère, un animal produisant le musc, des bufs sauvages semblables à des chevaux, deux lions dans leurs cages de fer, et des dattes dune beauté extraordinaire et dont quelques-unes étaient aussi grosses quun melon. Il était suivi de six cents serviteurs ou esclaves, dont trois cents à cheval et trois cents à pied. El-Mansour lui fit une magnifique réception, et lui donna pour demeure le palais du Hadjeb Djafar. Il le combla dattentions, de générosités, et il lui accorda le titre de visir, en le revêtant dune robe dhonneur. Enfin, après lui avoir remis lacte qui lui conférait le gouvernement du Maghreb et de riches présents, il le congédia. Zyry ben Athya sembarqua et passa à Tanger. A peine fut-il descendu à terre, il sécria en portant les mains à sa tête : «Maintenant tu mappartiens, ô ma tête !» puis, dédaignant les présents que lui avait faits El-Mansour, il ne voulut pas du titre de visir, et il apostropha ainsi le premier qui le lui donna. «Malheur à toi ! je suis émir, fils démir, par Allah, et non point visir. Certes, les grandeurs dAby Amer sont bien dignes dadmiration ! mieux vaut
____________________ 1 Mehary. (V. Le Grand Désert, par M. le général Daumas.) 2 Lamt, espèce de bubale. (V. Marmol, t. I, p. 52.) 3 Zan, espèce de chêne bien connue en Afrique.
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entendre le lion que de le voir ! et sil y avait un seul homme de cur en Andalousie, les choses ne seraient pas ainsi.» Cependant, lémir Yddou ben Yaly el-Yfrany, profitant de labsence de Zyry, sétait emparé de la ville de Fès et était entré les armes à la main dans lAdoua el-Andalous, au mois doul kaada an 382 (992 J. C.). Lémir Yddou ben Yaly, qui commandait à toute la tribu dYfran, était, légal de lémir Zyry par la naissance, les bonnes qualités et la fortune. Yfran et Maghr, dont descendaient les Beni Yfran et les Beni Maghraoua, étaient frères, tous deux fils de la même mère et de Ysslyn ben Sâary ben Zakya ben Ouarchihh ben Dâjna ben Znat. Yddou ben Yaly avait succédé dans le commandement des Beni Yfran à son père Yaly ben Mohammed, qui avait été tué, en 347, par Djouhar, lieutenant dEl-Chyhy ; il gouvernait un vaste pays dans le Maghreb ; il avait plusieurs fois livré de grands combats à Zyry ben Athya el-Maghraouy, auquel il disputait le pouvoir et le gouvernement de Fès quil avait enlevé et perdu tour à tour, et jusqualors rien navait pu mettre fin à cette rivalité acharnée. A son retour de lAndalousie, Zyry, ayant donc appris que Yddou, profitant de son absence, sétait rendu de nouveau maître de Fès, et avait fait périr un grand nombre des Beni Maghraoua, se mit en route et arriva à marche forcée dans les environs de Fès où latten daient les troupes de Yddou. Le combat fut sanglant et la victoire, longtemps disputée, resta enfin aux Beni Maghraoua. Zyry entras à Fès les armes à la main, et fit périr Yddou , dont il envoya la tête à El-Mansour ben Aby Amer, à Cordoue, après lavoir exposée pendant quelques jours en ville. On était alors en 383. Zyry, plus fort et plus puissant que jamais, soumit tout le Maghreb, inspira le respect aux autres souverains, et continua à entretenir les meilleures relations avec El-Mansour. Profitant de sa tranquillité, il bâtit la ville dOudjda, et dès quil eut achevé les murs denceinte et la kasbah, et que les portes furent, à leur place, il sy transporta avec sa famille, ses trésors et ses gens, y établit sa cour et en fit la capitale de ses états. Ce. fut dans le mois de radjeb de lan 384 (994 J. C.), que Zyry ben Athya traça lenceinte de la ville dOudjda. Cependant la bonne intelligence entre lui et lémir El-Mansour ne tarda pas à être troublée. On rapporta à lhadjeb de Cordoue que Zyry refu sait dexécuter ses volontés et tenait de méchants propos sur son compte. Dabord El-Mansour, nécoutant point, ces accusations, conserva à Zyry le titre et la puissance de visir ; mais, en 386 (996 J. C.), il cessa de lui envoyer les dons et son traitement de chaque année et il le destitua. Zyry, de son côté, ne dissimula plus ses intentions de se soulever et de se maintenir par la force, et il les signifia en faisant supprimer dans le khotbah le nom dElMansour et en y laissant seulement; celui de Hachem el-Mouïd. El-Mansour envoya immédiatement contre lui une forte armée commandée par un de ses
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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serviteurs, nommé Ouadhyh el-Fatah. Celui-ci traversa la mer et débarqua à Tanger, où quelques tribus de Ghoumâra, Senhadja et autres reçurent de largent et des vêtements dhonneur, et se joignirent à lui pour aller combat tre Zyry ben Athya et les Zenèta. De plus, El-Mansour fit passer à Tanger tous les Berbères qui se trouvaient en Andalousie, pour compléter larmée dOuadhyh qui, à leur arrivée, se mit aussitôt en marche. A la nouvelle de lapproche de lennemi, Zyry ben Athya sortit de Fès à la tête de ses troupes zenèta, et. vint à la rencontre dOuadhyh el-Faitah Jusque sur les bords de lOued-Zâdat. Ce fut une guerre acharnée qui dura trois mois; enfin Ouadhyh, ayant perdu la plus grande partie de ses soldats et se voyant vaincu, battit en retraite et rentra à Tanger, doù il écrivit aussi tôt à El-Mansour pour lui faire part de ses revers, et pour lui demander des secours dhommes, danimaux et dargent. A .la réception de cette lettre, ElMansour sortit lui-même de Cordoue et vint à Djezira el-Khadhra(1), où il fit embarquer pour Ceuta son propre fils Moudhefar. Zyry, fort effrayé en apprenant ces nouvelles, entreprit les plus grands préparatifs de défense ; il fit un appel à tous les Kabyles Zenèta, qui arri vèrent bientôt en foule des pays du Zab, de Tlemcen, de Melilia, de Sid jilmessa, et quil prépara au combat. Abd el-Malek rejoignit. Ouadhyh el-Fatah et sortit avec lui de Tanger à la tête dune armée innombrable; ils atteignirent lennemi sur les bords de lOued-Mîna, non loin de cette ville. On se battit depuis le lever du soleil jusquau soir, et jamais combat navait été si sanglant. Voici ce qui décida la victoire : un soldat nègre, nommé Sellam, dont Zyry avait jadis tué le frère, crut loccasion favorable pour. appliquer à lémir la peine du talion ; sétant approché de lui, il lui porta trois coups de couteau au cou ; mais, ayant manqué la gorge, il ne le tua point, et, prenant aussitôt la fuite, il passa dans le camp dEl-Malek auquel il apprit le coup quil venait de faire. Ce général, saisissant, le moment, rassembla immédiatement ses soldats et fondit sur les Zenèta démoralisés par lassas sinat de leur chef. Sa victoire fut, complète, et, le camp de Zyry fut livré au massacre et au pillage. Zyry, malgré ses graves blessures, prit la fuite, abandonnant à len nemi un butin énorme dargent, munitions, armes, chameaux et bêtes de somme, et parvint à gagner un endroit appelé Madhyk el-Djebeh dans les environs de Mekenès, où il fit halte. Il soccupa aussitôt à rassembler le reste de ses soldats avec la ferme intention de revenir à leur tête venger sa défaite; mais El-Moudhefar, prévenu de ces préparatifs, envoya immédiate ment contre lui un détachement de cinq mille cavaliers sous le commande ment dOuadhyh el-Fatah, lequel, ayant combiné sa marche de manière à
____________________ 1 Lîle Verte. Aujourdhui Algésiras.
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arriver de nuit à Madhyk el-Djebeh, tomba sur le camp des Zenèta qui se livraient au repos en toute confiance. On était alors vers le milieu du ramad han, an 387 (997 J. C.). Ouadhyh fit un grand massacre et sempara de deux mille cheurfa (nobles) Maghraoua qui furent accueillis avec bienveillance par El-Moudhefar et rangés aussitôt dans la cavalerie. Zyry, ayant eu encore le bonheur de séchapper, prit la route de Fès avec un petit nombre de ses compagnons et de ses parents ; mais, à son arrivée, il trouva les portes closes, et il dut implorer ses sujets de lui rendre au moins ses femmes et ses enfants. Les gens de Fès les lui accordèrent et lui firent passer en même temps quelques bêtes de somme et des provisions. Alors, se sentant toujours poursuivi par El-Moudhefar, il senfuit vers le Sahara et atteignit le pays des Senhadja, où il sarrêta. El-Moudhefar entra à Fès le dernier samedi du mois de chouel 387, et y fut accueilli avec joie par les habitants quil rassura, de son côté, par des paroles pleines de bonté. Il écrivit aussitôt à son père pour lui faire part de ses victoires, et sa lettre fut lue dans la chaire de la mosquée El-Zahrâ à Cordoue et dans toutes les chaires des provinces de lorient et de loccident de lAndalousie. A cette occasion, et pour témoigner sa recon naissance au Très-haut, El-Mansour rendit la liberté à quinze cents Mame luks et à trois cents femmes esclaves ; il fit distribuer de fortes sommes dargent aux gens de bien, et aux pauvres, et, en répondant à son fils, il linvita à se conduire avec indulgence et justice dans le Maghreb ; sa lettre fut lue dans la mosquée El-Kairaouyn le vendredi, dernier jour du mois doul kaâda, 387. Ouadhyh el-Fatah revint en Andalousie, et El-Moudhefar demeura à Fès, où il gouverna. jusquau mois de safar 389 (998 J: C.) avec une justice sans précédents. A cette époque, il fut rappelé par son père ElMansour, qui confia le commandement, de Fès et de toutes ses possessions dans lAdoua à Ayssa ben Saïd, lequel revint à son tour en Andalousie et fut remplacé par Ouadhyh el-Fatah. A son arrivée dans le pays des Senhadja, Zyry ben Athya trouva les habitants en rébellion contre leur roi Edriss ben Mansour ben Belkhyn qui avait succédé à son père Mansour; mettant cette circonstance à profit; il fit appel aux Zenèta, aux Maghraoua et. autres qui accoururent en nombre, et, à leur tête, il attaqua les habitants du pays de Senhadja, quil dispersa ; il sempara de la ville de Teheret et dune grande partie du Zab, et joignant à ses conquêtes les terres de Tlemcen, Chelef et Msyla, il se forma un nouvel état quil gouverna sous la suzeraineté dEl-Mouïd josquen 391 (1,000 J. C.). Il mourut alors des suites des blessures que lui avait faites le nègre pen dant quil assiégeait la capitale des Senhadja; son fils el-Mouâz lui succéda, et fit la paix avec El-Moudhefar ben Mansour qui lui restitua le gouverne ment des anciennes possessions de son père sur tout le Maghreb. Le règne de Zyry ben Athya avait duré environ vingt ans.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
HISTOIRE DU RÈGNE DEL-MOUÂZ BEN ZYRY BEN ATHYA ELMAGHRAOUY, ÉMIR DE FÈS ET DU MAGHREB.
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Mouâz était fils de ben Zyry ben Athya el-Zenèty el-Maghraouy et de Tekâtour, fille de Menâd ben Tebâdelt el-Maghraouy. Proclamé souverain à la mort de son père par les tribus zenèta, il eut bientôt atteint la suprême puissance ; il fit la paix avec El-Mansour ben Aby Amer, reconnut sa souve raineté, et ordonna que son nom fût proclamé dans le khotbah de tous ses états. A la mort dEl-Mansour, an 393, EI-Moudhefar, en reconnaissance de cette soumission, rappela Ouadhyh el-Fatah de Fès, et en donna le comman dement à Mouâz, ainsi que celui de toutes ses possessions dans le Maghreb, à la condition que ce prince lui enverrait chaque année à Cordoue une cer taine quantité de chevaux, de boucliers, et une forte somme dargent. Mouâz dut, de plus, se soumettre à laisser en otage à Cordoue son fils Manser, lequel, malgré son ardent désir de revoir son pays, demeura en Andalousie jusquà la chute des Beny Amer, dont le règne eut aussi sa fin ; car il ny a déternel que Dieu, et lui seul est vraiment adorable ! Lémir El-Mouâz mourut dans le mois de djoumad el-aouel, an 422 (1,030 J. C.), après un, règne de trente-trois mois, durant lequel le Maghreb jouit de tous les bienfaits de la paix et de la sécurité. Hamâma ben el-Mouâz ben Athya el-Zenèty el-Maghraouy, son cousin germain, lui succéda dans le mois suivant de djoumad el-tâny. Quelques historiens rapportent que ElMouâz fut remplacé par son fils et non par son cousin ; mais cela est inexact, et leur erreur provient de ce quils ont confondu les noms des pères avec ceux des fils. El-Mouâz ben Athya neut, dailleurs, quun seul fils nommé El-Man ser et non point Hamâma, qui fut bien le cousin et le successeur de cet émir.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR HAMÂMA BEN EL-MOUÂZ BEN ATHYA EL-ZENÉTY EL-MAGHRAOUY.
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LémirHamâma ben el-Mouâz succéda à son cousin El-Mouâz ben Zyry, et gouverna sagement les Zenèta soumis à sa domination. Il fut chassé de Fès par Temym ben Zimour ben Aly ben Mohammed ben Taleh elYfrany, émir de Salé, qui vint lattaquer à la tête des Beny Yfran. Lémir Hamâma, étant sorti à sa rencontre avec son armée composée des Beny Maghraoua, fut battu après avoir soutenu un sanglant combat, et se vit forcé de prendre la fuite, laissant la plus grande partie de ses soldats sur le champ de bataille. Il se réfugia à Oudjda, qui dépendait alors de Tlemcen.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR TEMYM EL-YFRANY.
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Abou el-Kamel Temym ben Zimour ben Aby, de la tribu dYfran, était émir de tous les Beny Yfran, lorsquil sempara de Fès après la défaite et la
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ET ANNALES DE LA VILLE DE FÈS.
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fuite de Hamâma, dans le mois de djoumad el-tâny, an 424 (1032 J. C.). Ce prince persécuta les Juifs; il en, fit périr plus de six mille, et enleva aux autres leurs richesses et leurs femmes. Fanatique et ignorant, il avait déclaré la guerre sainte aux Berghouata contre lesquels il faisait habituel lement deux expéditions par an, pour les massacrer et les piller. Cela dura jusquà sa mort, en 448 (1056 J. C.). Quatorze ans plus tard, en 462, lorsque son fils Mohammed faut tué dans la guerre des Lemtouna, on porta son corps pour lensevelir à côté de son père, et quelle ne fut pas la surprise des assis tants en entendant célébrer les louanges de Dieu dans la tombe de Temym ! On louvrit aussitôt, et lon trouva le cadavre intact, comme si lon venait de lenterrer à peine. Dans la nuit, du même jour, Temym apparut en songe à un de ses parents. «Que signifient, lui demanda celui-ci, ces hymnes à Dieu et cette profession de foi que nous avons entendues dans ta tombe ? Ce sont, lui répondit Temym, les cantiques des anges auxquels Dieu a ordonné de chanter ses louanges auprès de mon cercueil pour me mériter la grâce dêtre conservé jusquau jour de la résurrection. Qui es-tu donc, reprit le dormant, ou bien quas-tu fuit pour mériter une pareille récompense du Très-haut, et être comblé de tant de générosité ? Jai fait chaque année avec acharnement la guerre sainte aux Berghouata.» Lémir Temym demeura sept ans à Fès ;pendant cette période, Hamâma ben el-Mouâz, après être resté un an à Oudjda, et sêtre vu succes sivement abandonné par ses soldats et ses compagnons, sen vint à Tunis. Là, il fit un appel aux Kabyles maghraoua qui arrivèrent en nombre suffisant pour former une armée. Hamâma se mit à leur tète, et marcha sur Fès dont il chassa Temym ben Zimour el-Yfrany, qui prit la fuite et alla se réfugier à Chella. Cet événement eut lieu en 431 ; quelques-uns le font remonter à lan 429. Pour la seconde fois Hamâma maîtrisa Fès et une grande partie du Maghreb, quil continua à gouverner jusquà sa mort, an 440 (1048 J. C.). Son règne avait duré dix-huit ans., pendant lesquels il était resté sept ans, ou cinq ans, selon quelques historiens, dépossédé par Temym el-Yfrany ; son fils Dounas lui succéda.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DOUNAS BEN HAMÂMA BEN ATHYA EL-MAGHRAOUY.
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Lémir Dounas succéda à son père Hamâma, dont il conserva toutes les possessions. Son règne fut un règne de paix et de prospérité. Les fau bourgs de Fès sagrandirent et se peuplèrent ; de nombreux commerçants vinrent de toutes parts se fixer dans la capitale. Dounas fit ceindre les fau bourgs de murs, et construisit des mosquées, des bains et des fondouks; il releva ainsi la métropole du Maghreb. Depuis son avènement jusquà sa mort, en chouel 452 (1060 J. C.), il ne cessa de bâtir. Il régna à peu près douze
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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ans, et partagea ses états entre ses deux fils; il légua le gouvernement de lAdoua el-Andalous à son fils El-Fetouh, et celui de lAdoua el-Kairaouyn à son fils Adjycha.
HISTOIRE DU RÈGNE DES DEUX FRÈRES EL-FETOUH ET ADJYCHA.
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A la mort de lémir Dounas, leur père, El-Fetouh et Adjycha prirent possession de leurs gouvernements respectifs; mais Adjycha, plus turbulent que son frère, ne tarda pas à lattaquer, et une guerre sans relâche com mença, dès lors, entre les deux frères. El-Fetouh construisit une forteresse à lendroit nommé El-Keddân, et Adjycha en éleva une semblable sur la hauteur nommée Sather, dans lAdoua el-Kairaouyn. La haine et les discussions des deux frères portèrent bientôt leurs fruits : la cherté dabord, et puis la famine et le meurtre. Tout le Maaghreb lut bouleversé, et les Lemtouna apparurent sur quelques points. A Fès, on se battait sans relâche, nuit et jour, et le massacre ne cessa quà la mort dAdjycha. Ce fut Fetouh ben Dounas qui construisit la porte située au sud des murs denceinte, et que lon nomme aujourdhui Bab el-Fetouh; Adjycha avait fait également élever une porte du côté nord sur le sommet de la hauteur Sather, en lui donnant son nom ; mais à sa mort son frère ordonna que ce nom fut changé, et on supprima le ghaïn, ce qui fit le nom de ElDjycha que cette porte a encore aujourdhui. La guerre des deux frères durait depuis trois ans consécutifs, lorsque El-Fetouh, ayant employé la ruse, pénétra dans lAdoua el-Kairaouyn, sur prit son frère et le tua. Ensuite il gouverna tranquillement la ville de Fès, jusquà lépoque où les Lemtouna vinrent lassiéger. Alors, préférant son salut à la défense de ses états, il abandonna, en 457 (1064 J. C.) le gouver nement, qui passa dans les mains dEl-Manser ben el-Mouâz, son cousin. Le règne dEl-Fetouh avait duré cinq ans et sept mois, période de discussions, de guerre, de famine et de malheurs.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR MANSER BEN EL-MOUÂZ BEN ZYRY BEN ATHYA EL-MAGHRAOUY.
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Ce fut dans le mois de ramadhan le grand, en 457, que lémir Manser prit les rênes du gouvernement, lâchement abandonnées par Fetouh lien Dounas. Manser était résolu, audacieux, brave et vaillant ; il résista aux Lemtouna et leur livra de grands combats jusquen 460 (1067 J. C.). A cette époque, il disparut dans un engagement et personne ne sut ce quil avait plu à Dieu de faire de lui ; cinq jours après sa disparition, les Lemtouna entrè rent à Fès sans coup férir, ayant à leur tête lémir Youssef ben Tachefyn elLemtouny ; et cette première entrée sopéra en paix-et avec laman: Lémir demeura quelques jours en ville, et partit bientôt pour le Djebel Ghoumâra,
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en laissant le commandement de Fès àun de ses lieutenants, avec une garni son de quatre cents cavaliers lemtouna; mais sitôt après son départ Temym ben Manser arriva à la tête dune armée formidable de Zenèta, et se fit livrer la ville en promettant laman aux Lemtouna qui sy trouvaient; cependant, à peine fut-il entré, quil commença à les faire mourir dans le feu ou sur la croix, et il était encore occupé à ces sanglantes exécutions quand lémir Youssef, arrivant en toute hâte, assiégea Fès à son tour et la prit dassaut après quelques combats acharnés. Ce fut là la seconde et grande entrée des Lemtouna; cette fois ils firent périr tous les Maghraoua et les Beny Yfran, qui furent impitoyablement massacrés dans les mosquées et dans les rues au nombre de plus de vingt mille. Ce massacre des Zenèta Maghraouy et Yfrany eut lieu dans le cou rant, de lan 462, et leur domination dura donc environ cent ans, de 362 à 462. Le commencement de leur règne fut prospère et leur puissance fut grande ; ils entourèrent de murs les faubourgs de Fès, ils embellirent les portes, agrandirent les mosquées El-Kairaouyn et El-Andalous, et, à leur exemple, les habitants bâtirent un grand. nombre de maisons. Cette pros périté dura environ jusquà lapparition des Almoravides dans le Maghreb ; déjà même, à cette époque, la puissance des Maghraoua commençait à sébranler, et leurs possessions sétaient amoindries, car la corruption les gagnait ; les princes dépouillaient leurs sujets, faisaient couler leur sang et violaient toutes les lois sacrées ; aussi le pays cessa de payer les impôts, et resta plongé dans la terreur. Les vivres devinrent fort rares, la cherté succéda à labondance, la crainte à laman , linjustice à la justice. La fin de leur règne fut entièrement obscurcie par le nuage de liniquité, des guer res civiles, et dune famine sans exemple dans lhistoire des temps. Fès et ses dépendances furent réduites aux dernières extrémités de la faim sous le règne dEl-Fetouh ben Dounas et sous celui de son cousin El-Manser. La farine, seul aliment qui restât à lhomme, se, vendait à un drahem lonce, non-seulement en ville, mais aussi dans tons les pays circonvoisins. Toutes les autres denrées avaient disparu. Les chefs Maghraoua et Beny Yfran enva hissaient les maisons des particuliers et pillaient leurs biens, sans que nul osât se plaindre, car au moindre mot ils les faisaient massacrer par leurs gens; ils envoyaient leurs esclaves sur le mont El-Ardh, qui domine la ville, pour découvrir les maisons doù il sortait de la fumée, et, sur les indications qui leur étaient données, ils les envahissaient et prenaient de force les ali ments que lon y faisait cuire. Tels furent les motifs pour lesquels le Très-Haut enleva le pouvoir aux Zenèta et leur retira ses bienfaits, car Dieu ne change point ce quil a accordé aux hommes tant quils ne le changent pas eux-mêmes(1) ! Dieu fit fondre sur eux les Almoravides, qui leur ravirent leurs états, dispersèrent leurs légions,
____________________ 1 Koran, chap. XIII, le Tonnerre, vers 12.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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les massacrèrent et les chassèrent du Maghreb. Sous la terreur des dernières années de leur règne, la faim arriva à une telle extrémité, que les habitants creusèrent de petites caves dans leurs maisons, pour faire leur pain sans être entendus, ou pour cacher ce quils pouvaient avoir à manger, et construisirent des espèces de galetas sans esca lier, dans lesquels, à lheure des repas, le maître de la maison montait avec sa famille au moyen dune échelle qui se retirait ensuite, afin de ne laisser accès à aucun étranger durant le repas.
CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS REMARQUABLES QUI ONT EU LIEU SOUS LES ZENÈTA BENI MAGHRAOUA ET BENI YFRAN, DE LAN 380 À LAN 462.
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En 381 (991 J. C.), le Maghreb, lAndalousie et lIfrîkya furent déso lés par la sécheresse; cependant un immense torrent, comme il ne sen était point vu encore, vint tout à coup se jeter dans lOued Sidjilmessa, au grand étonnement des habitants, qui navaient pas eu une goutte de pluie pendant toute lannée. Ces pays furent ravagés, à la mène époque, par une grande famine, qui dura trois ans, de 379 à381. Dans la vingt-troisième nuit du mois de radjeb de la même année, il apparut dans le ciel une étoile qui avait à lil nu la forme dun-superbe- minaret ; elle séleva du côté de lorient et fit, sa course vers le nord-ouest en jetant de magnifiques étincelles. Le peuple, frappé dépouvante, adressa des prières au Dieu très-haut pour quil détournât les maux dont cette étoile pouvait être le présage. A la fin du même mois, il y eut, une éclipse de soleil, suivant le livre de Ben el-Fyadh intitulé El-Nyhyr (les lumières) ou El-Kabes (le morceau de feu). Selon Ben Mendour, cette éclipse aurait eu lieu en 380. - Enfin, dans les derniers jours de lannée 381, Dieu arrosa la terre et répandit sa miséricorde sur le monde ; les pluies firent partout reverdir la campagne, les prix des denrées diminuèrent, les moissons et les récoltes furent abondantes, les populations retrouvèrent le bien-être, les animaux et les troupeaux purent se désaltérer. Malheureusement des légions de sauterelles énormes arrivèrent bientôt et dévastèrent toute lEspagne. Le plus grand nombre sabattit sur Cordoue et désola les environs. El-Mansour fit distribuer des secours dargent à la popu lation, et ordonna aux habitants de se mettre en campagne pour détruire ces insectes, ce que lon fit de bonne volonté, et une partie du marché fut affec tée à la vente des sauterelles, pour que chacun pût venir y débiter le produit de sa chasse. Cela dura trois ans, de 381 à 383(1). En cette même année, 381, Yddou ben Yaly secoua la suzeraineté
____________________ 1 Les choses se pratiquent encore exactement ainsi au Maroc. Nous avons vu, en 1847-48, les habitants de Mogador et de Safy sortir en masse, sur lordre des kaïds, contre les sauterelles, et chaque année, durant lété, il se débite sur les marchés des mon ceaux de ces insectes cuits à leau et au sel, mets fort goûté par les indigènes.
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dEl-Mansour ben Aby Amer. A Fès, Thalâbah prit le gouvernement de lAdoua el-Andalous, et Ben Kechouch celui de lAdoua el-Kairaouyn. Le fekhy Amer ben Kassem fut fait kady des deux Adouas. En 382. (992 J. C.), Yddou ben Yaly prit dassaut lAdoua el-Andalous. Grande inondation de Cordoue ; leau détruisit les bazars et monta jus quau Zahar. Vent violent sur le Maghreb qui renversa plusieurs édifices. Éclipse totale de soleil. - El-Mansour ben Aby Amer supprima des écrits le cachet dEl-Mouïd, le remplaça par le sien et prit en même temps le nom dEl-Mouïd. Naissance du fekhy El-Dhahery Abou Mohammed Aly ben Ahmed ben Saïd ben Hazem ben Ghâleb, client de Yezid ben Aby Souffian, qui écrivit plusieurs ouvrages sur les sciences, et mourut en 450 environ. En 385 (995 J. C.), on vit les animaux emportés par un vent violent sen aller entre ciel et terre. Que Dieu nous préserve de sa colère ! En 391 (1001 J. C.), mort de lémir Zyry ben Athya; son fils ElMouâz lui succède. En 392, (1001-2 J. C.), lémir El-Mansour ben Aby Amer, roi de, lAndalousie, meurt à lâge de soixante-cinq ans dans le mois de ramadhan; il est enterré à Médina Salem(1), et son cercueil fut recouvert de la poussière quil avait recueillie dans les combats(2). En 399 (1008-9 J. C.), Abd el-Malek, fils dEl-Mansour ben Aby Amer, auquel il avait succédé, mourut empoisonné, et fut remplacé par son frère Abd er-Rahman, auquel El-Mouâz ben Zyry envoya de magnifiques présents, entre autres cent cinquante beaux chevaux. Abd er-Rahman ben elMansour, en recevant ces cadeaux, envoya chercher Manser, fils de Mouâz, qui était en otage à Cordoue, et, après lui avoir fait des présents ainsi quaux ambassadeurs de son père, il le renvoya dans son pays en liberté. El-Mouâz fut, si content de revoir son fils, quil rassembla tous ses chevaux et les expé dia à lémir de lAndalousie, à Cordoue ; il y en avait neuf cents, et jamais le Maghreb navait faut un aussi beau présent à lEspagne. En 396 (1005 J. C.), apparition dune immense comète extrêmement scintillante. Cette comète est une des douze Nïazek(3) connues dans lanti quité, et que les anciens savants ont longtemps observées; ces astronomes prétendaient que ces comètes napparaissaient que comme un signe de malheur ou de quelque chose d»extraordinaire dont Dieu aillait frapper le monde ; mais Dieu connaît mieux ses secrets que qui que ce soit.
____________________ 1 Medina Cli. 2 El-Mansour mourut le 27 ramadhan 392 (dimianche 9 août 1002), après sa défaite de Calat el-Nser (Hauteur de Vautour, aujourdhui Calatanasor). «Cétait la pre mière bataille que perdait Almanzor ; aussi il ne voulut point y survivre ; il refusa de soigner les blessures quil avait reçues dans le combat, et expira de désespoir, pleurant, ses triomphes inutiles et son nom déshonoré.» (L. A. Sedillot.) 3 Nïazek : pluriel de (Hasta brevis), «Stelllæ cadentes.» (Freytag.)
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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En 400 (1009 J. C.), lémir Mouâz ben Zyry ben Athya sempara de la ville de Sidjilmessa. En 401 (1010 J. C.), mort du fekhy le kady Abou Mohammed Abd Allah ben Mohammed. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) En 407 (1016 J. C.), apparition dune étoile scintillante dont le disque était énorme et très-brillant. Fin du gouvernement des Ommyades en Andalousie et commencement de la dynastie des Ahmohades ; le règne des Ommyades avait duré deux cent soixante-huit ans et quarante-trois jours. En 411 (1020 J. C.), famine dans tout le Maghreb, depuis Tysert (ou Teheret) jusquà sidjilmessa ; la mortalité fut grande. - En cette même aimée, la désunion et la révolte éclatèrent entre les diverses villes de lAndalousie, qui commencèrent à cette époque à être gouvernées par des rois différents. En 415 (1024 J. C.) , grand tremblement de terre en Andalousie qui bouleversa les montagnes. En 416 (1025 J. C.), mort de lémir El-Mouâz ben Zyry ben Athya à Fès. En 417 (1026 J. C.), mort de limam El-Fekhy ben Adjouz à Fès. En 43o (1038 J. C.), mort du fekhy Abou Amran de Fès à Kairouan. En 431 (1039 J. C.), mort du kady Ismaël ben-Abbad à Séville. En 448 (1056 J. C.), entrée de limam Abou Beker ben Amer au Maghreb. En 450 (1058 J. C:), Abou Mohammed Abd-Allah, ben Yassyn elDjezouly, le Mehdy des Lemtouna, fut tué par les idolâtres Berghouata et mourut martyr. En 452 (l060 J. C.), El-Mehdy ben Toula sempara des villes de Mekenèsa.
HISTOIRE DES MORABETHYN (ALMORAVIDES) DE LA TRIBU DES LEMTOUNA DANS LE MAGHREB ET LANDALOUSIE. HISTOIRE DE LEURS ROIS ET DE LEURS RÈGNES DEPUIS LEUR ORIGINE JUSQUÀ LEUR DESTRUCTION.
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Mohammed ben el-Hassen ben Ahmed ben Yacoub el-Hemdany, auteur du livre intitulé El-Iketâl fi el-Doulet el-Hamyria (Couronne de la Dynastie Hamyarite), raconte que les Lemtouna tirent leur origine des Senhadja, lesquels descendent des Ouled Abd el-Chems ben Ouathal ben Hamyar. «Le roi Ifrîkych, fils dOuathal ben Hamyar, dit cet écrivain, gou vernait les Hamyr quand il se mit en campagne pour effectuer quelques raz zias dans les environs du Maghreb sur les terres dAfrique. Après sêtre beaucoup avancé dans le pays, il bâtit une ville à-laquelle il donna son nom dlfrîkya, et y établit, les principaux des Senhadja pour instruire les Berbè res, percevoir leurs impôts et les gouverner.» Un autre historien, Abou Obeïd, rapporte, daprès Ben el-Kalby,
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quIfrîkych passa dans le Maghreb à la tête des Berbères de Syrie et dÉgypte,quil bâtit la,ville dlfrîkya, et quil établit ces Berbères dans le Maghreb, avec lesquels il laissa les-deux grandes tribus de Senhadja et de Ketâma qui, aujourdhui encore, vivent au milieu des Berbères. El-Zebyr ben Bekan a écrit, de son côté, que de père des Senhadja fut Senhadj ben Hamyar ben Sebâ ; et on trouve dans la poésie historique dAbou Farès ben Abd el-Aziz el-Melzouzi intitulée Nedham el-Slouk fi Akhbar el-Embya ou el-Khoulafâ ou el-Moulouk (Chapelet de lhistoire des prophètes, des khalifes et, des rois), que les Morabethyn descendent (lHa myar et nullement de Moudhar, et quHamyar était fils de Sebâ et père de Senhadj. Suivant une autre version, les Senhadja descendent des Houara, les quels descendent de Hamyar, et sont ainsi nommés parce, que leur père étant passé dans le Maghreb et étant arrivé dans le pays de Kairouan en Ifrîkya, sécria : Gâd tahouarna, fi el-bled, cest-à-dire : «Nous avons envahi un pays sans y penser ;» et le nom de Houara resta à la tribu. Dieu sait la véritè ! Les Senhadja se divisent en soixante et dix tribus, dont les principa les sont: Lemtouna, Djedâla, Messoufa, Lamta, Mesrâta, Telkâta, Mdousa, Benou Aoureth, Beny Mchelly, Beny Dekhir, Beny zyad, Beny Moussa, Bcny Lemâs, Beny Fechtal. Chacune de ces grandes tribus comprend plu sieurs branches ou divisions qui se subdivisent, à linfini. Toutes ces peu plades appartiennent au Sahara et occupent dans le sud un espace de pays de sept mois de marche de long sur quatre mois de marche de large, qui sétend depuis Noul Lamtha (0. Noun) jusquau sud dIfrîkya et de Kai rouan, en Afrique, cest-à-dire toute la contrée comprise entre les Berbères et le Soudan. Ces peuplades ne cultivent point la terre et nont ni moissons ni fruits. Leurs richesses consistent en bétail et chameaux (dromadaires). Ils se nourrissent de viande et de lait, et la plupart dentre eux meurent sans avoir mangé un seul morceau de pain dans leur vie. Quelquefois, cependant, les marchands qui traversent leur pays leur laissent du pain et de la farine. Ils sont Sonnites, et ils font la guerre sainte aux nègres du Soudan. Le premier qui régna an Désert fut Tloutan ben Tyklân le Senhadja le Lemtouna ; il gouvernait tout le Sahara, et était suzerain de plus de vingt rois du Soudan, qui lui payaient tous un tribut. Ses états sétendaient sur un espace de trois mois de marche en long et en large, et ils étaient peuplés partout. Il pouvait mettre sur pied cent mille cavaliers; il vivant du temps de limam Abd er-Rahman, souverain de lAndalousie, et il mourut en 222 (836 J. C.), âgé denviron quatre-vingts ans. Son neveu El-Athyr ben Bethyn ben Tloutan lui succéda, et gouverna les Senhadja jusquà sa mort, en 937, après soixante-cinq ans dexistence. Il fut remplacé par son fils Temym ben el-Athyr, qui conserva son commandement jusquen 306, et fut renversé par les cheïkhs des Senhadja, qui se révoltèrent et le mirent à mort. A la suite de cela, les cheïkhs ne voulurent plus se soumettre à personne, et restèrent dans
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lanarchie pendant cent vingt ans. Alors ils choisirent entre eux un émir, Abou Mohammed ben Tyfat, connu sous le nom de Tarsyna el-Lemtouny, et ils le reconnurent pour souverain. Ce prince était religieux, vertueux et bienfaisant; il fit le pèlerinage à la Mecque, et la guerre sainte; il gouverna les Senhadja pendant trois ans, et fut tué dans une razzia. sur les tribus du Soudan, à lendroit nommé Bkâra. Ces tribus habitaient les environs de la ville de Teklessyn; elles étaient arabes et pratiquaient la religion juive. Teklessyn est habitée par la tribu senhadja des Beny Ouarith, qui sont gens de biens et suivent le Sonna qui leur fut apporté par Okba ben Talah elFehery, à lépoque de sa venue dans le Maghreb ; ils font, la guerre sainte aux habitants du Soudan qui ne professent pas lIslam.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR YHYA BEN IBRAHIM EL-DJEDÂLY.
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A la mort de lémir Mohammed Tarsyna el-Lemtouny, le gouverne ment des Senhadja passa entre les mains de lémir Yhya ben Ibrahim el-Dje dâly. Les Djedâla et les Lemtouna sont frères, descendants du même père; ils habitent lextrémité du pays de lIslam, et font la guerre aux infidèles du Soudan ; à louest ils ont pour limite la mer de la Circonférence(1). Lémir Yhya ben Ibrahim resta à la tête des Senhadja et de leurs guer res contre les ennemis de Dieu jusquen 427 (1035 J. C.). A cette époque, il se fit remplacer par son fils Ibrahim ben Yhya, et partit pour lOrient dans le dessein de faire le pèlerinage de la Mecque et de visiter le tombeau du Prophète. (Que le salut soit sur lui !) Il arriva, en effet, à la Mecque, remplit toutes les cérémonies du pèlerinage, et se mit en route pour retourner dans son pays. Sétant arrêté en chemin, dans la ville de Kairouan, il y rencontra le saint Abou Amram Moussa ben Hadj el-Fessy. Cet illustre docteur, natif de Fès, était venu à Kairouan pour suivre les cours dAbou el-Hassan elKaboussy, et sétait ensuite rendu à Bagdad pour assister à la classe du kady Abou Beker ben el-Thaïeb, auprès duquel il avait acquis beaucoup de science. Revenu à Kairouan, il nen sortit plus, et mourut le 13 de ramadhan, an 430. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Yhya ben Ibrahim el-Djedâly, étant arrivé à Kairouan, se présenta donc chez le fekhy Abou Amram elFessy pour entendre ses leçons ; le fekhy, layant remarqué et sintéressant à son sort, le prit bientôt en affection et le questionna sur sou nom, sa famille et sa patrie. Yhya, lui ayant répondu, lui fit connaître létendue et la popula tion de son pays. Le fekhy lui demanda encore à quelle secte appartenait son peuple. «Cest un peuple vaincu par lignorance, lui dit Yhya, et qui na pas de Livre.» Effectivement le fekhy, lui ayant fait alors passer un petit examen sur les principes de la religion, saperçut bientôt quil était complètement ignorant
____________________ 1 Océan Atlantique.
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et quil ne savait pas un mot du Koran et du Sonna; mais, en même tempsil comprit quil était animé du plus grand désir de sinstruire, quil avait de bons sentiments, la foi et la confiance. «Quest-ce qui vous empêche donc de vous instruire ? lui dit-il en terminant. Ô mon seigneur, lui répondit Yhya, tous les habitants de mon pays sont ignorants, et ils nont personne pour leur lire le Koran ; mais ils ne désirent que le bien et font leur possible pour y arriver. Ils voudraient bien trouver quelques savants pour leur faire la lecture du Livre et leur apprendre les sciences, pour les instruire dans leur religion et les diriger dans la voie du Koran et de la Sonna, en leur expliquant les lois de lislamisme et les préceptes du Prophète. (Que Dieu lui accorde le salut !) Si vous voulez gagner les récompenses dut Très-Haut en enseignant aux hommes la pratique du bien, envoyez donc avec moi, dans notre pays, un de vos élèves, pour lire le Koran et enseigner la religion à mes compatriotes, cela leur sera très-utile ; ils écouteront et obéiront, et vous aurez mérité ainsi la grande récompense du Dieu très-haut, car vous aurez été le principe de leur direction dans la droite voie.» Le fekhy Abou Amram fit la proposition à chacun de ses élèves quil croyait aptes à cette mission ; mais nul ne voulut accepter, par crainte des fatigues et des dangers du Sahara. Ayant perdu tout espoir autour de lui, il dit à Yhya : «Il existe à Néfys, dans le pays de Mes samda, un fekhy habile, pieux et austère, qui ma rencontré ici et a beaucoup appris avec moi. Je lui connais toutes les qualités nécessaires ; il se nomme Ou-Aggag ben Zellou el-Lamthy, et il est originaire du Sous el-Aksa. En ce moment il adore Dieu, enseigne les sciences et prêche le bien dans un ermitage de lendroit ; il a de nombreux élèves ; je lui écrirai une lettre polar lui demander de vous adjoindre lun deux. Allez chez lui , vous y trouverez ce que vous cherchez.» En effet, le fekhy Amram écrivit à Ou-Aggag une lettre ainsi concue : «A vous le salut et la miséricorde de Dieu ! ensuite, si le porteur de cette lettre, Yhya ben Ibrahim el-Djedâly vous arrive, envoyez avec lui, dans son pays un de vos élèves, à vous connu pour être religieux, bon, instruit et habile ; il enseignera le Koran et les lois de lislamisme à ces gentils, et vous gagnerez tous deux la récompense de Dieu ; car le Très-Haut ne manque jamais de récompenser ceux qui font le bien(1) ; salut.» Yhya ben Ibrahim el-Djedâly partit avec cette lettre, et arriva chez le fekhy Qu-Aggag, dans la ville de Néfys ; il le salua et la lui remit ; on était alors au mois de radjeb, an 430. Ou-Aggag ayant lu la lettre, rassembla ses élèves pour leur en donner Connaissance, et leur demander de mettre à exécution lordre du cheïkh Abou Amram. Un dentre eux, originaire de Djezoula, et connu sous le nom dAbd Allah ben Yassyn el-Djezouly, accepta la mission ; cétait, un disciple habile et instruit, pieux et austère, possédant bien les lois et les sciences. Il partit avec Yhya ben Hibrahim et ils arrivèrent ensemble au pays
____________________ 1 Koran, ch. XII. Joseph, V. 56.
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de Djedâla, où ils furent accueillis avec joie par les Kabyles et les Lem touna.
HISTOIRE DE LA VENUE DU FEKHY ABD ALLAH BEN YASSYN LE DJEZOULY DANS LE PAYS DES SENHADJA, ET DE SON ÉLÉVATION CHEZ LEURS TRIBUS DES LEMTOUNA ET DES MORÂBETHYS.
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Abd Allah ben Yassyn ben Mekouk ben Syr ben Aly ben Yassyn elDjezouly arriva avec Yhya ben Ibrahim au pays des Senhadja et sy établit. Quand il eut vu les vices qui infestaient cette contrée, où lhomme épousait cinq, six, dix femmes et même davantage sil le voulait, il adressa les plus vifs reproches aux habitants et leur défendit cette coutume, en leur disant: «Cela nest point conforme au Sonna ; le Sonna de lIslam ne permet à lhomme dépouser que quatre femmes libres et de prendre des esclaves à son bon plaisir.» Il entreprit alors de leur enseigner la religion et les lois de lIslamisme et le Sonna ; il leur ordonna de faire le bien et leur défendit le mal ; mais ceux-ci, voyant la sévérité quil apportait pour changer leurs habitudes et supprimer leurs vices, séloignèrent bientôt de fui, et se prirent à le détester comme un personnage fort ennuyeux ; enfin Abd Allah ben Yassyn, lassé davoir affaire à des hommes qui ne priaient pas, qui ne pro nonçaient pas même le nom de Dieu, et connaissaient à peine le témoi gnage(1), qui, subjugués par lignorance, séloignaient de lui pour suivre leurs passions, voulut les abandonner et partir pour le Soudan, où le maho métisme avait déjà commencé à briller; mais Yhya ben Ibrahim sy opposa en lui disant : «Je ne te laisserai point aller, parce que je tai amené pour profiter de tes leçons et de ta science, pour apprendre ma religion, et je nai que faire avec mon peuple sous ce rapport-là ; permets-moi donc, en vue des récompenses de lautre monde, de te faire une proposition. Quest-ce donc? dit le fekhy. Ici, sur notre côte, reprit Yhya, est une île sur laquelle ont peut arriver à pied lorsque la mer est basse, et 0ù nous nous rendons sur des barques quand la marée est pleine. Sur cette île la nourriture est allel (pure); il y a des arbres sauvages, et diverses espèces doiseaux, de quadru pèdes et de poissons ;allons-y, et nous y vivrons de choses permises et nous y adorerons Dieu jusquà la mort. Partons, dit Abd Allah ben Yassyn, cela vaudra mieux ; entrons sur cette île au nom du Très-Haut. Ils sy rendi rent, en effet, accompagnés de sept personnes de Djedâla, avec lesquelles ils construisirent un ermitage et se mirent à adorer Dieu. Au bout de trois mois, lorsquon eut appris ce quils faisaient pour arriver au paradis et éviter lenfer, on vint en foule vers eux. Les nouveaux adeptes arrivaient pleins de repentir, et Abd Allah ben Yassyn commença aussitôt à leur enseigner le ____________________
1 La profession de foi : «Il ny a de Dieu que Dieu et Mohammed est lenvoyé de Dieu.»
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Koran, et à les diriger vers le bien, en leur faisant espérer les récompenses de Dieu ou en les menaçant des souffrances de sa punition. Au bout de quelques jours, environ mille élèves dentre les nobles des Senhadja étaient rassem blés autour de lui. Il les nomma Morabethyn (liés) parce quils ne quittaient plus son ribath(1) (ermitage). Il leur enseigna le Koran, le Sonna, les ablu tions, la prière, laumône et les devoirs que Dieu impose. Quand il les vit pénétrés de ces principes et en nombre suffisant, il commença à prêcher pour les exhorter à faire le bien, à désirer le paradis et à redouter le feu éternel et la colère de Dieu ; et cest ainsi quen les éloignant du mal et en leur parlant des récompenses de Dieu à la fin du monde, il arriva à proclamer la guerre sainte contre ceux des Senhadja qui refusaient de les suivre, dans la vraie foi. «Morabethyn, sécria-t-il un jour, vous êtes nombreux, vous êtes les grands de vos tribus et les chefs de vos compagnons ! Le Très-Haut vous a corrigés et dirigés dans la droite voie ; vous devez le remercier de sa honte en exhortant les hommes à faire le bien et à éviter le mal et en com battant avec ardeur pour la foi de lIslam.» Ils répondirent : «Ô cheïkh béni, cornmandez-nous, vous nous trouverez obéissants à vos ordres et soumis, lors même que vous nous ordonneriez de tuer nos pères. Eh bien ! leur dit Yassyn, partez donc avec la bénédiction de Dieu. Allez dans vos tribus, enseignez leur la loi de Dieu, et menacez-les de son châtiment. Si elles se repentent, si elles rentrent dans la droite voie et se rendent à la vérité en changeant de conduite, laissez-les suivre leur chemin ; mais si elles refusent, si elles persistent dans leur erreur et continuent à sadonner à leurs excès, invoquez le secours divin contre elles, et nous leur ferons la guerre jusquà ce que Dieu décide entre nous. Il est le meilleur des juges.» A ces mots, chacun partit pour sa tribu et se mit à prêcher chez les siens pour les prévenir et leur ordonner de changer de conduite; mais personne ne voulut les écouter et ils revinrent. Abd Allah ben Yassyn sortit alors lui-même et se rendit chez les cheïkhs et les principaux Kabyles ; il leur fit lecture de la loi de Dieu et leur ordonna de se repentir et de redouter le châtiment de Dieu. Après être resté sept jours à les exhorter inutilement, et fatigué de voir quils ne lécoutaient pas et persistaient de plus en plus dans la voie du mal, il dit à ses amis : «Nous avons fait notre possible et nous les avons exhortés en vain ; le moment est venue de leur faire laguerre.Combattons-lesaveclabénédic tion du Dieu très-haut.» Abd Allah ben Yassyn se dirigea dabord chez les Djedâla à la tête de deux mille Morabethyn et les dispersa devant lui ; il en tua un ,grand nombre et fit embrasser lIslamisme aux autres, qui devinrent bons et remplirent, les devoirs imposés par Dieu. Cela eut lieu dans le mois de safar 434 (1042 J. C.). Ensuite il se rendit chez les Lemtouna et les combattit
____________________ 1 Lieu de retraite et de prière ; de là, «marabout».
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Lemtouna et les combattit jusquà ce que, vaincus, ils eussent fait, leur sou mission et se fussent repentis ; les Lemtouna le proclamèrent pour chef, et il y consentit à condition quils suivraient le Koran et le Sonna. Passant alors chez les Massoufa, il les battit et les soumit à son commandement comme les Djedâla et les Lemtouna. Les Senhadja, en voyant cela, sempressèrent de manifester leur repentir et de faire acte dobéissance au fekhy, quils pro clamèrent également chef. Tous ceux qui arrivaient chez lui repentants rece vaient, préalablement, cent coups de nerf en signe de purification, et, il leur enseignait le Koran et les lois musulmanes, en leur prescrivant la prière, laumône et la dîme. Bientôt il créa un bit-el-mal, pour y réunir les produits de la dîme et de laumône destinés à lachat darmes pour combattre les ennemis. Abd Allah ben Yassyn conquit ainsi tout le Sahara et en devint le maître. Après chaque combat, il distribuait les dépouilles des vaincus aux Morabethyn, et, ayant rassemblé une grande valeur des produits de laumône, de la dîme et du cinquième du butin , il lenvoya aux tolbas et aux kadys des pays de Messamda. Bientôt la renommée des Morabethyn se répandit Rus le désert, dans le sud, à Messamda, dans tout le Maghreb et jusque dans le Soudan. On racontait partout quil y avait chez les Djedâla un homme modeste et austère qui ramenait les humains à Dieu et les conduisait dans le droit Chemin, en rendant la justice selon les lois du Koran. Yhya ben Ibrahim el-Djedâly mourut et Abd Allah ben Yassyn voulut, le remplacer par un autre. Les Lemtouna étaient les plus obéissants à Dieu, les plus religieux et les plus vertueux dentre les Senhadja ; aussi Ben Yassyn les préférait et les distinguait en les plaçant à la tête des autres tribus; et cela était ainsi parce que Dieu avait décrété quils apparaîtraient et quils règne raient sur le Maghreb et sur lAndalousie. Abd Allah ben Yassyn , ayant donc rassemblé les grands des Senhadja, leur donna pour émir Yhya ben Omar, le Lemtouny, quil revêtit du commandement général: Mais, en fait, cétait. lui-même qui était lémir, puisque cétait lui qui dictait. les ordres, qui dirigeait, qui donnait et qui recevait; en dautres termes, lémir Yhya nétait autre chose que le chef de la guerre, le général des troupes, et le fekhy Ben Yassyn était le chef de la religion, de la loi, et le percepteur de laumône et de la dîme.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR YHYA BEN OMAR BEN TELAKAKYN, LE SENHADJA, LE LEMTOUNY.
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Yhya ben Omar, le Lemtouny, le Morabeth, quAbd Allah ben Yassyn éleva au pouvoir, était religieux, vertueux, austère et modeste, saint et ne faisant nul cas des choses de ce monde. Abd Allah lui ordonna de faire la guerre sainte, et Yhya était lhomme le plus soumis à ses conseils et à ses défenses. Voici un bel exemple de cette obéissance : un jour Ben Yassin lui
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dit : «Yhya, tu mérites dêtre puni. Pourquoi donc, seigneur ? Je ne te le dirai que lorsque tu auras subi ta punition. Et là-dessus le fekhy mit lémir à nu et lui donna vingt coups de nerf, après quoi il ajouta : Je ne tai frappé ainsi -que parce que tu te bats et tu exposes ta vie dans chaque engagement avec lennemi ; cest là ta faute ; un émir ne doit point, se battre, mais se conserver, au contraire, pour encourager les combattants et leur donner du cur. La vie dun chef darmée est la vie de tous ses soldats, et sa mort est leur perte.» Lémir Yhya ben Omar sempara de tout le Sahara et du plus grand nombre des villes du Soudan. En 447, les fekhys et les saints de Sidjilmessa et de Drâa se réunirent et écrivirent au fekhy Abd Allah ben Yassyn, à lémir Yhya et aux cheïkhs des Morabethyn pour les prier de venir chez eux purifier leur pays des vices quil renfermait, tels que la violence et linjus tice qui caractérisaient leur émir Messaoud ben Ouenoudyn el-Maghraouy, les savants et les religieux, et, en général, tous les Musulmans, qui étaient plongés dans lavilissement et liniquité. Lorsque cette lettre parvint à Ben Yassyn, il rassembla les chefs files Morabethyn, leur en donna connaissance et demanda leur conseil. Ils répondirent : «Ô fekhy ! cest, là ce quil nous faut, à nous comme à vous-même ; conduisez-nous donc avec la bénédiction de Dieu très-haut.» Alors il leur ordonna de faire leurs préparatifs pour la guerre sainte, et bientôt après, le 20 safar 447, il se mit en campagne à la tête dune nombreuse armée et il savança jusquau Drâa, dont il chassa le gouverneur nommé par lémir de Sidjilmessa, auquel il enleva mille cinq cents. chameaux dispersés dans les pâturages. Lémir Messaoud, en appre nant cela, rassembla ses troupes et marcha contre Yassyn. Les deux armées se rencontrèrent et se livrèrent un sanglant combat. Dieu donna la victoire aux Morabethyn ; Messaoud ben Ouenoudyn et la plus, grande partie de ses soldats restèrent sur le champ de bataille, et le reste prit la fuite. Abd Allah ben Yassyn sempara des richesses, des animaux et des dépouilles de lennemi ; il en ajouta le cinquième au cinquième des chameaux pris dans le Drâa, et le distribua aux fekhys et aux saints de Sidjilmessa. Il fit don aux Morabethyn des quatre cinquièmes restant, et il partit aussitôt pour Sidjil messa, où il entra et tua tous les Maghraoua qui sy trouvaient. Il demeura dans cette ville jusquà ce que la tranquillité sy fût rétablie. Il réglementa ladministration, et réprima les abus ; il fit briser les instruments de musi que et brûler les établissements où lon vendait du vin ; il supprima tous les droits et les impôts qui nétaient point commandés par le Koran et le Sonna; enfin il installa un gouverneur Lemtouna et sen retourna au Sahara. Lémir Abou Zakerya Yhya ben Omar fut tué en combattant dans le Soudan, au mois de moharrem 448 (marc 1056 J. C.).
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR ABOU BEKER BEN OMAR, LE LEMTOUNA, LALMORAVIDE.
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A la mort de Yhya ben Omar el-Lemtouny, Abd Allah ben Yassyn nomma à sa place son frère Abou Beker ben Omar, le Lemtouna, et le char gea des affaires de la guerre. Celui-ci, ayant exhorté les Morabethyn à atta quer les pays de Masmouda et du Sous, se mit en campagne, à leur tête, au mois de raby el-tâny 448. Il plaça lavant-garde sous les ordres de son cousin Youssef ben Tachefyn, le Lemtouna, et savança jusquau Sous ; il envahit le pays de Djezoula et sempara des villes de Massa(1), de Tarudant et de tout le Sous. Il y avait à Tarudant une population de Rouafidh(2) appelée Bedje lia, du nom du chef de leur secte, Aly ben Abd Allah el-Bedjely, qui était arrivé au Sous lorsque Obeïd Allah el-Chyhy gouvernait lIfrîkya, et y avait répandu sa fausse doctrine, transmise des uns aux autres après sa mort. Ces sectaires ne voyaient la vérité quen eux ; Abou Beker et Abd Allah ben Yassyn les combattirent jusquà ce quils leur eurent arraché leur ville das saut; ils en tuèrent un grand nombre, et ceux qui restèrent se rendirent à la loi du Sonna. Les biens des tués furent distribués aux Morabethyn; et cest ainsi que Dieu les secondait et élevait leur puissance ! Ils semparèrent aussi des forteresses et autres lieux de refuge du pays de Sous, dont ils soumirent toutes les tribus. Abd Allah ben Yassyn délégua ses gouverneurs dans les environs, avec mission de rendre la justice, de prêcher le Sonna, de percevoir laumône et, la dîme, et dabolir tous les impôts qui nétaient point confor mes à la loi. Puis il se transporta chez les Masmouda et sempara du Djebel Deren; il conquit également par la force des armes les pays de Rouda et de Chefchaoua, de Nefys et de tout le Djedmyoua. Les Kabyles de Haha et de Radjeradja vinrent vers lui et firent acte de soumission; ensuite il se rendit à Aghmât, ville alors gouvernée par Lekout ben Youssef ben Aly elMaghraouy, il en fit le siége et lattaqua vigoureusement. Lekout, saperce vant bientôt. de son impuissance contre un pareil ennemi, lui livra la ville et prit la fuite, pendant la nuit, avec tous les siens, du côté de Tedla, où il se mit sous la protection des Beni Yfran, qui en étaient, les maîtres. Les Morabethyn entrèrent à Aghmât en 449 (1057 J. G.). Abd Allah ben Yassyn y resta environ deux mois pour donner du repos à sa troupe, et il se remit en campagne pour envahir le Tedla ; il sen empara, en effet, et extermina tous les Beni Yfran, ainsi que Lekout el-Maghraouy quil avait fait prison nier. Ensuite, il conquit encore le Temsna, et là il apprit quil y avait sur les terres situées au bord de la mer un grand nombre de tribus de Berghouata, qui étaient infidèles et vouées au culte des idoles.
____________________ 1 Massa ou Messa, ville située à lembouchure de lOued Sous, peuplée de Ber bères, de Maures et denviron trois mille juifs. 2 Partie des Chyhytes.
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HISTOIRE DES INCURSIONS DABD ALLAH BEN YASSYN CONTRE LES IDOLÂTRES BERGHOUÂTA ; LEUR FAUSSE LOI. LEUR RELIGION IGNOBLE ET INSENSÉE.
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Quand Abd Allah ben Yassyn arriva au pays de Temsna, il apprit que, sur les bords de la mer, vivaient des tribus Berghouata en nombre considé rable, et que ces tribus étaient idolâtres, infidèles, perverties, et suivaient une détestable religion ; on lui raconta que les Berghouata ne descendaient ni dun seul père, ni dune seule mère, mais que cétait un mélange de plusieurs tribus berbères, réunies dans le temps sous les ordres de Salah ben Thryf, qui prétendait. être prophète et vint fixer sa résidence à Temsna, sous le règne de Hischam ben Abd el-Malek ben Mérouan ; il était originaire (que Dieu le maudisse !) de Bernatha, forteresse de la province de Chedouna (Sidonia), en Andalousie, et ses premiers disciples furent appelés Bernathy, dont les Arabes firent Berghouaty, doù leur nom de Berghouata. Salah ben Thryf, le prétendu prophète, était un scélérat, de race juive, descendant des Ouled Chemaoum ben Yacoub (à lui le salut !) ; et avait surgi, en effet, à Bernatha, en Andalousie. De là il était allé en Orient, et sétait instruit chez Obeïd elMoutazly el-Kadary, auprès duquel il soccupa de magie et acquit beaucoup dart ; alors il revint au Maghreb et sétablit à Temsna où il trouva une popu lation de Berbères ignorants, aux yeux desquels il fit briller lIslamisme en leur prêchant la continence et la piété. Puis il commença à semparer de leur esprit et de leur affection par sa magie, son éloquence et les tours de toute espèce dont il les émerveillait, au point que ces Berbères ne tardèrent pas à croire à ses vertus et à sa sainteté, quils en firent leur chef et suivirent ses conseils dans toutes leurs affaires, se soumettant à ses ordres et à ses défenses. Ce fut alors quil se prétendit prophète, et prit le nom de Saleh elMoumenyn (le vertueux parmi les Croyants), leur disant : «Je suis bien le Saleh el-Moumenyn(1) dont Dieu a parlé dans son livre chéri, quil a fait des cendre à notre seigneur Mohammed (que Dieu le couvre de sa miséricorde et du salut !)» et en même temps il établit une religion quils adoptèrent. Cétait en lan 125. Cette hérésie, instituée par Salah ben Thryf, consistait à le reconnaître pour prophète, à jeûner pendant le mois de radjeb, et à manger pendant le ramadhan, à faire dix prières, dont cinq pendant la nuit et cinq pendant le jour. Chaque musulman était tenu de faire un sacrifice le 21 de moharrem ; il leur prescrivait dans les ablutions de se laver le nombril et les hanches, de prier en remuant la tête seulement sans se prosterner le front contre terre, excepté dans la dernière rikha, pendant laquelle ils devaient se
____________________ 1 Koran, chap. LXXVI : la Défense, vers. 4. Mais si vous vous joignez contre le Prophète, sachez que Dieu est son protecteur, que Gabriel, que Saleh el-Moumenyn (le vertueux parmi les Croyants) et des anges lui prêteront aussi assistance.»
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prosterner cinq fois ; de dire, en commençant à manger ou à boire besm Yakess, (au nom de Yakess), prétendant que cela voulait dire besm Allah (au nom de Dieu) ; de payer la dîme de tous les fruits; il leur permettait dépou ser autant de femmes quils voulaient, à lexception de leurs cousines, avec lesquelles il leur défendait de se marier ; ils pouvaient répudier et reprendre leurs femmes mille fois par jour si bon leur semblait, les femmes nétant jamais défendues ; il leur ordonnait de tuer le voleur partout où ils 1e trou veraient, prétendant que le sabre seul pouvait le purifier de sa faute ; il leur permit de payer le prix du sang avec des bufs, il leur défendit la tête de toute espèce danimaux et les volailles comme des choses sales et répu gnantes. Quant aux coqs, attendu quils indiquaient les heures de prière, il était défendu de les tuer et den manger sous peine de rendre la liberté à un esclave ; il leur prescrivait encore de lécher la salive, de leur gouverneur en guise de bénédiction ; et, en effet, lorsquil crachait dans la paume de leurs mains, ils léchaient religieusement ces crachats, ou ils les emportaient soigneusement à leurs malades pour assurer la guérison. Il leur fit un Koran pour lire leurs prières dans leurs mosquées, prétendant que ce Koran lui avait été inspiré et envoyé par Dieu très-haut. Celui qui mettait en doute un seul de ces préceptes était infidèle. Le Koran de Ben Thryf avait quatre vingts chapitres, qui se nommaient pour la plupart des noms des prophètes ; il contenait les chapitres suivants : Adam, Noé, Job, Moïse, Aaron, Asbath, les douze tribus, Pharaon, les fils dIsraël, le coq, la perdrix, la sauterelle, le chameau, Harout et Marout(1), Eblis, la résurrection, les merveilles dit monde. Il pré tendait que ce livre renfermait la science suprême ; il pres crivait encore de ne point se laver après le coït, à moins que ce ne fût un coït criminel. Mais nous avons déjà parlé plus complètement de ces Ber ghouata et de leurs rois dans notre grand ouvrage intitulé : Zohrat el-Bous tan fi Akhbar el-Zeman ou Deker el-Moudjoub bi mâ ouakâ fi el-Oudjoud, «Fleurs des jardins sur lhistoire des temps anciens, et récits des faits qui se produisent dans ce monde.» Lauteur de ce livre (que Dieu, lui pardonne !) continue son récit: Lorsque Abd Allah ben Yassyn fut informé de létat dignorance et des erreurs des Berghouata, il vit quil fallait commencer par leur déclarer la guerre, et il se mit en campagne avec son armée de Morabethyn pour les attaquer. Les Berghouata avaient alors pour émir Abou Hafs Omar ben Abd Allah ben Aby el-Ansâry ben Aby Obeïd ben Moukhled ben Elyas ben Salah ben Thryf el-Berghouaty, le faux prophète.Il y eut entre les deux partis une guerre terrible. et sanglante. Beaucoup de monde périt de part, et dautre ; et
____________________ 1 «Ce sont les démons qui enseignent .aux hommes la magie et la science qui étaient descendues den haut sur les deux anges de Babel - Harout et Marout.» (Koran, chap II, vers. 96.)
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cest dans un de ces combats que finit Abd Allah ben Yassyn el-Djezouly, le chef et le directeur des Morabethyn. Couvert de blessures sur le champ de bataille, il fut transporté, dans son camp ; respirant à peine, il fit rassem bler immédiatement les cheikhs et les chefs Almoravides et leur dit : «Mora bethyn ! vous êtes dans le pays de vos ennemis, et je vais mourir aujourdhui sans doute ; prenez garde dêtre lâches ou faibles et de vous laisser découra ger ! Que la vérité vous ne lun à lautre ; soyez frères en lamour de Dieu très-haut, et gardez-vous de la discorde et de lenvie dans le choix de vos chefs, car Dieu donne la puissance à qui bon lui semble(1), et charge celui qui lui plaît dentre ses esclaves dêtre son lieutenant sur la terre ! Je vais me séparer de vous ; choisissez donc celui qui vous gouvernera, qui veillera sur vos intérêts, conduira vos armées, combattra vos ennemis, partagera le butin entre vous et percevra vos aumônes et vos dîmes.» Les Morabethyn décidèrent à lunanimité de nommer Abou Beker ben Omar le Lemtouna, que ben Yassyn leur avait précédemment donné pour chef avec lassentiment des cheikhs Senhadja. Abd Allah ben Yassyn mourut le soir même, jour du dimanche 24 djoumad el-aouel 451 (1059 J. C.). On lensevelit dans un endroit nommé Kerifla, et on bâtit une mosquée sur sa tombe. Abd Allah ben Yassyn était très-austère, et pendant tout le temps quil resta au Maghreb, il ne mangea point de viande et ne but point de lait, car les troupeaux nétaient pas purs (allel) à cause de la profonde ignorance du peuple. Ben Yassyn ne vivait que de gibier; mais cela ne lempêchait point de voir un grand nombre de femmes; chaque mois il en épousait plusieurs et sen séparait successi vement ; il nentendant pas parler dune jolie fille sans lai demander aussi tôt en mariage. Il est vrai quil ne donnait jamais plus de quatre ducats de dot. Voici un signe de sa bénédiction. Les Morabethyn qui le suivirent dans ses expéditions au Soudan se trouvèrent un jour sans eau et sur le point de mourir de soif. Abd Allah ben Yassyn, ayant lait ses ablutions avec du sable, récita deux rikha et implora le Très-Haut. Les Morabethyn, se confiant à sa prière, reprirent courage, et quand il leut terminée il leur dit : «Creusez lendroit sur lequel jai prié, ils creusèrent, et à un empan de profondeur ils trouvèrent une eaux douce et fraîche dont ils se désaltérèrent ainsi que leurs animaux, et remplirent leurs autres. Cette bénédiction dont il était revêtu lui permit aussi, entre autres choses, de jeûner depuis le premier jour de sa venue dans le Maghreb jusquà sa mort. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Et la principale de ses bonnes uvres fut dintroduire chez tout un peuple le Sonna et la réunion (dans les mosquées), quil affermit en décrétant que celui qui manquerait à la prière dans les mosquées recevrait vingt coups de nerf, et que celui qui en manquerait une partie en recevrait cinq coups.
____________________ 1 Koran, chap. II ; la Vache, vers. 248.
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CONTINUATION DU RÈGNE DE LÉMIR ABOU BEKER, LE SENHADJA, LE LEMTOUNA.
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Lémir Abou Beker ben Omar ben Thlekakyn ben Ouayaktyn, le Lemtouna, le Mhamoudy, eut pour mère Safya, femme libre de Djedâla. Nommé par Abd Allah ben Yassyn et confirmé par les chefs des Mora bethyn, Senhadja et autres Kabyles, son autorité se trouvait être parfaite ment établie ; son premier acte fut de faire ensevelir Abd Allah ben Yassyn; aussitôt après, il réunit son armée et, mettant sa Confiance en Dieu pour ses combats et pour toutes ses affaires, il se porta contre les Berghouata avec la ferme résolution de les exterminer. Les Berghouata, battus, prirent la fuite devant lui; mais les Morabethyn, sélançant à leur poursuite, firent prison niers tous ceux quils ne massacrèrent pas, et leur déroute fut complète. Quelques-uns à peine parvinrent à séchapper dans les bois ; les autres embrassèrent lIslamisme, et, depuis lors jusquà ce jour, il nest plus resté de trace de leur fausse religion. Lémir Abou Beker réunit les biens et les dépouilles des vaincus à Aghmât(1), et y demeura jusquau mois de safar 452. Alors il se remit en campagne avec son armée et accompagné dune foule innombrable de Sen hadja, de Djezouly et de Masmoudy, et il conquit le pays de Fezaz, ses mon tagnes, les terres des Zenèta et les villes du Mekenèsa. De là il se porta contre la place forte de Louata, en fit le siège, et y entra par la force des armes. Il y fit un massacre considérable de Beny Yfran, et détruisit la ville, qui ne sest plus relevée jusquà ce jour. Les événements eurent lieu à la fin du mois de raby el-tâny 452. Après ses exploits de Louata, Abou Beker retourna à Aghmât, où il sétait précédemment marié avec une femme nommée Zyneb bent Ishac el-Houary, négociant originaire de Kairouan. Cette femme était résolue, intelligente, douée dun sens droit et dopinions justes, prudente et versée dans les affaires, à tel point quon la surnommait la Magicienne. Lémir était auprès delle à Aghmât depuis trois mois, quand un envoyé du pays du Sud vint lui annoncer que le Sahara était en révolu tion. Abou Beker était un saint homme, dune abstinence entière, et qui ne supportait pas que lon attaquât des Musulmans et que lon fît couler leur sang inutilement ; il résolut, en conséquence, daller lui-même au Sahara pour rétablir lordre et faire la guerre aux infidèles du Soudan. Au moment de partir, il se sépara de sa femme en lui disant : «Ô Zyneb ! tu es un être accom pli de bonté et de beauté extrêmes ; mais je dois te quitter et men aller au Sahara pour faire la guerre sainte et gagner le salut du martyr et les grandes
____________________ 1 Aghmât, grande ville jadis fortifiée et florissante, nayant pas plus aujourdhui de cinq mille cinq cents habitants, dont mille Juifs environ, située à une journée sud du Maroc, au pied de lAtlas, sur le chemin du Tafilelt.
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récompenses de Dieu. Tu nes une faible femme, et il te serait impossible de me suivre et de vivre dans ces déserts ; cest pourquoi je te répudie. Quand le terme fixé sera passé, marie-toi avec mon cousin Youssef ben Tachefyn, car il est mon lieutenant dans le Maghreb.» Sétant ainsi séparé de Zyneb, lémir sortit dAghmât et traversa le pays de Tedla jusquà Sidjilmessa, où il entra et resta quelques jours pour orga niser le gouvernement. Au moment de quitter cette ville, il fit venir son cousin Youssef ben Tachefyn et le nomma émir du Maghreb ; il linvestit de pouvoirs absolus et lui ordonna daller faire la guerre à ce qui restait des Maghraoua, des Beny Yfran et des Kabyles, ZenèTa et Berbères. Les Cheïkhs des Morabethyn reconnurent la souveraineté de Youssef parce quils savaient quil était religieux, vertueux, courageux, résolu, entrepre nant, austère, et quil avait lesprit juste. Il rentra donc au Maghreb avec la moitié de larmée des Morabethyn, et lémir Abou Beker ben Omar partit, avec lautre moitié pour le Sahara; cela eut lieu dans le mois doul kâada, an 453 (1061 J. C.). Youssef ben Tachefyn épousa Zyneb, excellente conseillère détat, qui lui valut, par sa publique habile, la conquête de la plus grande partie du Maghreb; elle mourut en 464 (1071 J. C.). Lémir Abou Beker arriva au Sahara, apaisa les révoltés et, purifia le pays ; ensuite Il rassembla une grande armée et se mit en campagne pour courir sur les pays du Soudan, où il combattit jusquà lentière soumission de toute cette contrée, qui na pas moins de trois mois de marche. De son côté, Youssef ben Tachefyn conquit la plupart des villes du Maghreb, et y affermit de plus en plus sa puissance. Lémir Abou Beker, ayant appris lex tension que prenait le royaume de son cousin, et toutes les conquêtes que Dieu lui avait accordées, quittai le Sahara et se mit en marche pour venir le remercier et le remplacer ; mais Youssef, devinant ses projets, demanda conseil à sa femme Zyneb, qui lui répondit : «Youssef, votre cousin ; est un saint homme qui ne veut pas répandre le sang ; dès que vous le rencontre rez, manquez aux égards quil était habitué à rencontrer chez vous, ne lui montrez ni politesse modestie, et recevez-le comme votre égal. En même temps, offrez-lui quelques riches cadeaux, des étoffes, des vêtements, de la nourriture et des objets utiles et curieux; offrez-lui en beaucoup, car, dans le Sahara, tout ce qui vient dici est rare et précieux.» En effet, à lappro che de lémir Abou Beker ben Omar vers les états dYoussef, celui-ci sortit au-devant de lui et, layant rencontré en chemin, il le salua de cheval, brus quement et sans descendre de sa monture. Lémir, jetant les yeux sur ses troupes, fut frappé de leur grand nombre : «Youssef, lui dit-il, que faites vous donc de cette armée ? Je men sers contre quiconque est mal inten tionné contre moi,» lui répondit-il.
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Dès lors Abou Beker conçut des doutes sur ce salut fait à cheval et sur cette réponse; mais apercevant, aussitôt mille chameaux chargés venir vers lui : «Quest-ce que cette caravane ?» dit-il. Et son cousin lui répondit : «Ô prince, je suis venu vers vous avec tout ce que jai de richesses, détoffes, de vêtements et de provisions de bouche pour que vous nen manquiez pas dans le Sahara.» A ces morts, lémir comprit tout à fait, et lui dit : «Ô Youssef, descendez de cheval pour entendre mes recommandations :» Ils descendi rent tous deux ; on leur mit des tapis à terre et ils sy étendirent. Lémir reprit : «Ô Youssef, je vous ai donné le pouvoir, et Dieu men tiendra compte; crai gnez Dieu et pensez à lui dans votre conduite, envers les Musulmans ; que vos bonnes uvres me donnent la liberté en lautre monde et vous lassurent à vous-même. «Veillez avec soin sur les intérêts de vos sujets, car vous aurez à en répondre devant Dieu. Que le Très haut vous rende meilleur; quil vous accorde son aide et vous dirige dans la bonne voie et dans la justice envers votre peuple, car cest lui qui me remplace ici pour vous et vos sujets.» Alors il retourna au Sahara et y passa sa vie à faire la guerre aux infidèles jusquà ce quenfin, blessé dans un combat par une flèche empoisonnée, il mourut martyr (que Dieu lui fasse miséricorde !), dans le mois de châaban le sacré ; an 480 (1087 J. C.), après avoir étendu sa domination sur le Sahara jusquau Djebel Deheb (montagne dor), dans le Soudan. Et cest ainsi que le pouvoir échut entièrement. à Youssef ben Tachefyn.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR YOUSSEF BEN TACHEFYN, LE LEMTOUNA, SA VIE ET SES GUERRES.
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Lémir des Musulmans Youssef ben Tachefyn ben Ibrahim ben Tarkout ben Ouartakthyn ben Mansour ben Mesâla ben Oumya ben Outasela ben Talmyt et-Hamiry, le Senhadja, le Lemtouna, descendant dAbd Chems ben Ouatil ben Hamyar ; sa mère était Lemtouna, cousine de son père et se nommait Fathma bent Syr fils de Yhya ben Ouaggâg ben Ouartakthyn sus nommé. Voici le portrait de Youssef : teint brun, taille moyenne, maigre, peu de barbe, voix douce, yeux noirs, nez aquilin, mèche de Mohammed retom bant sur le bout de loreille, sourcils joints lun à lautre, cheveux crépus. Il était courageux, résolu, imposant, actif, veillant sans cesse aux affaires de létat, et aux intérêts de ses villes et de ses sujets, entretenant avec soin ses forteresses, et toujours occupé de la guerre sainte, aussi Dieu le soutenait et lui donnait la victoire ; généreux, bienfaisant, il dédaignait les plaisirs du monde; austère, juste et saint, il fut modeste jusque dans ses, vêtements ; quelque grande que fût la puissance que Dieu lui donna, il ne se vêtit jamais quavec de la laine à lexclusion de toute autre étoffe ; il se nourrissait dorge, de viande et de lait de chameau, et sen tint strictement à cette nourriture
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jusquà sa mort. (Que Dieu lui lasse miséricorde !) Le seigneur lui donna un vaste royaume en ce monde, et permit que le khotbah fût lu en son nom en Andalousie, et au Maghreb sur mille neuf cents chaires. Son empire sétendit depuis la ville dAfragha(1), première ville des Francs, la plus reculée à lest de lAndalousie, jusquà lextrémité des provinces de Schantarin et dAs chbouna(2), sur locéan, à loccident de lAndalousie, sur Une étendue de trente-trois jours de marche en longueur, et environ autant en largeur. Dans le Maghreb il possédait, depuis lAdoua de Djezaïr, Beny Mezghanna(3) jus quà Tanker dune part, et jusquà lextrémité du Sous el-Aksa et des mon tagnes dor, dans le Soudan. Dans aucune de ses possessions, sa vie durant, on ne paya dautres impôts, droits ou tributs, dans les villes un dans les cam pagnes, que ceux ordonnés par Dieu et prescrits dans le Koran et le Sonna, cest-à-dire laumône, la dîme, la Djezya. (tribut) des sujets infidèles et le cinquième du butin fait en guerre sainte; il réunit ainsi plus dargent que jamais souverain nen avait amassé avant lui. On dit quà sa mort il se trou vait dans le bit el-mâl 13,000 mesures (roubah) de monnaies dargent et 5,040 roubah de monnaies dor. Il confia la justice aux kadys et abrogea toutes les lois qui nétaient pas musulmanes. Chaque année il faisait le tour de ses provinces pour inspecter les affaires de ses sujets ; il aimait les fekhys, les savants et les saints, il sen entourait, et leur demandait leurs conseils quil estimait beaucoup. Pendant toute sa vie, il les combla dhonneurs et leur alloua des traitements sur les fonds du bit el-mâl. Un excellent carac tère, une grande modestie, et des murs très-douces complétaient toutes ses vertus, et comme la dit le fekhy, le secrétaire Abou Mohammed ben Hamed, dans une poésie dédiée à ce prince et à ses enfants : «cétait un roi possédant la plus haute noblesse des Senhadja descendants dHamyr, et quand on possède, comme eux, toutes les vertus, on devient humble, modeste, et lon se couvre le visage(4).» Youssef ben Tachefyn naquit dans le Sahara, lan 400 (1006 J. C.), et mourut lan 500 (1106 J.C.), à lâge de cent; ans. Son règne, au Maghreb, date du jour où lémir Abou Beker le nomma son lieutenant, et finit à sa mort, cest-à-dire quil dura quarante-sept ans, de lan 453 à 500. Son surnom était; Abou Yacoub, et plus habituellement on le nommait lÉmir. Lorsquil conquit lAndalousie, et après la bataille de Zalâca, où Dieu
____________________ 1 Aujourdhui Fraga, à 50 milles de Lérida. 2 Santarem et Lisbonne. 3 Les îles des fils de Mezghanna. Aujourdhui Alger. 4 Allusion à lusage du Litham, voile, espèce de bandeau dont les Lemtouna, fraction des Senhadja el-Moulethemyn (les voilés), se couvraient le visage; comme le font encore de nos jours, sur la lisière du Sahara, les Touareg, qui descendent également des Senhadja.
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abaissa les rois des Chrétiens, tous les émirs de lAndalousie et les princes présents à cette guerre le reconnurent pour souverain. Ces rois étaient au nombre de treize, et ils le, proclamérent Amir el-Moumenyn. Youssef ben Tachefyn est le premier des souverains du Maghreb qui prit ce titre de Prince des Croyants par lequel, depuis lors, il commença ses lettres, dont les premières furent lues en chaire dans les villes de lAdoua et de lAn dalousie pour annoncer la nouvelle de la victoire de Zalâca et tout ce que Dieu lui avait accordé de butin et de conquêtes. A partir de cette époque, il fit, battre une nouvelle monnaie, sur laquelle étaient gravés ces mots, Il ny a de Dieu que Dieu, et Mohammed est lenvoyé de Dieu, et an-dessous: Youssef ben Tachefyn, émir des Musulmans, et en exergue : Celui qui veut une religion autre que llslam, Dieu ne le recevra pas, et au dernier jour, il sera parmi les perdants(1). Sur le revers de la pièce était gravé, Lémir Abd Allah el-Abessy, prince des Croyants, et en exergue, la date et le lieu de la fabrication. Lémir Youssef ben Tachefyn eut cinq fils : Aly, qui lui succéda, Temym, Abou Beker, El-Mouâz et Ibrahim, et deux filles, Kouta et Ourkya. Lorsque Abou Beker ben Omar lui donna le commandement du Maghreb et le revêtit de pouvoirs absolus, en 453, il quitta la ville de Sidjilmessa, et arriva à lOued Moulouïa ; là il examina son armée et y compta quarante mille Morabethyn, dont il confia une partie à quatre généraux, dont voici les noms : Mohammed ben Temym el-Djedély, Amran ben Soliman el-Mes soufy, Medreck el-Talkany et Syr ben Aby Beker et Lemtouna ; il donna à chacun deux le commandement de cinq mille hommes de leurs tribus, et il les fit marcher en avant pour aller combattre ce qui restait dans le Maghreb de Maghraoua, Beny Yfran et autres tribus berbères en état de révolte. Sui vant, leurs traces, il envahit lui-même, lune après lautre, toutes les villes et les tribus du Maghreb. Les uns fuyaient à son approche, les autres se soumettaient ou étaient vaincus après quelques combats, et cest ainsi quil ne revint à Aghmât quaprès avoir tout subjugué. Cest alors quil épousa Zyneb, répudiée par son cousin Abou Beker ben Omar, et qui fut le soutien de sa prospérité. Lan 454, vit les affaires de Youssef ben Tachefyn se forti fier au Maghreb et sa renommée grandir. Il acheta, à un propriétaire de Mas mouda, le terrain de la ville de Maroc, et sy établit sous une tente, auprès de laquelle il fit bâtir une mosquée pour la prière, et une petite kasbah pour y déposer ses richesses et ses armes ; mais il ne lentoura point de murs. Quand on commença la construction de la mosquée, il se couvrit de mauvais vêtements et travailla lui-même au mortier et à la bâtisse avec les maçons, et cela par humilité et modestie. (Que Dieu lui accorde le pardon et utilise le
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1 Koran. chap. III : la famille dImran, v. 79.
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but de ses travaux !) Lendroit où Youssef travailla ainsi se nomme aujourdhui Sour el-Kheyr à Maroc, et est situé au nord de la mosquée des Ketoubyn (marchands de livrées). Lemplacement de Maroc étant sans eau, on y creusa des puits et lon sen procura à peu de profondeur ; les habitants sétablirent ainsi sans murs denceinte ; on en construisit en huit mois sous le règne dAly, fils de Youssef, lan 526. Plus tard, lémir des Musulmans Abou Youssef Yacoub el-Mansour ben Youssef ben Abd el-Moumen ben Aly el-Koumy, lAlmohade, régnant au Maghreb, embellit Maroc de construc tions nouvelles et de citernes. Cette ville fut sans interruption la capitale des Morabethyn, et après eux des Mouaheddyn (Almohades) jusquà la fin de leur règne, où le siège du gouvernement fut transféré à Fès. Dans ladite année 554, Youssef organisa ses armées, augmenta le nombre de ses généraux, et conquit un grand nombre de villes ; il institua lusage du tambour et des enseignes dans ses troupes; envoya des gouver neurs munis de nominations écrites dans les chefs-lieux, et créa des légions de Aghzâz et darbalétriers pour en imposer aux Kabyles du Maghreb. Avec ces corps nouveaux, son armée comptait cette année-là cent mille cavaliers des tribus Senhadja, Djezoula, Masmouda et Zenèta. Sétant mis à leur tête, il se dirigea du côté de Fès, et il rencontra sur son chemin des corps nombreux et formidables de Kabyles Zouagha, Lemaya, Loueta, Sedyna, Sedrâta, Meghyla, Behloula, Médiouna et autres qui demandaient lattaque. Il y eut entre lui et ces tribus une terrible guerre, qui eut leur défaite pour issue ; les vaincus se réfugièrent dans la ville de Médiouna ; mais Youssef, arrivant sur leurs traces, sen empara dassaut, détruisit ses murs et y mas sacra plus de quatre mille hommes ; puis il savança vers Fès, et sétablit auprès de cette ville, après en avoir soumis tous les environs. Cétait à la fin de lan 454. Youssef demeura campé en cet endroit pendant quelques jours, et étant parvenu à semparer du gouverneur de la ville, Bekâr ben Brahim, il le fit mourir. Marchant alors sur Soforou, il y entra immédiatement par la force du sabre et y massacra les Ouled Messaoud el-Maghraoua, qui étaient les maîtres de cette ville et la gouvernaient. Revenant aussitôt à Fès, il en fit le siége et sen empara pour la première fois; cétait en 455. Youssef resta quelques jours dans cette capitale où il établit un gouverneur Lemtouna, et il partit pour le pays de Ghoumâra ; mais à peine se fut-il éloigné de Fès et avancé chez les Ghoumâra, les Beni Manser ben Hamed, arrivant dun autre côté, semparèrent, à leur tour de cette ville et tuèrent le gouverneur Lemtouna. En cette même année, El-Mehdy ben Youssef el-Keznany, chef de la province de Mekenèsa, reconnut la souveraineté de Youssef ben Tachefyn, et fit sa soumission aux Morabethyn ; Youssef le laissa gouverneur de sa
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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province et lui ordonna de se mettre en campagne à la tête de ses troupes pour combattre les tribus du Maghreb. El-Mehdy fit ses préparatifs et partit avec son armée de la ville de Ghousedja pour rallier Youssef ben Tachefyn; mais, à cette nouvelle, Temym ben Manser el-Maghraoua, qui gouvernait Fès, craignant que les Morabethyn ne devinssent trop forts contre lui, sortit en toute hâte de la ville pour lui couper le chemin, à la tête dune armée de Maghraoua et de Zenèta. Il latteignit, en effet, en route et lattaqua. Le combat fut terrible; El-Mehdy ben Youssef fut tué, son armée fut disper sée, et Temym ben Manser envoya sa tête au gouverneur de Septa (Ceuta) nommé Soukra el-Berghouaty. - Les habitants de Mekenèsa envoyèrent aus sitôt un message à Youssef ben Tachefyn pour lui apprendre la perte de leur émir, et lui offrir leur pays. Youssef accepta et envoya de temps en temps des détachements de Morabetllyn pour harceler Temym ben Manser et faire des riazas sur ses terres. Celui-ci, voyant sa position devenir de plus en plus difficile par la prolongation dune guerre qui occasionnait la famine en ne permettant plus aux denrées du dehors dentrer à Fès, rassembla toute son armée de Maghraoua et de Beny Yfran, et fit, à leur tête, une sortie contre les Morabethyn. Il fut vaincu et tué dans le combat, ainsi que la majeure partie de ceux qui lentouraient. El-Kassem ben Mlolammed ben Abd er-Rahman ben Brahim ben Moussa ben Aby el-Afya le Zenèta, sérigea aussitôt à la place de Temym ben Manser comme gouverneur de Fès, et réunit à son tour les tribus Zenèta pour marcher contre les Morabethyn. Il les rencontra à lOued Syffy, et les défit après de grands combats où la majeure partie de leur cavalerie fut détruite. Cette nouvelle parvint à Youssef pendant quil assiégeait la forteresse de Madhy dans le Fezaz, et il abandonna aussitôt les opérations, laissant un corps de Morabethyn suffisant pour continuer le siège. (Ce siége dura neuf ans, et les Morabethyn finirent par entrer dans la place sans coup férir, en 465.) Ce fut en 456 que Youssef partit de .la forte resse de Madhy; il se rendit chez les Beny Merassa, dont lémir était alors Yaly ben Youssef, les envahit, en massacra une grande partie, et sempara de leur pays. De là il alla dans le pays de Fendoula, quil conquit entière ment. En 458 (1065 J. C.), il sempara des terres de Ouargha, et, en 460, il subjugua tout le pays de Ghoumâra, ainsi que les montagnes du Rif jusquà Tanger. En 462, Youssef ben Tachefyn marcha sur Fès avec toute son armée. Après un siége rigoureux, il entra par la force des armes dans cette capitale, et y massacra tout ce quelle renfermait de Maghraoua. de Beny Yfran, de Mekenèsa et de Kabyles Zenèta. Il en fit un tel carnage que les rues et les places étaient couvertes de cadavres. Plus de trois mille hommes furent mis à mort dans les mosquées El-Kairaouyn et El-Andalous. Les survivants pri rent la fuite dans les environs de Tlemcen. Telle fut la seconde prise de Fès
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par Youssef ben Tachefyn. Il y entra le jeudi, deuxième jour de djoumad el tâny, an 462. Une fois maître de la ville, son premier soin fut de la fortifier et da la réparer. Il fit abattre les murs qui séparaient les deux Adoua El-Andalous et El-Kairaouyn, de façon à nen faire quune seule et même ville. Il ordonna de bâtir des mosquées dans les faubourgs et dans tous les passages, et lors quil trouvait une rue sans mosquée, il adressait des reproches à ses habi tants et leur enjoignait den construire une immédiatement. Il fit également bâtir des bains, des fondouks, des moulins, et réparer et embellir les bazars. Youssef ben Tachefyn passa ainsi un an environ, àFès; au mois de, safar 463 (1070 J. C.), il se mit en campagne pour les pays de la Moulouïa, et il conquit les forteresses dOuatat. En 464, il réunit autour de lui les émirs du Maghreb et les cheïkhs des Zenèta, des Masmouda, des Ghoumâra et de toutes les tribus berbères. Ces cheïkhs, en arrivant, reconnaissaient sa sou veraineté, et, il leur donnait à chacun des vêtements et de largent. Il sortit ensuite à leur tête pour parcourir les provinces du Maghreb et inspecter les affaires de ses sujets et la conduite des gouverneurs et de leurs préfets; il améliora ainsi beaucoup de choses. En 465, il sempara par la force des armes de la ville de Demna, située sur les confins de Tanger, et il conquit, le Djebel Ghaloudan. En 467 (1074 J. C.), il se rendit, maître des monts Ghyata, Beny Mekoud et Beny Rehyna, dont il fit périr un grand nombre dhabitants ; ensuite il divisa ses états du Maghreb en plusieurs commande ments ; il nomma Syr ben Abi Beker gouverneur de Mekenèsa et des pays de Meglâla et Fezaz ; Omar ben Soliman gouverneur de Fès et ses dépen dances; Daoud ben Aycha gouverneur de Sidjilmessa et du Draa ; et son fils Temym gouverneur dAghmât, de Maroc, des pays du Sous el-Aksa, de Masmouda, de Tedla et de Temsna. A cette époque (467, El-Moutamed ben Abbed, émir de Séville, adressa un message à Youssef ben Tachefyn pour linviter à venir faire la guerre sainte en Andalousie, et pour lui demander du secours. Youssef lui répondit : «Je ne puis le faire tant que je ne posséderai pas Tanger et Ceuta.» Ben Abbed lui conseilla alors de marcher avec ses troupes sur ces villes, tandis que lui-même y enverrait des bâtiments pour les bloquer, jusquà ce quil les eût prises, et Youssef commença dès lors ses préparatifs pour cette expédition. En 470 (1077 J. C.), il envoya son général Salah ben Amran avec douze mille cavaliers Morabethyn et vingt mille cavaliers Zenèta et autres, avec ordre de marcher sur Tanger. Quand cette armée arriva dans les environs de la ville, le gouverneur Soukra el-Berghouaty, vieillard de quatre-vingt six ans, sortit à sa rencontre à la tête de ses troupes ; et, à la vue de len nemi, il sécria : «Par Dieu ! le Peuple de Ceuta nentendra pas le tambour
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des Morabethyn tant que je serai en vie !» Les deux armées se rencontrè rent sur les bords de lOued Mina, à quelque distance de Tanger. Le combat sengagea; Soukra fut tué et ses troupes furent détruites. Les Morabethyn entrèrent à Tanger; mais il leur restait encore à prendre Ceuta, qui était gou vernée par Dhya el-Doula Yhya, fils de Soukra. Néanmoins le kaïd Salah ben Amran écrivit à Youssel ben Tachefyn pour lui annoncer sa victoire. En 473 (1079 J. C.), Youssef envoya son kaïd Mezdely pour occuper la ville de Tlemcen. Ce général sy rendit à la tète de vingt mille Morabethyn, sen empara, et, aussitôt entré, il fit mourir le fils de lémir de cette ville, Maly ben Yala el-Maghraoua. Il revint ensuite auprès de Youssef quil trouva à Maroc. Lannée suivante 473 (1080 J. C.), Youssef ben Tachefyn renouvela la monnaie dans toutes ses possessions, et la fit frapper en son nom. A cette même époque, il sempara des villes dAgersyf, de Melila et de tout le Rif; il prit également et détruisit la ville de Takrour, qui ne sest plus relevée depuis. En 474 (1081 J. C.), il se porta sur Oudjda, dont il sempara, ainsi que des environs et des terres des beny Iznaten. Poursuivant son expédition il prit Tlemcen, Tenès, Oran, et se rendit maître des montagnes Ouancherys et de tout le Chélif jusquà Alger, Mors il retourna à Maroc, où il fit son entrée dans le mois de raby el-tâny 475 (1082 J. C.). Il reçut là une nouvelle lettre dEl-Moutamed ben Abbed qui linformait de la misérable situation de lAndalousie, envahie, en grande partie, par les ennemis. qui occupaient les villes et les forteresses, et il terminait en le priant, de venir lui prêter secours et assistance. Youssef lui répondit : «Si Dieu me donne Ceuta, je viendrai chez vous et je combattrai les ennemis de tout mon cur et de toutes, mes forces.» En cette année-là, Alphonse (que Dieu le maudisse !) se mit en marche à la tête dune armée innombrable de Chrétiens, Francs, Bechquen, Djlellka(1), etc. et parcourut lAndalousie, sarrêtant dans chaque pays et devant chaque ville pour saccager, détruire, tuer et faire des prisonniers ; se transportant ainsi de point en point, il sapprocha de Séville quil assié gea pendant trois jours, et il détruisit un grand nombre de villages dans lest de lAndalousie; il saccagea Chedounah (Sidonia) et les environs, et arriva enfin jusquà Djezyra Târyf (Tarifa), où, faisant entrer les pieds de son cheval dans la mer, il sécria : «Voici enfin lextrémité de lAndalousie, que je viens de re soumettre aussi. Alors il revint vers la ville de Sarkousta (Sara gosse), dont il entreprit le siège en jurant quil ne sen irait point avant de sen être emparé, et que la mort seule pourrait len empêcher. Cétait la ville quil avait à cur de prendre la première de toutes celles de lAndalou sie. Lémir qui la commandait, El-Moustayn ben Houd, lui offrit de fortes
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1 Biscaïens et Galliciens.
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sommes dargent quil refusa en lui répondant : «Largent et la ville, tout est à moi !» En même temps il détacha différents corps darmée pour assiéger et bloquer simultanément tous les chefs-lieux de lAndalousie. Enfin, en 477 (1084 J. C.), il sempara de la ville de Thlythla (Tolède). En voyant cela, les émirs et les grands de lAndalousie convinrent dun commun accord dap peler à leur aide Youssef ben Tachefyn, et ils lui adressèrent un message pour lappeler chez eux, afin de combattre et chasser lennemi qui assié geait, leurs villes. Plusieurs lettres écrites dans le même sens, cest-à-dire demandant secours pour les Musulmans contre les Infidèles, étant parvenues à Youssef, celui-ci envoya son fils El-Mouâz à la tête dune forte armée pour semparer de Septa (Ceuta). El-Mouâz fit le siége de cette place et y entra victorieux dans le mois de raby el-tâny, an 477. Youssef reçut la nouvelle à Fès, et entreprit aussitôt de grands préparatifs de guerre. Il rassembla les Kabyles du Maghreb pour célébrer la victoire de Ceuta, et il se mit, immé diatement en route pour se rendre dans la ville conduise et passer de là en Andalousie. Cest. alors que Moutamed ben Abbed, voyant, dun côté, quAlphonse sétait emparé de Tolède, de ses environs, et quil avait redou blé les rigueurs de son siége contre Saragosse, et apprenant, dun autre côté, que Youssef avait conquis Ceuta, se mit en mer et passa dans lAdoua pour redoubler ses instances auprès dYoussef ben Tachefyn. Il le, rencontra sur la route de Tanger, à lendroit nommé Belyouta, à trois jours de marche de Ceuta, et il lui donna des nouvelles de lAndalousie ; il lui exposa la terreur et la faiblesse des habitants, ses craintes et le mal quAlphonse et ses armées faisaient aux Musulmans, qui ne rencontraient partout que la mort ou la cap tivité. Enfin, il le prévint du projet de ce prince de semparer de Saragosse. Youssef lui répondit : «retournez dans votre pays et préparez-vous ; jarri verai bientôt avec laide de Dieu.» Lémir Ben-Abbed rentra donc en Anda lousie, et Youssef arriva à Ceuta, où il mit en ordre le gouvernement et les affaires. Il fit préparer ses navires et rassembla ses soldats. De toutes parts il lui arrivait du monde. Les Kabyles venaient en troupes du Sahara, du Sud, du Zab et du Maghreb. Il commença alors à embarquer son armée, et il est impossible de dire le nombre dhommes qui passèrent ainsi en Andalousie. Quand toute cette armée fut débarquée sur lautre bord, à El-Hadra (Algézi ras), Youssef sembarqua. lui-même avec un nombre considérable de Kaids des Morabethyn, de guerriers et de saints. Dès quil fut monté à bord du navire, il leva les mains en priant le Très-Haut et disant : «Ô Dieu, si vous savez que cette traversée dont être utile aux Musulmans, facilitez-moi le passage de la mer, et, dans le cas contraire, faites que ce voyage soit diffi cile et pénible au point de me forcer à retourner ici.» Dieu lui facilita le pas sage, qui fut très-prompt. Il eut lieu le Jeudi, à midi, 15 de raby el-aouel, an 479(30 juin 1086 J. C.). Lémir débarqua à Algéziras (El-Hadra) et y fit, sa
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prière du Douour. Il y trouva Moutamed ben Abbed et tous les émirs et les grands de lAndalousie qui lattendaient. A la nouvelle dit passage en Andalousie de lémir des Musulmans Youssef ben Tachefyn, Alphonse se retira de Saragosse et se porte à sa ren contre pour lattaquer.
HISTOIRE DU PASSAGE EN ANDALOUSIE DE LÉMIR DES MUSULMANS YOUSSEF BEN TACHEFYN POUR FAIRE LA GUERRE SAINTE ET RÉCIT DE LA BATAILLE DE ZALACA.
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Lauteur de ce livre (que Dieu lui fasse miséricorde !) a écrit : «Aus sitôt que, Youssef ben Tachefyn, arrivant sur les traces de son armée, fut débarqué, la nouvelle en parvint à Alphonse, et ébranla son courage et sa résolution. Il se retira de Saragosse et adressa immédiatement des messages à Ben Radmyr(1) et, à Berhâmes(2) (que Dieu les maudisse !) En ce moment, Ben Radmyr assiégeait la ville de Tartoûcha (Tortose), et Berhânes assié geait Valence ; ils accoururent joindre leurs forces à celles dAlphonse, qui demanda également des secours dans les pays de Kachtela (Castille), de Djalikia (Galice) et de Biouna (Bayonne), doù il lui arriva bientôt des armées innombrables de Chrétiens. Dès quiAlphonse eut réuni ces troupes infidèles et quil les eut, mises en ordre, il marcha en avant à la rencontre dYoussef ben Tachefyn et des armées musulmanes. Youssef, de son côté, quitta en toute hâte El-Hadra pour savancer contre les Infidèles ; il expédia à lavant-garde, son général Abou Soliman Daoud ben Aycha, avec dix. mille cavaliers Morabethyn, et il les fut suivre de près par El-Moutamed ben Abbed, accompagné des émirs de lAndalousie à la tête de leurs troupes. Au nombre de ces émirs figuraient Ben Smâdah, maître dEl-Merya (Almeria); Ben Habous, maître de Grenade; Ben Mousselma, maître des dernières fron tières (aragonaises) ; Ben Dânoum, Ben el-Afthas et Ben Ghazoun. Youssef leur ordonna daccompagner El-Moutamed ben Abbed, afin que toutes les troupes de lAndalousie ne fissent quune seule et même armée, et que les Morabethyn formassent la leur à eux seuls. Ceci réglé, les marches seffec tuèrent dans un tel ordre, quaussitôt que larmée dEl-Moutamed quittait un campement, Youssef y arrivait avec ses colonnes. Ils savancèrent tous ainsi jusquà Tartoûcha, (Tortose), où ils restèrent pendant trois jours, et cest là que Youssef ben Tachefyn adressa une lettre à Alphonse, pour lui offrir trois partis à prendre : payer tribut, embrasser lIslamisme, ou faire la guerre. À. La réception de cette lettre, Alphonse se mit dans une grande colère, et, plein dorgueil, il répondit à lenvoyé de Youssef : «Dis à lémir, ton maître, de
____________________ 1 Ben Radmyr, fils de Ramire ; don Sanche, roi dAragon. 2 Berhânes, don Sanche, roi de Navarre.
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ne pas se déranger, et que je viendrai le trouver moi-même.» Youssef savança donc et Alphonse aussi jusque dans les environs de la ville de Bathaliouch (Badajoz), où Youssef fixa son camp, à lendroit nommé Zalaca; El-Moutamed et les autres émirs, arrivés les premiers, avaient campé au delà dune colline qui les séparait dYoussef, pour en imposer davantage à lInfi dèle. Les armées ennemies nétaient séparées que par le fleuve de Badajoz, dont les uns et, les autres buvaient leau. Cette situation dura trois jours, durant lesquels les émissaires allaient et venaient, entre les deux camps, jus quà ce que lon fut tombé daccord pour fixer la bataille au lundi 14 du mois de radjeb, an 479 (1086). Sitôt après cette convention, El-Moutamed envoya un courrier à Youssef pour lengager à se tenir sur ses gardes et prêt au combat, parce que les ennemis étaient rusés et traîtres. Le jeudi soir, 10 de radjeb susdit, Ben Abbed prépara ses colonnes et rangea son armée. Il plaça des cavaliers sur un mont élevé pour épier lennemi et ses mouve ments, et lui-même ne suspendit sa surveillance quà laurore du vendredi. Mais, tandis quil achevait la prière du matin, pour laquelle il était un peu en retard, les cavaliers quil avait postés en vedette arrivèrent en toute hâte et lui apprirent que lennemi sétant mis en mouvement et se portait contre les Musulmans avec une armée nombreuse comme des nuées de sauterelles. A linstant, Ben Abbed transmit la nouvelle à Youssef, qui se trouvait déjà prêt au combat, et avait également mis en ordre de bataille ses légions, durant cette nuit où personne ne dormit. Youssef fit aussitôt avancer son kaïd, ElMoudhafar Daoud ben Aycha, à la tête dune forte troupe de Morabethyn et de volontaires. Ce Daoud ben Aycha était sans égal pour la résolution, le courage et la persévérance. De son côté, linfidèle ennemi de Dieu, Alphonse, partagea son armée en deux corps, et savança à la tête de lun deux, contre lémir des Musulmans Youssef. Ayant rencontré lavant-garde sous les ordres du kaïd Ben Aycha, le combat sengagea, il fut sanglant, et les Morabethyn eurent à déployer la plus grande résignation, car le maudit les écrasa par le nombre de ses soldats, et ils furent presque tous détruits, non toutefois sans avoir porté tant de coups, que les fils des lames de leurs sabres étaient devenus comme des scies, et que leurs lances avaient volé en éclats. La seconde partie de larmée des maudits se porta sous les ordres de Berhânes et de Ben Radmyr, contre le camp de Ben Abbed quelle écrasa. Tous les chefs andalous senfuirent vers Bathaliouclh, et il ny eut que Ben Abbed qui, ferme avec ses soldats, soutint la bataille avec acharnement, en prenant patience, cette grande patience, que les hommes généreux ont à déployer contre la guerre des méchants. Youssef ben Tachefyn, en apprenant la défaite des chefs de lAndalousie et la résistance héroïque opposée par El-Montamed et par Daoud ben Aycha, envoya sur-le-champ à leur secours
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son kaïd Syr ben Abou Beker à la tête des Arabes Zenéta, Mesmouda, Ghou mâra et de tous les Berbères qui étaient au camp. Ensuite, il sélança lui même avec les troupes Lemtouna, des Morabethyn et: les Senhadja contre le camp dAlphonse, et il ne sarrêta que lorsquil y eut pénétré. En ce moment-là Alphonse était absent et occupé à combattre Daoud ben Aycha. Youssef incendia le camp et massacra les fantassins et les cavaliers quAl phonse avait laissés pour garde, et dont quelques-uns à peine purent pren dre la fuite et arriver jusquà lui, poursuivis par lémir des Musulmans, qui marchait victorieux, enseignes déployées, tambour battant, et précédé par ses troupes de Morabethyn qui abattaient les Infidèles avec leurs sabres et sabreuvaient de leur sang. Alphonse, surpris à cette vue, sécria : «Quest-ce donc cela ?» On lui répondit que son camp était brûlé et pillé, que ses gardes avaient été massacrés, et ses femmes faites prisonnières. Il fit aussitôt volte face pour attaquer lémir des Musulmans qui, de son côté, se précipita sur lui. La bataille sengagea, et elle fut telle, que jamais on nen avait vu de pareille Lémir des Musulmans, monté, sur une jument, parcourait les rangs des Croyants pour les exciter et leur donner le courage et la patience néces saires à la guerre sainte ; il disait : «Ô Musulnnans ! soyez, forts et patients dans cette guerre sainte, contre les infidèles ennemis de Dieu : celui qui dentre vous mourra ira au paradis comme un martyr, et celui qui ne mourra pas gagnera de grandes récompenses et un riche butin.» Et certes, les Musul mans combattirent ce jour-là comme combattent ceux qui aspirent au mar tyre et qui ne craignent point la mort ! Cependant, El-Moutamed ben Abbed, qui résistait encore avec ses compagnons, commençait à désespérer de la vie. Ignorant ce qui venait de se passer, il fut surpris de voir les Chrétiens reculer et senfuir, et il se figura que cétait lui qui venait enfin de les vaincre. «En avant donc contre les ennemis de Dieu !» sécria-t-il, et aussitôt tous ses compagnons reprirent courage. Bientôt aussi, le kaïd, Syr ben Abou Beker, arrivant sur les lieux avec les Kabyles du Maghreb, Zeinèta, Mesmouda et Ghoumâra, fondit sur les Chrétiens, dont la défaite fut complète. En apprenant la victoire de lémir des Croyants, les corps de troupes musulmanes qui avaient pris la fuite revinrent à Bathaliouch (Badajoz), et la nouvelle, courant de camp en camp, ranima tous les curs contre Alphonse, qui soutint le combat : jusquau cou cher du soleil. Quand il vit, le maudit, que la nuit arrivait, que son armée était, presque totalement détruite, et quil ne pouvait rien espérer contre la résistance et la résolution des Morabethyn, il prit la fuite en déroute, avec cinq cents cavaliers environ, qui se cachaient dans les chemins détournés, tandis que : les Morabethyn les poursuivaient en les tuant à coups de sabre, et les détruisant un à un, comme les pigeons détruisent quelques grains
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parsemés dans un vaste champ, jusquà ce que les ténèbres viennent les séparer de leur pâture. Les Musulmans passèrent toute cette nuit-là à cheval, tuant ou faisant prisonniers leurs ennemis, ramassant du butin, et rendant grâce au Très-Haut de la victoire quil leur avait donnée. Ils firent la prière du matin sur le champ de bataille. Cette défaite des ennemis de Dieu fut la plus grande de toutes les victoires, car elle coûta la vie aux rois, aux guer riers et aux protecteurs des infidèles ; un seul séchappa, et ce fut Alphonse le maudit, qui prit la fuite, couvert de blessures et escorté de cinq cents cava liers blessés comme lui, ont dont quatre cents environ restèrent en route. En rentrant à Tolède, Alphonse navait plus avec lui que cent cavaliers, compo sés de ses domestiques et des gens de sa suite. Cette bataille bénie eut lieu le vendredi 12 de radjeb de lannée (479. Environ trois mille Musulmans furent tués en combattant, et ce sont là autant dhommes pour lesquels Dieu a amis le comble aux bienfaits quil leur avait déjà dispensés, en leur accordant la mort des martyrs ! Lémir des Musul mans ordonna que lon coupât les têtes des Chrétiens tués, ce que lon fit; et, lorsquon les eut amassées devant lui, il y en avait un tel nombre, quon eût dit une montagne. Lémir envoya dix mille têtes à Séville, et autant à Saragosse, à Murcie, à Cordoue et à Valence; de plus, il en expédia quarante mille au Maghreb, où elles furent réparties dans les différentes villes, pour y être exposées aux regards des hommes, invités par cette vue à rendre grâce à Dieu pour cette grande victoire et pour ses bienfaits. On dit que le nombre des Chrétiens qui furent tués à Zalaca sélevait à quatre-vingt mille cava liers et deux cent mille fantassins ; il ne séchappa quAlphonse avec cent cavaliers. Cest ainsi que Dieu abaissa les sociétaires(1) en Andalousie, et ils ne relevèrent plus leur tête durant soixante ans. Cest aussi à partir de ce jour, où le Très-Haut fit briller lIslam et donna une preuve daffection à son peuple, que Youssef ben Tachefyn prit le titre démir el-Moumenyn (prince des Croyants). Lémir écrivit sa nouvelle victoire aux villes du Maghreb, et à Temym ben el-Mouâz, maître de la Mehdïa. Lon fit de grandes réjouis sances partout, en Andalousie, dans le Maghreb, en Afrique, et lunion de lIslamisime se cimenta. Les hommes firent des aumônes et donnèrent la liberté à des esclaves, en actions de grâce envers Dieu très-haut, bienfaisant et généreux. Voici quelques passages des lettres écrites par lémir Youssef ben Tachefyn aux villes de lAdoua : «Louanges à Dieu très-haut, qui garantit la victoire à ceux qui suivent la religion quil a choisie ! quil couvre de sa miséricorde et du salut notre Seigneur Mohammed, le plus vertueux de ses
____________________ 1 Sociétaires, ceux qui associent dautres dieux à Dieu. Cest cette association que les musulmans croient voir dans la Sainte-Trinité.
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Prophètes, la plus noble et la plus honorable de ses créatures. Lennemi, roi des Chrétiens (que Dieu le maudisse !), que nous avions mis en demeure en rapprochant notre camp du sien de choisir une des trois choses, lislamisme, le tribut ou la guerre, a choisi la guerre, et a fixé avec nous le jour de, lat taque au lundi 15 de radjeb, en nous disant : Vendredi est jour de fête pour les Musulmans, samedi pour les Juifs, dont le nombre est grand parmi nos soldats, et dimanche pour nous, les Chrétiens. Nous nous mîmes ainsi dac cord; mais le maudit ne tint pas ses engagements, et fit le contraire de ce quil nous avait dit. Heureusement que sachant combien ce peuple est traître et manque à sa parole, nous fîmes de notre côté les préparatifs du combat, et nous mîmes les espions sur pied pour épier les mouvements. En effet, nous reçûmes lavis, au point du jour du vendredi 12 de radjeb, que le maudit savançait avec son armée contre les Musulmans quil croyait surprendre. Mais les guerriers et les cavaliers des Croyants, au contraire, savancèrent courageusement vers lennemi, et commencèrent lattaque les premiers ; ils refondirent sur les Chrétiens avant que les Chrétiens fondissent sur eux, tombant sur eux comme le vautour tombe sur sa proie, comme le lion tombe sur sa victime. Nos drapeaux, heureux et victorieux, se déployaient partout, dans la mêlée, contre Alphonse le maudit; et quand le Chrétien eut senti la victoire de nos troupes et de nos enseignes, quand il se vit assailli par léclair de nos sabres, enveloppé par les nuées de nos lances et foulé aux pieds de nos chevaux, il se groupa autour de son roi Alphonse, et se battit en désespéré dans une dernière attaque que les Morabethyn accueillirent avec courage et loyauté. Le vent de la guerre soufflait avec violence ; il tombait une pluie continuelle de coups de sabres et de lances le sang coulait à tor rents; re et la victoire bien-aimée descendit du ciel sur les amis de Dieu. Alphonse prit la fuite, blessé au genou, accompagné seulement de cinq cents cavaliers, derniers débris dune armée de quatre-vingt mille cavaliers et deux cent mille fantassins, que Dieu avait fait tomber sous le coup de la mort subite. Il se sauva (que Dieu le maudisse !) sur une montagne des environs, du sommet de laquelle il contempla avec douleur son camp livré partout à lincendie et au pillage. Homme sans résignation, il ne pouvait supporter cette vue ; impuissant, désormais, à réparer ses désastres, il se mit à proférer des imprécations et des blasphèmes, et il se sauva à travers les ténèbres de la nuit.» Lémir des Musulmans, au contraire, couvert par la grâce de Dieu, était debout au milieu de ses cavaliers victorieux, sous lombre de ses dra peaux flottants et glorieux dans la guerre sainte, et entouré de ses nombreux soldats. Il remercia le Très-Haut de lavoir ainsi favorisé selon ses désirs ; il permit le pillage du camp ennemi, et sa destruction après que ses guerriers
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en eurent enlevé, les trésors, et cela sous les yeux même dAlphonse, qui regardait comme un homme ivre, et en se mordant les doigts de douleur et de colère. Les chefs de lAndalousie qui avaient pris la fuite revinrent lun après lautre à Bathaliouch (Badajoz), où se réunirent. aussi tous les fuyards qui craignaient la honte. Un seul avait résisté, et cest Abou el-Kassem el-Mou tamed ben Abbed, le plus habile des grands et des kaïds de lAndalousie. Il arriva vers lémir, faible, harassé, avec un bras cassé, et il le félicita de cette grande victoire et de ces hauts, faits. Alphonse se sauva à la faveur des ténèbres, nayant ni repos ni sommeil, et perdant quatre cents cavaliers tués en route sur cinq cents qui sétaient échappés avec lui ; il ne lui restait plus que cent hommes lorsquil entra à Tolède. Grandes louanges soient rendues à Dieu pour cela ! Cette grâce immense et ce don magnifique du Très-Haut furent accor dés le vendredi 12 de radjeb de lan 479, correspondant au 23 octobre, et, en preuve de cela. Aben Lebâna a dit : «Cest le vendredi qua eu lieu cette bataille, jétais présent; qui pourra la décrire !» Et Aben Djemhour a dit aussi : «Ne savez-vous pas que le jour où les Chrétiens vinrent en masse était un vendredi, et que le vendredi est le jour des Arabes ?» Les grands de lAndalousie qui assistèrent à la bataille de Zalaca nont laissé aucune trace assez louable pour pouvoir être décrite, à lexception de Ben Abbed, qui résista avec une fraction de son arme et reçut six blessures en se battant avec bravoure. Cest lui qui dit à un de ses enfants : «O Abou Hachem ! les coups de lance mont brisé, mais Dieu ma donné la force de supporter mes blessures : Au milieu de la poussière du combat, jai pensé à vous, et ce souvenir ma préservé de prendre la fuite.» Lémir des Musulmans Youssef reçut, ce jour-là, la nouvelle de la mort de son fils, Abou Beker, quil avait laissé malade à Ceuta ; il en éprouva un vif chagrin et revint en toute hâte à lAdoua, où il ne serait pas retourné de sitôt sans cet événement; il entra dans sa capitale du Maroc et il y séjourna jusquen 480, au mois de raby el-tâny, où il se mit en marche pour faire une tournée dans le Maghreb, dans le but dexaminer les affaires de ses sujets, de soccuper des intérêts musulmans, et de contrôler la conduite des kaïds et des kadys. En 481 (1088 J. C.), lémir passa en Andalousie pour la seconde fois pour y faire la guerre sainte : voici pourquoi : Alphonse (que Dieu le maudisse!), après sêtre un peu refait de sa déroute, de ses blessures et de la perte de son armée, établit ses retranchements à Lebyt(1), château-fort voisin de la province de Ben Abbed, où il laissa de
____________________ 1 Lebyt ou Loubyt, aujourdhui Aledo.
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nombreux cavaliers et arbalétriers, auxquels il donna lordre dassaillir le pays de Ben Abbed de préférence à tout. autre, parce que cétait lui qui avait appelé lémir Youssef en Andalousie. En effet, hommes et chevaux envahirent les serres de Lebyt, et chaque jour les Chrétiens couraient tuant ou faisant prisonniers tous ceux quils rencontraient, ainsi que cétait leur profession. Cet état de choses effrayait et chagrinait considérablement Ben Abbed qui, nen prévoyant, pas la fin, se décida à passer la mer et vint à lAdoua pour sentendre avec lémir des Musulmans ; il rencontra Youssef à la Mamoura, près de lOued Sebou, et lui exposa ses plaintes au sujet du fort Lebyt et le tort que cela faisait aux Musulmans; enfin il lui demanda du secours et lémir promit de le lui porter lui-même. Ben Abbed sen revint alors en Andalousie, et Youssef le suivit de près. Lémir des Musulmans sembarqua à Kessar el-Medjâz, et il débarqua à Algéziras où Ben Abbed vint le recevoir avec mille bêtes de somme chargées de munitions et de pro visions de bouche. A Algéziras, Youssef écrivit aux émirs de lAndalousie pour les convier à la guerre sainte. «Notre rendez-vous, leur disait-il, sera au fort Lebyt, où nous nous rencontrerons tous.» Après cela, il se mit en marche; il sortit dAlgéziras au mois de raby el-aouel, an 481, et se dirigea vers Lebyt ; mais aucun des émirs à qui il avait écrit ne vint le rejoindre, à lexception dAbd el-Azyz, maître de Murcie, et de Ben Abhed, maître de Séville. Ces deux émirs se joignirent à lui sous les murs de Lebyt, et ensemble ils commencèrent à battre et à bloquer cette place, pendant que Youssef envoyait chaque jour des détachements faire des incursions sur les terres des Chrétiens. Le siége du château-fort Lebyt dura quatre mois, pen dant lesquels on se battait à chaque instant, la nuit comme le jour. Enfin la saison dhiver arriva, et, de plus, lémir Abd el-Azyz se prit de querelle avec Ben Abbed. Celui-ci ayant porté plainte à lémir des Musulmans, Youssef appela son kaïd ben Aby Beker et lui ordonna de semparer de la personne dAbd el-Azyz et de larrêter. Aby Beker exécuta cet ordre et vint remettre à Ben Abbed lémir de Murcie enchaîné ; mais larmée dudit émir Abd elAzyz, se voyant sans chef, se révolta, et, se dispersant dans les campagnes avec ses kaïds, intercepta les convois de provisions, et la disette ne tarda pas à sétendre sur le camp des Musulmans. Alphonse, apprenant. ces circons tances, se mit aussitôt en marche vers Lebyt avec une armée innombrable ; mais Youssef, nattendant point son approche, prit les devants par Lourca et arriva à Almeria, où il sembarqua pour lAdoua, le cur plein de cour roux contre les émirs andalous, qui nétaient point venus le rejoindre au fort Lebyt, comme il le leur avait écrit. Après le départ de Youssef et son retour à lAdoua, Alphonse ayant continué sa marche arriva à Lebyt ; il en tira les Chrétiens qui avaient échappé à la mort, et il les conduisit à Tolède. Lors que la forteresse fut évacuée, Ben Ahbed y entra. La garnison de Lebyt se
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composait de douze mille Chrétiens, sans compter les femmes et les enfants, quand Youssef vint, lassiéger ; et ils moururent tous de faim ou de leurs blessures, à lexception dune centaine quAlphonse vint délivrer, comme il a été dit. Youssef resta dans lAdoua jusquen 483 (1090 J. C.), et pour la troi sième fois, il passa en Andalousie pour faire la guerre sainte ; il arriva jus quà Tolède, où il assiégea Alphonse ; il endommagea les murailles, il abattit les arbres et saccagea les environs ; aucun des émirs de lAndalousie ne lui vint en aide, et cela le remplit dindignation. Aussi, après avoir battu Tolède, il sen vint à Grenade, qui était alors gouvernée par Abd Allah ben Balkyn ben Bâdys ben Habous. Cet émir avait fait la paix avec Alphonse et lavait aidé contre Youssef en lui fournissant de largen ; de plus, il sétait renfermé et fortifié chez lui, ce qui fit dire à un poète : «Il bâtit sur lui-même sans honte, comme le ver à soie, mais il ne sait pas ce quil adviendra de cette bâtisse si la puissance, de Dieu ne lui est point propice.» Lorsque Youssef arriva à Grenade, Ben Balkyn lui ferma ses portes à la figure, et il fit alors le siège de cette ville ; ce siège dura deux mois, au bout desquels Balkyn, ayant obtenu laman, livra la place. Une fois maître de Grenade et de ses environs, Youssef envoya à Maroc Balkyn, ex-émir de Grenade, et son frère Temym, ex-émir de Malaga, avec leurs harems et leurs enfants, et il leur fit une pension jusquà leur mort. Ben Abbed, à la nouvelle des conquêtes de Youssef, fut saisi de crainte et se tint à lécart; bientôt les rapports et les accusations aigrirent contre lui lhumeur de lémir des Musulmans, qui retourna mécontent à lAdoua, dans le mois de ramadhan le grand, an 483. Youssef, arrivé à ,Maroc, envoya son kaïd Syr ben Aby Beker el-lemtouna en Andalousie, dont il lui conférait le gouvernement absolu, sans lui donner, cependant, aucun ordre relativement à Ben Abbed. Aby Beker se rendit dabord dans les environs de Séville, pensant que Ben Abbed, instruit de son passage ; viendrait à sa rencontre en route pour lui offrir lhospitalité. Au lieu de cela, Ben Abbed, à la nouvelle de son approche, se renferma dans la place, et ne lui fit offrir ni hospitalité ni quoi que ce fût. Syr ben Aby Beker se décida alors à lui envoyer un message pour lengager à se soumettre et à lui livrer le pays ; mais El-Moutamed ayant formellement rejeté ces propo sitions, Syr lui déclara la guerre et lassiégea. En même temps, il détacha à Gyan (1) son kaïd Bathy, qui assiégea cette place et sen empara pour les Morabethyn. Syr annonça cette victoire à Youssef et donna ordre au kaïd Bathy de continuer et daller attaquer Cordoue. Cette ville était alors gouver née par le fils de Moutamed el-Mamoun ben Abbed. El-Bathy arriva sur lui avec sa troupe de Morabethyn et sempara de la place, où il entra victorieux,
____________________ 1 Gyan ou Djyan, Jaen.
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le mercredi 3 de safar, an 484 (1091 J. C.). Il conquit ensuite successivement les places de Byasa, Oubeda, Bilât, El-Madour, Seghyra et Skoura(1), le tout dans ledit mois de safar, à la fin duquel il ne restait plus à ben Abbed que Kermouna(2) et Séville. Le kaïd El-Bathy ben Ismaël se retrancha à Cordoue, et il envoya un kaïd Lemtouna à la tête de mille cavaliers pour restaurer et fortifier Kalat-Babah(3), kasbah des Musulmans. De soit côté, Syr ben Aby Beker marcha sur Kermouna et, sen empara, le samedi matin 17 de raby el aouel de ladite année 484. Ben Abbed, se voyant de plus en plus compromis et menacé, envoya demander du secours à Alphonse (que Dieu le maudisse!) en lui promettant, sil laidait à chasser les Lemtouna, de lui donner Tarifa et ses dépendances. Alphonse lui envoya aussitôt son général El-Kermech(4) à la tête dune armée de vingt mille cavaliers et quarante mille fantassins. A la nouvelle de lapproche des Chrétiens, Syr fit un choix de dix mille cava liers parmi ses meilleurs guerriers, et les envoya à la rencontre de lennemi Sous le commandement de Brahim ben Ishac el-Lemtouna. Les deux armées engagèrent la bataille près de la forteresse dEl-Madour; elle fut sanglante; un grand nombre de Morabethyn furent tués, mais Dieu leur donna la vic toire, et ils finirent par disperser le petit nombre de Chrétiens quils navaient pas massacrés. Cependant Syr ben Aby Beker poursuivit le siége de Séville avec ses autres kaïds Lemtouna, et il finit par enlever la place à Ben Abbed, après lui avoir donné laman pour lui, sa famille et ses serviteurs. Syr les expédia tous à lémir des Musulmans, qui les fit conduire à Aghmât, où ils moururent. Lentrée de Syr ben Aby Beker à Séville, prise au nom des Mora bethyn, eut lieu le dimanche 22 de radjeb 484. Dans le mois de chaâban de la même année., les Morabethyn semparèrent de la ville de Nebra. Au mois de chouel, le kaïd Youssef ben Daoud ben Aycha conquit la ville et la province de Murcie, et fit part de sa victoire à lémir des Musulmans. Cet Youssef, sans reproche aux yeux de Dieu, fut vénéré par tout le monde. Dans cette même année, le kaïd Mohammed ben Aycha se porta contre Alméria avec un corps de Morabethyun, et, à son approche, le gouverneur de cette ville, Mouâz el-Doula ben Samadhy, prit la fuite par mer, en lfrîkya, avec sa famille et ses trésors. Mohammed ben Aycha annonça cette nouvelle con quête à lémir des Musulmans, et cest ainsi que Youssef conquit cinq royau mes en Andalousie dans lespace d»un an et demi. Les cinq rois vaincus sont: ben Abbed, Ben Habous, Abou el-Ahouas, ben Abd el-Azyz et Abd Allah ben Aby Beker, émir de Gyan, dAblat el Assidja(5).
____________________ 1 Aujourdhui Baeza, Ubeda, Albacète, El-Modovar, El-Sukheira el Seguro. 2 Carmona. 3 Calatrava. 4 El-Kermech, Gomez. 5 Niebla et Ecija.
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En 485 (1092 J. C.), Youssef ben Tachefyn donna ordre à son kaïd Ben Aycha de se porter à Daniéta(1). Ben Aycha sy rendit aussitôt et sen empara, ainsi que de Châtyba(2). Ces, deux, villes appartenaient à Ben Aycha, qui senfuit en les abandonnant. Ben Aycha, continuant ses conquêtes, sem para alors de Chekoura, puis de Valence, qui lui fut livrée par la fuite du gou verneur de cette ville, El-Kadyr Aben Dylchoun, qui commandait un grand nombre de Chrétiens. Ben Aycha écrivit alors à lémir des Musulmans pour lui faire part de ses victoires. En 486, les Morabethyn conquirent la ville de Fraga à lorient de lAndalousie, et cest ainsi que lémir Youssef ben Tachefyn, ne cessant denvoyer ses généraux et ses années pour faire la guerre sainte aux Chré tiens, reversa tous leurs chefs, et conquit lAndalousie entière. En 496 (1102 J. C.), il conféra le gouvernement de ses conquêtes à son fils Aly, qui établit le siége de sa royauté à Cordoue, où il fut proclamé par tous les chefs Lem touma, par les cheïkhs et les docteurs, dans le mois doul hidjâ. Aly était resté jusqualors à Ceuta, où il avait été élevé. Vers la fin de lannée 498 (1104 J. C.), lémir des Musulmans tomba malade, et sa maladie, qui le prit à Maroc, alla toujours en empirant jusquà sa mort, qui eut lieu le 1er de moharrem de lan 500 (que Dieu lui fasse miséricorde !). Il vécut environ cent ans, et son règne dura, depuis son entrée à Fès lan 462, jusquau jour de sa mort, cest-à-dire trente-huit ans, ou même plus de quarante ans si lon compte à partir du jour où lémir Abou Beker ben Omar lavait nommé son lieutenant au Maghreb.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR ALY BEN TACHEFYN AU MAGHREB ET EN ANDALOUSIE.
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Aly ben Youssef ben Tachefyn ben Ibrahim ben Tarkout ben Ouarta kathyn ben Mansour ben Messala ben Oumya ben Ouasela ben Talmyt le Senhadja, le Lemtouna, surnommé Abou el-Hassan, était fils dune captive chrétienne nommée Kamrâ (lune), et surnommée Fadh el-Hassen (perfec tion de beauté). Il naquit à Ceuta, en lan 477 ; son teint était blanc, ses joues colorées; sa taille haute, son visage ovale, ses dents écartées, son nez aquilin, sans favoris, yeux noirs, cheveux frisés. Il eut pour fils Tachefyn qui lui succéda, Abou. Beker et Syr ; il eut pour secrétaire Abou Moham med Achefath. Conformément à la volonté de son père, il prit les rênes du gouvernement le jour même de la mort de Tachefyn à Maroc, et il reçut le titre démir des Musulmans, le 3 de moharrem, an 500, à lâge de vingt-trois ans.Il tint sous sa domination tout le Maghreb, depuis la ville de Bedjaïa(3)
____________________ 1 Denia. 2 Aujourdhui Xativa. 3 Bougie (Algérie).
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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jusquau Sous el-Aksa inclusivement, depuis Sidjilmessa jusquau Djebel el-Dheb (montagnes dor) dans le Soudan; de plus, toute lAndalousie orien tale et occidentale, et les îles du Levant, Myourka (Majorque), Mynourka (Minorque), Yabysa (lviçai). Le Khotbah fut prononcé en son nom dans deux mille trois cents chaires environ. Son empire sétendit même sur des pays que son père navait jamais gouvernés ; mais si toutes les affaires pros pérèrent en ses mains, on le dut beaucoup aussi à la bonne organisation et au bon état des finances qui lui avaient été léguées. Dès le début, il gouverna selon la justice et il fortifia ses villes ; il ouvrit les portes des prisons, il répandit de largent et il établit de bonnes institutions dans les provinces; en un mot, il suivit les traces de son père, et comme lui il prospéra. Il retira le commandement de Cordoue des mains de lémir Abou Abd Allah ben elHadj pour le donner au kaïd Abou Abd Allah Mohammed ben Aby Zelfa ; il conquit Tolède et remporta une grande victoire sur les Chrétiens à la porte dEl-Kantara(1). On raconte quau moment de mourir Youssef le recouvrit de son manteau, et que cest ainsi présenté par son frère Aby Thaher Temym, qui le conduisait par la main, quil fut proclamé souverain par les Mora bethyn, auxquels Temym aurait dit : «Allons ! levez-vous et saluez lémir des Musulmans !» Tous ceux qui étaient présents, Lemtouna et Senhadja, cheïkhs et docteurs des Kabyles sinclinèrent devant leur nouveau maître, et aussitôt que la proclamation fut accomplie à Maroc, Aly expédia des cour riers dans tout le Maghreb et en Andalousie pour annoncer la mort de son père et son avènement. Bientôt, les félicitations et les députations lui arrivè rent de tous les côtés; il ny eut que la ville de Fès qui sabstint. Cette ville était gouvernée par le neveu dAly, Yhya ben Aby Beker, nommé émir par son grand-père ; aussi, en apprenant la mort dYoussef son oncle, et lavè nement de son cousin, il fut tellement contrarié quil refusa de reconnaître le nouveau souverain, en se faisant appuyer par quelques fractions des Lem touna, dont les kaïds suivirent son exemple. A cette nouvelle, lémir des Musulmans Aby ben Youssef partit de Maroc et marcha sur Fès, mais à, peine était-il arrivé dans les environs de cette ville, que son neveu, saisi de crainte, et certain que toute résistance lui serait impossible, prit la fuite et lui abandonna la place. La fuite de Yhya et lentrée à Fès de lémir des Musul mans Aly eurent lieu le mercredi, huitième jour de raby el-tâny, an 500. On raconte que Aly, en sapprochant de Fès, sarrêta dans la ville de Meghyla(2), située aux environs de cette capitale, et adressa une lettre à son neveu pour
____________________ 1 Nom dune des portes de Cordoue. 2 Il existe encore des Meghyly, soit des descendants de Meghyla, à Salé, mais la ville est inconnue et les vestiges de son emplacement sont à chercher.
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ET ANNALES DE LA VILLE DE FÈS.
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lui reprocher sa conduite et lengager à faire comme, tout le monde, en se soumettant; il joignit à cette lettre une invitation formelle aux cheïkhs de la ville de reconnaître sa souveraineté. A la lecture de ce message, Yhya fit un appel général à la résistance des habitants, qui refusèrent de le défen dre, et cest alors que, se sentant abandonné, il quitta la ville et senfuit vers Mezdely, gouverneur de Tlemcen. Celui-ci, qui venait lui-même porter son adhésion à lémir des Musulmans, rencontra Yhya en route sur les bords de la Moulouïa, et après lavoir salué et sêtre mis au courant de ce qui venait de se passer, il lui dit : «Viens avec moi, retourne vers lémir et je te réconcilierai avec lui.» A leur arrivée à Fès, Mezdely lit cacher Yhya dans le quartier de Oued Chedrouh, et se présenta à lémir quil salua et proclama. Aly layant accueilli avec joie, il se hasarda de lui parler dYhya et lui avoua quil lavait ramené sous sa sauvegarde. «Quil soit pardonné, lui répondit lémir, laman lui est accordé.» Yhya se présenta alors, et Aly, ayant reçu sa soumission, lui offrit de choisir lune des deux résidences de lîle Majorque ou du Sahara. Yhya préféra se rendre au Sahara, doù il passa dans lHedjaz pour faire son pèlerinage de la Mecque. A son retour, il revint chez son cousin pour le sup plier de le garder à sa cour à Maroc, et cela lui fut accordé. Il resta longtemps; mais lémir ayant fini par sapercevoir quil cherchait à le trahir et à le ren verser, le fit arrêter et lexila à Algérisas, où il finit ses jours. En 501 (1107 J. C.), lémir Aly retira le gouvernement du Maghreb à son frère Temym ben Youssef, et le confia au kaïd Abou Abd Allah ben elHadj, qui commanda Fès et tout le pays durant six mois, au bout desquels il fut, à son tour, remercié et envoyé à Valence, dans lorient de lAndalousie, doù il passa ensuite à Saragosse. En 502 (1108 J. C.), eut lieu laffaire dAkelych(1) avec les Chrétiens. Temym ben Youssef était alors général en chef de larmée musulmane, et gouvernait Grenade. Cest de cette ville quil partit pour aller courir sur les terres des Chrétiens. Étant arrivé sous les murs de la forteresse dAkelych, habitée par une forte garnison de Chrétiens, il en fit le siège et y pénétra. Les Chrétiens, sétant retranchés dans la kasbah, expédièrent un courrier à Alphonse, qui se mit aussitôt en mouvement. Au moment de son départ, sa femme larrêta en le suppliant denvoyer son fils à sa place à la rencontre de Temym. «Observez, lui dit-elle, quil est plus convenable dopposer à Temym, fils de lémir des Musulmans, votre fils Chandja(2), fils de lémir des Chrétiens !» Alphonse, se rendant à cet avis, envoya donc Chandja à la tête dune grande armée de guerriers qui savança promptement jusque sens les murs dAkelych. A la nouvelle de lapproche des Chrétiens,
____________________ 1 Château dUclès. 2 Chandja, linfant dom Sancho, fils dAlphonse et de Zaïda.
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Temym manifesta le désir déviter le combat, en évacuant la place; mais Abd Allah ben Mohammed ben Fâtyma et Mohammed ben Aïcha, ainsi que quelques autres kaïds Lemtouna, le dissuadèrent, et lui rendirent lespoir et le courage, en lui affirmant que lennemi navait pas plus de trois mille cava liers et quil était loin encore. Temym crut à leurs paroles ; et, le soir même, les Chrétiens fondaient sur lui par nombreux milliers ; il voulut fuir, ne se sentant point capable de combattre, mais il était trop tard, et il ne pouvait déjà plus avancer, ni reculer, lorsque les kaïds Lemtouna se précipitèrent sur lennemi, auquel ils livrèrent un combat désespéré et tel quon nen avait jamais vu de pareil. Dieu très-haut renversa lennemi et donna la vic toire aux Musulmans. Le fils dAlphonse fut tué ainsi que vingt-trois mille Chrétiens environ. Les Musulmans entrèrent à Akelych par la force de leurs sabres, et un grand nombre de Croyants périrent à lassaut (que Dieu leur fasse miséricorde !). En apprenant ce désastre, Alphonse ressentit un tel chagrin quil tomba malade et mourut vingt jours après. Temym envoya un courrier à son père Aly pour lui annoncer cette victoire. Dans la même année, Mohammed ben el-Hadj sortit de Valence et se rendit à Saragosse, dont il sempara, et expulsa Ben Houd. Il fit part de sa conquête à lémir des Musulmans, et il ne sortit plus de Saragosse que pour aller en expédition du côté de Barcelone, où il fut tué en lan 508 (1114 J. C.). Durant tout son règne à Valence et à Saragosse, il navait cessé dinquiéter les Chrétiens et de leur prendre leurs terres. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Dans sa dernière expédition, il parcourait les campagnes avec ses kaïds Lemtouna, et il enlevait des troupeaux entiers quil envoyait chez lui par les grandes routes, tandis quil prenais, les sentiers les plus courts pour rentrer dans les domaines des Musulmans. Un jour, ayant ainsi renvoyé la plus grande partie de son monde avec le bétail butiné, il saventura sur un chemin excessive ment ardu et étroit, au point de ne donner passage quà une personne après lautre. Arrivé à la moitié de sa course, lémir Ben el-Hadj se trouva pris au milieu de difficultés énormes, et enveloppé par des Chrétiens qui latta quèrent vigoureusement. Ne pouvant reculer, il combattit jusquà, son der nier soupir. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Tous ses compagnons périrent également, à lexception du seul kaïd Ben Mohammed ben Aycha, qui, à force de ruse et de détours, parvint à gagner les terres des Musulmans. A la nouvelle de ce désastre, lémir des Musulmans fut consterné ; il remplaça Ben el-Hadj par le gouverneur de Murcie, Abou Beker ben Brahim ben Tafe lout, qui reçut ainsi simultanément le commandement de Valence, Tortose, Fraga et Saragosse. Abou Beker sortit de Murcie avec son armée et se rendit à Valence, où il rassembla toutes les troupes de la province et celles de Saragosse. Sétant mis à leur tête, il se porta dans les environs de Barcelone, quil dévasta pendant
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vingt jours, abattant les arbres, incendiant les champs et renversant les villa ges. Cest alors quarriva Ben Radmyr avec une nombreuse armée, compo sée de soldats de Bsyt(1), de Barcelone et du pays dArbouna(2). La bataille fut sanglante, la plus grande partie des Chrétiens périrent ainsi que sept cents Musulmans environ. En 503 (1109 J. C.), lémir Aly ben Youssef passa en Andalousie pour faire la guerre sainte; il sembarqua à Ceuta, le jeudi 15 de moharrem, emmenant avec lui plus de cent mille cavaliers, et se rendit directement à Cordoue, où il séjourna un mois avant de rentrer en campagne ; il commença par semparer de la ville de Thalabout(3), quil emporta à lassaut, ainsi que vingt-sept châteaux forts des environs de Tolède ; il conquit également Mad jrêt et Oued el-Hidjâra(4), et, étant arrivé à Tolède, il lassiégea et, dévasta les campagnes ; durant un mois il ne fit que détruire, puis il revint à Cordoue. En 504 (1110 J. C.) et dans le mois doul-kaâda, lémir Syr ben Aby Beker conquit les villes de Santarem, Badajoz, Oporto, Evora, Lisbonne; et toute la partie occidentale de lAndalousie ; il ,annonça ses victoires à lémir des Musulmans. Ce général mourut et fut enterré à Séville dans le courant de lannée 507 (1113). Il eut pour successeur Mohammed ben Fatyma, qui gouverna Séville jusquà sa mort, en 510. En 507, lémir Mouzdaly assiégea Tolède et sen empara ; il prit das saut la forteresse dArdjyna(5), dont il massacra la garnison, et emmena en captivité les femmes et les enfants. A cette nouvelle, le roi des Chrétiens, Berhânes, marcha contre lui ; mais Mouzdaly, nayant point jugé à propos de lattendre, se mit en chemin pendant la nuit et arriva à Cordoue avec un immense butin. Après avoir ravitaillé Rahêna et les environs et y avoir mis des garnisons, lémir Mouzdaly, ayant appris que Zend Gharsys, maître de lOued el-Hidjâra, assiégeait Médina Sâlem, se porta vers lui en toute hâte; mais Zend Gharsys, à son approche, abandonna le siège et prit la fuite avec une si grande précipitation quil abandonna tout, tentes, armes et bagages, dont Mouzdaly sempara. Cet émir mourut (que Dieu lui fasse miséricorde!) en lan 510 sur les terres des Chrétiens, auxquels il faisant la guerre. Lémir des Musulmans, ayant appris sa mort, le remplaça, à Cordoue, par son fils Mohammed ben Mouzdaly, qui ne gouverna que trois mois, ayant comme son père trouvé la mort en combattant pour Dieu. En 509 (1115 J. C. ), lémir Aly ben Youssef conquit les îles orientales de lAndalousie(6).
____________________ 1 Albacète. 2 Narbonne, 3 Talaveira. 4 Madrid et Guadalaxara. 5 Arjona, ville située entre Cordoue et Jaen. 6 Iles Baléares.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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En 511 (1117 J. C.) , Abd Allah ben Mouzdaly, gouverneur de Valence et de Saragosse, se rendit à Grenade, dont le fils de Radmyr (que Dieu le maudisse !) ravageait les environs. Abd Allah lui livra combats sur combats, jusquà ce quil leût chassé du pays, et rentra à Saragosse, où il mourut un an après. Saragosse étant alors restée sans maître, Ben Radmyr accourut pour lassiéger, tandis que, de son côté, Alphonse arrivait pour bloquer Lérida ,avec une armée considérable de Chrétiens. A cette nouvelle, lémir des Musulmans écrivit aux émirs de lAndalousie pour leur donner ordre de se rassembler auprès de son frère Temym, roi de toute lAndalousie orien tale, afin daller avec lui porter secours à Saragosse et à Dérida. Abd Allah ben Mouzdaly et Abou Yhya ben Tachefyn, roi de Cordoue, arrivèrent à la tète de leurs soldats, et Temym, sortant de Valence, se joignit à eux avec les Lemtouna, et se mit en marche pour Lérida. Après une sanglante bataille, Alphonse, vaincu, prit la fuite en abandonnant Lérida, quil navait pu pren dre, malgré tous ses efforts et une perte de plus de dix mille hommes. Temym revint, vainqueur à Valence; mais Ben Radmyr, ayant appris la défaite dAlphonse, demanda du secours aux Francs pour prendre Sara gosse, et les Francs arrivèrent à lui comme une pluie de guêpes et de saute relles ; ils commencèrent par cerner la ville, et, ils construisirent de petites tours, en bois quils placèrent sur des roues, de façon à les rapprocher de plus en plus de la place ; ces tours portaient vingt machines de guerre, qui devaient tôt ou tard leur assurer la prise de la place. Le blocus dura ainsi jusquà ce que la population, réduite à la famine et ayant péri en grande partie dinanition, demanda et obtint de Ben Radmyr une trêve, pour lui lais ser le temps de se procurer du secours ; mais nul secours nétant venu, les habitants lui livrèrent la ville à la fin du délai convenu, et ils sen allèrent à Murcie et à Valence ; cétait en lan 512. Les Chrétiens entrèrent donc à Saragosse et la gouvernèrent. Une, armée de douze mille cavaliers, que lémir dès Musulmans avait expédiée de lAdoua, arriva trop tard le décret de Dieu sétait accompli. En 513 (1119 J. C.), Ben Radmyr sempara dune partie de lest de lAndalousie ; il emporta la forteresse dAyoub (1), qui était la plus forte de tout lOrient, et il se dirigea ensuite vers le nord. En apprenant ces mou vements, lémir des Musulmans Aly ben Youssef passa en Andalousie pour faire la guerre sainte, et inspecter les places et les forts ; ce fut son deuxième voyage en Espagne ; il sy rendit avec un très-grand nombre de Morabethyn et de volontaires arabes, Zenèta, Mesmouda et Berbères. Arrivé à Cordoue, il campa sous ses murs avec son armée, et il reçut la visite de tous les grands de lAndalousie, auxquels il demanda des renseignements précis et détaillés sur la situation du pays ; il destitua Ben Rochd de ses fonctions de kady à Cordoue, parce quil ne sétait pas présenté, donnant pour excuse quil était
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occupé à létude des livres de la science, et il le remplaça par Abou el-Kas sem ben Houmyd. Lémir des Musulmans se dirigea dabord sur la ville de Samberya(1), dont il sempara, et il partit de là pour ravager toute la partie de louest ; il dévasta les, campagnes, renversa les villages et les édifices, tuant les Chrétiens, les faisant prisonniers ou les forçant de se renfermer dans leurs forteresses. En 515 (1121 J. C.) , lémir revint à lAdoua laissant à son frère Temym le gouvernement de toute lAndalousie, que celui-ci conserva jus quà sa mort, en 520. Son successeur, lémir Tachefyn ben Aly, passa à cette époque en Andalousie avec cinq mille cavaliers, et, sétant mis à la tête de toutes les troupes andalouses, il porta la guerre sainte dans la province de Tolède, dont il prit les forteresses à lassaut et dévasta les environs. Puis il battit Les Chrétiens qui sétaient réfugiés à Fahs Sebbat, et en fit un grand massacre ; il conquit trente forteresses dans la partie du couchant, et il fit part de ses victoires à son père. En 528, il fit une expédition contre Cantara Mahmoud, quil prit dassau ; en 530 (1135 J. C.), il dispersa les troupes chrétiennes à Fahs Attya et il en fit périr une grande partie. En 531 (1136 J. C.), il emporta dassaut la ville de Kerky(2), dont il massacra toute la garni son. Enfin, en 532 (1137 J. C.) il quitta lAndalousie et retourna en Afrique après avoir subjugué Chkounia(3), doù il ramena six mille prisonniers dans lAdoua. Il vint à Maroc, où il fut reçu en grande pompe, et se présenta à son père lémir des musulmans qui laccueillit avec bonheur et Joie. En 533, lémir Aly ben Youssef proclama lui-même la souveraineté de son fils Tachefyn, qui lui succéda à sa mort, en lan 537 (1142 J. C.).
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS TACHEFYN BEN ALY BEN YOUSSEF BEN TACHEFYN EL-LEMTOUNY.
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Lémir des Musulmans, Tachefyn ben Aly ben Youssef ben Tachefyn el-Senhadja el-Lemtouny, surnommé Abou-Amar, et, selon dautres, Abou el-Moudz, était fils dune captive chrétienne, nommée Dhoou el-Sebah (lumière du matin, aurore). Conformément au vu manifesté par son père vivant, il lui succéda, et sa proclamation eut lieu le 8 de radjeb an 537 ; époque de grands troubles et de lapparition des Mouahedoun (Almohades) dont léclat, la force et la puissance sétendirent sur tout le pays, de lAdoua. Lorsque Abd el-Moumen ben Aly sortit de Tynmal(4) pour conquérir le Maghreb, Tachefyn quitta Maroc, dont il laissa le commandement à son fils
____________________ 1 Santiberia. 2 Caracâil. 3 Ségovie. 4 Tinoumal, Tînznâl, ville dans le Djebel-Deren (Atlas), à vingt lieues sud de Maroc.
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se mit à sa poursuite ; détapes en détapes, de combats en combats, il arriva jusquà Tlemcen, où il se retrancha, et où Abd el-Moumen lenveloppa. Les Almohades étaient campés dans un défilé entre la ville et la montagne, Tachefyn fit une sortie et alla camper avec son armée senhadja dans la plaine près de lOued Saf-saf. Bientôt ses soldats, impatients, voulurent commen cer lattaque, mais Tachefyn leur dit de bien se Garder dengager le combat sur la montagne, et quil fallait attendre que lennemi descendit lui-même dans la plaine. Refusant de suivre ces conseils, ils se précipitèrent sur la montagne et ils furent culbutés par les Almohades, qui les mirent complè tement en déroute. Tachefyn prit la fuite et arriva à Oran. Il avait laissé le commandement de Tlemcen à son khalife Mohammed, connu sous le nom dEl-Chyour. Abd el-Moumen, de son côté, ayant chargé son khalife Yhya heu Youmar de continuer le siége de Tlemcen, se dirigea vers Oran à la pour suite de Tachefyn ; celui-ci, se sentant cerné, fit une sortie de nuit contre les Almohades, mais il se trouva en présence dun si grand nombre dennemis, cavaliers et fantassins, quil prit la fuite. Il se dirigea sur une haute montagne dont le sommet penchait sur la mer, et dans sa course, croyant aller toujours vers son camp du coté dOran, il se précipita du haut de ce sommet, et il expira. Cet événement eut lieu durant une nuit sombre et pluvieuse, la vingt septième du Mois de ramadhan, an 539. Son cadavre fut retrouvé le lende main sur le rivage par les Almohades, qui coupèrent la tête et lexpédièrent à Tynmal, où on la pendit à un arbre. Telle fut la fin des Morabethyn. Lémir Tachefyn neut pas une heure de repos et fit constamment la guerre depuis le jour de son avènement au pouvoir jusquà sa mort. (Que Dieu lui fasse misé ricorde !) Il régna deux ans et un mois et demi. Et cest Dieu qui avait voulu que les choses arrivassent ainsi, car ni ny rien en dehors de sa volonté, et lui seul est adorable !
DATES ET ÉVÉNEMENTS REMARQUABLES DE LA PÉRIODE DES LEMTOUNA, DE LAN 462 A LAN 540.
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Les Lemtouna étaient un peuple des campagnes, religieux et honnête ; ils surent conquérir un immense empire en Andalousie et au Maghreb, dont ils régularisèrent le gouvernement, et ils firent la guerre sainte. Ben Djenoun rapporte que les Lemtouna étaient religieux, charitables, justes, et que leur culte était pur ; quils gouvernèrent lAndalousie depuis le pays des Francs jusquà lOcéan, et le Maghreb depuis la ville de Bedjaïa jusquau Djebel el-Dheb du Soudan. .Leur règne fut tranquille et ne fut troublé par aucune révolte, ni dans les villes, ni dans les campagnes ; on fit les khotbah en leur nom dans plus de deux mille chaires. Leurs jours furent heureux, prospères et tranquilles, et durant leur période labondance et le bon marché firent tels, que pour un demi-ducat on avait quatre charges de blé, et que les autres grains
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ne se vendaient ni ne sachetaient: Il ny avait ni tribut, ni impôt, ni contri bution pour le gouvernement, si ce nest laumône et la dîme. La prospérité saugmenta toujours, le pays se peupla, et chacun put soccuper librement de ses propres, affaires. Leur règne fut exempt de mensonge, de fraude et de révolte, et ils furent chéris par tout le monde jusquau moment où ElMehedy, lAlmohade, se leva contre eux en 515. Les dates remarquables de leur époque furent les suivantes : 462 (1069 J. C. ), conquête de Fès et prise, du gouvernement du Maghreb. 463 (1070 J. C.) , conquête des forteresses Ouatat du pays de la Mou louïa. 464 (1071 J. C.), mort dEl-Moutamed ben Abbed ben el-Khady Mohammed ben Ismaël Abbed, roi de Séville, auquel succéda son fils Mohammed ben Moutamed ben Abbed. 465 (1072 J. C.), Youssef ben Tachefyn conquit Sedareta et Sofrou. 467 (1074 J. C.), au mois doul-hidja, apparition dune comète au Maghreb. Youssef ben Tachefyn prit dassaut la ville de Tahadart, prés de la Moulouïa, et tua son émir Kassem ben Aby el-Afya, dont il détruisit larmée jusquau dernier homme ; il sempara aussi du gouvernement de Tanger; mort de lémir de cette ville, Sarkout el-Berghouaty. 471 (1078 J. C.), éclipse totale de soleil, le lundi à lheure du Zouel (vers dix heures du matin), vingt-huitième jour du mois; jamais on navait vu une éclipse pareille. - Alphonse conquit la ville de Couria, dont il chassa les Musulmans. 472 (1079 J. C.), conquête dOudjda et des montagnes environnantes par Youssef. - Au mois de, raby el-tâny, un épouvantable tremblement de terre, comme jamais on nen avait ressenti au Maghreb, renversa les tours, les minarets et les édifices, et une infinité de personnes périrent sous les ruines ; les secousses se répétèrent nuit et jour depuis le premier de raby el aouel jusquau dernier jour de djoumad el-tâny.- Au mois de doul-kaâda le peuple de Tolède se souleva contre son émir, El-Kadyr ben Danoun, dont il massacra les ministres et la plus grande partie des gardes. El-Kadyr ne dut son salut quà la fuite, et il emmena avec lui ses femmes jusquau fort Kanaka, où il se réfugia. 474 (1081 J. C. ), prise de la ville de Tlemcen par Youssef. - Mort du fekhy El-Haffyd (zélé) Abou Thaleb Mekky, inspecteur des marchés et chef des préteurs de Cordoue. - Naissance du kady Abou Abd Allah Mohammed el-Asbagh, connu sous le nom de Ben Menâsef, auteur du poème de lAr jouaza. - En djoumad el-aouel, mort du Mokaddem Abou Djafar ben Houd, émir de Saragosse; son fils Youssef el-Moutamed lui succéda. 497 (1103 J. C.), mort du fekhy El-Haffyd Abou Abd Allah Moham med el-Thaleb, auteur de plusieurs ouvrages. Lauteur du livre intitulé
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El-Techaouif raconte que Abou Djabel mourut en 503, et quil fut enterré dans le monastère situé au sortir de la porte Yasilyten de Fès. Abou Djabel fut un grand sage qui vit au Caire Abou el-Fadhl Abd Allah ben Hassan elDjouhâry. Il était boucher de profession ; son teint était noir, mais ses traits étaient réguliers et pleins de sincérité ; cur pur, vertueux et craignant Dieu. On raconte que le Kadhyr(1) (à lui salut !) lui apparut quarante ans après quil se fut entièrement voué à Dieu, pour lui annoncer que le Très-Haut avait dési gné sa place parmi les Abdâl, qui sont les colonnes de la Foi. Abou Djabel est célèbre par ses longs voyages. 514 (1120 J. C.), El-Mehdy paraît au Maghreb et rencontre Abd elMoumen ben Aly, quil sadjoint sur la route du Levant. 519 (1125 J. C.), affaiblissement des Lemtouna. dont la dispersion commence ; défaits par El-Mehdy et les Almohades venus du Djebel Deren, ils perdirent leur puissance en Andalousie, et bientôt ils ne purent se soute nir nulle part ; les Almohades, sagrandissant de plus en plus, leur enlèvent toutes leurs possessions. 521 (1127 J. C.), et le 19 raby el-aouel, mort du kady le fekhy Abou el-Oualyd el-Badjy, à Séville, où il nexerçait déjà plus ses fonctions. 539 (1144 J. C.), le kady Ben Hamyd chasse les Almoravides de Cor doue avec laide du peuple.
HISTOIRE DU RÈGNE DES ALMOHADES, ET DE LEUR ÉLÉVATION COMMENCÉE PAR MOHAMMED BEN TOUMERT, APPELÉ LE MEHDY.
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Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit que El-Mehdy, qui fonda le règne de la dynastie dAbd el-Moumen au Maghreb el-Aksa, était, daprès les historiens des deux empires, Mohammed ben Abd Allah ben Abd er-Rhaman ben Houd ben Khâlyd ben Temân ben Adnân ben Sofyan ben Sfouan ben Djebyr ben Yhya, ben Athâ ben Ryâh ben Yassar ben elAbbès ben Mohammed ben el-Hassan ben Aly ben Aby Thaleb. (Que Dieu lagrée!) Quelques historiens et Ben Methrouh el-Kaïssy, entre autres, disent quil sétait lui-même arrogé cette généalogie chérifienne ; quil était de la tribu dHargha, fraction des Masmouda, et connu sous le nom de Moham med ben Toumert el-Harghy; dautres disent quil était de la tribu des Djen fysa ; Dieu seul sait la vérité de tout cela. Dans les premiers temps de sa vie El-Mehdy était un homme pauvre, étu diant la science et la doctrine, et doué dune grande intelligence. Il sen alla dans le Levant pour continuer ses études. Là, il se mit à fré quenter les principaux docteurs, qui linstruisirent dans les hautes sciences, et,
____________________ 1 El-Khadhyr, Khedr ou Khidr, désigné dans le Koran ( chap. XVIII), par lInconnu, est un personnage mystérieux que les Musulmans regardent comme un prophète ayant acquis limmortalité en buvant de leau de la fontaine de la Vie quil avait découverte.
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entre autres, celles des traditions du Prophète de Dieu (que le Seigneur le comble de ses bénédictions !), et celles des notaires et des légistes. Parmi la réunion des savants où Mehdy acquit toutes ses connaissances se trouvait le cheikh, limam incomparable, le célèbre Abou Harnyd el-Ghazâly (que Dieu lui lasse miséricorde et lagrée !) auquel il sattacha pendant trois ans. ElGhazâly, en voyant El-Mehdy pour la première fois, devina son avenir, et, lorsquil fut sorti, il dit à ses disciples : «Il ny a pas de doute que ce Berbère ne devienne souverain du Maghreh el-Aksa et quil ny fonde un vaste et puissant empire. Il porte en lui tous les signes décrits dans les traditions.» El-Mehdy, avant eu connaissance de cette prédiction, et quelques-uns de ses compagnons lui avant, dit, que le docteur lavait même trouvée dans son livre, se consacra entièrement aux leçons dEl-Ghazâly, quil suivit jusquà ce quil neût plus rien à apprendre. Et cest alors quil partit pour suivre la destinée que le Très-Haut avait dictée. Lauteur du livre continue son récit. Mohammed el-Mehdy, confiant dans le secours de Dieu, quitta le Levant pour porter en Occident la loi du Seigneur et le Sonna du Prophète (à lui le salut !). Il se mit en route le premier de raby el-aouel, an 510, et il parcourut les diverses villes de lAfrique et du Maghreb, prêchant partout la vertu, labstinence et le mépris des choses de ce monde. Il arriva ainsi jusquaux Tchours de Tadjoura, aux envierons de Tlemcen, où il sarrêta. Cest là quil rencontra Abd el-Moumen ben Aly, qui suivit ses leçons et adopta ses doctrines. Quand El-Mehdy pensa que son disciple était suffisamment instruit, il lui fit part de son dessein de semparer de lEmpire, et celui-ci layant approuvé, lui jura fidélité et sengagea à lui être soumis en tout Ils partirent ensemble pour le Maghreb el-Aksa. El-Mehdy, était sans égal pour léloquence et les connaissances des traditions et des. sciences; son instruction était profonde, et dans ses ser mons au peuple il affirmait quil était limam El-Mehdy lannoncé, et devant reparaître à La fin du monde. Il disait que sa mission était de remplacer sur la terre le règne de liniquité par celui de la justice, quil découvrirait une à une les turpitudes des Morabethyn ; quil les détruirait comme des infidèles, et ne laisserait trace de leur gouvernement. Cest ainsi quil allait de souk en souk, prêchant la vertu et anathématisant le vice ; brisant les instruments de musique et jetant le vin partout où il le rencontrait. Enfin, arrivé à Fès, il descendit dans la mosquée de Tryana, où il demeura jusquen 514, occupé à létude de la science. Alors il se rendit à Maroc, sachant bien que ce ne serait que dans cette capitale quil pourrait se faire connaître. Lémir Aly ben Youssef ben Tachefyn régnait à Maroc lorsque Mehdy y arriva obscurément et alla sétablir dans une mosquée accompagné dAbd el-Moumen, qui avait entrevu un brillant avenir en-restant avec lui. Bientôt il se mit à parcourir les marchés et les places de la ville en prêchant la vertu et condamnant, le vice,
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détruisant les instruments de musique et les boissons défendues, et tout cela sans ordre ni permission de lémir des Musulmans, de ses kadys ou de ses ministres. Aly ben Youssef, apprenant ce qui se passait, ordonna que lon lui amenât El-Mehdy et, en le voyant si Misérablement vêtu, il lui fit des reproches et lui dit : «Quest-ce que lon ma donc appris sur ton compte? El-Mehdy lui répondit : «Ce que tu as appris, ô émir, cest que je suis un pauvre fakyr qui pense à lautre monde et point du tout à celui-ci, où je nai que faire, si ce nest de prêcher de faire le bien et de fuir le mal ; et cela nest-ce pas toi qui devrais le faire ? Toi qui, bien au contraire, es la cause du mal, lorsque ton devoir est de pratiquer les préceptes du Sonna et que tu as le pouvoir de les faire pratiquer aux autres ! Le crime et lhérésie apparaissent partout dans tes états, et cela est bien contraire aux ordres de Dieu qui veut, que lon suive le Sonna. Fais ton devoir, car, si lu le négliges, cest toi-même qui auras à rendre compte à Dieu de toutes les fautes commises dans ton empire, et Dieu en a puni beaucoup pour de pareils méfaits, ceux dont il a dit: Ils ne se repentaient point du mal quils commettaient(1).» Lémir Aly, en entendant cela, fut saisi de crainte et se mit à réfléchir, le front penché vers la terre; il reconnût la justesse de tout ce qui venait de lui être dit, et lorsquil releva les yeux vers ses ministres, il leur ordonna de convoquer tous les docteurs et les tholbas de la ville, ainsi que les cheikhs des Lemtouna et des Morabethyn. Ceux-ci, ayant-bientôt rempli la salle du conseil, essuyèrent les plus vifs reproches et comprirent que lémir des Musulmans avait reçu les ordres et les inspirations, dEl-Mehdy. Aly leur dit enfin : «Je vous ai convoqués pour que vous vous livriez à lexamen de cet homme, et si vous lui reconnaissez la science, nous nous soumettrons à lui ; si, au contraire, vous le convainquez dimposture, et nous le punirons comme il le mérite.» Aussitôt les conversations et les commentaires sengagèrent et se multipliè rent de plus en plus. El-Mehdy savait davance quon nierait sa science et ses vertus. Lémir, sapercevant bientôt que rien ne se faisait au milieu de tant de bruit, dit à lassemblée : «Cessez donc vos injures et vos calomnies, et choisissez quelques-uns de vos savants pour discuter avec lui, en se guidant sur le Livre de Dieu, et lon verra ce qui en est.» Ils cherchèrent alors dans le conseil les plus instruits des docteurs versés dans les Hadits et la science; niais il ne sen trouva aucun capable de discuter avec El-Mehdy, qui dit au premier qui se présenta : «O fekhy, cest toi qui es chargé de porter la parole au nom de tous les autres, eh bien ! dis-moi si les voies de la science sont limitées ou non ?» Le fekhy lui répondit : «Oui, elles sont limitées au Livre, au Sonna et à ses commentaires.» Mehdy lui répliqua : «Je tai demandé si les règles de la science sont limitées ou non ; réponds à cela seulement, car
1 Koran, ch. V : La table, vers. 82.
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il est de règle de répondre à la question qui est posée.» Le fekhy ne comprit pas ce quil voulait dire par là et se tut. «Dis-aloi alors, reprit El-Mehdy, quelles sont les sources du bien ou du mal ?» Et, comme à la première ques tion, le fekhy ne sut que se taire. «Allons, dit El-Mehdy, si ni toi ni tes com pagnons une pouvez me répondre, je vais donc vous instruire.» Et comme ils continuèrent tous à garder le silence, il commença son explication : «Les sources du bien et du mal, dit-il, sont au nombre de quatre : la science, qui est la source du droit chemin ; lignorance, le doute et lopinion, qui sont les sources du mal. Alors il entreprit de leur énumérer les règles de la science en termes techniques quils nentendaient pas ; si bien quils ne purent pas répondre un mot à son sermon, auquel ils navaient rien compris. Aussi, voyant que cet homme possédait un si haut savoir, ils se sentirent, humiliés, et, dévorés par lenvie et par la honte de se voir ainsi surpassés, ils se tour nèrent vers lémir et lui dirent : «Ô prince des Croyants ! cet homme est un hérétique furibond, fourbe et menteur, et si vous le tolérez davantage, il cor rompra toute la population.» Lémir chassa donc de la ville El-Mehdy, qui se rendit au cimetière et fixa sa demeure au milieu des tombeaux. Quelques tholbas vinrent pour sinstruire auprès de lui ; puis dautres, et bientôt il se vit entouré dune boule nombreuse, avide de ses leçons et ses bénédictions. Alors il. avoua sa qualité et son but de détruire les Almoravides. Il se mit à prêcher à ses disciples que les Almoravides devaient être traités comme des infidèles corporels, et que, quiconque savait que Dieu était unique dans son règne, était obligé de leur faire la guerre avant même de la faire aux Chrétiens et aux Idolâtres. Plus de quinze cents hommes se rangèrent à ses prescriptions. Lémir des Musulmans, en apprenant ces détails, et sétant assuré que El-Mehdy attaquait ouvertement le gouvernement des Almora vides quil traitait dinfidèles dans ses propres états, et que son parti saug mentait toujours, lui envoya un messager pour le chercher et lui dit : «Ô homme ! crains Dieu pour toi-même, rappelle-toi que je tai défendu de ras sembler du monde et que je tai chassé de la ville ! Je tai obéi, lui répondit El-Mehdy, puisque je suis sorti de la ville pour aller vivre au cimetière, où jai dressé ma tente au milieu des tombeaux. Jai travaillé ainsi pour mériter les récompenses de la vie future, mais toi-même garde-toi des paroles des pervers.» Cette réponse exaspéra lémir des Musulmans, qui fut sur le point de le faire arrêter ; mais Dieu le protégea, car Dieu ne commande que ce qui est écrit par son ordre. Invité à se retirer, El-Mehdy prit le chemin de sa tente ; mais à peine fût-il parti, lémir des Musulmans éprouva un si grand regret de lavoir laissé échapper, quil sécria, en sadressant à ceux qui len touraient : «Quel est celui dentre vous qui me lapportera sa tête ?» Un des
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adeptes de Mehdy, ayant entendu ces paroles, courut en toute hâte pour pré venir son maître, quil rejoignit sur le seuil de sa tente et quil aborda en chantant ce verset : Ô Moïse ! les grands délibèrent pour le faire mourir, quitte la ville, je te le conseille en ami(1). Il répéta cela trois fois de suite, et il se tut. Mehdy comprit et partit à marche forcée, au point quil arriva le jour même à Tynmâl. Cela eut lieu dans le courant du mois de chouel de lan 514. El-Mehdy sarrêta en cette ville, où il fut bientôt rejoint par ses dix compagnons on disciples, dont voici les noms : Abd el-Moumen ben Aly, Abou Mohammed el-Bechyr, Abou Hafs, Abou Hafs ben Yhya ben Byty. Abou Hafs Omar ben Aly ben Aznadjy, Soliman ben Khalouf, Ibrahim ben Ismaël el-Hezredjy, Abou Mohammed Abd el-Ouahed el-Khadhry, Abou Amrân Moussa ben Thoumâr, et Abou Yhya ben Bouhyt. Ces dix personna ges furent les premiers qui adoptèrent les doctrines de Mehdy, quils procla mèrent le vendredi 15 ramadhan, an 515, à la suite de la prière du Douour. Le lendemain, El-Mehdy se rendit à la mosquée de Tynmâl avec ses dix compagnons armés de leurs sabres, et, étant monté en chaire, il fit un sermon à lassistance, à Laquelle il déclara quil était limam El-Mehdy lannoncé, avant pour mission de ramener la justice sur la terre, quil couvrirait de ses actions éclatantes, et il termina en invitant le peuple à lui prêter serment de fidélité. En effet, tous les, habitants de Tynmâl proclamèrent le nouvel imam, auquel se soumirent également les tribus circonvoisines et les Kaby les des montagnes. Alors Mehdy envoya ses compagnons prêcher dans le pays, et il expédia dans toutes les directions des hommes dont il connaissait les principes, avec mission de répandre partout la renommée du vertueux imam, dont le but nétait point dacquérir les biens de ce monde. Cest ainsi que les populations vinrent de tous côtés pour le proclamer et le couvrir de bénédictions, et que sa puissance saccrut considérablement. Il prenait note de toutes les tribus dont il recevait la soumission, et les nommait ElMouâhedoun (Almohades, unitaires). Il leur donnait le Thouâhîd (doctrine de lunité) écrit en langue berbère, et divisé en versets, en sections et en chapitres pour en faciliter létude, et il leur disait : «Quiconque ne suivra pas ces maximes ne sera point Almohade, mais bien un infidèle avec lequel on ne fera pas sa prière, et on ne mangera pas la chair des animaux tués par ses mains. Ce Touâhîd se répandit chez tous les Mesmouda, qui le chérirent bientôt à légal du Koran bien-aimé, tant ils étaient ignorants dans leur reli gion et dans les choses du monde. El-Mehdy sut si bien se les attacher par sa douceur et par son éloquence, quils finirent par ne rien reconnaître en dehors de lui. Ils invoquaient son nom en toute occasion et même en com mençant leurs repas ; dans toutes les chaires on priait au nom de Mehdy
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1 Koran, chap. XXVIII : Lhistoire, vers. 19.
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limam impeccable. Un nombre considérable dhommes ayant embrassé sa nouvelle doctrine, El-Mehdy divisa le commandement entre ses dix disci ples, et forma un conseil de cinquante compagnons choisis, pour laider à soutenir son imamat et veiller aux affaires des Musulmans. Laffluence des tribus vers lui continuant toujours, le khotbah se fit en son noie, et bientôt il put compter plus de vingt mille Almohades des tribus Mesmouda et autres. Alors il. commença à prêcher la guerre sainte contre les Almoravides avec tant de vigueur et de persuasion, que les Almohades jurèrent de lui obéir en combattant jusquà la mort. Il choisit entre les plus valeureux dix mille hommes, dont- il confia le commandement à Aabou Mohammed el-Bechyr, auquel il remit un pavillon blanc, et il expédia cette armée contre la ville dAghmât. En apprenant ces mouvements, lémir des Musulmans Aly ben Yous sef envoya à la poursuite des Almohades un corps de ses troupes délite, sous le commandement de Ahouel, général Lemtouna. Cette armée fut battue et Ahouel Akeltmoum fut tué; les Almohades poursuivirent les Lemtouna, sabres en mains, jusque sous les murs de Maroc, où leurs débris se réfugiè rent. Ils assiégèrent cette place pendant quelques jours, au bout desquels, ils furent forcés de se retirer dans les montagnes devant le nombre toujours croissant des Lemtouna. Ces faits eurent lieu le 3 du châaban le sacré, an 516 (1122 J. C.), et la renommée dEl-Mehdy sétendit de plus en plus dans le Maghreb et en Andalousie. Il divisa le butin fait sur les Lemtouna entre ses soldats Almohades, en leur récitant ces paroles du Koran : Dieu vous avait promis de vous rendre maîtres dun riche butin, et il sest hâté de vous le donner(1).
HISTOIRE DES CAMPAGNES DEL-MEHDY CONTRE LES LEMTOUNA.
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Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : A la suite de la défaite de larmée de lémir Aly ben Youssef, la puissance dEl-Mehdy grandit encore. Après avoir monté la plus grande partie de ses soldats sur des chevaux enlevés aux Almoravides et les avoir exhortés à la guerre contre les impies, il se mit en campagne avec toutes ses troupes almohades et il se dirigea vers Maroc. Arrivé au mont Ydjelyz, non loin de cette ville, il y établit son camp, et pendant trois ans, de 516 à 519, il ne cessa de battre les environs et de harceler journellement les Lemtouna. Ne voulant pas prolon ger davantage son séjour en cet endroit, il se rendit à lOued Nefys, dont il suivit les bords en se faisant reconnaître par toutes les populations des plai nes et des montagnes et, entre autres, par les tribus de Djermyoua. Il soumit également la tribu de Radjeradja, à laquelle il apprit à connaître Dieu très
____________________ 1 Koran, chap. XLVIII : La victoire, vers. 20.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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haut et les lois musulmanes. Il se rendit ensuite chez les Mesmouda, et il battit tous ceux qui ne voulurent pas de bon gré reconnaître ses ordres et sa domination. Il conquit une grande étendue de pays et la majeure partie des tribus Mesmouda. Il revint alors à Tynmâl, où il resta deux mois pour laisser reposer son armée. Quand il se remit en campagne, il se trouvait être à la tête de trente mille hommes, et il se porta sur Aghmât et les tribus de Hazradja dont les habitants, sétant réunis à un grand nombre de Hachem, de Lemtouna et autres, marchèrent contre lui. Les deux armées se rencontrèrent et, la bataille fut sanglante ; là victoire resta aux troupes almohades, qui cul butèrent lennemi et en firent un grand carnage. El-Mehdy distribua le, butin à ses soldats et se mit à parcourir les tribus du Deren, faisant périr ceux qui refusaient de se soumettre et accueillant avec, bonté ceux qui venaient au devant de lui. Cest ainsi quil conquit tous les châteaux et les forteresses du Deren, et quil soumit les tribus de Hentâta, de Djenfysa, Hargha et autres. Après cela il revint à Tynmâl pour sy reposer quelque temps, et, ayant ras semblé lies Almohades, il leur donna ordre de se préparer pour aller atta quer la ville de Maroc et faire la guerre sainte à tous les Almoravides qui sy trouvaient. Il donna le commandement en chef de lexpédition à Abd elMoumen ben Aly, qui se mit aussitôt en marche. Arrivé à Aghmât, Abd elMoumen se trouva, en présence de lémir Abou Beker ben Aby Youssef, qui était à la tête dune nombreuse armée de Lemtouna, Senhadja, Hachem et autres, les deux armées se livrèrent des combats sanglants pendant huit jours de suite, au bout desquels le Dieu très-haut donna la victoire aux Almoha des. Lémir Abou Beker partit en déroute, et Abd el-Moumen se mit à sa poursuite, massacrant tous les Almoravides quil atteignait. Leurs derniers débris se réfugièrent à Maroc, dont ils fermèrent les portes à la face des Almohades, qui après trois jours de siège, sen revinrent à Tynmâl. Ces évé nements eurent lieu dans le mois de radjeb, an 524. El-Mehdy sortit de la ville pour recevoir ses soldats victorieux, et, après les avoir salués et leur avoir manifesté sa satisfaction, il leur énuméra toutes les conquêtes qui leur restait à faire, et les prévint que sa mort était proche et quil ne passerait pas lannée. A cette nouvelle les Almohades fondirent en larmes, et, en effet, limam fut aussitôt pris du mal qui allait lemporter. Abd el-Moumen ben Aly remplit les fonctions dimam durant la maladie dEl-Mehdy, qui empira toujours jusquà sa mort, le jeudi 25 ramadhan de lannée 524.
RÉCIT DE LA MORT DEL-MEHDY, QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE ET LAGRÉE !
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Quelques historiens racontent que El-Mehdy fit un rêve avant sa mort. Dans ce rêve il vit un homme debout sur le seuil de sa chambre et qui lui dit en
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vers : «Il me semble, avoir vu déjà périr le maître de cette demeure, et ses derniers vestiges être perdus dans loubli. El-Mehdy répondit : Cest ainsi, en effet, que sen vont toutes les choses humaines ; les plus nouvelles sont bientôt anéanties, et tout ce que nous croyons être la vérité a sa fin. Lhomme reprit : Fais du bien sur cette terre parce que tu vas la quitter; et, comment répondras-tu aux questions qui te seront faites ? El-Mehdy répondit : Je pro testerai que Dieu est en vérité, et cette parole les vaut toutes. Lhomme lui dit alors : prépare-toi à la mort, car tu mourras bientôt, et ce que tu dois rencon trer sapproche. Mehdy répondit : Dis-moi, je ten prie, quand cela aura lieu, afin que je hâte mes préparatifs. Et lhomme se mit à chanter : Trois jours encore après vingt nuits, et tu verras la fin de ta vie et de ta puissance. En effet, El-Mehdy mourut vingt-trois nuits après ce rêve. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) On raconte que El-Mehdy, voyant son mal empirer, et comprenant que la mort était proche, fit appeler Abd el-Moumen pour lui dicter ses volontés. Il lui recommanda dêtre attentif envers ses frères, et il lui remit le livre Djefr quil avait reçu de limam Abou Hamyd el-Ghazâly (que Dieu lagrée !). Il lui ordonna de tenir sa mort secrète aussi longtemps quil fau drait pour cimenter lunion des Almohades; il lui désigna les vêtements dont il désirait être recouvert, et il lui ordonna de le laver, de lensevelir, de faire les prières et de lenterrer lui-même et sans témoin, dans la mosquée de Tynmâl. Abd el-Moumen reçut toutes ces prescriptions en fondant en larmes à lidée de cette séparation, et Mehdy mourut dans la matinée du jeudi 25 ramadhan le grand, an 524. Tout ceci est pris dans El-Bernoussy. Ben el-Hacheb, dans ses commentaires, place cette mort au mercredi 13 ramad han 524, comme quelques autres auteurs qui ont écrit que lélévation dElMehdy et sa proclamation eurent lieu le premier samedi de moharrem, an 515 , et quil mourut le 13 ramadhan, an 524. Daprès ceux-ci, le règne dElMehdy aurait duré huit ans, huit mois et treize jours ; mais les récits les plus exacts paraissent être ceux de Ebnou Sahab el-Salat, auteur du livre intitulé El-Menn bel Imâma (don de limamat) et de Abou Aly ben Rachyk de Murcie, auteur du Myzân el-Elm (poids de la science). Ces historiens rapportent que Mehdy fut proclamé le samedi 1er ramadhan 516, et quil mourut le mercredi 13 ramadhan 524. Dautres ont enfin prétendu quils avaient lu eux-mêmes des autographes de lémir des Musulmans Abou Yacoub Youssef ben Abd el-Moumen écrits en présence et même sous la dictée de Abd el-Moumen, et qui attestaient que le règne dEl-Mehdy avait duré trois mille cinq cent quatre-vingt-cinq jours, soit huit ans, huit mois et treize jours, à partir du samedi, jour de la proclamation, jusqau mercredi, jour de sa mort.
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PORTRAIT, VIE ET PRINCIPAUX FAITS DEL-MEDHY.
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Mohammed, connu sous le nom dEl-Mehdy, fondateur du règne des Almohades, était dune belle taille ; il avait le teint cuivré, le visage petit, les dents écartées, le nez fin, les yeux enfoncés, peu de favoris, le dessus de la main droite orné dun tatouage. Il était. prudent, très-rusé, très-instruit, savant docteur ; il possédait les Hadits du Prophète (que Dieu le comble de bénédictions !). Zélé, connaissant les origines et les sciences théologiques, éloquent et capable de diriger les grandes affaires, énergique et sanguinaire, ne revenant jamais sur ses décisions, se connaissant mieux soi-même que personne ne le connaissait, très-actif et très-soigneux dans les affaires de son gouvernement, il rencontra des peuples ignorants et il se servit de cette igno rance au profit de sa cause ; les Mesmouda furent les premiers à le procla mer, et il leur donna ce Touâhîd en langue berbère, dont les lumières brillent aujourdhui encore dans ces lieux-là. Il leur apprit quil était limam Mehdy annoncé comme devant paraître dans le cinquième siècle. Il leur dénonça les Almoravides comme infidèles, et il ordonna de leur faire la guerre sainte et de leur enlever femmes, enfants et propriétés ; il leur dit : «Quelques-uns sappellent eux-mêmes émirs des Musulmans, mais leur vrai nom est Mou lethemyn les voilés, et ils sont, bien ce peuple décrit par le Prophète de Dieu (à lui bénédiction et salut !) comme devant être excludu paradis; hommes qui paraîtront à la fin du monde avec des queues comme les vaches, et dont les femmes seront ivres, nues, indécentes, et auront des bosses de chameau pour têtes.» Cest ainsi que El-Mehdy en imposait à ces peuplades crédules et ignorantes dont il frappait lesprit par de tels récits. Voici un exemple, de sa fourberie, qui était aussi grande que sa cruauté : un jour, il enterra vivants quelques-uns de ses soldats en leur lais sant une petite ouverture pour prendre haleine, et il leur dit : «Quand on venus interrogera, vous répondrez que vous avez trouvé chez Dieu ce qui vous avait été promis ; que vous avez vu la châtiment préparé pour ceux qui refusent de combattre. les Lemtouna ; et quil faut faire tout ce que dit limam El-Medhy, parce que cest la vérité. Quand vous aurez répondu cela, ajouta-t-il, je viendrai vous délivrer, et je vous ferai à chacun une position élevée.» Or, voici ce qui le préoccupait : les Almohades, ayant été battus dans une rencontre avec les Almoravides, venaient déprouver des pertes énormes qui-pouvaient faire le plus grand tort à leur cause, et cest pour parer au découragement de ses soldats due Mehdy eut lidée de revenir la nuit sur le champ de bataille et denterrer quelques-uns de ses hommes, comme il a été dit, au milieu des morts. Le lendemain, de retour au camp, il harangua les chefs Almohades. «Vous êtes braves et bons guerriers, leur dit-il, et votre cause est, celle de Dieu et de la justice ; préparez-vous donc à
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combattre vos ennemis, et faites attention à vous ; agissez de concert; mais, si vous doutez de mes paroles, allez sur le champ de bataille et informez vous auprès de vos frères qui sont, morts, et ils vous diront eux-mêmes le prix que vous retirerez de vos combats.» Les chefs Almohades se rendirent aussitôt sur le champ de bataille, et ils sécrièrent : «Ô nos compagnons morts ! dites-nous ce que vous avez trouvé chez. Dieu chéri.» Ils répondi rent : «Ce que nous avons trouvé chez Dieu très-haut, ce sont toutes sortes de biens, plus que ne peuvent en voir les yeux et en entendre les oreilles.» A cette réponse, ils revinrent en toute hâte au milieu de leurs tribus et racontè rent partout ce quils venaient dentendre. Tout le monde fut émerveillé, et El-Mehdy sen alla aussitôt mettre le feu aux ouvertures quil avait laissées pour respirer à ceux quil avait enterrés et quil fit ainsi tous périr miséra blement, de crainte quen sortant de leurs tombeaux ils ne divulguassent lartifice. Autre exemple de sa ruse et de son imagination : ne réussissant pas à apprendre le premier chapitre du Koran à une fraction des Mesmouda, qui ne pouvaient pas prononcer larabe, il compta les mots et appela chacun par un de ces mots ; ensuite, les faisant asseoir en rang, il demandait au premier: «Comment te nommes-tu ? El-Hamdou Lillah (louange à Dieu !). Et toi ? Rabb (maître). Et toi ? El-Alemyn (de lunivers),» et ainsi de suite jusquà la fin du premier chapitre El-Fatiha. Alors il leur disait : «Dieu ne vous agréera que lorsque vous réunirez tous ces noms en une seule phrase, et que vous la répéterez dans chaque partie de la prière.» Et cest ainsi quil leur apprit le premier chapitre du Koran. Tel est le récit de lauteur du livre intitulé ElMougharryb fi akhbâr moulouk el-Maghreb. (Létranger, Histoire des rois du Maghreb.)
HISTOIRE DU RÈGNE DU KHALIFE, LÉMIR DES CROYANTS, ABOU MOHAMMED ABD EL-MOUMEN BEN ALY EL-KOUMY, EL-ZENETY.
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Abd el-Moumen ben Aly ben Yala ben Mérouan ben Nasser ben Aly ben Amer ben el-Amouaty ben Moussa ben Aoûn Allah ben Yhya ben Ouzd jeïa ben Stâfoun ben Nafour ben Metâla ben Houd ben Madghys ben Berber ben Bez ben Kyss ben Ghylân ben Moudhyr ben Nezâra ben Mahd ben Adnân. Telle est la généalogie dAbd el-Moumen daprès les divers histo riens de sa vie et de son règne, qui prétendent lavoir tirée dun manuscrit de son petit-fils, Abou Mohammed Abd el-Ouahed. Dieu seul sait la vérité. Abd el-Moumen était Zenèta dorigine, et son père était potier. Tout jeune, il sadonna à létude et à la lecture du Koran dans les mosquées; il fuit amené au Maghreb par El-Mehdy, qui le garda près de lui, et cest ainsi que les décrets du Dieu très-haut saccomplirent. Ce qui est certain dans son histoire,
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cest quil était Zenèta, de la tribu Koumya, et quil naquit à Tadjoura, endroit situé à trois milles du Port-Hnyn(1). El-Mehdy lavait désigné comme son successeur, et, à sa mort, gardée secrète selon ses ordres, Adb el-Moumen fut reconnu imam par les dix compagnons, qui unirent aussi compte de la familiarité qui avait toujours existé entre eux, et de ces paro les que Mehdy répétait souvent en chantant : «Ô mon élève ! tu réunis en toi toutes les qualités, et tous, tant que nous sommes, nous apprécions tes vertus, ta gaieté, ta générosité, ton noble cur et ta belle figure !» Et, en effet, chacun connaissait ses vertus, sa conduite, sa religion, son énergie, sa parfaite instruction et son bon sens. On raconte aussi quà la mort dEl-Mehdy, chacun des dit compa gnons voulut lui succéder, et quétant tous de tribus différentes, chacun fit appel aux siens pour se faire élire khalife. Aussi il y eut des troubles et des divisions jusquà ce que les dix disciples, sétant réunis en conseil avec les cinquante compagnons de limam, reconnurent que, pour ne point perdre leur position et leur crédit, il fallait se hâter de tomber daccord, et cest alors quils proclamèrent Abd el-Moumen, qui était étranger, mais dont on connaissait la liaison intime avec El-Mehdy, qui lui avait toujours témoigné une si .grande affection. Ebnou Sahab et-Salat raconte, dans le El-Menn bel Imâma, quElMehdy ayant ordonné que sa mort fût tenue secrète, Abd el-Moumen et ses dix compagnons se conformèrent à ce vu et menèrent heureusement pendant trois ans toutes les affaires, et cela grâce à ladresse et à linstruc tion dAbd el-Moumen dont voici, dailleurs, un trait : à la mort de son maître, il se procura un petit lionceau et un oiseau quil éleva comme il len tendit, mais si bien que le lion sapprivoisa et devint son gardien, tandis que loiseau apprit à dire en bon arabe : «La victoire et la puissance appartien nent au khalife Abd el-Moumen, émir des Musulmans.» Lorsque léduca tion fut complète, il convoqua les cheïkhs Almohades et les Kabyles pour tenir conseil, et il ordonna à ses gens de lui dresser une. grande tente en dehors de la ville (Tynmâl) ; puis, ayant fait garnir lintérieur de tapis, il plaça loiseau sur le support de la tente, et il prescrivit de lui amener le lion quand lassemblée serait réunie, pour le lâcher au milieu des assistants. En effet, lorsque le conseil fut formé, Abd el-Moumen se leva pour faire la prière ; il adressa deux fois de suite des louanges à Dieu et pria pour le Pro phète (que le Seigneur le comble de bénédictions !), pour ses compagnons et pour limam El-Mehdy, dont il annonça la mort. Les assistants prièrent et pleurèrent abondamment en mémoire de leur imam; mais Abd el-Moumen fit cesser leurs cris et leurs sanglots en leur disant : «El-Mehdy est monté vers Dieu pour recevoir sa récompense ; faites donc taire votre douleur, et
____________________ 1 Aujourdhui Nemours.
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voyez à qui vous voulez remettre la direction de vos affaires; unissez vos voix en faveur de celui que vous désignerez pour succéder à limam, et tâchez de vous mettre daccord, parce que vos divisions seraient la perte de votre puissance et la victoire de vos ennemis.» Au même moment, les cheïkhs commencèrent à délibérer ; mais le maître ayant sifflé, le lion parut et loiseau dit clairement en arabe : «La victoire et la puissance appartien nent au khalife Abd el-Moumen, émir des Musulmans.» Le lion, aussitôt lâché, bondit, en frappant le sol avec sa queue, et, faisant voir ses dents, il mit tous les assistants en fuite à droite et à gauche, à lexception dAbd elMoumen, qui resta seul impassible à sa place, où le lion, layant aperçu, vint tout joyeux en remuant la queue. Les Almohades, enthousiasmés à cette vue, furent unanimes pour proclamer Abd el-Moumen ; ils disaient : «Devant choses pareilles il ne peut plus y avoir de discussions ni dautre khalife que celui qui est lobjet de ces prodiges, celui pour qui un oiseau parle et dont le lion vient caresser les mains, dautant plus que cest lui que limam avait déjà désigné pour nous lire la prière, qui est la source de lIslam. Agissons donc comme des compagnons du Prophète (que Dieu le comble de bénédictions !), dont le premier soin fut délire Abou Beker (que Dieu lagrée!) à cause de sa vertu et de sa science, et aussi parce que cétait lui que le prophète, étant malade, avait désigné pour faire les prières. On le proclama, quoique, au nombre de ses compagnons, ce le Prophète eût des proches parents.» Certains écrivains ajoutent que-lorsque le lion vint à lui, Abd el-Moumen le caressa, lui passa les mains dans la crinière et lui dit de sen aller. Le lion comprit lordre et se retira, et, sil avait put parler, il aurait sûrement prononcé les louangés du Seigneur ! Les assistants, émer veillés, répandirent la nouvelle dans le monde entier où elle fut écrite sur les feuilles de lhistoire comme un vrai miracle et un signe évident. Cest à ce sujet quAbou Aly a dit en vers : «Le lionceau resta caché et ignoré jusquà ce quil devint lion lui même, et il allait vers son maître comme il aurait été vers son père. Loiseau chanta la proclamation de sa puissance en présence de lassemblée, et, tous ceux qui furent témoins dirent, Les signes sont apparents, et cest toi qui succéderas à limam; mais cela datait déjà de longtemps !» La proclamation dAbd el-Moumen ben Aly eut lieu le jeudi 14 ramadhan, an 524, par les dix compagnons dEl-Mehdy, et deux ans plus tard, le vendredi 20 de raby el-aouel 526, par tous les Kabyles, qui lui prê tèrent serment dans la mosquée de Tynmâl, après la prière. Daprès dautres récits, Abd el-Moumen fut proclamé, dabord par les dix compagnons, puis par les cinquante cheïkhs, et enfin par tous les Almohades, sans en excepter un seul, qui jurèrent son bonheur et la perte des Almoravides. En effet, ses jours furent heureux, ses armées dispersèrent les
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Lemtouna, auxquels il ravit lempire du Maghreb ; il conquit lIfrîkya jus quà Barka, et lAndalousie. Partout les khotbah furent faits en son nom. Dès quil eut assuré son gouvernement, il se mit en campagne contre ses ennemis; sa première expédition fut celle de Tedla; il sortit de Tynmâl le jeudi 24 de raby el-aouel, an 526, à la tête de trente mille Almohades, et il arriva à Tedla, quil livra au pillage, et dont il fit tous les habitants prison niers. Puis il enleva successivement les pays de Drâa, de Thyghar, de Fezez et dAghmât. Au mois de safar 534 (1139 J. C.), il entreprit une longue campagne durant laquelle il ne cessa de battre lennemi et de conquérir des villes, jus quen 541 (1146 J. C.) ; il commença par subjuguer tout le pays de Taza et les montagnes de Ghyata. Ses combats avec les Lemtouna ne discontinuè rent pas depuis le jour de sa proclamation jusquà la mort de lémir Aly ben Youssef ben Tachefyn, et sous le règne de son fils Tachefyn, son succes seur. Après. être resté deux ans à Khernatha, en face de lémir Tachefyn, combattant le jour et se reposant la nuit, Abd el-Moumen porta son camp vers le Djebel Ghoumâra ; Tachefyn layant suivi, il sarrêta sur les bords de lOued Thalyt, près de LAïn el-Kadym (la source antique), où il demeura deux mois, durant lesquels ses soldats, pour remédier aux rigueurs de la saison dhiver, durent brûler les charpentes et les bois des maisons, et puis leurs tentes mêmes. Abd el-Moumen se mit alors en route pour Tlemcen, mais Tachefyn, ayant marché sans sarrêter, le devança et se fortifia dans cette vile, de sorte quil dut se contenter de camper dans la vallée et de har celer lennemi, jusquau moment où il se décida à aller à Oran, en laissant une partie de sa troupe pour continuer le siége de Tlemcen. Tachefyn, de son côté, ayant confié la défense de la place à une garnison almoravide, se mit en marche pour Oran, et cest en route quil tomba du sommet dune mon tagne dans la mer et quil mourut. Abd el-Moumen occupa Oran et Tlemcen dans le mois de ramadhan, an 539. Cest ainsi que les faits sont racontés par lauteur du Menn, el-Imâma. Ben Methrouh el-Keyssy a écrit quAbd el-Moumen, ayant été pro clamé à Tynmâl, se dirigea avec une armée Almohade vers Maroc en Chouel 526 , et quil en fit longtemps le siége ; de là il se rendit à Tedla, et après sen être emparé, il vint à Salé, dont les habitants se rendirent, et où il entra le samedi 24 dou1-hidja, de ladite année 526. En 527 il conquit Tâza, et en 528 il prit le titre démir des Musulmans ; en 529 il fit construire la ville de Rabat-Tâza (Tafersyft), et, depuis lan 530 jusquen 539, il fit à Tachefyn une guerre sanglante qui ne se conclut quau siége de Tlemcen; Tachefyn, voyant sa position devenir de plus en plus mauvaise, sen alla à Oran, où Abd el-Moumen, arrivant sur ses pas, le bloqua, tandis quun corps darmée almohade continuait le siége de Tlemcen. Tachefyn, de plus en plus resserré
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et menacé, tenta une sortie de nuit avec un petit nombre des siens pour sur prendre le camp dAbd el-Moumen ; la nuit était très-sombre et son cheval le précipita du sommet dune hauteur. Le lendemain matin son cadavre fut trouvé sur le bord de la mer, on lui coupa la tête et un la remit à Abd elMoumen, qui lexpédia à Tynmâl, où elle fut pendue à un arbre de Safsaf (peuplier). Abd el-Moumen rentra victorieux à Oran dans le mois de mohar rem, an 540. Le mois suivant, safar, il fit son entrée à Tlemcen prise das saut par les Almohades; les Almoravides se réfugièrent à Agadir, où ils se soutinrent jusquen 544, époque à laquelle les Almohades les en chassèrent également. El-Bernoussy rapporte quAbd el-Moumen conquit Tlemcen en 529, et quaussitôt après il envoya une armée de dix mille cavaliers Almohades en Andalousie, où ils débarquèrent sur la plage dEl-Khadera(1). Leur pre mière conquête en Espagne fut celle de la ville de Chérich(2), où ils entrè rent . sans coup férir. Le kaïd de cette place, Abou Kamar des Beni Ghânya, vint au-devant deux avec sa garnison de trois cents Almoravides pour pro clamer Abd el-Moumen et faire soumission. Aussi les Almohades nommè rent-ils les gens de Chérich les premiers Croyants, et ils leur laissèrent, à jamais leurs biens et leurs propriétés, pour lesquels ils neurent même plus à donner le quart des produits, comme cela se faisait dans toute lAnda lousie. Cétait à Chérich que les-souverains Almohades envoyaient chaque année ceux qui voulaient embrasser lislamisme, et lorsque ceux-ci sen allaient, il en arrivait dautres. La conquête de Chérich eut lieu le premier doul hidja, an 539. Ben Ferhoun rapporte que les Almohades passérent en Andalousie dans le mois doul hidja 539, et quils débarquèrent à Tarifa sous le com mandement du cheïkh Abou Amran Moussa ben Saïd. Ils furent accueillis par les habitants de Tarifa sans coup férir, et ils se rendirent à Algéziras où la population les appelait, et dont ils chassèrent en entrant, le jour même de lAïd el-kebyr, les Almoravides, qui senfuirent à Séville. En 540, Abd el-Moumen prit Fès après un long siège, à la fin duquel il imagina de barrer la rivière qui traverse la ville; ce quil fit moyennant bois et bâtisse. Lorsque leau ainsi arrêtée fut arrivée au niveau de la barrière et commença à déborder dans la plaine, il fit rompre la digue, et leau, se préci pitant en un seul torrent, renversa les remparts et emporta plus de deux mille maisons; une multitude de personnes périrent noyées, et la ville fut presque entièrement submergée. Les Almoravides demandèrent alors laman, mais, une fois maître de la place, Abd el-Moumen dit quil ne pouvait pas y avoir
____________________ 1 Algéziras. 2 Xérès.
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daman pour les Morabethyn, et il les fit tuer comme des infidèles; il détrui sit la majeure partie des remparts cil disant : «Je nai pas besoin, moi, dêtre défendu par des murs ; mes murs ce sont mon épée et ma justice.» Fès resta ainsi sans murailles jusquà lépoque où El-Mansour, petit-fils dAbd elMoumen, les fit reconstruire, et elles ne furent achevées que par le fils de celui-ci, Mohammed el-Nasser, en lan 600. En 540 susdit, les Almohades entrèrent à Séville, où on fit les khotbah au nom dAbd el-Moumen ben Aly, ont ils semparèrent de Malaga. Abd el-Moumen fit construire les murs de Tadjerart, près Tlemcen, ainsi que la mosquée et les murs denceinte de cette ville. Il conquit à la même époque les pays de Doukâla. En 541 , vers le milieu de moharrem, Abd el-Moumen entra à Agbmât sans coup férir. A la fin de raby les Almohades prirent Tanger, et ils en chassèrent les Almoravides; le huit de chouel, samedi, Abd el-Moumen pénétra dans la ville de Maroc après de sanglants combats, et fit périr un nombre considérables dAlmoravides, ainsi que lémir Ishac ben Aly ben Youssef ben Tachefyn, quil fit prisonnier dabord, et massacra ensuite. Durant ce même mois toutes les tribus Mesmouda firent leur soumission, et le Maghreb entier fut ainsi acquis à Abd el-Moumen. En 542, un Saletin surnommé El-Messaty, dit El-Hâdy, dont le vrai nom était Mohammed ben Houd ben Abd-Allah, tisserand, et dont le père était brocanteur et marchand dobjets de rebut, se révolta contre Abd elMoumen, après lavoir reconnu lors de la prise de Maroc, et se rendit dans les tribus de Temsna, où il se fit proclamer par la majeure partie des Mes mouda, de façon quil, ne resta bientôt plus que la ville de Maroc à Abd elMoumen dans cette partie du pays. Lémir des Musulmans envoya contre lui le cheïkh Abou Hafs à la tête dune forte armée Almohade ; lexpédi tion se mit en marche de Maroc le premier doul kaada, et Abd el-Moumen laccompagna jusquau Tensyft. Abou-Hafs atteignit El-Messaty au delà de Temsna et lui livra bataille. Le combat fut sanglant; le général Almo hade tua de sa propre main le rebelle, dont les soldats se dispersèrent en déroute. Cela eut lieu au mois doul hidja. Abou-Hafs, lAlmohade, fut sur nommé Syf Allah (épée de Dieu), comme Khalèd ben el-Oualyd. (Que Dieu lagrée!) En. cette même. année une députation de personnages de Séville vint à Maroc pour reconnaître la souveraineté dAbd el-Moumen ben Aly qui, occupé de la guerre dEl-Messaty, ne les reçut quun an après leur arrivée, le jour de lAïd el-kebyr, au sortir de la prière ; ils saluèrent lémir tous ensem ble et ils le suivirent. Abd el-Moumen accueillit leurs hommages et demanda au kady Abou Beker ben el-Arby, qui faisait partie la députation, sil ne sétait point trouvé avec El-Mehdy lorsquil étudiait chez El-Ghozâly. Le
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kady lui répondit : «Non, je ne me suis point trouvé avec lui, mais jai entendu Ghazâly qui en parlait. Et que disait donc Ghazâly ? - Il disait que ce Berbère ne pouvait manquer de sillustrer.» Abd el-Moumen congédia alors ses visiteurs et leur donna des titres dexemption dimpôts. Ils partirent en djoumad el-tâny, an 543 (1148 J. C.). Au commencement de cette, même année, Abd el-Moumen ben Aly se rendit à Sidjilmessa, où il, entra sans coup férir et en donnant laman à la population. Puis il revint à Maroc où il resta quelque temps, et il se remit, en route pour Berghouata dont il défit les défenseurs dans un san glant combat; un très-petit nombre de fuyards échappèrent au carnage. A cette même, époque, les habitants de Ceuta se révoltèrent à linstigation de leur kady El-Ayad ben Moussa, contre les Almohades quils avaient reconnus et reçus dans leur ville ; ils les massacrèrent tous, et leurs chefs furent brûlés vifs. Après ce coup de main, le kady El-Ayad sembarqua et se rendit auprès de Ben Ghânya pour le proclamer et lui demander un gouverneur ; Ben Ghânya envoya Saharaouy, commander Ceuta, et les choses restèrent ainsi pour le moment. Les Berghouata, apprenant quAbd el-Moumen marchait contre eux, adressèrent un message à Saharaouy pour lappeler à leur secours contre Abd el-Moumen ; Saharaouy, sétant donc mis à la tête de tous les Berghouata, fit éprouver un fort échec à Abd elMoumen; mais celui-ci, reprenant bientôt loffensive, culbuta lennemi et le mit en déroute, massacrant ou faisant prisonniers tous ceux qui se lais saient atteindre. El-Saharaouy prit la fuite et demanda laman à limam, qui le lui accorda et dont il ne contesta plus la souveraineté. En apprenant ces nouvelles, les habitants de Ceuta, au désespoir, frappèrent dans leurs mains. Ils. écrivirent leur soumission et remirent lacte aux cheïkhs et aux principaux de la ville, en les chargeant de le porter à Abd el-Moumen. Limam leur accorda le pardon, à la condition que tous ces chefs et le kady El-Ayad iraient, résider à Maroc, et que les murs de Ceuta seraient démolis, ce qui fut fait immédiatement. Le mercredi 3 de djoumad el-aouel de cette année, Abd el-Moumen enleva à lassaut là ville de Mekenès, assiégée depuis sept ans ; il massacra la plus grande partie de la garnison, et il prit le cinquième de tous les biens des habitants. Cette ville na plus été depuis lors jusquà ce jour quune place de commerce. Durant cette même année, les Almohades conquirent Cordoue, qui leur fut. livrée par. son gouverneur Yhya ben Aly ben Aycha, qui se rendit à Gre nade pour engager le gouverneur à chasser les Lemtouna, et à livrer la place aux Almohades comme il avait fait lui-même de Cordoue et de Carmona. Yhya mourut à Grenade le vendredi 14 de châaban, an 543, et il fut enterré à la kasbah, à côté du tombeau de Bâdys ben Djebous ; cest enfin en 543
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quAbd el-Mounten sempara de la ville de Djyan(1), où le khotbah fut fait en sont nom. En 544, les Almohades semparèrent de la ville de Miliana, et il surgit un homme de Temsna, appelé Aby Terkyd, qui fut proclamé par les Ber ghouata et un grand nombre de Berbères avec, lesquels il fit la guerre aux Almohades, jusquau jour où il fut tué. Sa tête fut envoyée à Maroc, et un nombre considérable de Berbères périrent avec lui. En 545 (1150 J. C.), lémir des Musulmans vint à Salé, et fit faire les travaux nécessaires pour y conduire les eaux de la source de Ghaboula par Rabat el-Fath. Il donna ordre aux gouverneurs de lAndalousie de lui envoyer des députations. En conséquence, cinq cents cavaliers, kadys, doc teurs, prédicateurs, cheikhs et kaïds arrivèrent à Salé, où ils furent reçus à la distance denviron deux milles de la villa par le ministre Abou Hafs et le secrétaire, le fekhy Abou Djafar ben Athya, accompagnés des cheikhs Almohades. Les visiteurs reçurent une hospitalité aussi généreuse quagréa ble, et trois jours après ils furent présentés à lémir Abd el-Moumen ben Aly, quils acclamèrent ; cétait, le 1er de moharem an 546. Ils furent introduits par le fekhy Abou Djafar, qui présenta dabord les envoyés de Cordoue, au nom desquels le kady Abou el-Kassenn ben el-Hadj prit la parole; il donna à lémir des détails précis sur la situation de Cordoue, et termina en disant : «O émir des Musulmans ! Alphonse (que Dieu le confonde !) a ruiné notre pays.» Après lui vint Abou Beker ben el-Djedy, qui prononça un long dis cours; puis chacun exposa successivement ses plaintes et ses vux ; Abd elMoumen les écouta tous attentivement, satisfit à toutes leurs demandes, et les congédia en leur ordonnant de retourner chez eux. En 546 (1151 J. C:), Abd el-Moumen laissa le commandement. de Maroc à Abou Hafs ben Yhya, et entreprit une campagne dans lest, pour semparer de Bedjeya(2). Il se rendit dabord .à Salé, où il séjourna deux mois; de là il passa à Ceuta, pour faire croire quil allait en Andalousie, et, arrivé dans cette ville, il fit venir des députations de Séville et de Cordoue, et les principaux docteurs et généraux dEspagne, auxquels il donna ses ins tructions, et quil congédia avec quelques présents. Ayant alors réuni toutes ses troupes, il se mit en marche pour El-Kassar Abd el-Kerym(3), et, à son arrivée, il passa en revue tous ses soldats, leur distribua de largent, et leur donna lordre de renouveler leurs provisions. Il se remit en route à travers les champs, et, laissant la ville de Fès à sa droite, il passa la Moulouïa et attei gnit Tlemcen où il sarrêta une journée. De Tlemcen il arriva à Djézaïr(4), où
____________________ 1 Djyan, Jaén. 2 Bougie. 3 Al-Kassar. 4 Alger.
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il entra sans coup férir, et en donnant laman aux habitants. Le gouverneur de cette ville prit la fuite et se rendit à Bedjeya, où il annonça la prochaine arrivéedAbd el-Moumen au kaïd Ben Hamed, qui ne sy attendait nulle ment. Lémir des Musulmans arriva bientôt devant cette place, dont la porte lui fut ouverte par Abou Abd Allah ben Mîmoun, connu sous le nom de Ben Hamdoun. Le gouverneur Ben Hamed prit la fuite par mer et se rendit à Bône, doù il passa à Constantine. Ces événements eurent lieu dans le mois de doul kâada, an 547. En ladite année 546, le cheikh Abou el-Hafs passa en Andalousie, où Abd el-Moumen lavait envoyé à la tête dune armée considérable et accompagné de son fils Abou Saïd, pour faire la guerre aux Chrétiens, et leur enlever Alméria dont ils sétaient emparés. Arrivés sous les murs de cette place, les Almohades entreprirent le siége avec vigueur, et lémir Abou Saïd entoura son camp dune muraille. Les Chrétiens dAlméria demandèrent du secours à Alphonse, qui leur envoya El-Isselthyn et Ben Merdnîch avec de nombreuses troupes; mais toutes leurs tentatives et tous leurs efforts ayant été inutiles, ils prirent le parti de se retirer, ils ne revinrent plus. Abou Saïd sempara alors, sans coup férir, dAlméria, dont les habitants demandèrent et obtinrent laman par lintermédiaire du ministre le secrétaire Abou Djafar ben Athya. En 547 (1152 J. C.), pendant quAbd el-Moumen prenait possession de Bedjeya, les Almohades enlevaient Constantine à Ben Hamdoun en don nant laman aux habitants qui proclamèrent Abd el-Moumen. Ben Hamdoun seul fut envoyé à Maroc, où lémir lui fit donner des biens et une jolie rési dence. Abd el-Moumen resta deux mois à Bougie pour asseoir son gouver nement en ville et dans les environs, quil plaça sous le commandement des Almohades, et il revint à Maroc. En 548 (1153 J. C.), lémir fit arrêter Yslîten, parent dEl-Mehdy, quon lui amena enchaîné de Ceuta, et quil fit tuer et crucifier à la porte de Maroc. Après cette exécution, il se rendit à Tynmâl pour visiter 1e tombeau dEl-Medhy. Il distribua de fortes sommes aux habitants, et fit agrandir et embellir la mosquée et, la ville. Il vint alors à Salé, où il finit lannée. En 549 (1154 J. C.), il désigna son fils Mohammed pour lui succéder après sa mort, disposition dont il fit part par écrit à tous les cheïkhs et les chefs de son empire. Puis il distribua comme il suit les principaux comman dements à ses fils : il donna Tlemcen et dépendances au Sid Abou Hafs, en lui ,adjoignant Abou Mohammed Abd el-Hakk et le fekhy Abou el-Hassem Abd el-Malek ben Ayach, qui fut plus tard le secrétaire des deux khalifes ; au Sid Abou Saïd le gouvernement de Ceuta et de Tanger, avec Ben Hassen pour lieutenant; au Sid Abou Yacoub Youssef le gouvernement de Séville et dépendances, et au cheïkh Abou Zyd ben Moudjyb celui de Cordoue et
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dépendances. Cest après avoir pris ces dispositions que lémir Abd el-Mou men apprit quà la nouvelle de la mort de Yslîten, quil avait fait tuer, Abd elAzyz et Aïssa, frères dEl-Medhy, étaient sortis de Fès pour marcher contre lui à Maroc, par le chemin dEl-Mâden (de la mine). Quittant aussitôt la ville de Salé, il sen alla, à marché forcée, vers Maroc, en se faisant devancer par son ministre Abou Djafar ben Athya ; mais quand il se présenta, Abd el-Azyz et Aïssa, arrivés avant lui, avaient déjà tué le kaïd de la ville, Abou Hafs ben Yfryn. Aussi il ne voulut rien entendre et il les fit mourir sur la croix. Cette année-là se termina par la prise elle Lybla(1) par les Almoha des, après un long siège, quAbd el-Moumen avait confié à son kaïd Abou Zakerya ben Youmar. Ce général, après avoir emporté la place à lassaut, fit sortir les habitants de la ville, et, les ayant alignés en rangs, il les fit tous massacrer, sans en exempter les docteurs, au nombre desquels se trouvaient le fekhy ben Bathal, versé dans le Hadits, et le fekhy vertueux et pieux Abou Amer ben el-Djyd, qui fuit très-regretté. Le nombre des victimes de Lybla séleva à huit mille hommes de la ville et à quatre mille hommes des envi rons. Leurs lemmes, leurs enfants et leurs biens furent vendus ; mais tout cela fut fait sans ordres de lémir, qui adressa les plus vifs reproches au kaïd Abou Zakerya, et lui signifia quil ne pouvait admettre ni excuser une pareille, conduite. Puis il envoya de Maroc des gardes pour larrêter, et on le lui amena enchaîné, le jour même de laïd el kebyr ; il le fit jeter en prison, où il resta longtemps ; mais rien de ce quil avait pris ne fut rendu aux habi tants de Lybla. En 550 (1156 J. C.), lémir Abd el-Moumen ordonne de restaurer et de bâtir les mosquées dans tout son empire, et prescrivit à tous les gouver neurs et aux tolbas de lAndalousie. et du Maghreb de punir le crime et, le faux témoignage, et de ne point sécarter des principes du Hadits. En 551 (1156 J. C.), les Almohades semparèrent de Grenade où les khotbah furent faits au nom dAbd el-Moumen ben Aly, auquel les habitants envoyèrent leur acte de soumission. Lémir leur expédia un gouverneur ; mais bientôt, violant leurs engagements, ils mirent à mort ce gouverneur à la place duquel sélevèrent Ben Merdnîch, ben Houmouchk et Akrâ le chré tien. En 552 (1157 J. C.), lémir des Musulmans donna ordre dattaquer Grenade, et il confia lexpédition à ses fils Youssef et Othman, qui partirent avec un nombre considérable de soldats, assiégèrent la place et y entrèrent à lassaut. Akrâ le chrétien et toute la garnison furent massacrés ; mais Ibrahim ben Hoummouchk et ben Merdnîch prirent la fuite. Ceci est écrit daprès le récit de Ben Metrouh. Ben Sabah el-Salat, de son côté, rapporte que la conquête de Grenade et la mort de Akrâ le chrétien eurent lieu en 557 ;
____________________ 1 Niebla.
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mais Dieu seul qui est vrai connaît la vérité. En cette même année, lémir fit jeter en prison son ministre Abou Djafar ben Athya, et après ly avoir laissé quelque temps, il le fit mettre à mort au mois de chouel, et le remplaça dans ses fonctions par Abd el-Selam ben Mohammed el-koumy. Abd elMoumen avait, épousé la mère de cet Abd el-Selam, et en avait eu une fille qui avait été maniée à Abou Hafs avec lequel elle divorça, Après lexécution de Abou Djafar, lémir choisit, pour secrétaire Abd el-Malek ben Ayach, de Cordoue. En 553 (1158 J. C.), eut lieu lexpédition de la Mehdia; Abd el-Mou men enleva cette place aux Chrétiens et soumit toute lIfrîkya La Mehdïa, avant dappartenir aux Chrétiens, était gouvernée par Hassen ben Aly ben Yhya ben Temym ben el-Mouaz ben Badys, qui en avait hérité de son père et de ses dieux ; elle lui fut prise par les ennemis chrétiens venus de Skylia (Sicile). Ces Chrétiens entrèrent à lassaut à la Mehdïa après en avoir fait le siège, vers lan 540, et ledit Hassen ben Aly prit la fuite et atteignit Alger, où il se réfugia. Lorsque Abd el-Moumen arriva à Alger avec son armée almohade, il y trouva Haseon ben Aly, qui vint au-devant de lui pour faire sa soumission. Abd el-Moumen laccueillit et le ramena à Maroc, où il le garda auprès de lui jusquen 553, à lépoque où il fit son expédition dans lest et conquit la Mehdïa, quil attaqua par terre et par mer, et quil ne cessa de battre quen 555, lorsquil leut enlevée aux Chrétiens. Telle est la version dEl-Bernoussy. Ben Djenoun raconte quAbd el-Moumen se mit en campagne, contre la Mehdïa, et sortit de Maroc dans la première période (décade) du mois de chouel de lan 553 ; il laissa le commandement de cette capitale à Abou Hafs ben Yhya, assisté de son fils le Sid Abou el-Hassen ; il nomma également Abou Yacoub Youssef ben Soliman gouverneur de Fès et dépendances ; Sid Abou Yacoub, son fils, gouverneur de Séville, Cordoue et dépendances et de toutes ses possessions de louest en Andalousie; et. enfin son autre fils, Abou Saïd, gouverneur de Grenade et dépendances. Il partit à la tête dune armée innombrable, composée dAlmohades, de kabyles Zenèta, dAghzâz et darbalétriers, et il se dirigea vers lorient. Dieu laccompagna dans sa marche ; il traversa les terres du Zab et, de lIfrîkya, conquérant le pays et les villes, donnant laman ceux qui le demandaient et tuant les récalcitrants. Il arriva ainsi jusquà Tunis, dont il fit le siège pendant trois jours. Puis, lassant larmée almohade pour continuer ce siège, il se rendit au Kairouan dont il sempara; de là il conquit Sousa et Sfax, et il arriva à la Mehdïa, où il tomba sur les Chrétiens par terre et par mer, les battant sans relâche nuit et jour avec ses machines de guerre, et leur présentant, chaque matin de nouveaux soldats, jusquau moment où il entra dans la place et les massacra en nombre considérable.
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En 554 (1159 J. C.), dans le mois de djoumad el-aouel, Tunis fut pris et les khotbah y furent faits au nom de lémir Abd el-Moumen ben Aly, au moment où il semparait lui-même de la Mehdïa, dont le siége avait duré sept mois. Cest pendant cette année-là quAbd el-Moumen soumit toute lIfrîkya sans exception, depuis Barka jusquà Tlemcen; il divisa ses nouvel les conquêtes en provinces, à chacune desquelles il donna un de ses kaïds et un de ses kadys ; il régularisa son gouvernement par une bonne organisation, et il fit restaurer les villes et les ports. Ensuite il ordonna darpenter ses pos sessions dIfrîkya et du Maghreb. Lon mesura depuis Barka jusquau Bled Noul (Noun) dans le Sous el-Aksa, en fersagh (parasanges) et en milles, en long et en large, moins une superficie dun tiers environ, occupée par les montagnes, les précipices, les fleuves, les marais, les forêts et le désert. Les pays arpentés furent divisés en fractions pour les contributions à payer en blé et en argent, et cest la première, fois que cela fut fait au Maghreb. Selon quelques historiens, Abd el-Moumen serait entré dans la Mehdia le jour de lAchoura, an 555. Cest durant cette année-là que lémir des Musulmans ordonna de bâtir une ville sur le Djebel el-Fath(1) et de lentourer de murs, ce qui fut fait. Les premiers fondements furent jetés le 9 de raby el-aouel, et les travaux furent terminés dans le courant du mois de dou1 käada. Dans cette même année, Abd el-Moumen quitta lIfrîkya pour rentrer au Maghreb et se rendre à Tanger, doù il avait lintention de passer en Andalousie ; mais, arrivé à la Karya dOran, les Arabes de lIfrîkya lui ayant demandé de les laisser retourner à leurs affaires et dans leurs familles, il accéda à leurs désirs, et il ne retint auprès de lui, pour les conduire au Maghreb, que mille hommes de chaque tribu avec leurs femmes et leurs enfants, tous Arabes Hacheras. Cest dans ce voyage de retour quAbd el-Moumen bâtit la ville dEl-Betheha(2), et en voici la cause : Les Almohades, voyant que leur séjour dans le Levant se prolongeait indéfiniment, furent pris du désir de revoir leur pays et leurs familles, et formèrent un complot pour assassiner Abd el-Moumen pendant son sommeil. Un cheïkh, ayant eu connaissance de leur conspiration, accou rut auprès de lémir pour le prévenir du danger, et il ajouta : «Permets-moi, ô émir, de prendre ta place cette nuit ; sils font ce quils ont comploté, jaurai ainsi sacrifié ma vie pour le bien des Musulmans et je trouverai ma récom pense chez Dieu, qui me rémunérera également pour mes bonnes intentions, si jéchappe à la mort.» En effet, le cheïkh se coucha dans le lit de lémir et il fut étranglé. Le lendemain matin, Abd el-Moumen, après sêtre éveillé et avoir fait sa prière, se souvint du cheïkh et se rendit dans sa tente, où il ne
____________________ 1 Gibraltar. 2 El-Betheha, ville sur la rive droite de lOued Mina, à 20 kilomètres du Chélif.
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trouva plus quun cadavre. Il le prit et le chargea lui-même sur le dos dune chamelle, qui se mit en route sans être conduite, allant tantôt à droite tantôt à gauche, jusquà un endroit où elle sarrêta et sagenouilla delle-même. Alors Abd, el-Moumen fit descendre le cadavre pour lenterrer, et la cha melle resta agenouillée tout le temps quon creusa la fosse. On bâtit une koubbâ sur la tombe du cheïkh, et on y adjoignit une mosquée ; puis enfin, sur lordre de lémir, on y construisit une ville alentour, dans laquelle il laissa dix personnes de chaque tribu du Maghreb. La mémoire de ce cheïkh devint célèbre dans toute cette partie du pays, et aujourdhui encore ou se rend en pèlerinage à son tombeau. En rentrant à Tlemcen, lémir fit arrêter son ministre Aly Abd el-Selam ben Mohammed el-Koumy, et le mit en prison, puis il sen débarrassa en lui faisant boire un vase de lait empoi sonné, qui le tua dans la nuit. Quittant ensuite Tlemcen pour rentrer au Maghreb, il arriva à Tanger dans le mois de doul hidjâ, an 555. Lannée suivante, 556 (1161 J. C.), Abd el-Moumen partit de Tanger et passa en Andalousie. Il débarqua au Djebel el-Fath, où il resta deux mois pour examiner la situation de lEspagne. Les cheïkhs et les kaïds de lAnda lousie étant venus lui rendre visite, il leur ordonna de porter la guerre dans louest de la péninsule. Le cheïkh Abou Mohammed Abd Allah ben Aby Hafs partit de Cordoue avec une forte armée almohade, et vint semparer de la forteresse de Athernakech, aux environs de Bathaliouch(1), où il mas sacra tous les Chrétiens qui sy trouvaient. Alphonse accourut en toute hâte de Thlytela(2) pour porter secours à cette, garnison, mais, lorsquil arriva, la perte des Chrétiens était consommée. Alors il attaqua les Almohades ; il fut défait par Dieu très-haut, et six mille de ses soldats périrent. Les Musulmans rapportèrent leur butin et les prisonniers à Cordoue et à Séville. Durant cette même année, les Almohades semparèrent de Bathaliouch, Tadja et Bayra(3), et ils enlevèrent la forteresse dEl-Kaysar(4). Le commandement de ces nou velles conquêtes fut confié à Mohammed ben Aly ben el-Hadj, et lémir revint à Maroc. En 557 (1162 J. C.), lémir donna ordre de fortifier toutes ses côtes, et de se préparer à faire la guerre aux Chrétiens par terre et par mer; il fit mettre quatre cents navires sur les chantiers ; savoir : cent vingt au port de la Mamoura ; cent à Tanger, Ceuta, Badis et autres ports du Rif ; cent en Ifrîkya, à Oran et au port Hnin ; et quatre-vingts en Andalousie. En même temps il faisait réunir en masse des chevaux, des armures et des équi pements, et il ordonna à tous ses sujets de fabriquer des flèches ; on lui en
____________________ 1 Badajoz. 2 Tolède. 3 Badja et Evora. 4 Castro-Marino.
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fournissait dix quintaux par jour; il eût été impossible de les compter. Cest pendant quil faisait trous ces préparatifs, que lui arriva de la tribu de Koumya une superbe armée de quarante mille cavaliers ; voici pourquoi : Lors de la conspiration des Almohades, qui coûta la vie au cheïkh, lémir Abd el-Moumen nayant pu conserver aucun doute sur les dangers quil courait, pensa que ces dangers venaient surtout de ce quil était étranger, et navait autour de lui aucun confident ni garde de sa propre tribu ; alors il écrivit secrètement aux cheikhs des Koumy, en les invitant à venir à lui à cheval, avec tous les hommes de la tribu qui auraient atteint lâge de puberté. En même temps, il leur envoya de largent et des vêtements. Les koumy se réunirent donc au nombre de quarante mille pour venir à Maroc servir de garde particulière à lémir. Tout le Maghreb sémut à lapparition de cette armée, et, dès son arrivée à Oumm el-Rebya, les Almohades, saisis de crainte, allèrent en hâte prévenir Abd el-Moumen qui, faisant semblant de tout ignorer, donna ordre au cheïkh Abou Hafs de se porter au-devant de ces étrangers avec, les principaux cheïkhs Almohades et leurs hommes, pour leur demander ce quils apportaient de nouveau. Les Almohades se mirent aussitôt en marche, et, arrivés à Oumm el-Rebya, ils dirent aux koumy : «Que le salut, soit avec vous ! Êtes-vous amis ou ennemis ?» Ceux-ci rendi rent le salut et répondirent : «Nous sommes de la tribu de lémir des Musul mans Abd el-Moumen ben Aly le Koumy, le Zenèta, et nous venons pour lui rendre visite.» A cette réponse, Abou Hafs et ses compagnons retournèrent pour, informer lémir, qui donna ordre à tous les Almohades daller à leur rencontre. Les Koumy arrivèrent ainsi à Maroc, et leur entrée fut un jour de fête. Abd el-Moumen les mit au deuxième rang, entre les gens de Tynmâl et ceux de sa suite, puis il les rapprocha de sa personne, et il finit par sen faire tout à fait entourer quand il sortait. En lan 558 (1163 J. C.), lémir des Musulmans sortit de Maroc pour aller faire la guerre sainte en Andalousie, le jeudi 5 de raby el aouel ; arrivé à Rabat el-Fath, il fit un appel général aux armes au Maghreb, en Ifrîkya et dans le Sous, conviant tous les Kabyles à la guerre sainte. Un peuple entier répondit à cet appel, et plus de trois cent mille cavaliers Almohades, Arabes et Zenèta, vinrent se joindre à ses troupes qui ne comptaient pas moins de quatre-vingt mille cavaliers et cent, mille fantassins. A peine si le terrain était suffisant pour le camp, qui sétendait aux environs de Salé, depuis lAïn Ghaboula jusquà lAïn el-Khamîs, et se déployait jusquau cap de la Mamoura. Mais au moment où lémir achevait dassembler et dorganiser cette immense armée, il tomba malade et une se releva plus. Sa maladie fut longue et douloureuse, et, lorsquil sentit que la mort approchait, il annula les dispositions quil avait prises en faveur de son fils Mohammed, qui ne lui
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paraissait pas capable de gouverner un si grand empire. Il écrivit cet acte le vendredi 2 de Djoumad el-tâny, et expédia des courriers dans toutes les directions pour en faire part à ses sujets ; son mal saccrut alors de plus en plus, et il succomba dans la nuit du vendredi 8 de djoumad el-tâny de ladite année. Selon dautres, il mourut le mardi dans la nuit, à laube, le 12 dudit mois de djoumad el-tâny. Quil soit glorifié celui qui seul ne meurt jamais, qui ne sera jamais enseveli, et dont le règne na point de fin ! Daprès Ben el-Khacheb, Abd el-Moumen vécut soixante-trois ans ; Ben Sahab el-Salat lui en donne ; soixante-quatre dans le Menn el-Imâma. Son corps fut transporté à Tynmâl, où il fut enterré à côté du tombeau de limam El-Mehdy. Son règne avait duré trente-trois ans, cinq mois et vingt trois jours, comme lont rapporté plusieurs historiens de son règne. Abd el-Moumen laissa un grand nombre denfants, dont voici les principaux : Abou Yakoub, qui lui succéda, et son frère utérin Abou Hafs, Mohammed le déshérité, Abd Allah, prince de Bougie, Othman, prince de Grenade, ElHassen, El-Houssein, Soliman, Yhya, Ismaël, Ibrahim, Aly, Yacoub, Abd erRahman, Daoued, Ayssa et Ahmed ; plus, deux filles, Aychâ et Safya. Au nombre de ses fils il faut citer encore le Sid Abou Amran, qui fut préfet de Maroc, et qui se distingua par ses connaissances en littérature et par une grande noblesse de caractère.
PORTRAIT DE LÉMIR DES MUSULMANS ABD EL-MOUMEN BEN ALY ; SA CONDUITE ET SES QUALITÉS. QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Lémir Abd el-Moumen gouverna sagement et sa conduite fut belle ; il neut point dégal chez les Almohades pour les vertus, les sciences, la reli gion et lart de monter à cheval. Son teint était blanc : et ses joues colorées, ses yeux noirs, sa taille haute, ses sourcils longs et fins, son nez aquilin, sa barbe épaisse ; éloquent, savant docteur, versé dans le Hadits du Prophète (que Dieu le comble de bénédictions !) ; il avait lu beaucoup, et il connais sait tous les écrits des savants sur les choses de la religion et du monde ; maître sur la grammaire et lhistoire, ses murs étaient irréprochables, son jugement sûr et solide ; il était généreux guerrier, entreprenant et imposant, fort et victorieux ; avec laide de Dieu il nattaqua jamais un pays sans sen emparer, ni une armée sans la vaincre. Il affectionnait particulièrement les lettrés et les docteurs, et il était, lui-même bon poète. On raconte quétant sorti un matin de bonne heure avec son ministre Abou Djafar ben Athya, pour aller passer la journée dans un de ses jardins de Maroc, il aperçut, en pas sant dans la rue et à travers le grillage dune fenêtre, la figure dune femme belle comme le soleil ses yeux sétant rencontrés avec ceux de cette femme, il prononça ces vers : «La vue de cette grille et de ce visage ma percé
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le cur, car il nest pas possible de voir une pareille houri sans en être séduit.» Mais Abou Djafar lui répliqua en vers également : «Éloignez donc cette passion de votre cur, car elle nest point digne de vous, qui êtes lépée victorieuse des Almohades.» En entendant ces mots, lémir joyeux remercia son ministre Djafar et passa son chemin. Puis il lui témoigna de nouveau sa reconnaissance et lui donna un vêtement dhonneur et des biens considéra bles. Ce fait est rapporté par Ben Djenoun. Abd el-Moumen était doué dun jugement aussi sain que sa puissance était grande. Il était si modeste quà le voir on aurait pu croire quil ne pos sédait absolument rien. Il naimait ni les plaisirs, ni les distractions, et il ne se reposait jamais. Il soumit le Maghreb entier ; il subjugua lEspagne, et il enleva aux Chrétiens la Mehdïa en Afrique, et Alméria, Évora, Baëza et Bada joz en Andalousie. Il eut successivement pour secrétaires et ministres Abou Djafar ben Athya et son frère Athya ben Athya, Abd el--Selam ben Moham med el-Koumy, Abou el--Hassan ben Ayach, Medjmoun et Abd Allah, fils dHabel, et enfin, son propre fils le sid(1) Abou Hafs et Edriss ben Djemâ son coadjuteur. Ses kadys furent Abou Amran Moussa ben Sahar, de Tynmâl, Abou Youssef Hadjedj ben Youssef, et enfin Abou Beker ben Mimoun, doc teur de Cordoue, qui fut celui, dit-on, qui fit ces vers à ladresse dun jeune homme dAgmât, connu sous le nom dAbou el-Kassem ben Tasyt. «Ô Abou el-Kassem ! jaspire à toi comme au Paradis ; mais si je tatteignais, je ne guérirais plus. Lélévation préserve du feu de lenfer, et les larmes de la mer éteignent lincendie ; et si jétais Abraham ou Moïse, je ne craindrais ni le feu ni lincendie !»
RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS YOUSSEF BEN ABD EL-MOUMEN BEN ALY. QUE. DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Lémir des Musulmans Abou Youssef ben Abou Mohammed Abd elMoumen ben Aly el-Zenèty el-Koumy eut pour mère une femme légitime de son père nommée Aychâ et fille du fekhy le kady Abou Amran de Tynmâl. Il naquit le jeudi 3 de radjeb, an 533. Son visage était blanc et ses joues colo rées, taille haute, barbe blonde, très-chevelu, dents écartées, nez recourbé, visage ovale, se servant indifféremment de lune ou lautre main, plein de jugement, de bontés et de vertus, il naimait point faire verser le sang, agréa ble, capable et bon conseiller, il chérissait la guerre sainte. Lorsquil prit les rênes du khalifat, il adopta le gouvernement de son père dont il suivit les traces et la conduite. Il accumula de grandes richesses; il fut le premier des émirs Almohades qui passa la mer pour faire la guerre
____________________ 1 Sid, Cid, plus exactement Séyd (maître, seigneur), titre donné, sous les Almo hades, aux princes descendants dAbd el-Moumen.
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sainte, et il employa une partie de ses biens à augmenter le nombre et le bien être de ses troupes. Il affermit sa domination sur urne vaste étendue des deux Adouas et il embellit son royaume. Son empire sétendait depuis Souïka Beni Matkouk, à 1extrérnité de lIfrîkya, jusquaux dernières villes du Bled Noun dans le Sous el-Aksa ; et, en Espagne, depuis Tolède dans lest, jusquà San tarem dans louest. Tous les peuples compris dans ces limites lui payaient régulièrement les impôts ordinaires, et les finances saccrurent prodigieuse ment sous son règne. Il assura la tranquillité des routes, il restaura les villes et les ports, et il régularisa ladministration de ses sujets dans les villes et dans les campagnes. Tout cela fut le résultat de sa conduite sage et juste, de sa sollicitude pour toutes ses possessions proches ou éloignées; il se faisait informer de partout de façon à ne rien, ignorer, et, souvent il sen allait lui même sur les lieux pour sassurer de ce quon lui rapportait. Lémir Youssef eut dix-huit enfants, savoir : Yacoub, surnommé ElMansour, qui lui succéda, Ishac et Yhya, Ibrahirn et Moussa, Edriss, Abd elAzyz, Abou Beker, Abd Allah, Ahmed, Yhya el-Seghyr, Mohammed, Omar et Abd er-Rahman, Abou Mohamnred Abd el-Ouahed le détrôné, Abd elHakk et lshac, et Talha. Son hadjeb (premier ministre détat) fut son frère, le sid Abou Hafs. Ses ministres furent Abou el-Ola, Edriss ben Djâma et Abou Beker Yacoub. Ses kadys furent le fekhy Abou Youssef Hedjadj ben Youssef, le fekhy Abou Moussa Ayssa ben Amran, et le fekhy Abou el-Abbès ben Madhâ elKortouby (de Cordoue). Ses secrétaires furent : 1° Abou el-Hassen Abd el-Malek ben Ayach el-Kortouby, originaire dEvora, auteur, homme desprit et de jugement, con naissant, le Hadits, les lois et les textes sacrés (que Dieu lui fasse misé ricorde!); 2° Abou el-Fadhl ben Zahar de Badjâ et surnommé Haschara, savant, vertueux et religieux. Il était le plus distingué rédacteur de son temps, et il fut aussi secrétaire de Mansour et de Nasser, fils et petit-fils de lémir. Ses médecins furent le visir, le docteur Abou Beker ben Toufyl de lOued Ayâch (Guadix) , savant distingué dans lart de la médecine et chirur gien remarquable, mort en 581 (que Dieu lui fasse miséricorde !); 2° le visir, le docteur Abou Merouan Abd el-Malek ben Kassem de Cordoue, excellent praticien ; 3° le docteur le célébre Abou el-Oualyd ben Rochd(1) que lémir des Musulmans fit venir à Maroc, en 578, pour faire de la médecine, et quil envoya ensuite kady à Cordoue, où il fut connu sous le nom de Ben Rochd le zélé ; 4° le visir Abou Beker ben Zohr(2), qui venait de temps en temps à la cour et sen retournait en Andalousie, jusquen 578, où il se fixa à Maroc avec
____________________ 1 Averroës. 2 Abenzoar.
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toute sa famille. Il demeura dans cette capitale jusquà la guerre de San tarem, à laquelle il prit part, et il sattacha alors à El-Mansour. Cétait un savant en médecine, en littérature, excellent conseiller et versé dans le Hadits et les commentaires. A son sujet, Abenou el-Djedân a dit quil savait le livre de Sidi el-Boukhary par cur dun bout à lautre ; quil était géné reux. et poète renommé. Il mourut (que Dieu lui fasse miséricorde !) à Maroc, le 21 doul hidjâ an 595, âgé de quatre-vingt-quatorze ans. Les fekhys qui formaient la suite de lémir et qui passaient la soirée avec lui étaient : Abou Abd Allah ben Thafer et Abou Beker ben el-Djiddy. Abou Abd Allah ben Thafer était kady à Séville, lorsque lémir lenvoya chercher pour le garder auprès de lui, et, plus tard, il lui confia la garde et la direction du trésor.
PROCLAMATION ET VIE DE LÉMIR YOUSSEF. QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Youssef fut proclamé émir après la mort de son père, le mercredi 11 djoumad el-tâny, an 558, et il mourut durant lexpédition de Santarem en Andalousie, le samedi 18 de raby el-tâny, an 580. Il vécut quarante-sept ans, et son règne dura vingt et un ans, un mois et quelques jours. Daprès les notes dun de ses fils, il aurait été proclamé de mardi 10 de djoumad el-tâny, le lendemain même de la mort de son père. Cependant, selon les historiens, et Ben el-Khâcheb, entre autres, on tint secrète la mort dAbd el-Moumen à cause de labsence de sort fils et successeur Youssef, qui se trouvait en Andalousie, et on ne publia lévénement que lorsque celui-ci fut-revenu de Séville. Le kady Abou Hadjedj Youssef Omar, historien de son règne, rap porte que Youssef fut dabord proclamé par quelques personnes, et que ce ne fut que deux ans après la mort de son père, le vendredi 8 de djoumad el-tâny, an 560, quil fut reconnu par tout le monde, à lexception de ses frères, le sid Abou Mohammed, émir de Bougie, et; le sid Abou Abd Allah, émir de Cordoue, qui refusèrent de lui faire soumission. Youssef parut ne pas faire attention à eux et se contenta d»abord du titre démir ; il ne prit celui démir des Musulmans que lorsque ses ordres furent reconnus partout. Ben Metrouh raconte de soir côté que, lorsque Abd el-Moumen mourut, son fils Youssef était à Séville, et que sa mort fut tenue secrète jusquà larrivée dudit Youssef à Salé, où il vint en toute hâte, et que cest là quil fut pro clamé par tout le monde, à lexception dun petit nombre de personnes dont il ne tint pas compte. La première chose quil fit en prenant le gouvernement fut de licencier la grande armée qui était prête pour, aller faire la guerre sainte, et de renvoyer chacun dans sa tribu et dans ses foyers. Il donna des ordres pour que toutes les portes des prisons fussent ouvertes, il fit dabon dantes aumônes et il prit le titre démir ; puis il alla à Maroc, où il convoqua
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ses sujets à venir faire leur soumission ; ils arrivèrent de toutes parts de lIfrîkya, du Maghreb et de ]Andalousie, excepté de Cordoue et de Bougie, qui étaient gouvernées par ses frères. Bientôt la nouvelle de son avènement fut, connue du mode entier. Il envoya ses kaïds dans les deux Adouas, et distriibua de largent aux Almohades et à toutes ses troupes. En 559 (1163 J. C.), ses frères, le sid Abou Mohammed, émir de Bougie, et le sid Abou Abd Allah, émir de Cordoue, vinrent, à lui soumis et repentants Pour le reconnaître accompagnés des cheikhs et des docteurs de leur pays. Lémir des Musulmans Youssef les accueillit avec bonté et leur fit des présents. En cette même année, Ben Derâ el-Ghoumary, natif de Senhadja Miftâh, sinsurgea et fit battre monnaie, sur laquelle il fit graver ces mots: De Derâ létranger, que Dieu lui accorde promptement la victoire ! Il fut proclamé, en effet, par un grand nombre de tribus de Ghoumara, de Send haja et de Ouaraba, et il bouleversa tourte cette partie du pays, il entra dans la ville de Tarda, dont il massacra la plupart des habitants et fit les autres prisonniers. Lémir des Musulmans envoya contre lui une armée Almohade, qui le tint en déroute et rapporta sa tête à Maroc. En 560 (1164 J. C.) eut lieu laffaire de Djelâb, en Andalousie, entre le sid Abou Saïd ben Abd el-Moumen et Ben Merdinych, à la tête dune armée chrétienne de treize mille hommes. Ben Merdnych fut défait; tous ses soldats périrent, et le sid Abou Saïd fit part de sa victoire à son frère Youssef. En 561 (1165 J. C.), lémir des Musulmans donna ordre à son frère, le sid Abou Zakeria, gouverneur de Bougie, dinspecter toute lIfrîkya, en lui recommandant dagir avec justice et rigueur. En cette même année eut lieu la révolte de Youssef ben Mounkafad, qui surgit dans le Djebel Tyzyran, du pays de Ghoumara. En 562, lémir entreprit une expédition à Ghoumara ; il défit Youssef ben Mounkafad et ses partisans et il envoya la tête du rebelle à Maroc; il fut alors proclamé par tout le pays de Ghoumara. En 563, la soumission étant générale dans tous les pays, Youssef prit le titre démir des Musulmans dans le mois de djoumad el-tâny. En 564, des députations arrivèrent vers lui, de tourtes parts, des pays dIfrîkya, du Maghreb et de lAndalousie. Kadys, prédicateurs, docteurs, poètes, cheïlkhs et kaïds se présentèrent à lémir pour le saluer et lentretenir des affaires de leurs pays ; ils furent reçus à Maroc, où chacun apporta quel ques présents, suivant ses moyens, à lémir, qui satisfit toutes leurs deman des et leur donna des lettres de recommandation pour leurs gouverneurs respectifs. Ils sen retournèrent très-contents. En 565, lémir des Musulmans envoya son frère, le sid Abou Hafs, en
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Andalousie, pour faire la guerre sainte. Celui-ci sembarqua à Kessar elDjouez et débarqua à Tarifa avec une armée de vingt mille Almohades et autres, à la tête de laquelle il marcha sur Tolède. En 566 (1170 J. C.), lémir donna ordre de construire un pont sur le Tensyft, et les travaux commencèrent le dimanche 3 de safar; ensuite il passa en Andalousie pour en visiter les frontières et mettre ordre aux affaires; il arriva à Séville, où il demeura toute lannée, et où il reçut les députations des kaïds, des cheikhs et des kadys andalous, qui vinrent le complimenter et lui donner les détails de la situation. Quand lannée fut finie, il se mit en route et se dirigea vers Tolède, dont il saccagea les environs; il sempara dun grand nombre de châteaux dépendant de cette ville, fit périr une multitude de Chrétiens, enleva un butin considérable, et il rentra victorieux à Séville. En 567, lémir des Musulmans, Youssef, commença à bâtir la mosquée ElMoharrem (la sacrée) à Séville, dans laquelle le premier khotbah fut pro noncé par le fekhy Abou el-Kassem Abd er-Rahman ben Khafyr el-Benyny, en doul hidjâ, soit onze mois après, tant les travaux furent rapidement ter minés. Dans cette même année, if fit construire un pont de bateaux sur le fleuve de Séville; les deux kasbah, intérieure et extérieure, de cette ville, les fossés qui entourent les remparts, la muraille de la porte de Djouhar, les quais, en pierre des deux côtés du fleuve et enfin laqueduc qui amenait en ville leau de la colline de Djaber. Il dépensa pour tous ces travaux. des sommes immenses, et il revint à Maroc dans le mois de châaban le sacré de lannée 571, après, être resté quatre ans dix mois et quelques jours en Andalousie. En 567, Mohammed ben Saïd ben. Merdnych, maître de lorient de lEspagne, étant mort, lémir Youssef profita du moment pour se mettre en campagne ; il conquit entièrement toute cette partie du pays, et il retourna à Séville. En 568 (1172 J. C.), lémir des Musulmans Youssef envoya son fils, le sid Abou Beker, courir sur les terres des Chrétiens. Ce prince savança jusque sous les murs de Tolède 4n battant et détruisant tout, et il fit des pri sonniers et un riche butin. Le général chrétien Sancho, connu sous le nom de Bou Berdha (lhomme à la selle, parce quil était monté sur une selle en soie brodée dor et ornée de pierreries et de perles), fit une sortie et se présenta à larmée dAbou Beker, qui lui livra bataille. Sançho Bou Berdha fut tué et son armée fut taillée en pièces. Pas un de ces Chrétiens néchappa à la mort, et ils étaient au nombre de trente-six mille : En 569, lémir Youssef fit lexpédition de Karkouna (1) dans lest de lAndalousie ; il ravagea toute cette partie du pays, tuant les Chrétiens ou les faisant prisonniers, incendiant les village, dévastant les campagnes et abattant
____________________ 1 Tarragone.
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les arbres, et il revint à Séville. En 570, lémir des Musulmans épousa la fille de Mohammed ben Saïd ben Merdnych, et les noces furent dune splendeur quon ne saurait décrire. En 571 (1175 J. C.) , lémir passa dans lAdoua et rentra à Maroc au mois de châaban; il y resta jusquà la fin de lannée 574. Alors, ayant appris que Ben Zyry sétait révolté à Kafsa, ville de lIfrîkya, il se mit en campa gne, et il arriva en 575 dans lIfrîkya, où il se porta aussitôt sous les murs de Kafsa(1); il assiégea et battit cette place sans relâche, jusquau montent où il lenleva à Ben Zyry, quil fit mettre à mort; cela eut lieu en 576, et lémir retourna à Maroc, où il entra en 577 et où, quelque temps après, il reçut Abou Serhân Messaoud ben Sultan el-Ryahy, qui se mit à son service avec un fort détachement des principaux Ryâh. En 578 , lémir des Musulmans sortit de Maroc pour faire construire le château dlskander, qui fut bâti sur lendroit où les mines paraissent. Lan née suivante (579), lémir Youssef se mit en campagne pour faire la seconde guerre sainte ; il sortit de Maroc le samedi 25 de chouel par la porte de Dou kela pour se diriger dabord vers lIfrikya. A son arrivée à Salé, il reçut la visite de Abd Allah ben Mohammed ben Abou Ishac, de lIfrîkya, qui lui assura que tout le pays était soumis; et tranquille. Alors il se mit en marche pour lAndalousie ; il sortit de Salé dans la matinée du jeudi, dernier jour du mois de doul kâada, et il campa sous les murs de cette ville jusquau lendemain vendredi ; il arriva à Mekenès le mercredi 6 de doul hidjâ, et il y passa lAïd el-Kebyr, campé aux environs de la place ; de là il se rendit à Fès, où il finit le mois et commença lannée 580. Il partit de Fès le 4 de moharrem et il se rendit à Ceuta, où. il resta jusquà la fin du mois à diriger lembarquement de ses troupes ; il fit dabord passer les Arabes, puis suc cessivement les Zenèta, les. Mesmouda, les Maghraoua, les Senhadja, les Ouaraba, les Almohades, les Aghzâz et les arbalétriers. Quand ils furent tous passés, il sembarqua lui-même avec sa garde, et il traversa la mer le jeudi 5 de safar ; il débarqua: dans le port de Djebel el-Fath (Gibraltar), et il passa à Algéziras ; de là il marcha vers Séville par la route du Djebel el-Souf (mon tagne de la haine), suivant Kalat Ghaoulan, Arkouch, Cherich et Nebrycha(2). Le vendredi 23 de safar, il campa sur les bords de lOued Bedherkal, où son fils, le sid Abou Ishac, se dirigea aussitôt avec les docteurs et les cheïkhs de Séville pour le complimenter ; mais il leur envoya dire de sarrêter en chemin et de lattendre. En effet, à peine eut-il fait la prière du Douour, il monta à cheval et vint vers eux. Après avoir reçu leurs compliments, il fit monter tout le monde à cheval et il se dirigea, vers louest de lAndalousie
____________________ 1 Kafsa ou Gafsa, dans le Djerid tunisien. 2 Aujourdhui Arcos de la Frontera, Xerès et Lebrixa (Andalousie).
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pour attaquer la ville de Santarem, où il arriva le 7 de raby el-aouel, an 580. Il établit son camp sous les murs de la place et il en commença le siège, livrant combats sur combats et employant toutes ses forces et tous ses .moyens inutilement jusquà la nuit du 22 dudit mois, où il se décida à lever le camp de la partie nord, où il était, pour létablir à louest de la place; ce mouvement ne fut point compris par les Musulmans et les fit murmurer. Lorsquil fut nuit close, et après la dernière prière du soir, lémir fit venir son fils, sid Abou Ishac, gouverneur de Séville, et lui ordonna de se mettre en marche le lendemain matin de bonne heure pour faire diversion et aller attaquer la ville dAchbouna(1) ; il lui recommanda de ne prendre avec lui que larmée andalouse et de faire en sorte darriver le jour même ; mais les troupes, ne saisissant pas le sens des nouveaux ordres, pensèrent quil sagissait de profiter de la nuit pour se retirer à Séville, et lesprit de Satan, pénétrant dans les rangs des Musulmans, ils crurent que lémir des Musul mans voulait profiter de la nuit pour prendre la fuite. Les soldats commen cèrent à sentretenir de ce sujet, et une grande partie dentre eux décampa à la faveur des ténèbres. Au point du jour, le sid Abou Ishac leva le camp et se mit en route avec ses soldats ; mais les autres troupes suivirent son exemple, et lémir des Musulmans fut ainsi abandonné sans sen douter. A son réveil, il fit sa prière, et quand il fit jour il saperçut que, de toute son armée, il ne restait plus quun très-petit nombre de tentes qui entouraient la sienne et qui étaient celles des gens de sa suite et, des kaïds andalous qui lui servaient déclaireurs. Au lever du soleil, les Chrétiens assiégés, étant montés sur les murs de leur ville, virent avec joie que larmée des Musulmans sétait éloi gnée et quil ne restait plus au camp que les tentes de lémir et celles de son entourage. Après sêtre, bien assurés de la situation, ils ouvrirent leurs portes et firent une sortie générale. Tous, tant quils étaient de combattants, fondirent sur la petite troupe de lémir ; ils attaquèrent dabord les tentes des nègres, et, après les avoir culbutés, ils pénétrèrent dans celle de lémir des Musulmans, qui se défendit courageusement ; il tua six ennemis de sa propre main, et alors seulement il fut blessé; il abattit encore trois de ceux qui lavaient blessé, et il combattit tant quil put tenir sur ses jambes. En le voyant tomber, ses soldats, ses nègres, ses Almohades et les kaïds andalous jetèrent de grands cris, et une partie de ceux qui avaient fui revinrent sur leurs pas pour combattre autour de la tente de leur émir. Il y eut pendant une heure un horrible massacre, et les ennemis de Dieu furent enfin défaits; le Seigneur redoubla les forces des Musulmans, et leurs épées furent victorieu ses. Ils poursuivirent les Chrétiens jusquaux portes de la ville, où ils furent forcés de senfermer, après avoir perdu environ dix mille hommes. La perte
____________________ 1 Lisbonne.
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des Musulmans fut aussi considérable. Lémir des Musulmans remonta à cheval, mais sa destinée devait bientôt saccomplir. Mortellement blessé, il se mit en chemin avec la petite troupe qui lui restait, tandis que ceux qui avaient ,abandonné le camp le matin erraient partout sans savoir où aller jusquà ce quenfin le tambour de lémir les ralliât sur la route de Séville. Les blessures de lémir allèrent toujours en empirant, et, selon Ben Metrouh, il mourut en chemin le 12 de raby el-tany de lan 580, près dAlgéziras, où il se rendait pour passer dans lAdoua. Son corps fut transporté à Tynmâl, où il fut enterré à côté du tombeau de son père. Selon dautres récits, lémir Yous sef ne mourut quà Maroc, doù son corps fut transporté à Tynmâl. Depuis le jour où il reçut ses blessures, il avait abandonné la direction de toutes les affaires à son fils, le khalife El-Mansour, qui ne le quitta pas jusquà sa mort. Son règne avait duré vingt-deux ans un mois et six jours, et son fils, tenant dabord sa mort secrète, ne la divulgua quà son arrivée à Salé. Dieu seul est durable ! Dieu unique, qui dirigeait avant lui toutes choses, qui les dirigea après et les dirigera toujours !
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS YACOUB BEN YOUSSEF BEN ABID EL-MOUMEN. QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Lémir des Musulmans, serviteur de Dieu, Yacoub ben Youssef ben Abd el-Moumen, surnommé El-Mansour bi Fadhl Allah (le victorieux par la grâce de Dieu), était fils dune négresse qui avait été donnée à son père, et il naquit dans la maison de son grand-père, Abd el-Moumen, à Maroc, lan 555. Il fut aussi surnommé Abou Youssef, et il portait sur son anneau : Ala Allâhi Toukelt (à Dieu je me suis confié). Voici son portrait : Teint brun, taille moyenne, yeux noirs, épaules larges, nez aquilin, cou long, dents écartées, visage ovale, barbe rare, cils et sourcils épais et longs, se joignant ensemble; il était charitable, énergique, instruit sur le Hadits, sur les sciences et la littérature, sur les choses de la religion et du monde, il aimait les ulémas, il les secourait, et ne faisait rien sans leur demander conseil ; il faisait beaucoup daumônes, et chérissait la guerre sainte ; il assistait aux funérailles des fekhys et des saints, et visitait souvent leurs tombeaux pour sacquérir leurs bénédictions. Il eut quatorze enfants mâles, dont trois devinrent khalifes après lui ; ce sont : Abou Abd Allah el-Nasser, Abou Mohammed Abd Allah el-Adel et Abou el-Olâ Edriss elMamoun. Les ministres, secrétaires et médecins de son père furent les siens; ses kadys furent Abou el-Abbas ben Medhâ, de Cordoue, et Abou Amran Moussa, fils du kady Ayssa ben Amran. Son règne commença le jour de sa proclamation, le dimanche 19 raby el-tâny, an 550 (1184 J. C.) ; mais, ayant tenu secrète la mort de son père, il ne fut réellement reconnu par tout le monde que le samedi 2 de djoumad el-aouel de ladite année. Il mourut à
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Maroc (que Dieu lui fasse miséricorde !) le jeudi 32 de raby el-aouel 595, et, suivant dautres, le vendredi, dans lai nuit, vers le matin. Son corps fat transporté à Thynmâl, où il fut enterré. Il ne vécut que quarante ans, et son règne dura cinq mille deux cent quatre-vingt-douze jours, soit quatorze ans onze mois et quatre jours. Lors de son avènement, après avoir été proclamé et reconnu par le peuple, il commença par tirer 100,000 dinars en or du bit el-mâl, pour les distribuer dans les différentes villes du Maghreb. Il ordonna que toutes les portes des prisons fussent ouvertes, et que partout les injustices des gouver neurs commises sous le règne de son père fussent réparées ; il combla de bienfaits les fekhys, les religieux et les saints, et il augmenta leurs pensions sur les fonds du trésor. Il prescrivit à tous ses kaïds et aux chefs de se ren fermer dans les lois de la justice des kadys. Il régularisa les affaires du pays et de ses sujets ; il restaura les villes et les ports, et y mit des garnisons de cavaliers et de fantassins ; il distribua de fortes sommes aux Almohades et à toutes les troupes. Sensé, intelligent et religieux, cest lui qui le premier des souverains Almohades écrivit de sa main, en tête de ses lettres : Louan ges à Dieu lunique ! On se conforma partout à cet usage(1), en commen çant tous leurs écrits par ces belles paroles de ralliement qui embellirent et ennoblirent son règne. Son époque fut remarquable par la tranquillité, la sûreté, labondance et la prospérité qui régnèrent partout. Durant tout son règne, Dieu chéri couvrit de son aman le Levant, lOccident et lAndalousie. Cétait au point que les femmes; partant seules, voilées, du Bled-Noun, arri vaient jusquà Barka sans être arrêtées ou même interpellées en route par qui, que ce fût. Cest, lui qui fit la célèbre expédition dEl-Alark(2). Il fortifia ses fron tières et embellit les villes; il bâtit des mosquées et des écoles au Maghreb, en Algique et en Andalousie. Il institua des hôpitaux pour les malades et pour les fous, et il établit des rentes pour les fekhys et les tholbas suivant leurs rangs et leurs mérités ; il pourvut à lentretien des hospices pour les lépreux et les aveugles dans tout son empire ; il fit construire des minarets, des ponts et des aqueducs partout où cela était nécessaire, depuis le Sous el-Aksa, jusquà Souïka Beni Matkouk. Ce fut un règne de bonheur pour le peuple de lIslam, qui, sous les drapeaux dEl. Mansour, fut toujours victo rieux et supérieur à ses ennemis. En 582 (1186 J. C.), El-Mansour fit périr ses frères, Abou Yhya et Omar, et son oncle, Abou el-Rebya. A cette même époque, il fit une expé dition contre la ville de Kafsa, de lIfrikya, qui sétait révoltée. Il sortit de Maroc le 3 de chouel, et, arrivé devant la place rebelle, il en fit le siège et
____________________ 1 Cet usage est scrupuleusement observé de nos jours encore. 2 Alarcos.
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sen empara, lan 583. Après avoir soumis Kafsa, il entra en campagne contre les Arabes de lIfrîkya, quil dépouilla complètement et dont il dévasta les terres. Ces Arabes ayant fait leur soumission, il les interna dans le Maghreb, et il rentra lui-même à Marrie dans le roiurant elle radjeb de lan 584. En 585 (1189 J. C.), il commença laqueduc de Maroc, et il se mit en campagne pour aller soumettre la partie occidentale de lAndalousie. Ce fuit sa première guerre sainte. Il sembarqua à Kessar el-Djouez pour Algéziras, le jeudi 3 de raby el-aouel 585, et, aussitôt débarqué, il marcha sur Santa rem, doù il se replia sur la ville dAchbouna (Lisbonne). Il dévasta tous les environs, abattant les arbres, détruisant les troupeaux, tuant, pillant, renver sant les villages, incendiant les moissons. Puis il rentra à lAdoua, emme nant avec lui trois mille femmes et prisonniers. Il arriva à Fès à la fin du mois de radjeb de cette même année, et il y resta quelque temps. Alors, ayant appris que le Mayorky(1) avait paru en Afrique, il sortit en toute hâte de Fès le 8 de châaban, et il se dirigea vers Tunis, où il arriva le 1er doul kaada ; mais, à la nouvelle seule de son approche, le Mayorky sétait enfui dans le Sahara, et il trouva tout le pays tranquille. En 586 (1190 J. C.), les Chrétiens, ayant appris léloignement et les occupations dEl--Mansour en Afrique, semparèrent des villes de Chelbâ, de Bedjâ et Beyrâ(2), dans loccident de 1Andalousie. A peine El-Mansour eut-il connaissance de ces événements quil écrivit aux kaïds de lAndalou sie pour leur adresser de grands reproches et leur ordonner de courir sur les terres de lOuest en attendant sa venue, qui suivrait de près larrivée de ses ordres. En effet, les kaïds de lAndalousie, sétant tous réunis chez Mohammed ben Youssef, gouverneur de Cordoue, se mirent en campagne à la tête dune nombreuse armée dAlmohades, dArabes et dAndalous, et ils se rendirent sous les murs de Chelbâ, quils assiégèrent et battirent jus quà la prise. Mohammed ben Youssef conquit également le château dAby Danès et les villes de Bedjd el, Beyrâ, et il revint à Cordoue ramenant quinze mille têtes de bétail et trois mille prisonniers chrétiens, qui entrèrent en ville enchaînés par bandes de cinquante, et cela au mois de chouel 587 (1191 J. C.). Dans ce même mois, El-Mansour, revenant dIfrîkya, rentrait à Tlem cen, où il resta jusquà la fin de lannée. Le 1er de moharem de 588 (1192 J. C.), appelé lan de la Litière, ElMansour sortit de Tlemcen malade et vint à Fès porté sur une litière. Entré dans cette ville, il ne sy rétablit quau bout de sept mois, et il se rendit à Maroc, où il demeura jusquen 591, époque de son départ pour la guerre sainte et la. célèbre campagne dAlarcos.
____________________ 1 Le Mayorquin Yhya ben Ishac ben Ghânia. 2 Silves, Bedja et Vera.
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RÉCIT DE LEXPÉDITION DEL-ALARK (ALARCOS) ET DE LA DÉFAITE DES CHRÉTIENS.
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Cest la seconde expédition dEl-Mansour en Andalousie. Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : Pendant quEl-Mansour était en Ifrîkya et malade dans lAdoua, les ennemis, profitant de son éloignement, avaient relevé leurs armées et pris beaucoup de pays. Ranimant leur haine contre les Musulmans, ils ravagèrent leurs terres et se mirent en campagne, pillant et renversant tout sans que nul fût capable de les arrêter ou de leur résister. Larmée des Chrétiens arriva ainsi jusque dans les environs dAlgéziras, et le maudit (Alphonse) écrivit une lettre à lémir des Musulmans El-Mansour pour le défier au combat, tant étaient grands son orgueil et la confiance quil avait en lui-même. Cette lettre était ainsi conçue : «Au nom de Dieu clément et miséricordieux ; de la part du roi chrétien à lémir El-Hanefy.» Ensuite : «Si tu es dans lintention de te battre avec nous et quil te soit. difficile darriver jusquà nous avec ton armée, envoie-nous des navires et des radeaux, et nous viendrons nous-même avec nos troupes te livrer bataille sur ton propre terrain. Si tu remportes la victoire, je te ferai des cadeaux (le présent sera venu de lui même dans tes mains), et tu seras le roi de la religion ; et si la fortune est pour moi, je serai le roi des deux religions. Salut.» Lorsque El-Mansour reçut ce message, il en fut humilié, et lamour propre de lIslam se révolta en lui. Il rassembla les Almohades, les Arabes, les Kabyles Zenèta, Mesmouda et toutes les troupes pour leur lire cette lettre, et, après les avoir harangués et excités à la guerre sainte, il leur donna ordre de faire leurs préparatifs de départ. Ayant ensuite appelé son fils Mohammed, son lieutenant, il lui remit la lettre du maudit en le chargeant dy répondre. Mohammed prit la lettre, la lut et écrivit au dos : «Dieu très haut a dit : retourne vers ceux qui tenvoient, nous irons les attaquer avec une armée à laquelle ils ne sauraient résister. Nous les chasserons de leur pays, avilis et humiliés(1).» Puis il montra ces lignes à son père qui fut enchanté dune pareille preuve de sa haute intelligence, et qui expédia aussitôt le courrier. En même temps il ordonna de faire sortir les étendards et la tente rouge, et de prendre toutes les dispositions nécessaires afin que les troupes et les Almohades pussent immédiatement se mettre en campagne pour aller faire la guerre sainte. Il écrivit en Ifrîkya et dans toutes les provinces du Maghreb et du Sud pour faire appel aux Croyants, et de toutes parts de nom breux guerriers vinrent à lui. Il sortit de Maroc le jeudi 18 de djoumad el aouel, an 591, et partit à marche forcée, sans halte et doublant les étapes, ne sarrêtant pour personne. Larmée, composée de troupes de tous pays, marchait sur ses traces pleine dardeur contre les Infidèles. Aussitôt arrivé
____________________ 1 Koran, chap. XXVII : la Fourmi, vers. 37.
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à Kessar el-Djouez, il commença lembarquement des troupes, et, sans interruption aucune, il les fit passer successivement dans lordre suivant : les Arabes, les Zenèta, les Mesmouda, les Ghoumara, les volontaires de toutes les parties du Maghreb, les Aghzâz, les arbalétriers, les Almohades et les nègres. Cest ainsi que toute larmée passa la mer et débarqua sur le rivage dAlgéziras. Lémir suivit, immédiatement, entouré dun magnifique état-major de cheïkhs Almohades, de guerriers, de docteurs et de saints du Maghreb. Dieu très-haut laccompagna ; il mit pied à terre en très-peu de temps à Algéziras, où il arriva peu après la prière du vendredi 20 de radjeb de ladite. année. Il ne séjourna que vingt-quatre heures à Algéziras, et il se mit aussitôt en marche pour ne pas laisser refroidir un instant lardeur de ses troupes, immense armée bien organisée et sérieusement résolue, et aussi pour ne pas donner le temps à lennemi de se retirer dans son pays avant quil eût reçu la nouvelle de larrivée précipitée de lémir des Musul mans et de lardeur de sa course pour venir le combattre sur le terrain qui lui convenait. Alphonse le maudit resta donc avec son armée auprès de la ville dAlarcos, et El-Mansour arriva vers lui assisté par la force et la puissance de Dieu très-haut, sans être arrêté nulle part ni avoir attendu per sonne, avançant à marche forcée et sans faire cas de ceux qui restaient, der rière ; il ne sarrêta que lorsquil ne lui restait plus que deux étapes pour arriver à la ville dAlarcos. Cest là quil campa le jeudi 3 du mois de châa ban. Dès le lendemain, il rassembla les Musulmans pour prendre conseil sur lattaque à faire aux ennemis de Dieu, les Infidèles, et Il se conforma ainsi aux ordres du Tout-Puissant et au Sonna de son Prophète, à lexem ple de Mohammed et de ses compagnons, qui suivirent les prescriptions du Très-Haut exprimées par ce verset : Ceux qui décidant leurs affaires com munes en se consultant et font des largesses des biens que nous leur avons dispensés(1) ; et par cet autre : Consulte-les dans les, affaires, et lorsque tu entreprends quelque chose, mets ta confiance en Dieu, car Dieu aime ceux qui ont mis leur confiance en lui(2). Lémir prit donc successivement les avis des, principaux Almohades, des cheïkhs arabe, des cheïkhs Zenèta et autres Kabyles, des Aghzâz et des volontaires. Chacun donna ses bons conseils et fit connaître son opinion, Alors il manda les kaïds andalous, et, quand ils se furent présentés, il les fit asseoir près de lui, et après leur avoir dit les mêmes paroles quil avait dites aux autres, il ajouta : «O Andalous ! ceux dont jai pris les conseils avant vous sont dexcellents guerriers, mais ils ne connaissent pas la guerre des Chrétiens comme vous qui êtes habitués à vous mesurer avec eux ; vous connaissez leurs coutumes, leur tactique et leurs ruses.» Ils lui répondirent:
____________________ 1 Koran, chap. XLII : la Délibération, vers. 36. 2 Koran, chap. III : la Famille dImam, vers. 153.
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«Ô émir des Musulmans ! nos opinions et nos connaissances se trouvent toutes réunies en un seul dentre mous, que nous avons choisi à cause de son savoir, de sa religion, de son intelligence, de ses vertus et de, sa con naissance de la guerre et de la tactique militaire. Sincère et dévoué pour les Musulmans, il sera notre interprète, et ce quil dira exprimera exactement nos pensées sur ce que vous désirez connaître. Que Dieu vous soit propice ! Cet homme est le kaïd Aby Abd Allah ben Sanâdyd.» En effet, Ben Sanâdyd, sétant rapproché de lémir, qui laccueillit avec distinction, écouta attenti vement ses questions au sujet de la guerre des Chrétiens et des dispositions quil fallait prendre contre de pareils ennemis, et il lui répondit : «O émir des Croyants ! les Chrétiens (que Dieu très-haut les confonde !) sont des hommes pleins de ruses dans la guerre, et il nous convient dabord de les attaquer partout où ils se présenteront, en ayant toujours nos regards portés sur leurs fronts. Que par ton ordre élevé, un cheïkh Almohade, connu pour son courage, sa religion et sa fidélité, savance avec toutes les troupes com posées des corps andalous, Arabes, Zenèta, Mesmouda et autres Kabyles du Maghreb; donne-lui une enseigne victorieuse qui se déploie sur leurs têtes bénies contre les soldats ennemis (que Dieu les accable !). Garde auprès de toi larmée Almohade (que le très-Haut la fortifie !), les nègres et les Hachem, et tiens-toi dans les environs du champ de bataille, masqué et de façon à être prêt à porter secours aux Musulmans si besoin en était. Tu demeureras là, si nous remportons la victoire avec ton khalife et par la grâce et la bénédiction du Très-Haut. Dans le cas contraire, tu, te précipiteras avec tes Almohades sur lennemi que tu mettras alors facilement en déroute. Tel est mon avis ; que Dieu lagrée et toi aussi ! Très-bien, lui répondit ElMansour, ton conseil est excellent. Que le Très-Haut ten récompense !» Là-dessus chacun sen retourna dans sa tente. Lémir des Musulmans passa toute la nuit (vendredi 4 châaban) en prière, invoquant avec ferveur Dieu très-haut (quil soit glorifié !), et lut demandant daccorder la victoire aux Musulmans contre leurs ennemis, :les Infidèles. Enfin, à lheure du sahaur(1), le sommeil vainquit ses yeux et il dormit quelques instants dans la mosquée. Il fit un beau rêve, et, se réveillant tout joyeux, il envoya chercher les cheïkhs Almohades et les docteurs, qui accoururent à lui. Il leur dit : «Je vous ai envoyé quérir à cette heure pour vous raconter le, motif de ma joie, et ce que jai vu en songe par la puissance de Dieu durant cette heure bénie. Pendant que jétais prosterné, le sommeil ayant été plus fort que mes yeux, jai vu en rêve une porte qui souvrait dans le ciel pour donner repassage à un cava lier monté sur un cheval blanc qui descendit à moi. Ce cavalier était dune beauté éblouissante, est il tenait dans sa main un étendard vert qui, en se
____________________ 1 tempus paulo ante auroram. Kam. prima lux auroræ. Kam.
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d`éployant, aurait couvert le globe par sa grandeur. Après le salut, je lui demandai qui êtes vous donc (que Dieu vous bénisse !) ? Il me répondit : Je suis un ange du septième ciel; envoyé pour tannoncer la victoire de la part du Maître de lunivers ; la victoire pour toi et pour tous ceux qui maccom pagnent, et qui sont prêts à sacrifier leurs vies pour mériter les récompenses du Très-Haut. Alors il se mit à chanter ces vers, que jai retenus comme sils étaient gravés dans mon cur : Bonne nouvelle, la victoire de Dieu vient vers toi afin que lon sache que Dieu prête son appui à celui qui défend sa cause. Réjouis-toi, car la victoire et le secours divin te sont acquis et sont proches, et quil ny a pas de doute à concevoir sur la victoire que Dieu donne. Tu abattras les armées chrétiennes par lépée et le massacre, et tu délivreras le payé de ce culte dont, il napparaîtra plus de vestiges. Et cest ainsi que je compte sûrement sur la victoire et la conquête, sil plaît à Dieu chéri et bien aimé.» Le samedi 5 de châaban, lémir des Musulmans, se tenant dans sa tente rouge, signe de combat contre les ennemis, manda son premier minis tre, le vénérable Abou Yhya ben Hafs. (Les Beni Hafs étaient une tribu pleine de science et de religion qui sétait jointe aux Almohades dans le Levant, et navait bientôt formé quun seul et même corps avec eux. Abou Yhya se présenta, et lémir lui donna le commandement général des trou pes ,andalouses, des Arabes, Zenèta, des Hentâta, des volontaires et des tribus du Maghreb; il lui remit sa propre enseigne, lheureuse, et nomma les chefs de corps quil plaçait sous ses ordres, savoir: Ben Sanâdyd, com mandant des troupes andalouses ; Djermoun ben Byâh, commandant de tous les Arabes; Lémerid el-Maghraouy, commandant des Maghraoua;Limayou ben Aby Beker ben Hamâma ben Mohammed, commandant des Kabyles de Mediouna ; Djébyr ben Youssef, commandant des kabyles dAbd el-Ouahed; Abd el-Azyz el-Toudjyny, commandant des Kabyles Toudjyny, Askoury et Mesmouda; Mohammed ben Mounkâfid, commandant des Ghoumara ; le Hadj Aby Arz Yhelef el-Ouaraby, commandant des volontaires. lémir des Musulmans garda auprès de; lui toute larmée almohade et les nègres, et donna ordre de se mettre en route. Le cheïkh Abou Yhya savança le premier avec le corps des guerriers andalous, commandés par le kaïd Sanâdyd. La marche fuit combinée de façon que lémir arrivât le soir sur le même lieu de campement que Abou Yhya avait quitté le matin, et cela jusquau moment où son armée musulmane arriva en présence des sociétaires (que Dieu les extermine !). Il s étaient canapés sur une hauteur très-élevée et couverte de rochers escarpés et ardus, en face de la ville dAlarcos. Larmée musulmane sarrêta dans la plaine le mercredi matin, de châaban le sacré, et Abou Yhya donna aussitôt ordre de faire les préparatifs de combat et munit chaque com mandant dune enseigne pour rallier sa troupe. Il volontaires. Il fit placer les
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troupes andalouses à sa droite, les Zenèta, les Mesmouda et tous les Arabes à sa gauche ; au front, les volontaires, les Aghzâz et les arbalétriers, et lui même il occupa le centre avec les Kabyles Hentâta. Cest dans cet admirable ordre de bataille que les premiers Mouvements sopérèrent ; chaque troupe, ayant formé les rangs, était prête à combattre autour de son drapeau. Le commandant des Arabes, lémir Djermoun bon Byâh, parcourait les rangs des Musulmans pour exciter leur courage au nom de la guerre sainte et en leur récitant ces versets du Miséricordieux : O Croyants ! soyez patients, luttez de patience les uns avec les antres; soyez fermes et craignez Dieu. VOUS serrez heureux(1). O Croyants ! si vous assistez Dieu dans sa guerre contre les méchants, il vous assistera aussi et il affermira vos pas.(2) Ils étaient dans cette position en face de larmée ennemie, qui se trou vait sur les hauteurs à proximité de la ville, lorsquun corps considérable de sept à huit mille cavaliers infidèles (que Dieu les confonde !), tous cui rassés de fer et armés de pied en cap, se précipita sur les rangs musulmans. Le cheikh Abou Yhya ben Hafs sécria alors : «Ô compagnons musulmans, serrez vos rangs, et que nul ne quitte sa place ; tournez vos pensées vers le Très-Haut et espérez en lui ! Priez Dieu chéri avec ferveur dans vos curs, car la circonstance ne saurait être plus rebelle pour vous : dune part, le martyre et le paradis ; de lautre, une bonne oeuvre et le butin !» Alors le: commandant sélança à son tour et parcourut les rangs en criant : «Adora teurs de Dieu, vous êtes le peuple du Seigneur; soutenez courageusement le combat contre ses ennemis, car larmée du Très-Haut sera toujours pro tégée et victorieuse !» Les Chrétiens, dans leur charge, arrivèrent jusque dans les rangs musulmans, au point que les chevaux se heurtaient le poitrail contre les boucliers des Croyants, mais sans pouvoir les ébranler: A peine si quelques-uns reculèrent. Les Chrétiens firent deux fois tous ensemble une charge à fond ; et, à la troisième, le kaïd Ben Sanâdyd et le chef des Arabes sécrièrent aux milieu des rangs : «Ô compagnons musulmans, ne bougez pas, soyez inébranlables pour lieu, qui appréciera grandement votre fer meté !» Les ennemis firent une trouée et pénétrèrent jusquau centre, où se trouvait Abou Yhya, pensant y rencontrer lémir des Musulmans. La mêlée fut sanglante. Abou Yhya (que Dieu lui fasse miséricorde !) fit preuve de patience, de cette grande patience qui ne le quitta quau moment où il témoigna (mourut). Un grand nombre de Musulmans Hentâta, volontaires et autres, témoignèrent comme lui, comme tous ceux pour qui Dieu avait décrété le martyre et léternelle béatitude en cette circonstance. Les Musul mans déployèrent une si grande valeur, que le jour fut obscurci comme la
____________________ 1 Koran, chap. III ; 1a Famille dImram, vers. 200. 2 Koran, chap. XLVII : Mohammed, vers. 8.
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nuit par des ténèbres de poussière. Les troupes arabes, les volontaires et les arbalétriers savancèrent alors et ils entourèrent, les Chrétiens; tandis que, de son côté, Ben Sanâdyd, à la tête des Zenèta, des Mesmouda, des Ghou mara et de tous les Berbères, sélançait sur la hauteur où se tenait Alphonse (que Dieu le maudisse et le confonde !) avec son armée chrétienne et son camp., dépassant en nombre trois cent mille hommes, cavaliers et fantassins. Les musulmans, en gravissant la colline, commencèrent lattaque, et la jour née fut chaude. Dun autre côté, les dix mille Chrétiens qui avaient, fait les premières charges commençaient à être massacrés ; cétaient des hommes délite choisis un à un par lorgueilleux maudit qui, dans sa coupable pensée, faisait reposer sur eux la victoire, comme sils navaient point eu dégaux. Leurs évêques les avaient bénis et, purifiés en les aspergeant de leau du bap tême, et ils avaient fait serment sur la Croix de ne point, revenir avant davoir exterminé tous les Musulmans(1). Mais ceux-ci se résignèrent en Dieu, qui tint sa promesse et les rendit victorieux. Lorsque la bataille séchauffa et que ces .Infidèles comprirent, quils navaient que la mort et la destruction à attendre, ils prirent la fuite en se dirigeant vers la hauteur où se tenait Alphonse ; mais ils trouvèrent le passage déjà barré pair les soldats de lIs lam, et ils retournèrent en déroute dans la plaine, où ils furent mis en pièces par les volontaires, les Arabes, les Hentâta et les arbalétriers, qui nen laissè rent pas échapper un seul. Linsolence dAlphonse fut ébranlée par le désas tre des hommes sur lesquels il faisait si grand compte. Des cavaliers arabes partirent aussitôt au galop pour venir annoncer à lémir des Musulmans que déjà Dieu très-haut avait vaincu lennemi. A cette nouvelle, les tambours battirent, les drapeaux se déployèrent, les professions de foi retentirent, et, chacun se précipita pour combattre. lennemi de Dieu. Lémir des Musul mans et son armée Almohade accoururent pour atteindre lInfidèle ; la cava lerie partit au galop, et les fantassins forcèrent la marche pour arriver à temps au massacre. En ce moment, le présomptueux Alphonse, lennemi de Dieu, savan çait contre les Musulmans avec toute son armée. En entendant le tambour à sa droite, ce bruit immense, et sentant la terre trembler sous ses pieds, il crut à un bouleversement général; il leva la tête pour regarder du, côté doù venait le tumulte, et il aperçut les drapeaux almohades qui savançaient et létendard blanc le victorieux, sur lequel était écrit : Il ny a de Dieu que Dieu. Mohammed est le prophète de Dieu ; et il ny a de vainqueur que Dieu! Suivi par les héros musulmans qui sexcitaient et se précipitaient en criant leur profession de foi, il demanda : «Quest-ce donc ? «O le maudit, lui
_____________________ 1 Lauteur entend parler ici des chevalier des ordres religieux de Calatrava, de Saint-Jacques et de Saint-Julien, qui composaient en grande partie la cavalerie dAl phonse à la bataille dAlarcos.
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répondit-on, cest lémir des Mu-donna le drapeau vert aux sulmans qui arrive pour texterminer aujourdhui, avec cette armée et ces généraux qui tatteindront jusque sur ton sommet.» Dieu chéri frappa dépouvante le cur des Infidèles, et, mis en déroute, ils firent voir leurs dos ; les cavaliers musul mans les abattaient en les frappant par devant et par derrière, et, sans sarrê ter ils leur passaient leurs lances et leurs sabres à travers le corps, et ils les en retiraient ensanglantés. Ils les poursuivirent ainsi en les massacrant jusquà la ville dAlarcos, où lont pensait que le maudit, ennemi de Dieu, sétait réfugié ; mais Alphonse, linfidèle, était entré par une porte et sorti par une autre du côté opposé. Les Musulmans pénétrèrent dans la place, les armes à la main, après avoir incendié les portes, et la mirent au pillage, enlevant tout ce qui sy trouvait, armes, richesses, bêtes de somme, chevaux, femmes et enfants. Le nombre des Infidèles qui périrent ce jour-là ne peut se compter ni se dépasser, et personne na pu le savoir, si ce nest Dieu très-haut. Il fut fait vingt-quatre mille prisonniers, des plus nobles Chrétiens, et lémir des Musulmans leur rendit généreusement la liberté, et cela pour se rendre: célè bre; mais ce moyen ne plut point aux Almohades et aux autres Musulmans, qui tinrent ce fait pour la plus grande erreur dans laquelle souverain ait pu jamais tomber. Cette bataille sacrée eut lieu le 9 de châaban, en 591. Entre cette vic toire dAlarcos et celle de Zalaca, il sétait écoulé cent douze ans. La victoire dAlarcos est célébré dans les fastes de lislam, et cest la plus grande que les Almohades remportèrent pour lamour de leur Dieu et de leur religion. ElMansour écrivit la nouvelle de sa victoire à tous les peuples de lIslam qui étaient sous sa domination en Andalousie, dans lAdoua et en lIfrîkya ; il préleva le cinquième dusage sur le butin, et il distribua tout le surplus aux combattants. Puis il commença à courir sur les terres des Chrétiens avec ses troupes, détruisant les villes, les villages et les châteaux, pillant, massacrant et faisant des prisonniers jusquà ce quil eut atteint le Djebel Selim ; seule ment alors il revint sur ses pas avec ses soldats chargés de butin, et jusquà son arrivée à Séville il ne trouva plus de Chrétiens capables de se mesurer avec lui. A son arrivée dans cette ville, il entreprit les premiers travaux de la grande mosquée et de son magnifique minaret (la Giralda). Dans les premiers jours de lan 592 (1195 J. C.), lémir des Musul mans entreprit sa troisième expédition contre les infidèles. Il conduit les for teresses de Kalat Rabah, lOued el-Hidjarâ, Madjrit(1), Djebel Souleïman, et la plus grande partie des environs de Tolède. Arrivé sous les murs de cette grande ville, occupée par Alphonse, il en fit le siége et la resserra ; il lui coupa les eaux, incendia ses jardins et saccagea ses campagnes. Alors il se
____________________ 1 Aujourdhui Calatrava, Guadalajara, Madrid.
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porta sur la ville de Thelmanka(1), où il entra les armes à la main, et massacra toute la garnison, sans en excepter un seul homme ; il fit les femmes prison nières, sempara de toutes les richesses, incendia les bazars, et finit par raser la ville entière. Enfin, après avoir enlevé les châteaux dEl-Belât et Terdjâla(2), il rentra à Séville dans les premiers trois jours du mois de safar, an 593, et il reprit les travaux de la grande mosquée et du minaret ; il fit construire un tefafyhh (pommes superposées) aussi beau que possible, et dune grandeur, surprenante, cest-à-dire que la moyenne des pommes ne put pas entrer par la porte du muezzin, et que pour ly faire passer, il ne fallut rien moins que démolir la partie inférieure en marbre de cette porte. Le pivot en fer sur lequel ces pommes étaient montées pesait à lui seul 40 rouba (1,000 livres). Lartiste qui construisit ces pommes et les éleva au haut du minaret fut Abou el-Lyth el-Sekkaly ; il employa pour les dorer 100,000 dinars dor. Avant de passer en Andalousie pour la campagne dAlarcos, El-Man sour avait donné les ordres nécessaires pour faire bâtir : 1° la kasbah de Maroc, la mosquée sacrée et son beau minaret attenant à ladite kasbah ; 2° la mosquée El-Koutoubyn ; 3° la ville de Rabat el-Fath sur les terrains de Salé; 4°la mosquée dHassan et son minaret [tour dHassan(3)]. Lorsque la mos quée de Séville fut achevée et quil y eut fait la prière, lémir des Musulmans ordonna de bâtir la forteresse dEl-Ferdj sur le bord du fleuve de Séville, et revint dans lAdoua. Il arriva à Maroc dans le mois de châaban 594 (1197 J. C.), et il trouva que tous ses ordres avaient été exécutés ; toutes les cons tructions, kasbah, palais, mosquées et minarets étaient achevés, et pour tout cela on ne sétait servi que du cinquième du butin fait sur les Chrétiens. Il manifesta un grand mécontentement contre les intendants et les ouvriers qui avaient dirigé ces travaux, parce quon lui rapporta, par jalousie, quils avaient détourné une partie des sommes quils avaient reçues, et que, de plus, ils navaient fait que sept portes à la mosquée, même nombre que celles de lenfer. Mais lorsquil visita cette mosquée il ne put sempêcher dêtre
____________________ 1 Aujourdhui Salamanque. 2 Aujourdhui Albalete et Truxillo. 3 La tour dHassan, à Rabat, la tour de Maroc et la Giralda de Séville, ont toutes trois la même forme, le même escalier et les mêmes proportions. Selon toutes les tradi tions, elles ont été construites par le même architecte «musulman, né à Séville, nommé Guever,» daprès don Antonio Ponz. La tour dHassan est encore parfaitement conservée. La rampe seule est un peu dégradée, ainsi que langle de lest sud-est, qui a été emporté par la foudre à la fin du siècle dernier. La tour dHassan, entièrement Abandonnée aux ravages du temps et des animaux qui y ont leurs nids ou leurs repaires, est située à deux milles environ de la ville de Rabat; sur une hauteur, au bord de la rivière. Elle se voit de fort loin, et sert en mer de point de reconnaissance aux navires qui viennent à Rabat. Elle peut avoir de 65 à 70 mètres de hauteur au-dessus du sol.
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satisfait, et ayant alors demandé aux entrepreneurs combien de portes ils avaient faites, ceux-ci lui répondirent: «sept, et celle par laquelle est entré lémir des Musulmans est la huitième. - Bien, dit-il, si cest comme cela, il ny a pas de mal, car ils ont su me répondre ;» et il fut très-content. Quelque temps après son arrivée à Maroc, lémir des Musulmans désigna pour son successeur son fils Aby Abd Allah, surnommé El-Nasser Ledyn Illah , quil fit reconnaître par tous les Almohades et par tous ses sujets de lAndalousie, du Maghreb et de lIfrîkya, depuis Tripoli jusquau Bled Noun du Sous el-Aksa, et depuis la mer jusquau Sahara dans le Sud. Dans tout le pays compris dans ces limites, villes, villages, plaines et mon tagnes, Berbères et Arabes nomades, on reconnut le successeur désigné et on lui paya les impôts, laumône et la dîme, et on fit le khotbah en son nom. Après cette proclamation, et avoir assis son fils sur le trône des khalifes, en lui remettant le gouvernement et la direction des affaires, El-Mansour se retira dans son palais, où la maladie sempara de lui. Cest alors quil dit : «De toutes les actions de ma vie et de mon règne, je nen regrette que trois, trois choses quil aurait beaucoup mieux valu que je ne fisse point : la pre mière, cest davoir introduit au Maghreb les Arabes nomades de lIfrîkya, parce que je me suis déjà aperçu quils sont la source de toutes les séditions ; la deuxième, cest davoir bâti la ville de Rabat el-Fath, pour laquelle jai épuisé inutilement le trésor public, et la troisième, cest davoir rendu la liberté aux prisonniers dAlarcos, car ils ne manqueront pas de recom mencer la guerre.» El-Mansour mourut après la dernière prière du soir du vendredi 22 raby el-aouel, an 595, dans la kasbah de Maroc. Mais la durée nappartient quà Dieu qui est seul adorable. El-Mansour fut le plus grand roi des Almohades, le meilleur et le plus magnanime en toutes choses. Son gouvernement fut excellent ; il augmenta le trésor ; sa puissance fut élevée ; ses actions celles dun souverain célèbre; sa religion fut profonde et il fit beaucoup de bien aux Musulmans. (Que Dieu lui fasse miséricorde par sa grâce, sa générosité et sa bonté, car il est clément et il aime à pardonner !)
RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS EL-NASSER BEN EL-MANSOUR BEN YOUSSEF BEN ABD EL-MOUMEN BEN ALY.
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Lémir des Croyants El-Nasser ben Yacoub ben Youssef ben Abd elMoumen ben Aly, le Zenèta, le Koumy, lAlmohade, eut pour mère une femme légitime nommée Ammet Allah (servante de Dieu), fille du sid Abou Ishac ben Abd el-Moumen ben Aly. Il fut surnommé El-Nasser Ledyn Illah. Son cachet portait pour devise : A Dieu jai confié mon sort il est mon espoir et le meilleur oukil (directeur fondé de pouvoirs). Ses écrits commençaient
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tous par Louanges à Dieu lunique ! Blanc, haut de taille, teint pale, yeux doux et noirs, grande barbe et sourcils épais ; il était persévérant en toutes choses, conseiller agréable et très-attentif à ses affaires et à son gouver nement, quil dirigeait seul. Il eut pour ministres Ben el-Chahyd et Ben Methna, au-dessus desquels était son hadjeb, le kaïd Abou Saïd ben Djâmy (que lieu le maudisse !). El-Nasser ne fut point reconnu souverain durant la vie de son père, mais il fut proclamé partout le vendredi matin, quelques heures après que El-Mansour eut rendu le dernier soupir. Sa domination sétendit sur tous les pays almohades, et lon prêcha et pria en son nom dans toutes les chaires. Il demeura à Maroc jusquà la fin de raby el-tâny, et il en sortit le 1er de djoumad el-aouel pour venir à Fès, où il finit lannée 595 ; il se rendit mors au Djebel Ghoumara, où il combattit Haloudân el-Ghou mary qui sétait insurgé. A son retour à Fès, il fit reconstruire la kasbah et les murailles que son grand-père, Abd el-Moumen, avait détruites lors de sa conquête, et il resta dans cette capitale jusquen 598. A cette époque il reçut la nouvelle de lIfrîkya que le Mayorky sétait mis en état de révolte et sétait déjà emparé de plusieurs villes. Il sortit en hâte de Fès pour se rendre en Ifrîkya, et il arriva à Djezaï- Beni Mezghanna(1), doù il partit avec sa troupe et sa flotte pour aller attaquer la ville de Mayorka(2), quil conquit et enleva aux Almoravides, dans le mois de raby el-aouel, an 600. La population de la ville vint en masse faire sa soumission et saluer lémir des Musulmans ElNasser, qui accueillit chacun avec bienveillance et accorda gracieusement tout ce qui lui fut demandé. Il nomma kady de Mayorka, limam versé dans le Hadits, Abd Allah ben Bouta Allah, et il revint alors dans lIfrîkya, dont il parcourut toutes les provinces, examinant les affaires de ses sujets, et chas sant devant lui le Mayorky, qui senfuit au Sahara. Il reçut la soumission de tous ceux chez lesquels il se présentait, et de toutes les places, sans être obligé de combattre, à lexception de la Mehdïa, qui était gouvernée par ElHâdj (3), lieutenant de Yhya el-Mayorky, aussi courageux quinstruit dans lart militaire. El-Nasser campa sous les murs de la place, et en fit le siége par terre et par mer, en employant les balistes et autres machines de guerre. Les Almohades et, autres troupes ne cessaient de combattre jour et nuit, mais El-Hâdj leur opposait une défense vigoureuse, et il se montra bon et infatigable soldat. Le siége dura longtemps, et les Almo hades surnommèrent El-Hâdj lInfidèle. Enfin El-Nasser, redoublant de vigueur, érigea contre la place une machine sans égale pour la grandeur et
____________________ 1 Alger. Les Beni Mezghanna habitent aujourdhui lAghâlik des Beni Djâd, à quarante-cinq kilomètres sud-est dAlger. 2 Majorque. 3 El-Hadj (le pèlerin) Aly ben Ghâzy ben Mohammed ben Aly ben Ghanîa.<o:p></o:p>
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qui lançait des projectiles du poids de cent vingt-cinq livres, qui détruisaient la ville. Enfin une de ces pierres ayant atteint au milieu les battants de la grande porte, les brisa eu deux, quoiquils fussent entièrement en fer. (Ces battants roulaient sur des gonds en cristal vert, et étaient supportés par des lions de cuivre jaune sculptés). Lorsque El-Hâdj vit cela, il comprit quil ne pouvait se soutenir davantage et quil faillait se soumettre au bon vouloir de lémir des Croyants. En conséquence il le proclama en lui faisant remise de la ville. El-Nasser lui accorda laman et le pardonna généreusement ; il lui fit une bonne position, et, reconnaissant, le courage avec lequel il avait défendu la place qui lui avait été confiée par son maître, il ordonna aux Musulmans qui lavaient surnommé El-Hâdj el-Kâfer (le Hâdj infidèle), de ne plus lap peler désormais que El-Hâdj el-Kâfy (le Hâdj serviable). Cette conquête de la Mehdia eut lieu en lan 601. En 602, (1205 J. C.), lémir des Musulmans confia le gouvernement général de lIfrikya au cheïkh Abou Mohammed Abd er-Rhaman ben Aby Beker ben Aby Hafs, et il retourna au Maghreb. A son arrivée à lOued Chélif, Yhya el-Mayorky se présenta devant lui avec une armée considérable dArabes, de Senhadja et de Zenèta, et il le battit complètement dans une grande bataille, le mercredi, dernier jouir de raby el-aouel, an 604 (1207 J. C.). Dans cette même année, El-Nasser ordonna de construire la ville dOudjda, et les premiers travaux commencèrent le 1er de radjeb. Cest aussi à cette même époque quil fit bâtir les remparts dEl-Mezemma(1) et la for teresse. de Badès(2), dans le Rif. Au mois de chouel, lémir sortit de Fès pour Maroc, après avoir donné les ordres nécessaires pour la construction de laqueduc de lAdoua el-Andalous, qui apporte en ville leau de la source située au dehors du Bab el-Hadid. Il avait également fait bâtir la porte du Nord, ornée dun escalier, sur le terrain situé devant la cour de la mosquée El-Andalous (que la parole de Dieu lennoblisse !) ; il employa pour ces travaux des sommes considérables du bit el-mal. Dans la même année, il fit construire la chapelle de lAdoua el-Kairaouyn, et il ordonna. aux Croyants de ne plus prier désormais dans celle de lAdoua el-Andalous. Les fidèles se conformèrent à cette injonction pendant trois années consécutives, au bout desquelles ils firent comme auparavant leurs prières dans lAdoua el-Anda lous. El-Nasser entra à Maroc en 6o5, et lannée suivante, 6o6 (1209 J. C.), il reçut la nouvelle quAlphonse (Dieu le maudisse !) envahissait les terres de lIslam, renversant villes et villages, massacrant les hommes, enlevant les femmes et pillailt les trésors et les biens des habitants. El-Nasser fit aussitôt un appel à ses peuples et distribua de largent aux kaïds et aux soldats. Il
____________________ 1 EI-Mezemma, sur lOued Nokour, près dAlhucema. 2 Badès (Peñon de Velez), port, point de débarquement dans le Rif, le plus proche de Fès.
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fit prêcher la guerre contre les Infidèles dans toutes les parties du Maghreb, de lIfrîkya et du Sud, et un nombre considérable de Musulmans répondirent à son appel ; toutes les tribus du Maghreb, cavalerie et infanterie, vinrent à lui avec le plus grand empressement. Quand toute larmée fut réunie, lémir se mit à la tête de lexpédition, et sortit de Maroc le 19 de châaban le béni, an 607 (1210 J. C.). Il arriva à Kessar el-Djouez, et commença aussitôt lem barquement des troupes. Le passage des kabyles, des soldats, des chevaux et du matériel dura depuis le 1er du mois de chouel jusquà la fin du mois de doul kâada. Lorsque tout fut passé, lémir sembarqua lui-même et arriva le 25 doul kâada sur la plage de Tarifa, où il trouva tous les kaïds, les fekhys et les saints de lAndalousie qui étaient venus le saluer. Il resta trois jours à Tarifa et se mit en marche pour Séville avec une armée innombrable. Ses légions couvraient les plaines et les hauteurs comme des nuées de sauterel les, et à peine y avait-il assez despace et deau pour elles. El-Nasser fut émerveillé envoyant la grandeur et la force de ses troupes, et il les divisa en cinq corps : première division, les Arabes; deuxième, division, les Zenèta, Senhadja, Mesmouda et tous les autres kabyles du Maghreb ; troisième divi sion, les volontaires, au nombre de cent soixante mille, entre cavaliers et fantassins ; quatrième division, les Andalous; cinquième division, les Almo hades. Il ordonna à chacun de ces grands corps de marcher par des routes ou des côtés différents, et il arriva à Séville le 17 dou1 hidjâ de ladite année 607. A la nouvelle de son débarquement en Andalousie, tous les pays chré tiens furent frappés de stupeur, et la crainte sempara des curs de leurs rois, qui sempressèrent dabandonner le voisinage des villes et des villages musulmans pour aller se fortifier chez eux. La plupart de ces émirs lui écri virent pour lui adresser des compliments et réclamer son indulgence. Un deux, le roi de Byouna(1), vint même en personne lui demander la paix et le pardon. Lorsque ce maudit-là apprit que lémir des Musulmans était entré à Séville, il en fut si consterné pour lui et pour son pays, quil lui envoya un courrier pour lui demander lautorisation devenir auprès de lui. El-Nasser la lui accorda, et en même temps il envoya des ordres sur toute la route que le maudit devait suivre, afin quà chaque étape on lui donnât une libérale hos pitalité pendant, trois jours, et quon lui retînt mille cavaliers de son escorte en le congédiant le quatrième jour. Ce roi sortit de son gouvernement à la tête dune armée pour venir chez lémir des Musulmans, et, dès quil arriva sur les terres musulmanes, il fut reçu par les kaïds qui venaient en grande pompe au-devant de lui avec leurs troupes et une partie de la population. A chaque halte, on lui donnait, pendant trois jours, une généreuse et splendide hospitalité, et le quatrième jour, au moment de son départ, oui lui retint mille
____________________ 1 Bayonne.
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cavaliers de son armée. Lon fit cela partout jusquà son arrivée à Carmouna, où il ne lui restait plus que mille cavaliers pour toute escorte. Après lavoir fêté comme les autres pendant trois jours, le gouverneur de cette ville lui retint les derniers mille cavaliers, et alors il se récria en disant : «Comment ! vous menlevez même cette dernière escorte qui maccompagne chez lémir des Croyants ? - Allez donc, lui répondit-on, pour arriver chez lémir des Croyants vous navez besoin dautre protection que celle de son épée et de sa parole qui ne vous fera pas défaut.» En effet, il quitta Carmouna (que Dieu le maudisse !) accompagné seulement de ses femmes, de ses serviteurs et des porteurs de ses cadeaux pour El-Nasser. Au nombre de ces présents figuraient des lettres que le Prophète (que Dieu le comble de bénédictions!) avait écrites à Harkal, roi des Chrétiens(1). Le maudit apportait ces lettres pour obtenir sûrement son pardon et prouver quil tenait son royaume de très grands et très haut ancêtres. Ces nobles écrits étaient poue eux effectivement un bien riche héritage ; ils étaient soigneusement recouverts dune étoffe de soie verte et enfermés dans une boîte en or parfumée de musc, et certes, tout cela était peu encore ! Lémir des Musulmans ordonna à ses troupes de former la haie devant la porte de Carmouna jusquà celle de Séville, et aussitôt, cavaliers et fantassins formèrent les rangs sur la droite et sur la gauche ; ils étaient tous en grande tenue de vêtements, darmes et de harnais, et ils se touchaient lun lautre sur toute la ligne des rangs de Carmouna à Séville, soit sur un parcours de quarante milles environ de longueur. Lémir de Bayonne avança ainsi sous lombre des épées et des lances musulmanes, et à son approche de Séville, El-Nasser fit dresser sa tente rouge hors de la ville sur la route de Carmouna, et il y fit placer trois siéges. Alors il demanda quel était celui dentre les kaïds qui connaissait la langue barbare. On lui désigna Abou el-Djyouch, et il le fit appeler : «Abou el-Djyouch, lui dit-il, lorsque cet infidèle arrivera, il faudra bien que je le reçoive convenablement ; mais, sil vient à moi et que je me lève pour aller au-devant de lui, jagirai contrairement au Sonna, qui défend de se lever pour un infidèle en Dieu très-haut. Dun autre côté, si je ne me dérange pas et que chacun fasse comme moi, ce sera manquer aux égards de politesse qui lui sont dus, car il est grand roi dentre les rois chrétiens, il est mon hôte et il est venu me rendre visite. Je tordonne donc de te poster au milieu de la tente, et, lorsque linfidèle se présentera à une porte, jentrerai, moi, par lautre porte. Tu te lèveras aussitôt et tu me prendras la main pour me faire asseoir à ta droite ; tu offriras également lautre main à linfidèle et tu le feras asseoir à ta gauche, et tu te placeras toi-même entre nous deux pour nous servir dinterprète(2).» Le kaïd Abou el-Djyouch exécuta littéralement
____________________ 1 Héraclias, roi des Grecs. 2 Au Maroc, les sultans montent à cheval pour recevoir les ambassadeurs chrétiens
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le tout, et lorsque lémir et le roi de Bayonne furent assis, il dit à celui-ci, «Voici le prince des Musulmans,» et ils échangèrent leurs salutations. Alors ils parlèrent librement et ils causèrent très-longtemps; Puis ils montèrent tous deux à cheval et ils se mirent, en marche, le roi de Bayonne se tenant un peu en arrière de lémir ; ils étaient escortés de toute la cavalerie almohade, et ils furent reçus en grande pompe par les troupes et les habitants de Séville, et ce fut un grand jour de fête. El-Nasser entra en ville précédant le roi de Bayonne, quil installa dans lintérieur de Séville grandement et de manière à satisfaire tous ses désirs. Il lui accorda la paix pour tout le temps de son règne et de celui de ses descendants almohades, et il le congédia comblé de bienfaits et après lui avoir accordé toutes ses demandes. Aussitôt après cette visite, El-Nasser se mit en campagne pour, aller attaquer les frontières de la Castille. Il partit le 1er de safar, an 608 (1211 J. C.), et il arriva jusque sous les murs de Salvatierra. Cétait une magnifique forteresse, située sur le sommet dune haute montagne qui se perdait dans les nues, et à laquelle on ne pouvait parvenir que par un seul chemin étroit et difficile. Aussitôt arrivé, il commença le siège de cette forteresse, contre laquelle il érigea quarante catapultes sans aucun résultat. Son visir Abou Saïd ben Djâmy, qui était de basse extraction et méprisé par la noblesse almohade, sétait mis, dès son avènement au pouvoir de hadjeb, à persécu ter les nobles et les hauts fonctionnaires, si bien quil les éloigna tous dElNasser, et quil conserva seul toute la direction des affaires avec un certain homme connu sous le nom de Ben Mounsa. Lémir nentreprenait rien sans leur demander conseil. En passant auprès de cette forteresse pour se rendre en Castille, il fut frappé des difficultés quelle présentait ; mais ses con seillers lui répondirent : «Ô prince des Musulmans, nallons et pas outre avant de nous en être emparés, et ce sera le début de nos victoires, sil plait à Dieu très-haut !» Lon raconte quEl-Nasser demeura si longtemps sous les murs de Salvatierra, que les hirondelles bâtirent leurs nids sous. sa tente, firent leurs oeufs et leurs petits, qui devinrent grands et senvolèrent. Il y resta en effet pendant huit mois, et lorsque lhiver arriva, le froid était si rigoureux que les vivres devinrent de plus eu plus rares pour les hommes et pour les animaux. Les soldats, dénués de tout, après avoir consommé tout ce
____________________ qui leur sont présentés à pied et à distance. Jusquen ces dernières années, les ministres, les pachas, les kaïds et tous les autres fonctionnaires marocains ne se levaient jamais devant les agents européens, et lorsque quelquun de ceux-ci se formalisait de ce manque dégards, on sexcusait en prétextant lignorance des usages chrétiens. Enfin un chargé daffairés de France, qui avait appris en pays arabes à ne point croire à ce genre digno rance des Musulmans, força le ministre, pacha de Tanger, à venir en personne lui faire des excuses au consulat général pour être resté assis en le recevant, et depuis lors les fonctionnaires marocains emploient, à loccasion, le stratagème de lémir El-Nasser ; ils entrent dans le lieu de réception en même temps que leurs visiteurs.
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quils avaient, perdirent courage, et leur découragement pervertit lesprit qui les animait pour la guerre sainte. Ils se fatiguèrent du repos et de la misère. Lorsque lennemi de Dieu, Alphonse, se fut bien assuré de cet, état de choses, et quil apprit que les forces musulmanes, ayant perdu leur pre mière ardeur, commençaient à se disperser, prit ses dispositions pour les atteindre, et il éleva la croix invoquée dans toutes les contrées des Infidèles. Les rois chrétiens arrivèrent à lui avec leurs troupes pleines denthousiasme et avides de massacre et de carnage ; il fut également, rejoint par les servi teurs (pénitents) de sainte Marie, possédés de leur ferveur païenne. Quand toute larmée fut réunie, Alphonse se mit en marche et arriva sous les murs de la place forte de Kalat Babah (Calatrava), qui était commandée par le kaïd juste et distingué le guerrier Abou el-Hadjej ben Kâdys, et défendue par une garnison de soixante et dix cavaliers musulmans. Alphonse en fit le siége et la réduisit aux dernières extrémités. Ben Kâdys souffrit beaucoup ; chaque jour il expédiait un courrier à lémir des Musulmans pour linformer de sa détresse et lui demander du secours ; mais lorsque ses lettres arrivaient au ministre, celui-ci les cachait soigneusement, de crainte que lémir, en les lisant neût envie dabandonner le siége de la forteresse; et tout cela nétait quune trahisons envers lémir et envers tous les Musulmans ! Cest ainsi quil lui cachait la situation du pays et de ses sujets, et les événements quil était urgent de ne point lui laisser ignorer. Le siége sétant prolongé, Ben Kâdys épuisa toutes ses ressources, toutes les munitions et, les flèches qui se trouvaient dans la place. Enfin, désespérant dêtre secouru, et craignant pour les Musulmans, pour les femmes et pour les enfants, quAlphonse ne finît par entrer à lassaut, il lui livra la place à la condition que tous ceux qui sy trouvaient seraient épargnés et auraient leur liberté. Aussitôt après que les Musulmans eurent évacué Kalat Rabah et que les ennemis y eurent établi leur gouvernement, Ben Kadys se dirigea vers lémir des Croyants, accompagné de son beau-frère, qui était aussi courageux que lui, et quil avait supplié de ne pas le suivre. «Par Dieu ! retourne-ten, lui disait-il, je suis un homme mort ! car j e ne puis survivre à cette fatale journée ; mais Dieu recevra mon âme pour avoir sauvé la vie à tous les Musulmans qui étaient dans la place.» Tout fut inutile, son beau-frère sobstina à le suivre en répondant à ses instances : «Si tu meurs, quel cas puis-je faire encore de ce monde ?» En arrivant au camp dEl-Nasser, ils furent accueillis par les kaïds andalous avec une grande distinction ; mais lorsque Ben Djâmy, le ministre, fut instruit de leur venue, il se dirigea vers eux en toute hâte, et les fit arrêter et lier par ses nègres ; puis, entrant chez lémir, il lui dit, «Voici Ben Kâdys qui vient à vous,» et il ajouta, «Un pareil misérable ne doit point entrer chez lémir des Mulsulmans;» et, progressivement, il monta tellement lesprit
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dEl-Nasser, que lémir lui ordonna de le faire périr, et aussitôt Ben Kâdys et son beau-frère furent étranglés. Les kaïds andalous, outrés dun pareil meurtre, ne purent. sempêcher de manifester leur mécontentement ; mais le ministre Ben Djâmy, sétant rendu à lextrémité du camp, les envoya cher cher, et, dès quils parurent, il sécria : «Sortez de larmée des Almohades ; nous navons que faire de vous, car Dieu très-haut a dit : Sils étaient allés avec vous, ils nauraient fait quaugmenter vos embarras ; ils auraient mis le désordre au milieu de vous(1). Allez-vous-en, et, après la conclusion de cette affaire, je saurai bien vous faire rentrer dans lordre.» Cependant, quand Et-Nasser apprit quAlphonse venait à lui, après avoir emporté Kalat Rabah, la plus forte des places musulmanes, il en éprouva un tel chagrin, quil ne put plus ni boire ni manger, et quil tomba malade. Redoublant tous ses efforts contre Salvatierra, il dépensa de grandes sommes, et il finit par y entrer sans coup férir, à la fin du mois de doul hidjâ de lan 608. Lorsque Alphonse apprit quEl-Nasser sétait emparé de Salva tierra, il se dirigea de ce côté avec tous les rois chrétiens et leurs troupes. A son approche, El-Nasser se porta au-devant de lui, avec larmée musulmane. La rencontre eut lieu à lendroit nommé Hisn el-Oukab(2). La tente rouge, signe de combat, était dressée sur le sommet de la montagne : El-Nasser sy rendit et sassit sur son bouclier, en tenant son cheval devant lui. Les nègres, armés, de pied en cap, entourèrent la tente, et devant eux se placèrent, les tambours, les drapeaux et les légions commandées par le ministre Abou Saïd ben Djâmy. Les Chrétiens, arrivant comme des nuées de sauterelles, sabat tirent dabord sur les volontaires, qui, malgré leur nombre de cent soixante mille hommes, ne purent résister au choc, et laissèrent entamer leurs rangs, après un combat terrible, où les Musulmans eurent à déployer la grande rési gnation. Tous les volontaires furent exterminés jusquau dernier, sous les yeux mêmes des Almohades, des Arabes et des kaïds Andalous à la tête de leurs troupes, qui ne bougèrent pas. Après en avoir fini avec les volontaires, les Chrétiens se précipitèrent sur les Almohades et les Arabes ; et, pendant que le combat sengageait avec eux, les kaïds Andalous prirent la fuite avec tous leurs soldats, poussés en cela par la vengeance et la haine que leur avaient laissées au cur le meurtre de Ben Kâdys et les outrages de Ben Djâmy. Les Almohades, ayant vu la destruction des volontaires et la fuite des Andalous, comprirent que le combat allait devenir de plus en plus désas treux pour les derniers restants, et, tandis que le nombre des Chrétiens aug mentait toujours, ils partirent en déroute en abandonnant El-Nasser. Les Chrétiens arrivèrent ainsi le sabre au poing jusquaux nègres et aux hachems qui entouraient lémir comme un rempart de pierre quils ne purent dabord
____________________ 1 Koran, C. IX : lImmunité ou le Repentir, vers. 47. 2 Hisn el-Oukab, le château de lAigle, Las navas, de Tolosa.
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entamer; et cest alors quopposant aux flèches des nègres les croupes cui rassées de leurs chevaux, ils finirent par ouvrir la brèche. El-Nasser, toujours assis sur son bouclier au seuil de sa tente, sécria, «La vérité est en Dieu, et le mensonge est en Satan,» et il resta calme jusquau moment même où les Chrétiens allaient latteindre, après avoir exterminé les dix mille nègres et plus qui lentouraient. Un Arabe, monté sur une jument, accourut vers lui et lui dit : «O émir des Musulmans ! jusquà quand resteras-tu là ? - Ne vois-tu pas que les décrets et la volonté de Dieu saccomplissent, et que les Musul mans sont tous morts ?» Lémir se leva alors pour monter sur le magnifique cheval quil tenait devant, lui ; mais lArabe, ayant sauté à bas de sa jument, lui dit : «Monte là-dessus, car celle-ci ne se laisse ni dépasser, tu atteindre, et Dieu chéri laidera pour te sauver; car désormais il ne reste plus despoir que dans ton propre salut.» El-Nasser échangea donc son cheval contre cette jument, et partit sans escorte ; tandis que lArabe, à la tête dune troupe de nègres, se livra à la poursuite des Chrétiens, qui continuèrent à massacrer les Musulmans jusquà la nuit. Ils périrent tous jusquau dernier; tout au plus sil en échappa un sur mille ! Les hérauts dAlphonse criaient partout, au nom du maudit, de ne point faire de prisonniers et de tout massacrer, aver tissant que quiconque amènerait un prisonnier périrait avec lui. Aussi il ne fut pas pris un seul Musulman vivant dans cette désastreuse bataille, qui eut lieu le lundi 14 de safar, an 609 (16 juillet 1212 J. C.). Cest ainsi que la puissance musulmane fut détruite en Andalousie et ne se releva plus, tandis que celle de leurs ennemis saffermit. Ceux-ci prirent une grande partie du pays; et leur ambition de sen emparer entièrement aurait été satisfaite, si Dieu navait permis que lémir des Musulmans, Abou Yousef Yacoub ben Abd el-Hakk (que le Très-Haut lui fasse miséricorde et lagrée !) ne fût arrivé au pouvoir pour secourir les terres de lIslam, relever les minarets et saccager les pays infidèles. En retournant dHisn el-Oukab, Alphonse (que Dieu le maudisse !) prit dassaut la ville dÉvora, dont il fit mettre à mort tous les habitants, grands et petits; puis il conquit chaque place lune après lautre ; et, au bout de peu de temps, il ne restait plus aux Musulmans, de toute lAndalousie, quun très-petit nombre de points quils ne perdirent pas, parce que Dieu vint en aide au règne des Meryn (que Dieu prolonge .leur dynastie !). Lon dit que tous les rois chrétiens qui assistèrent à la bataille dEl-Oukab et qui entrèrent dans Évora moururent tous, sans exception, dans cette même année. El-Nasser, après sa défaite, vint à Séville, où il entra dans la dernière décade du mois de doul hidjâ. Il était consterné, et ne cessait de penser avec amertume à cette immense armée quil avait rassemblée pour cette expédi tion, et qui surpassait en cavalerie et en infanterie tout ce que jamais émir avait, réuni avant lui Il avait cent soixante mille volontaires, infanterie et
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cavalerie ; plus, trois cent mille soldats ; plus, trente mille nègres, qui lui servaient de garde et descorte ; et dix, mille aghzâz et arbalétriers, sans compter les Almohades, les Zenéta, les Arabes et autres. Il lui semblait être invincible avec une pareille armée ; mais Dieu chéri et adoré lui fit voir que cest lui seul qui donne la victoire, et que toute force et toute puissance nest, quen lui, Très-Haut, quil soit glorifié ! A son retour à Maroc, après le désastre dEl-Oukab, El-Nasser dési gna pour lui succéder son fils, le Sid Abou Yacoub Youssef, surnommé ElMoustansyr, qui fut proclamé par tous les Almohades, et dont le nom fut célébré, dans tous les khotbah, dans la dernière décade du mois de dou1 hidjâ de lan 609. Puis il se retira dans son palais, où il sadonna entière ment, aux plaisirs, senivrant nuit et jour jusquà sa mort. Il fut empoisonné par ses ministres, quil avait lui-même lintention de faire périr, mais qui le devancèrent, en lui faisant, donner par une de ses femmes une coupe de vin qui le tua subitement, le mercredi 11 de châaban 610, dans son palais, à la kasbah de Maroc. Son règne avait, duré cinq mille quatre cent cinquante et un jours, qui font quinze ans, quatre mois et dix-huit jours, depuis le ven dredi 22 raby el-aouel 595, jour de sa proclamation, après la mort de son père, jusquau samedi 10 de châaban, veille de son assassinat.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS YOUSSEF EL-MOUSTANSYR BILLAH BEN NASSER BEN EL-MANSOUR BEN YOUSSEF.
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Lémir des Musulmans, Youssef ben Aby Abd Allah el-Nasser ben Yacoub el-Mansour ben Youssef (le martyr) ben Abd el-Moumen ben Aly le Zenèta, le Koumy, eut pour mère une femme blanche nommée Fathima, fille du sid Abou Aly Youssef ben Abd el-Moumen ; qualifié du nom, dEl-Mous tansyr Billah (celui qui attend tout son secours de Dieu), il fut surnommé Abou Yacoub. Fort jeune, il avait une taille élancée, une jolie figure, le teint frais, le nez fin, la chevelure épaisse. Il conserva les secrétaires de son père, et il eut pour ministres ses propres oncles, qui prirent les rênes du gouver nement avec les cheïkhs Almohades, parce que, lors de sa proclamation, il était pubère à peine, imberbe, ignorant et inexpérimenté. Ce furent donc les cheïkhs Almohades et ses oncles qui lui conservèrent le khalifat, durant lequel il ne fit ni expédition ni guerre, et il meut aucune puissance. Ses gou verneurs et ses fonctionnaires, en faisant ce quils voulaient chez eux, (lais saient tomber la renommée des Almohades, dont la décadence alla toujours en augmentant, malgré la tranquillité et la paie, dont ils jouirent sous son règne. Lorsquil fut plus âgé, il voulut gouverner lui-même, et il écarta ses oncles et les cheïkhs Almohades qui lui avaient conservé le trône, pour les
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remplacer par des étrangers indignes de sa confiance. Il envoya Abou Mohammed Abd Allah ben el-Mansour prendre le gouvernement de Valence et de Xativa, en Andalousie, et il confia à son cousin, Abou Mohammed Abd Allah ben el-Mansour le commandement de Murcie, Denia et dépendances, en lui adjoignant le cheïkh Abou Zyd ben Yrdjan, un des plus nobles Almo hades. Il expédia son cousin laîné, Abou el-Olâ, en Ifrîkya, pour en chasser le Mayorky. Cet Abou el-Olâ est celui qui bâtit la tour, située à la porte de la Mehdïa et qui la fortifia ; cest lui aussi qui fit construire la tour dor, à Séville, pendant quil gouvernait cette ville, durant la vie de son père. Il demeura longtemps en Ifrîkya, doù il ne vint que lorsquil fut remplacé par le cheïkh Abou Mohammed Abd Allah ben Hafs. En 614 (1217 J. C.), les Musulmans furent battus au Kessar dAby Dânys, et ce fut là une de leurs plus grandes défaites, approchant du désas tre dEl-Oukab. Les ennemis étant arrivés pour faire le siège de Kessar Aby Dânys, les troupes de Séville, de Cordoue, de Jaen et celles des pays occi dentaux de lAndalousie partirent en expédition, sur lordre de lémir ElMoustansyr, pour porter secours à cette place ; mais, avant même de sêtre trouvés en présence de leurs adversaires, les Musulmans, se souvenant du désastre dEl-Oukab, se dispersèrent et prirent la fuite. Les ennemis, sem blables à des chiens enragés, pleins de force et déjà accoutumés aux vic toires, se mirent à leur poursuite, le sabre en main et ils les exterminèrent jusquau dernier ; ensuite Alphonse revint au Kessar Aby Dânys, lassiégea, y entra à lassaut et massacra tous les Musulmans qui sy trouvaient. En 620, lémir des Musulmans, Youssef, mourut à Maroc accidentel lement ; il fut frappé au cur par les cornes dune vache, et il expira subi tement ; il était grand amateur de taureaux et de chevaux, et il se faisant envoyer des taureaux de lAndalousie même pour les lâcher dans son grand jardin de Maroc. Un, Soir, étant sorti pour les voir, il était à cheval au milieu deux, lorsquune vache furieuse, se faisant jour à travers les autres, vint le frapper mortellement. Cela eut lieu le samedi 12 du mois de doul hidjâ, an 620 (6 janvier 1224 J. C.). Il mourut sans enfants et ne laissant quune concubine enceinte ; il ne sortit jamais de Maroc durant sa vie. Sa puissance fut très-précaire, et sa jeunesse, autant que la courte durée de son règne, ne lui permit pas de se développer. Il régna trois mille six cent vingt-cinq jours, qui représentent dix ans quatre mois et dix jours ; il avait été proclamé le mercredi 11 du mois de châaban le béni de lan 610, jour de son avénement, et son dernier jour fut, le samedi 12 du mois de doul hidjâ, an 620. Cest ainsi que lont attesté les témoins de sa mort et ses proches.
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HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU MOHAMMED ABD EL-OUAHED EL-MAKHELOU (LE DÉTRÔNÉ). QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Lémir des Musulmans Abou Mohammed Abd el-Ouahed, fils de lémir des Musulmans Youssef ben Abd el-Moumen ben Aly el-Koumy, lAlmohade, fut proclamé par les cheïkhs Almohades comme étant le seul descendant de Mansour restant à la kasbah de Maroc, dans la matinée du dimanche 13 de doul hidjâ de lan 620 ; cétait alors un bon vieillard, paisi ble et vertueux. Pendant deux mois lon fit en son nom les khotbah dans tout le pays soumis aux Almohades, à lexception de Murcie, qui était gouver née par sou neveu El-Sid Abou Mohammed ; surnommé El-Adel (le juste). Celui-ci avait alors pour ministre le cheïkh Abou Zyd ben Yrdjan, connu sous le nom dEl-Asfar (le jaune), et le plus astucieux des Almohades. ElMansour ne pouvait le voir, et quand il sapprochait de lui, il le repoussait au nom de Dieu, à cause de sa malignité, et en disant : «O Jaune ! tout ce qui passe par tes mains est occasion de troubles !» Lorsque la .nouvelle de la proclamation de lémir Abou Mohammed Abd el-Ouahed arriva à Murcie, Abou Zyd ben Yrdjan dit à Abou Mohammed ben Abd Allah ben Mansour : «Gardez-vous bien de reconnaître Abd el-Ouahed, parce que le khalifat vous est dû ; vous en êtes le plus rapproché, car vous êtes le fils de Mansour, frère dEl-Nasser, et oncle dEl-Moustansyr ; de plus, vous êtes capable, censé, généreux et expérimenté ; vous devez demander aux Almohades de vous proclamer, et certes ils ne vous refuseront pas ; hâtez-vous pendant quil en est temps encore, avant que le nouveau gouvernement se consolide.» En entendant tout cela, Abou Mohammed se rendit en toute hâte dans la salle du conseil, et il envoya quérir à Murcie et dans les environs tous les cheikhs et les docteurs Almohades qui sy trouvaient et qui, à sa demande, sem pressèrent de le proclamer. Alors il envoya un message à son frère Abou el-Olâ, gouverneur de Séville, pour linviter à le reconnaître, ce que celui-ci fit, en entraînant avec lui le peuple de Séville et tous les Almohades qui sy trouvaient. Abou Mohammed (El-Adel), pensant alors à ceux qui avaient déjà proclamé Abd el-Ouahed, écrivit aux cheïhks Almohades qui étaient à Maroc, pour les inviter à le reconnaître et à forcer Abd el-Ouahed dabdi quer, leur promettant de fortes sommes, de hauts emplois et de belles posi tions. Ceux-ci se laissèrent séduire, et, sétant introduits auprès de lémir Abd el-Ouahed, ils le menacèrent de le tuer sIl nabdiquait pas lui-même et ne reconnaissait la souveraineté dEl-Adel. Le vieil émir consentit à tout, et ils le quittèrent en laissant dans le palais des hommes chargés dentretenir lépou vante dont ils lavaient frappé. Cela eut lieu le samedi 11 du mois de châa ban le sacré, an 621. Le lendemain dimanche, ils revinrent au palais amenant
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avec eux le kady, les docteurs et les cheïkhs, devant lesquels Abd el-Ouahed prononça son abdication et proclama El-Adel. Treize jours après, ils retour nèrent chez lui et ils le pendirent. Dès quil fut mort, ils pillèrent son palais, son trésor et envahirent son harem. Ce fut le premier des descendants dAbd el-Moumen qui fut détrôné et tué ; cela nétait jamais arrivé, et les cheïkhs Almohades devinrent ainsi pour la dynastie dAbd el-Moumen ce que les Turcs avaient été pour celle des Beni el-Abbès (des khalifes Abbasides) ; ils furent la cause de leur décadence et de leur propre chute. Par les meurtres de leurs rois et de leurs princes, ils ouvrirent la première porte à la guerre civile et aux séditions de leurs peuples coutre eux-mêmes. Abd el-Ouahed le détrôné mourut dans la nuit du mercredi 5 de ramadhan le grand, an 621; son règne avait duré en tout deux cent quarante-cinq jours, soit huit mois et cinq jours ; le premier jour fut un dimanche, et le dernier, celui de son abdication, fut un samedi.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIIR DES MUSULMANS ABOU MOHAMMED EL-ADEL (LE JUSTE). QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Abd Allah ben Yacoub el-Mansour ben Youssef ben Abd el-Moumen ben Aly el-Koumy, surnommé El-Adel fi Hakem Allah (le juste dans la jus tice de Dieu) et Abou Mohammed, était fils dune captive chrétienne prise à Santarem, nommée Syr el-Hassen (beauté parfaite). Il était blanc, sa taille était haute, son teint jaune, ses yeux châtains, son nez droit, sa barbe rare. Sage et prudent, il était très-attaché à sa religion. Sa première proclamation eut lieu à Murcie, vers le milieu de safar de lan 621. Il fut reconnu par tous les Almohades, excepté ceux de lIfrîkya, et ce ne fut quaprès labdication dAbd el-Ouahed que lon fit le khotbah en son nom, dans toutes les chaires de lAndalousie et du Maghreb, à partir de dimanche 22 de châaban le béni, 621. Ceux qui refusèrent de le reconnaître furent le sid Abou Zid, fils du sid Abou Abd Allah ben Youssef ben Abd el-Moumen, roi de Valence, de Xativa et de Denia, et les gouverneurs de lIfrîkya et les Hafsides, qui étaient très puissants, et qui furent cause que son gouvernement ne se consolida point. Le. sid Abou Mohammed ben el-Sid Abou Abd Allah ben Youssef, appre nant que son frère le sid Abou Zid refusait de reconnaître la souveraineté dEl-Adel, suivit son exemple à Baëza quil gouvernait, et, prêchant pour lui-même, il fut, proclamé par la population de cette ville ainsi que par celles de Cordoue, de Jaén, de Quesada et des forteresses de lintérieur. Il prit le nom de Baëzy, d cause de sa proclamation à Baëza, et cest ainsi que les troubles et les révoltes envahirent les descendants dAbd el-Moumen, qui ne virent plus que des malheurs. El-Adel expédia son frère Abou el-Olâ avec une forte armée pour faire le siége de Baëza, où le Baëzy, se sentant de plus en plus resserré, finit par demander une paix qui lui fut, généreusement
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accordée, et il proclama El-Adel ; mais à peine Abou el-Olâ fut-il parti, quil se révolta de nouveau et demanda des secours à Alphonse en lui offrant de lui livrer en retour les places de Baëza et de Quesada. Il fut le premier de tous qui livra ainsi du pays aux Chrétiens : Alphonse lui envoya une armée de vingt mille cavaliers. Ayant réuni ce renfort, à ses. cavaliers et à ses légions, il sortit de Cordoue et marcha sur Séville. A son approche, le sid Abou el-Olâ vint à sa rencontre avec une armée ; le combat fut sanglant, et le frère dEl-Adel, le sid Abou el-Olâ, fut complètement défait. Le Baëzy et les Chrétiens qui étaient avec lui pillèrent le camp et emportèrent tout ce qui sy trouvait darmes, danimaux et, de butin. El-Adel, en voyant la déroute dAbou el-Olâ et de son armée, craignit que le Baëzy victorieux ne lui enle vât le khalifat, et, après avoir confié la direction des affaires de lAndalousie à son frère le sid Abou el-Olâ, il passa dans le Maghreb, et vint à Maroc, ou il se renferma dans le palais des émirs. Abou el-Olâ gouverna lAndalou sie au nom de. son frère El-Adel, jusquen chouel de lan 624 (1227 J. C.), et il se révolta lui-même pour prendre les rênes du gouvernement sous le nom dEl-Mamoun. Il fut proclamé, par le peuple de Séville et par tous les Musulmans de lAndalousie, et aussitôt après il écrivit aux Almohades du Maghreb pour leur faire part de ladhésion générale des Andalous et de tous les Almohades qui se trouvaient en Espagne, et qui en le proclamant avaient prononcé la déchéance dEl-Adel. En conséquence, il les invitait à se con former à ces changements, et il leur promettait des présents et des emplois. Les Almohades, hésitant dabord, tinrent conseil et décidèrent bientôt à lunanimité de détrôner El-Adel. Ils se rendirent dans son palais et le som mèrent dabdiquer. Sur son refus, ils plongèrent sa tête dans le bassin dun jet deau en lui disant : «Nous ne te délivrerons que lorsque tu auras abdiqué et proclamé ton frère El-Mamoun.» Il leur répondit : «Faites ce que vous voudrez, mais je mourrai émir des Musulmans.» Alors ils lui passèrent son turban autour du cou et ils létranglèrent, laissant sa tête plongée dans le bassin jusquà son dernier soupir. Cela eut, lieu le 21 de chouel, an 624. Ils expédièrent leur soumission écrite à El-Mamoun ; mais bientôt ils changè rent encore davis, et, ne reconnaissant plus la souveraineté dEl-Mamoun, ils proclamèrent Yhya ben el-Nasser. Le règne dEl-Adel, depuis le jour de son avènement à Murcie jusquau jour de sa mort, avait duré, trois ans, sept mois et neuf jours.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS YHYA BEN NASSER ET DE SES GUERRES AVEC SON ONCLE EL-MAMOUN.
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Lémir des Musulmans Yhya benAbyAbdAllah el-Nasser ben el-Man sour benYoussef benAbd el-Moumen benAly, nomméAbou Zakerya, et selon
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dautres Abou Soliman, était surnommé El-Mouthassem Billah (le protégé par Dieu). Il était fort jeune et avait une belle taille et une jolie figure, le teint, rouge, la barbe claire, les sourcils se rattachant ensemble et les che veux blonds. Les cheikhs Almohades se réunirent pour le proclamer aussitôt après quils curent tué El-Adel et reconnu El-Mamoun. Ce revirement fut causé par la frayeur qui sempara deux aussitôt quils eurent envoyé leur acte de soumission et El-Mamoun, à la pensée que cet émir, dont lénergie et la sévérité leur étaient connues, leur réclamerait le talion pour les meurtres quils avaient commis de ses proches, soit de son oncle Abd el-Ouahed elMakheloû et puis de son frère El-Adel. Ils se retournèrent donc vers Yhya, dont lextrême jeunesse ne leur inspirait aucune crainte. Ce prince navait que seize ans lorsquil fut proclamé à la kasbah de Maroc, dans la mosquée dEl-Mansour, après la prière du soir, le mercredi 28 de chouel, an 624. Les Arabes Khelouth et les kabyles dHaskoura refusèrent leur soumission en disant : «Nous avons déjà reconnu El-Mamoun, et nous ne violerons jamais nos serments.» Yhya envoya contre eux une armée dAlmohades et dirré guliers; mais elle fut battue, et les Khelouth et les Haskoury, fidèles à ElMamoun, poursuivirent les Almohades jusquà Maroc en les massacrant. Les troupes furent ainsi toujours vaincues durant le règne dYhya. Aussitôt après sa proclamation à Maroc, il envoya chercher le cheïkh Abou Zyd ben Yrdjan et son fils Abd Allah, et il les fit mettre à mort. Leurs têtes furent pendues au Bab el-Kohoul et leurs cadavres furent traînés dans la ville. Un mois après lavènement dYhya, tout le pays était en révolution ; partout la révolte, la disette et les routes infestées de brigands; partout des troubles, des malheurs et les vices qui en étaient la conséquence. Les cheïkhs Almo hades recommencèrent leurs disputes pour les descendants dAbd el-Mou men, tantôt proclamés, tantôt renversés, nommés khalifes et aussitôt mis à mort. Aussi, lémir Yhya pressentant bien que les Almohades, dont la plu part sétaient de nouveau retournés vers El-Mamoun, ne tarderaient pas à le faire périr à son tour, sortit, de Maroc et senfuit à Tynmâl, dans le mois de djoumad el-tâny, an 626 ; ce fut le signal de lanarchie pour les habitants de Maroc, qui finirent par nommer un gouverneur au nom dEl-Mamoun quils proclamèrent, en lui faisant savoir la fuite dYhya dans les montagnes, et en lappelant à eux. Mais quatre mois après, Yhya, arrivant avec de nou velles forces, entra à Maroc et fit mourir le gouverneur dEl-Mamoun; il ne resta que sept jours dans cette capitale, et il se porta en toute hâte au Djebel Djelyz, où il se fixa dans lespoir dy surprendre ou dy rencontrer El-Mamoun arrivant pour lui livrer bataille. Lémir Yhya ne cessa de lutter contre, El-Mamoun et son fils Rachyd, jusquà sa mort. Il fut assassiné dans la vallée dAbd Allah, aux environs de
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Rabat Thaza(1), par les Arabes, le lundi 22 ramadhan 633 (1235 J. C.)..Sa tête fut apportée à Rachyd, à Maroc. Son règne avait duré trois mille cent quatre vingt-dix-sept jours, depuis le mercredi de sa proclamation jusquau diman che, puisquil fut tué le lundi, soit neuf ans et neuf jours, durant lesquels il fut constamment en guerre avec El-Mamoun et son fils . El-Rachyd.
HISTOIRE DU KHALIFAT DE LÉMIR DES MUSULMANS ABY EL-OLÂ(2) BEN EL-MANSOUR LALMOHADE.
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Lémir des Musulmans, Edriss-el-Mamoun ben Yacoub el-Mansour ben Youssef ben Abd el-Moumen ben Aly, était nommé Abou el-Olâ et sur nommé El-Mamoun. Sa mère était blanche ; nommée Safya (Sophie), fille de lémir Abou Abd Allah ben Merdnych. Blanc, yeux noirs, taille moyenne, jolie figure, éloquent, savant, versé dans la connaissance du Hadits du Pro phète de Dieu (que le Seigneur le comble de bénédictions !), plein de foi, ayant beaucoup lu, et doué dune excellente prononciation, imam dans la science de la langue arabe, dans la politique et lhistoire, il fut lauteur de plusieurs écrits admirables; très-instruit sur les commentaires, il ne cessa durant tout son khalifat détudier les livres El-Moutha(3), El-Bokhary et le Sonna dAbou Daoued. Docteur dans les sciences religieuses et profanes, il était énergique, rigide, despote, prompt à entreprendre les grandes choses, sanguinaire et expéditif dans sa justice. Il naquit à Malaga, en 581. A peine fut-il khalife, que tout le pays fût en feu ; partout guerre, troubles, cherté, disette et insécurité des routes. Les ennemis relevés avaient envahi la plus grande partie des pays musulmans de lAndalousie, tandis que les Hafsides semparaient de lIfrîkya et que les Beny Meryn, faisant invasion dans le Maghreb, enlevaient les campagnes, dont ils donnaient le gouvernement à leurs parents et à leurs proches, de telle sorte que personne ne savait plus à qui il convenait de sattacher. Cette situation ne saurait mieux se résumer que par ces vers de lépoque : «Et les chevreuils se présentèrent en si grand nombre au-devant des chiens de chasse, que ceux-ci ne savaient plus les quels ils devaient prendre.» La première proclamation dEl-Mamoun eut lieu à Séville, le jeudi 2 de chouel, an 624, et il fut reconnu par toutes les provinces de lAndalousie ainsi que par celles de Tanger et de Ceuta dans lAdoua. Aussitôt, après il envoya son message aux Almohades de Maroc, pour les inviter à reconnaître sa souveraineté et à renverser son frère El-Adel. Ses ordres furent ]immédia tement exécutés ; El-Adel fut assassiné, et les cheikhs lui envoyèrent lacte
_____________________ 1 Aghersyft. 2 Aby el-Olâ, nommé Abu lOla et Aby Aly ou Aba Aly par Condé et Abuli par Mariana. 3 Traité de droit de Malek ben Ans.
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de leur soumission et tirent le khotbah en son nom dans la mosquée dElMansour ; mais, changeant bientôt dopinion, comme nous lavons dit, à causse de la crainte quEl-Mamoun leur inspirait, ils proclamèrent le soir même son neveu Yhya. Abou el-Olâ reçoit lacte de sa proclamation par les Almohades du Maroc à Séville, et le fit publier dans toute lAndalousie : ensuite, il se mit en campagne pour venir à Maroc, capitale des rois de sa dynastie, est il arriva à Algéziras pour sembarquer. Ce ne fut que là quil apprit le revirement des Almohades contre lui en faveur de son neveu Yhya, et il partit aussitôt, plein de colère, en récitant les paroles dHassân, lorsque lémir des Musulmans, Othman ben Ofân, fut tué : Entendez-vous les cris qui partent de leurs demeures; allons, hommes, accourez pour venger Oth mane ! Il expédia un courrier au roi de Castille pour lui demander du secours contre les Almohades, et, le pria de lui envoyer une armée chrétienne pour passer avec lui dans lAdoua, coutre Yhya et les Almohades. Le roi de Cas tille lui répondit : «Je te donnerai larmée que tu une demandes, à la condition que tu me livreras dix places fortes, les plus proches de mes frontières, et que je choisirai moi-même ; de palus, si Dieu te vient en aide et que tu entres à Maroc, tu feras bâtir une église chrétienne en cette. ville, où les soldats qui tauront accompagné pourront pratiquer leur culte, et où les cloches sonne ront à lheure de leurs prières. Si quelque chrétien veut se faire musulman, tu ne laccepteras pas et tu le livreras à ses frères, qui le jugeront daprès leurs lois, mais si quelque musulman veut embrasser le christianisme, personne naura à sy opposer(1). Toutes ces conditions ayant été acceptée, le roi de Castille lui envoya une superbe armée de douze mille cavaliers chrétiens pour servir sous ses ordres et passer dans lAdoua. Ce fut la première fois que des troupes chrétiennes passèrent et agirent dans le Maghreb. Cette armée arriva près dEl-Mamoun dans le mois de ramadhan 626, et il se rendit aussitôt dans lAdoua. Mais à peine se fut-il éloigné, que lAndalousie se souleva, et la plus grande partie des provinces proclamèrent la souveraineté de Ben Houd, émir, de lEspagne orientale(2). El-Mamoun sembarqua à Algéziras et débarqua à Ceuta dans le mois
____________________ 1 Il ny a plus, au Maroc, quune seule église ou chapelle chrétienne, à Tanger, résidence des représentants des puissances, on un capucin espagnol dit la messe le dimanche ; mais cette chapelle, enclavée dans lhôtel consulaire dEspagne, ne doit avoir aucun signe extérieur, et il est expressément interdit de faire sonner les cloches (1860). (Voir la brochure de labbé Godard, Le Maroc, notes dun voyageur, p. 16 et suiv.) 2 Abou Abd Allah Mohammed ben Youssef ben Houd, descendant des émirs de lEspagne orientale, proclamé émir des Musulmans à Escuriante, le 1er de ramadhan 625 (4 août 1228).
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de doul kâada. Après avoir passé quelques jours dans cette place forte, il se mit en marche pour Maroc, au environs de laquelle il rencontra Yhya avec larmée Almohade, le samedi 25 de raby el-aouel, au 627, à lheure de la prière de lAsser. Yhya fut battu et prit la fuite dans les montagnes ; la plus grande partie de ses soldats furent tués, et El-Mamoun entra à Maroc, où il fut reconnu par tous les Almohades ; il monta lui-même en chaire dans la mosquée dEl-Mansour, et, après avoir fait le khotbah au peuple, il maudit El-Mehdy et ses actes : «O hommes ! sécria-t-il, ne dites plus quEl-Mehdy est massoum (impeccable), mais appelez-le le grand medmoun (séducteur misérable), car il ny a point de Mehdy, si ce nest Jésus, fils de Marie (que le salut soit sur lui !). Je vous dis, moi, que toute lhistoire de votre Mehdy nest quune ianpostùre !» En terminant, il ajouta : «O mes compagnons Almohades ! ne pensez pais que je vous aie dit tout cela pour conserver le gouvernement que vous mavez confié. Ceux qui me succéderont vous répèteront les mêmes choses, sil plait à Dieu.» Alors il quitta la chaire, et il expédia immédiatement des proclamations dans tous les pays soumis à son commandement pour inviter les peuples à se détourner de la voie dElMehdy, et de toutes les nouveautés religieuses quil avait créées pour les Almohades. Il ordonnait de sen tenir aux traces des anciens souverains, de ne plus prononcer le nom dEl-Mehdy dans les khotbah et de leffacer des dinars dor et des pièces de cuivre quil avait fait frapper. Il fit arrondir toutes les monnaies dEl-Mehdy, décrétant que quiconque continuerait à se servir de pièces carrées serait coupable dhérésie. Après cela, il se retira dans son palais, et personne ne le vit plus pendant trois jours ; le quatrième, il se montra et il envoya chercher les cheikhs Almohades. Aussitôt quils furent réunis, il leur dit : «O compagnons Almohades ! vous avez suscité des émeu tes et des troubles, et vous êtes allés bien avant dans la perversité; vous avez trompé la confiance quon avait mise en vous, trahi le gouvernement, tué mes frères et mes oncles, sans songer aux bienfaits dont ils-vous com blaient.» Tirant alors la lettre de soumission quils lui avaient envoyée de Séville, il la leur fit voir en preuve de leur trahison, et ils battirent leurs mains en signe de leur confusion et de leur honte. El-Mamoun, sadressant ensuite au kady El-Mekyouy, qui était devant lui et quil avait amené de Séville, il lui dit : «Que ten semble, ô docteur, et que faut-il faire de ces traîtres ?» Le kady lui répondit : «Ô émir des Musulmans, Dieu a très-haut, a dit dans son livre manifeste : Quiconque violera le serment, le violera à son détriment, et celui qui reste fidèle au pacte, Dieu lui accordera la récompense maagnifique !(1)» lémir reprit : «Oui, cest bien là la vérité de Dieu, et cest par sa justice que je dois, les juger, car ceux qui ne jugeront pas daprès le livre
____________________ 1 Koran, C. XLVIII la Victoire, vers. 10.
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que dieu a fait descendre den haut seront les vrais coupables(1).» Il con damna à mort, tous les cheïkhs et les nobles Almohades, et ils furent tous exterminés jusquau dernier, sans excepter même leurs pères et leurs enfants. Cependant on lui amena un jeune fils de sa sur, qui avait à peine treize ans et qui savait déjà le Koran par cur. En se voyant si près de la mort, cet enfant lui dit : «O émir des Croyants ! fais-moi grâce au nom de trois choses. Lesquelles ? lui répondit lémir. Lenfant reprit : Ma jeunesse, ma parenté et ma connaissance du livre du Dieu chéri !» Lémir, regardant alors le kady El-Mekyouy comme pour le consulter, lui dit : «Que penses-tu des supplications de cette créature et des paroles quil vient de prononcer ici.» Le kady lui répondit : «O émir des Musulmans ! Car si tu en laissais, ils séduiraient les serviteurs et nenfanteraient que des impies et des incré dules(2).» Et lémir fit mettre à mort son jeune neveu. Alors il ordonna dex poser les têtes sur les mur, de la ville, et il y en eut suffisamment pour garnir toute lenceinte. Compte fait, il se trouva quatre mille six cents têtes. On était au milieu de lété, et la ville fut infectée au point que lodeur de la putréfaction rendit, les habitants malades. Sur les plaintes qui lui furent por tées, lémir répondit : «Tout cela nest quune excuse de ceux qui portent le deuil de ces têtes, dont la pourriture doit, au contraire, leur faire beaucoup de bien. Lodeur des cadavres de ceux quon aime est suave comme le parfum ; les cadavres des ennemis seuls sentent mauvais.» Et il improvisa ces vers : «Peuple de troubles et le plus pervers du monde, qui ne jurait que par le nom frappé sur les monnaies carrées ! sa destruction servira à bien dautres que moi, qui les ai taillés en pièces et pendus aux arbres; ils nauraient pas servi dexemple si on navait vu leurs débris sur les dattiers et les murs. Cest ainsi que le talion a été pratiqué par la justice que chacun approuve. Certes si, par la volonté de Dieu, tous les hommes eussent été comme eux, il ny aurait que des peuples du feu (denfer).» El-Mamoun sempara également du kady de Maroc, Abou Mohammed Abd el-Hakk, et le remit enchaîné à Hallel ben Hamydan ben Mokaddem el-Khathy, qui le tint en prison jusquà ce quil eût payé six mille dinars. El-Mamoun resta cinq mois à Maroc, et il en sortit durant le ramad han de 627, pour aller attaquer dans la montagne Yhya et ses Almohades. Il latteignit au pays de Loukâghâ et il le mit en déroute. Il massacra la plu part des soldats de la montagne et il envoya quatorze mille têtes à Maroc. En 628 (1230 J. C.), El-Mamoun donna lordre dans tout son royaume de pratiquer les choses connues et de punir les abus. Cest durant cette année que lAndalousie entière secoua le joug des Almohades pour se soumettre à Ben Houd.
____________________ 1 Koran, C. V : la Table, vers. 49. 2 Koran, C. LXXI : Noé, vers. 28.
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En 629, El-Mamoun fut méconnu par son frère le sid Abou Moussa Amran ben el-Mansour, qui se fit proclamer et nommer El--Mouïd dans la ville de Ceuta, A cette nouvelle, lémir sortit contre lui et vint lassiéger pen dant quelque temps, mais sans succès. Son absence sétant prolongée, Yhya, qui avait repris de nouvelles forces, descendit de la montagne et sempara de Maroc, où son premier soin fut de faire démolir léglise bâtie pour les Chré tiens. Il massacra un grand nombre de juifs et de Beni Ferkhan, dont il pilla tous les biens, et entrant dans le palais, il y ramassa tout ce quil put pour lemporter dans sa montagne. En apprenant cela, El-Mamoun abandonna Ceuta, pour venir en toute hâte à Maroc, et il se remit en chemin dans le mois de doul hidjâ. A peine se fut-il retiré, que Abou Moussa passa en Andalousie pour faire sa soumission à ben Houd et lui, donner Ceuta. Ben Hood linvestit du gouvernement dAlméria, en le traitant comme un second lui-même, et cest là quAbou Moussa mourut. El-Mamoun était en route lorsquil apprit que Ben Houd était maître de Ceuta. Il en conçut une telle peine, quil tomba malade et mourut de chagrin à Oued el-Abyd(1), au retour du siège de Ceuta, le samedi dernier jour du mois doul hidjâ, an 629 (16 ou 17 octobre 1232). Son règne avais, duré mille huit cent cinquante-huit jours, soit cinq ans, trois mois et un jour. Le premier jour fut un jeudi et le dernier un samedi. Il ne cessa dêtre en lutte avec Yhya, et durant tout son règne les Almohades furent divisés en deux parties, et leur gouvernement en deux gouvernements. Cest ainsi que leur dynastie sen allait, que leur gloire sévanouissait de plus en plus, et que le fer ne cessa de les frapper que lorsquils furent tous exterminés ; et certes, si son époque navait été aussi bouleversée par les troubles qui remplissaient lAndalousie et le Maghreb, El-Mamoun aurait été aussi grand que son père El-Mansour, dont il avait toutes les qualités.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU MOHAMMED ABD EL-OUAHED EL-RACHYD(2). QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Abou Moltammed Abd el-Ouahed ben Edriss el-Mamoun bed Yacoub el-Mansour ben Youssef, le martyr, ben Abd el-Moumen el-Mouyd ben Aly le Koumy, lAlmohade, prénommé Abou Mohammed, surnommé ElRachyd, eut pour mère une captive chrétienne, appelée Habèb, femme distinguée et douée dune grande intelligence. Il fut proclamé à lOued elAbyd, le lendemain de la mort de son père, soit le dimanche premier du mois de moharrem 630 (1232 J. C.), à lâge de quatorze ans, par Kanoun ben
____________________ 1 Oued el-Abyd, branche supérieure de lOumm el-Rebya. 2 Nommé dans les livres dhistoire espagnols Al Rascid, et appelé Anasio par Mariana, qui en fait à tort le successeur immédiat dEl-Nasser.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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Djermoun el-Soufyany, Chouayb Akaryth el-Askoury et Francyl, général chrétien; voici comment : Habèb, ayant tenu secrète la mort de son mari ElMamoun, manda auprès delle ces trois généraux, qui était les colonnes de larmée dEl-Mamoun et commandaient chacun dix mille de leurs frères, et en leur apprenant la perte quelle venait de faire, elle les pria de nommer son fils pour successeur de lémir et de se charger de sa proclamation. En même temps elle leur remit de très-fortes sommes et leur promit de leur donner la ville de Maroc sils réussissaient à en chasser lennemi. Ceux-ci se rendirent à ses désirs, et prirent les affaires en main en proclamant. El-Rachyd et en le faisant proclamer par les leurs et puis par tout le monde, soit de gré, soit de force et à laide de là crainte quinspirait leur sabre. Quand la proclamation fut achevée, le nouvel émir se mit en route pour Maroc, en se faisant précé der du cadavre de son père porté dans un cercueil. Cependant les habitants de Maroc, ayant appris les conditions que Habèb la chrétienne avait offertes aux généraux au sujet de leur ville, sortirent en rangs de bataille sous la con duite de Yhya pour attaquer Rachyd. Mais, à la première rencontre, Yhya fut complètement battu, et Rachyd arrivait déjà aux portes de Maroc, lors quelles lui furent fermées en face par les habitants, qui ne les lui ouvrirent que lorsquil leur eut donné laman, et quil eut payé au général chrétien et à ses compagnons le prix de Maroc. Ils reçurent, dit-on, 500,000 dinars. El-Rachyd rentra à Maroc et il y demeura jusquen 633. A cette époque, ayant appelé les cheïkhs des Khelouth, il en fit décapiter vingt-cinq dans son palais même ; cest pourquoi les Khelouth, sétant soulevés, semparèrent de Maroc. Rachyd prit la fuite avec son armée pour aller se retrancher à Sidjilmessa, et les Khelouth, ayant alors proclamé Yhya, laidèrent à revenir dans cette capitale, où il demeura à son tour jusquau moment où Rachyd len chassa. Celui-ci, ayant refait ses forces en argent et en hommes, sortit de Sidjilmessa et vint à Fès, où il demeura quelque temps à se concilier les prit de la population; en distribuant de riches présents et de fortes sommes dargent aux docteurs et aux saints. Cest alors quil se porta sur Maroc et quil défit de nouveau Yhya à la tête de son armée dArabes et dAlmoha des dont il détruisit le plus grand nombre. Yhya, vaincu, senfuit en toute hâte vers Rabat Taza, et ce fut en route quil fut trahi et assassiné par les Arabes Makhaly, qui envoyèrent sa tête à Rachyd, à Maroc. Celui-ci, maître de nouveau de cette capitale, y demeura jusquà sa mort (que Dieu lui fasse miséricorde !). Il se noya dans un bassin le jeudi 9 de djoumad el-tâny, an 640 (4 décembre 1242). Son règne avait duré trois mille sept cents jours, soit dix ans, cinq mois et neuf jours. Il fut proclamé à Séville dans le ramadhan de 635, et à Ceuta le mois suivant, chouel. A cette époque lAdoua et lAnda lousie furent désolées par une grande disette et par une peste épouvantable,
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qui laissa la plus grande partie du pays sans habitants. Le prix du blé séleva jusquà 80 dinars le kafyz.
HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU EL-HASSEN EL-SAÏD. QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE
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Aly bill Edriss el-Mamoun ben Yacoub el-Mansour ben Youssef ben Abd el-Moumen ben Aly el-Koumy, lAlmohade, eut pour mère une esclave nubienne. Il fut prénommé Abou e1-Hassen, surnommé Saïd, et qualifié de El-Moutamyd Billah (le soutenu par la flaveur de Dieu). Il était très-brun, de sang mêlé haut de taille, très-droit, il avait une chevelure abondante, de jolis yeux, une forte barbe, une belle prestance ; énergique, redoutable, grand batailleur, courageux, il lemportait par ses qualités sur tous ses frères. Il fut proclamé au palais de Maroc, le lendemain de la mort de son frère, le vendredi 10 de djouauad el-tâny 640, et il mourut. (que Dieu lui fasse misé ricorde !) le mardi, dernier jour de safar 646, pendant quil assiégeait Yagh mourâsen(1) ben Zyan Abd el-Ouahedy, qui sétait retranché, dans le château de Tamezdyt aux environs de Tlemcen. Son khalifat compte ainsi deux mille vingt-huit jours, à partir du jour de son avènement jusquà celui de sa mort, soit cinq ans, huit mois et vingt et un jours. Cest à lépoque de sa proclamation à Maroc que les Beni Meryn commencèrent à briller de leur éclat au Maghreb, dont ils gouvernaient déjà toutes les campagnes. Saïd envoya contre eux diverses armées, mais elles furent toutes défaites. En 643, lémir Saïd, ayant appris que lémir Yhya ben Abd el-Hakk sétait emparé de Mekenès, tandis que Yaghmourâsen ben Zyan sétait approprié Tlemcen et ses environs, et que Mohammed el-Moustansyr, gou verneur dlfrîkya, avait osé prendre, contre tout usage, le titre démir des Musulmans (le tout au détriment de lempire que lui avait légué son frère, et au mépris de son gouvernement), résolut de faire une grande expédition contre eux, et il sortit lui-même, de Maroc à la tête dune armée innombrable dAlmohades, dArabes et de Chrétiens. Dès quil eut atteint, lOued Beht(2), lémir Yhya ben Abd el-Hakk abandonna Mekenès, et se rendit à la forteresse de Taza et de là dans le Rif, où les Kabyles de Beni Meryn se joignirent à lui. Lémir des Musulmans, ElSaïd, entra à Mekenès, dont la population sortit au devant de lui pour implo rer laman. Ils étaient précédés par le cheïkh, le saint Abou Aly Mansour ben Harouz, qui vint se livrer à lémir accompagné des enfants des écoles,
____________________ 1 Appelé dans lhistoire dEspagne Jagmorasin, et probablement le Gomarança de Mariana. 2 Oued Beht, dans la province des Beni Hassen, entre Mekenès et Salé.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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portant leurs planchettes sur leur tête et leurs Korans à la main(1). Lémir Saïd leur accorda le pardon et se rendit à Fès où il campa sous les murs, dit côté du Midi. Il demeura là quelques jours et reçut lacte de soumission de lémir Yhya, ce qui le combla de joie ; il accueillit parfaitement les mes sagers, leur fit de riches présents, et leur donna sa réponse, par laquelle il investissait Yhya du gouvernement du Rif et de toutes les places fortes qui sy trouvaient. Lémir Saïd leva son camp le 14 de moharrem 645 ; mais dans la nuit il y eut une éclipse totale de lune, et le lendemain matin, au moment où il montait à cheval pour se mettre en route, son parasol royal se brisa et les morceaux furent emportés par le vent. Frappé de ces mauvais présages, il sarrêta et ne se mit en marche que le 16 ; il se porta sur Tlemcen, mais à son approche Yaghmourâsen prit la fuite, emportant ses trésors, ses femmes et ses enfants, et il vint se retrancher dans le château de Temzezdekt, où il se fortifia. Saïd, maître de Tlemcen, ainsi abandonné, poursuivit son ennemi jusquaudit château, où il lassiégea durant trois jours. Le quatrième jour il monte à cheval vers midi, au moment où les soldats avaient lhabitude de se reposer, et il sen alla avec son ministre, à linsu de tous, pour examiner les fortifications du château et chercher les moyens à prendre pour le battre et sen emparer ; mais étant arrivé vers le milieu de la montagne, dans un endroit, tries-difficile, il fut aperçu par, un cavalier des Beni Abd el-Oua hedy, connu sous le nom de Youssef el-Cheytân (le diable), qui faisait la ronde, et qui fondit sur lui à limproviste avec Yaghmourâsen et Yacoub ben Djouber el-Abd el-Ouahedy. Lémir fut tué par El-Cheytân, et son ministre par Yacoub ben Djouber. Les témoins de cet événement. vinrent en courant lannoncer au camp, et les troupes, frappées de stupeur, prirent la fuite. Yaghmourâsen, se précipitant aussitôt avec les Beni Abd el-Ouahedy, qui gardaient le château, livra le camp au pillage et enleva tout ce qui sy trou vait dargent, darmes, chevaux, esclaves, tentes, tambours, enseignes et dra peaux. Ensuite il ordonna de laver le corps de Rachyd et de lensevelir avec les serviteurs de Dieu , au dehors de la porte de Tlemcen.
____________________ 1 Cest encore ainsi, planchettes en tête et Koran en main, que les tholbas et les écoliers parcourent processionnellement, au Maroc, les villes et les campagnes pour implorer la clémence du ciel durant une calamité ; ils chantent tous ensemble des cou plets compensés pour la circonstance, comme celui-ci, par exemple, que nous avons entendu en temps de sécheresse : Ta pluie, ta pluie, ô Allah ! De leau, sil plaît à Dieu !
Les épis ont soif, arrose-les, ô notre seigneur !
Ô notre maître, nous implorons ta grâce. Qui nous fera miséricorde, si ce nest toi ?
Nous sommes debout à ta porte, ô clément des éléments !
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HISTOIRE DU RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU HAFS OMAR EL-MOURTHADHY. QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Lémir des Musulmans Omar ben el-Syd Abou Brahim Ishac, fils de lémir des Musulmans Youssef ben Abd el-Moumen ben Aly el-Koumy lAl mohade, prénommé Abou Hafs, surnommé El-Mourthadhy (lagréé), eut pour mère une femme légitime, fille de loncle de son frère. Il fut proclamé après la mort de son frère Saïd par tous les cheikhs Almohades de Maroc, le mercredi 1er de raby el-aouel 646, daprès le livre de Ben Rachyk, intitulé Myzân el-Amel (poids de ladministration). Mais cela ne peut pas être exact, parce que Saïd étant mort le mardi, dernier jour de safar, il nétait point pos sible que la nouvelle en parvint à Maroc dans une seule nuit. Il est, probable que El-Mourthadhy ne fut proclamé que dix jours au moins après la mort de son frère, mais que lacte de proclamation fut écrit dans la mosquée dElMansour, sous la date du 2 de raby el-aouel. Le Mourthadhy gouvernait la kasbah de Rabat el-Fath au nom de son frère, depuis que celui-ci était parti pour Tlemcen, et ce fut là quil reçut sa proclamation quil publia aussitôt et qui fut agréée par tous les Almohades, les docteurs et les cheikhs qui lentouraient. Il se rendit aussitôt à Maroc, et, après avoir fait renouveler sa proclamation, il prit les rênes de son gouvernement, qui sétendait sur tout le pays compris entre la ville de Salé et le Sous. Il resta dans sa capitale jus quen 653, et il en sortit pour aller attaquer Fès et les Beny Meryn, à la tête dune immense armée de quatre-vingt mille cavaliers Almohades,, Aghzâz, arbalétriers, andalous et Chrétiens. Arrivé au Djebel des Beni Behloul, au sud de la ville de Fès, il campa ; mais déjà la crainte des Beny Meryn sétait tellement emparée du cur de ses soldats, quils nen dormaient plus la nuit. Un soir il arriva quun cheval, sétant échappé, se prit à galoper en tous sens .au milieu des tentes; on se mit à sa poursuite, mais les soldats, apercevant ce mouvement, crurent quil sagissait dune attaque des Beny Meryn, et, lépouvante gagnant de lun à lautre, toute larmée monta à cheval. Les différents corps ne se reconnaissant plus entre eux seffrayèrent réciproque ment, et prirent la fuite dans une déroute aussi complète que si elle eût été causée par lennemi. En apprenant cela, lémir Yhya sortit de Fès et vint piller le camp. Il sempara de tout ce qui sy trouvait, richesses, armes et bagages. Le Mourthadhy, vaincu, sen revint à Maroc avec, un très-petit nombre de Chrétiens et cheïkhs qui lui étaient restés fidèles, et, il demeura dans cette capitale jusquau samedi 22 moharrem, an 665 (1266 J. C.), à larrivée dAbou Debbous, auquel il néchappa que par la fuite. Il fut pris et tué dans le mois suivant, le 22 safar. Ceci est attesté par un grand nombre de personnes qui en furent témoins. Son règne avait duré six mille six cent quatre-vingt seize jours, soit dix-huit ans, dix mois et vingt-deux jours. Le
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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Mourthadhy se fit remarquer par son abstinence et ses goûts pour la vie monastique, et il fut appelé le troisième Omar. Il était passionné, pour la musique religieuse, dont il ne se serait détaché ni jour ni nuit. Son époque fut tranquille et prospère, et labondance fut si grande sous son règne, que les habitants du Maghreb nen virent plus jamais de semblable.
HISTOIRE DU RÈGNE DEDRISS, SURNOMMÉ ABOU DEBBOUS(1), DERNIER SOUVERAIN DES DESCENDANTS DABD EL-MOUMEN.
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Abou el-Olâ Edriss ben el-Sid Abou Abd Allah ben Sid Aly Hafs, fils de lémir des Musulmans Abou Mohammed Abd el-Moumen ben Aly, reçut le titre démir des Musulmans et celui dEl-Ouathik Billah (le confiant en Dieu). Sa mère était une captive chrétienne nommée Chemcha (soleil). Il était blanc, coloré et couvert de rousseurs, haut de taille ; il avait; les yeux bleus et la barbe longue ; il était adroit, courageux, expérimenté et fort, habile ; il entra à Maroc par surprise contre Omar el-Mourthadhy, qui sen fuit. Maître du gouvernement, il fut proclamé dans la mosquée dEl-Man sour par tous les Almohade, les cheikhs, les, visirs, les kadys, les docteurs et les principaux Arabes et Mesmouda, 1e dimanche 23 de moharrem, an 665, le lendemain de son entrée en ville. Voici comment les événements eurent lieu : Abou Debbous, informé quEl-Mourthadhy voulait le faire périr pour plusieurs motifs, séchappa de Maroc et se rendit à Fès chez lémir des Musulmans, Abou Youssef Yakoub ben Abd el-Hakk, pour lui faire sa soumission. Celui-ci, layant parfaite ment accueilli et comblé de générosités, il lui demanda son appui et ses secours pour faire la guerre à El-Mourthadhy, et pour semparer de Maroc ; en effet, lémir Abou Youssef consentit à lui donner une armée de trois mille cavaliers Beny Meryn, et, en la lui confiant, il lui remit le tambour, les drapeaux et vingt mille dinars pour pourvoir aux dépenses de lexpédition ; de plus, il donna ordre aux Arabes Hachem de laccompagner, et, de son côté, Abou Debbous sengagea à lui livrer la moitié de toutes ses conquêtes. Abou Debbous partit donc avec son armée, enseignes déployées, et au son du tambour; il arriva à Salé, doù il écrivit aux cheïkhs Almohades, arabes et Mesmouda soumis à El-Mourthadhy, pour les inviter à le proclamer en leur faisant mille promesses. Sétant remis en route, il fut rejoint dans le chemin par une députation dArabes de Haskoura qui le proclamèrent et laccompagnèrent jusque dans leurs terres. Là il écrivit à quelques ministres dEl-Mourthadhy pour leur demander des nouvelles de Maroc, et ceux-ci lui répondirent de se mettre en route de suite et de se hâter, lui assurant, quil
____________________ 1 Abou Debbous (lhomme à la masse darme), appelé Budebusio par Mariana.
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navait rien à craindre, que toutes les troupes étaient, éparses dans le pays, et que le moment était fort propice pour un coup de main. Abou Debbous partit la nuit même du jour où il reçut ces nouvelles, et arriva le lendemain à Maroc, où il entra par la porte El-Sahla, au moment où personne ne sy attendait; cétait le samedi, dans la matinée du 22 de moharrem 665. Il parvint ainsi lorsquà la porte de la kasbah, qui fut aussi tôt fermée et que les nègres, essayèrent de défendre ; mais lorsque El-Mour thadhy comprit que la kasbah même allait être prise, il séchappa du palais en fuyant par la porte El-Fâtiha. Abou Debbous rentra au palais, et, ayant été proclamé, il sassura le gouvernement. El-Mourthadhy senfuit à Azimour, où se trouvait son beau-père, ben Athouch, quil y avait nommé gouverneur à lépoque de son mariage et quil avait comblé de bienfaits et dargent. Il arrivait donc vers lui avec confiance et assurance , mais Ben Athouch le fit arrêter et enchaîner, puis il écrivit à Abou Debbous une lettre contenant. ces mots : «Ô émir des Musulmans ! apprends que jai arrêté le fuyard et que je lai chargé de chaînes.» Abou Debbous lui envoya dire de lui expédier de suite le prisonnier, et il le fit tuer en chemin. Abou Debbous entreprit alors dorganiser son gouvernement de Maroc et des environs. Cependant lémir Abou Youssef, ayant appris ses succès, lui écrivit pour le complimenter et linviter à exécuter les conditions quils avaient faites ensemble, cest-à-dire de lui céder la moitié de ses con quêtes ; mais, à la réception de ce message, Abou Debbous, aussi arrogant que gonflé dorgueil, oublia tous les bienfaits dont lémir des Musulmans lavait comblé, et il répondit au courrier : «Va-ten dire au serviteur du Misé ricordieux, Yacoub ben Abd el-Hakk, de rester tranquille et de jouir en paix des pays qui sont replacés sous sa domination, sil ne veut pas que je vienne le trouver avec des légions quil ne soupçonne pas. Lorsque Youssef reçut ce courrier, qui lui rapporta les paroles dAbou Debbous et lui remit de sa part une lettre telle que celles quun émir adresse à ses kaïds ou au commandant à ses serviteurs, il fut convaincu de la mauvaise foi et de la fourberie que Debbous avait apportées dans toutes ses actions, et il se mit en devoir daller lattaquer. Il commença par envoyer des troupes dans toutes les directions pour saccager ses terres et pour battre ses partisans, jusquen 667 (1268 J. C.) ; alors il se mit lui-même il la tête de toute larmée des Beny Meryn, et vint se présenter à Abou. Debbous, dans la province de Doukela. Ils se livrèrent une sanglante bataille, et Abou Debbous, combattant lui-même au milieu de la mêlée, fut tué ; ses troupes furent mises en déroute et son camp fut entièrement pillé. Sa tête fut rapportée à lémir des Musulmans, Abou Youssef, qui lexpédia à Fès, où, par son ordre, elle fut promenée sur les places et les marchés, et puis pendue à la porte de cette capitale.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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La mort dAbou Debbous et la fin de son règne eurent lieu le ven dredi, dernier jour de doul hidjâ, de lan 667. Il avait régné mille quarante deux jours, soit deux ans onze mois et sept jours. Sa mort marqua la fin de la dynastie des Almohades, descendants dAbd el-Moumen. Mais il ny a de règne durable et de vie éternelle quen Dieu, seul invincible, maître de toutes choses avant et après ; seul seigneur, seul adorable ! Cest à lui quap partient la terre et tout ce quelle contient, et il est le meilleur des maîtres! Le règne des Almohades, depuis la proclamation dEl-Mehdy (en 515) jusquà la mort dAbou Debbous (en 667), dura cent cinquante-deux ans, et leur dynastie compte quatorze souverains.
CHRONOLOGIE DES ÉVÈNEMENTS REMARQUABLES QUI ONT EU LIEU SOUS LES ALMOHADES, DEPUIS LE COMMENCEMENT JUSQUÀ LA FIN DE LEUR RÈGNE.
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La première chose mémorable fut lavènement de Mehdy en 516 (1121 J. C.), sa proclamation et, lapparition des Almohades qui ne cessèrent de briller et de fortifier leur gouvernement. En 524 (1130 J. C.), El-Mehdy mourut, et les Almohades proclamè rent la souveraineté dAld el-Moumen ben Aly. En 528 (1134 J. C.), Abd el-Moumen sempara du Drâa de Tedla, de la ville de Salé et des pays de Taza, et il prit le titre démir des Musulmans. En 529 (1135 J. C.), il ordonna de bâtir la ville de Rabat-Taza, qui fut construite et fortifiée dune enceinte de murailles. En 537 (1142 J. C), les Almohades conquirent Xérès, et le khotbah y fut fait en leur nom. Ben Razyn et Ben Hamdyn, kady de Cordoue, se sou levèrent contre les Almoravides, quils expulsèrent. En 539 (1144 J. C.), larmée Almohade passa en Andalousie et sem para de Tarifa et dAlgérisas, doù les Almoravides prirent la fuite. En 540 (1145 J. C.), Aly ben Ayssa ben Mymoun le Lemtouny ren versa les idoles des Saints ; les Almohades conquirent Malaga, et les enne mis vinrent dAlméria avec quatre-vingts vaisseaux sur lesquels ils sen retournèrent après avoir incendié les jardins environnants. Dun autre côté, Abd el-Moumen sempara des villes de Fès, Tlemcen, Oran et de tous leurs environs. Il fut proclamé par les habitants de Séville, qui expulsèrent les Almoravides de chez eux. Enfin, il fit construire les murs denceinte, les for tifications et la mosquée de Tagrart, près Tlemcen. En 541 (1146 J. C.), Abd el-Moumnen se rendit maître de Maroc, dAghmât, de tout le pays de Doukela, et enleva Tanger aux Almoravides qui loccupaient et qui périrent tous. Ce fut la lin, du règne des Almoravides dans tout le Maghreb et en Andalousie. En 543 (1148 J. C.), lémir des Musulmans conquit Sidjilmessa,
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Ceuta, et il fit son expédition contre les Berghouata. Les Almohades sem parèrent de Cordoue, Carmouna et Jaën. A la fin de cette même année, les habitants de Ceuta se soulevèrent contre les Almohades, tuèrent et jetèrent au feu leur gouverneur. En 544 (1149 J. C), les Chrétiens semparèrent de Mehdia en Ifrîkya, et, en Andalousie, ils prirent les places de Lisbonne, Alméria, Tortose, Merida, Braga, Santarem et Santa Maria. Tous ces pays furent conquis sous le commandement de Ben Rezyn (que Dieu le maudisse!). Durant cette même année, Yhya ben Ghânya livra aux Chrétiens les villes dOubéda, de Baëza et tous les châteaux qui en dépendaient. En 545 (1150 J. C.), les Almohades semparèrent de Mekenès, quils emportèrent dassaut après lavoir assiégée pendant sept ans. Ils massacrèrent la plupart des habitants, dont ils pillèrent les trésors et envahirent les harems; cest à cette époque quils bâtirent la ville de ce nom, qui existe encore aujourdhui, et quils abandonnèrent lancienne. En cette même année, Abd el-Moumen donna ordre damener leau de lAïn Ghaboula, à Salé. En 546 (1151 J. C.), Abd el-Moumen conquit les monts Ouancherich (Ouanseris), Meliâna, Almeria, Djezaïr des Beni Mezghanna et Bougie. En 547 (1152 J. C.), il sempara des villes de Bône, Kosthyla (Touzer), Constantine, de la province de Bône, de tout le Djérid et du Zab africain. En cette même année, les Almohades enlevèrent aux Chrétiens Almé ria, Oubéda et Baëza, dont les Musulmans prirent le gouvernement. En 549 (1154 J. C.); ils semparèrent de Niebla en Andalousie, à las saut, et ils massacrèrent toute la garnison, dont ils enlevèrent les harems et les trésors. Ce fut une très-grosse affaire. En 550 (1155 J. C.), ils semparèrent de Grenade, dont les habitants se révoltèrent ensuite, et les en chassèrent. Ils ny rentrèrent quen 552, après un très-long siège. En 553 (1158 J. C.), Abd el-Moumen se rendit maître de Tunis, Sousa, Gabès, El-Kayrouan, Sfax. Tripoli du Midi et de la Mehdïa, quil enleva aux Chrétiens. En 556 (1161 J. C.), il donna ordre de bâtir la forteresse de Gibraltar, et lordre fut exécuté. En 558 (1163 J. C.), mort, dAbd el-Moumen et avènement de son fils Youssef. En 559 (1163-1164 J. C.), révolte de Ben Derâ dans la province de Ghoumara. En 560 (1164 J. C:), expédition du Djelab, dans laquelle périrent un grand nombre de Chrétiens. En 564 (1168 J. C.) , mort du cheïkh le fekhy, le saint Abou Omar Othmân benAbdAllah el-Seladjy el-Assouly, auteur dEl-Bourhanya (preuves
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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évidentes) et imam du Maghreb dans la science de lareligion. En cette même armée il y eut une grande inondation à Séville. En 566 (1170 J. C.), lémir Youssef donna ordre de construire le pont du Tensyft, et il fut construit. En 567 (1171 J. C.), il fit jeter le pont de bateaux du fleuve de Séville, et il fit bâtir la kasbah de cette capitale et les murs inclinés qui lentourent. Cette même année mourut Mohammed ben Sad ben Merdnych, maître de lOrient de lAndalousie, et les Almohades semparèrent de Valence, de Xativa, de Denia et de tout son gouvernement. En 568 (1172 J. C.), le 12 chouel, il y eut un grand tremblement de terre général, qui détruisit la plus grande partie des villes de Syrie, du Maghreb, du Mossoul, de Djzyra et de lIrak; mais ce fut surtout en Syrie que les secousses furent terribles il périt en cette occasion une multitude de personnes, au point que les habitants eurent peur des Francs, à la vue des ruines et du grand nombre de morts. Cest en cette année-là quAbou Berdha (lhomme à la selle), le Chrétien, fut battu et tué, ainsi que tous ses soldats, par les Almohades. En 569 (1173 J. C.), à la fin de châaban, mourut le cheikh, le docteur, le saint, Abou el-Hassen Aly ben Ismaël ben Mohammed ben Abd Allah ben Harzahîm ben Zyan ben Youssef ben Choumrân ben Haffs ben el-Hassan ben Mohammed ben Abd Allah ben Omar ben Othman ben Ofân (que Dieu lagrée !), et il fut enterré au sortir du Bab El-Fetouh de la ville de Fès. Cétait un illustre docteur, méprisant les choses de ce monde, et entièrement voué à la vie monastique. Voici ce qui fut raconté à son sujet par son serviteur, nommé Abou Karn : «Un jour le cheïkh Abou el-Hassen ben Harzahîm, après avoir appelé sur moi le pardon et la grâce de Dieu, me dit : Jai vu en songe le maître de la gloire, qui ma dit : Ô Aly, demande ce que tu désires. Jai répondu : Ô Seigneur, je te demande le pardon de mes fautes, une bonne santé et le salut en religion, dans ce monde et dans lautre. - Dieu ma répondu : Tes vux sont exaucés; et cest pour cela que, nayant plus à minquiéter de ces bienfaits pour moi-même, jai prié pour te les mériter aussi.» Au commence ment du mois de châaban, il dit à un de ses serviteurs : «Je ne jeûnerai point avec les fidèles au prochain ramadhan. Cependant il continua à se bien porter jusquà la fin du mois, mais ses paroles furent prophétiques ; il tomba malade et mourut le 30 de châaban, veille du ramadhan, Ce jour-là, il se leva comme dhabitude, se parfuma, et après il dit à son domestique : «Ce sont là tes der niers services auprès de moi.» Il rentra dans sa chambre, pria deux fois, et il se coucha sur son tapis. Lorsque lheure de la prière du Douour fut venue, son serviteur entra pour le réveiller, et il le trouva mort. En 570 (1174 J. C.), mort du fehky. le cheïkh, le vertueux, Abou Chaïb
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Yacoub ben Saïd El-Sennadjy, connu sous le nom dEl-Sarya (la colonne), parce que, lorsquil priait, il se tenait debout et immobile pendant un temps infini(1). Quelques-uns disent quil fut du nombre des Abdâl (?). En 571 (1175 J. C.), la peste fit les plus grands ravages à Maroc. En 572 (1176 J. C.), mort du fekhy, le kady, Abou Yacoub el-Had jâdj. Cest à cette époque que lémir Youssef disgracia son frère Hassen, qui lui adressa quelques vers qui lui valurent sort pardon et le gouvernement de Cordoue. En chouel de ladite année, séteignit létoile polaire de lépo que, ladmiration de son siècle, Abou Yaza(2) el-Nour ben Mymoun ben Abd Allah el-Azmyry, de la tribu des Beni Sabyh dAskoûra. Il mourut âgé de cent trente ans; après être resté pendant vingt ans solitaire et entièrement dévoué à Dieu, dans la montagne qui est au-dessus de Tynmâl, il vint sur 1e rivage, où il vécut seul pendant dix-huit ans, ne mangeant que de lherbe et des racines. Il était noir cuivré, grand et maigre, vêtu dune tunique en feuilles de palmier, dun burnous tout rapiécé et coiffé dune chéchia en joncs. En 573 (1177 J. C.), le docteur célèbre Abou Mohammed Abd Allah ben el-Melky, cheïkh des tholbas de son époque, mourut dans le mois doul hidjiâ, et lémir des Musulmans, Youssef, assista lui-même à ses funé railles. En 578 (1182. J. C.) mourut le cheïkh vertueux, Abou Moussa Ayssa ben Amrân, kady de Maroc, qui fut remplacé par Abou el-Abbès ben Moundhyr, de Cordoue. Le kady Abou Amrân fut un des hommes remarqua bles de lépoque par ses belles qualités et sa charité ; il écrivait parfaitement, comme latteste cette lettre quil adressait à son fils, quil avait envoyé tout jeune, à peine pubère, à Fès : «A mon fils. (Que Dieu lui soit en aide, le conserve et le complète par la science et la vertu !) Je vous écris pour, vous exprimer la peine que je ressens de votre éloignement, que Dieu très-haut a décrété dans le courant des choses. O mon fils! quand je vous verrai, au milieu de ceux qui savent le Koran par cur et qui cultivent les belles-let tres et les sciences, je vous ferai des présents qui dépasseront votre attente. Sachez que les imams réunis ont reconnu que le repos ne vient pas après le repos, et que la science ne sacquiert pas dans loisiveté. Étudiez donc les lettres pour devenir savant ; exercez votre mémoire pour, la conserver, et lisez beaucoup pour élever votre esprit ; évitez la fréquentation des hommes vils ou nuls ; suivez les principes que lopinion publique approuve, et évitez ceux quelle blâme. Votre meilleur indice sera toujours le terme moyen ; lhomme est là où son esprit le place. Travaillez donc à des uvres
____________________ 1 Au point, disent les Marocains aujourdhui, que les oiseaux des champs venaient se reposer sur sa tête. 2 Aujourdhui Moulaï Bouaza, cétait un marabout fort vénéré au Maroc.
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salutaires. Adieu !» En cette même année, des Musulmans conquirent les villes de Chan tafyla et, dAkelych, où ils massacrèrent tous les Chrétiens, dont ils enlevè rent les femmes et les trésor. Mort du cheikh Abou Khazr Yakhlaf ben Khazr el-Ouaraby, illustre savant et vertueux personnage de la ville de Fès. En 580 (1184 J. C.), mort de lémir des Musulmans Youssef, et avène ment de son fils El-Mansour. Cest dans cette même année, le vendredi 6 de châaban, quEl-Mayorky entra à Bougie à lheure de la prière, pendant que tous les fidèles étaient à la mosquée. Jusque-là les portes des villes ne se fer maient pas le vendredi. El-Mayorky, ayant attendu le moment où tous les fidè les étaient à la prière, entra dans la ville et fit aussitôt cerner la grande mosquée par des cavaliers et des fantassins ; il accueillit ceux qui le proclamèrent et massacra les autres ; il demeura sept mois maître de Bougie avant. den être chassé. Cest à partir de cette époque que les Musulmans ont pris lusage. de fermer les pontes, des villes chaque vendredi à lheure de la prière. En 584 (1188 J. C.), mort du Cheikh, le phénix de soit époque, Abou Medyan Chouayb ben el-Hassen el-Ansâry, originaire de Sathmâna, dépen dance du gouvernement de Séville. Il mourut à Tlemcen et fut enterré au Djebel el-Abbed ; il navait dautres occupations que la prière, à lexemple dAbo el-Hassen ben Harzhem; il suivit les préceptes du Sonna quAby Ayssa el-Termydhy avait écrits pour Ben Ghâleb, et il apprit le Tsouf de Ben Abd Allah el-Doukkak. Ses derniers mots, au moment dexpirer, furent: «Dieu très-haut est durable et éternel !» Quelques auteurs donnent lan 576 pour date de sa mort. En 585 (1189 J. C.), El-Mansour fit arriver leau dans la ville de Maroc. En 586 (1190 J. C.) , les Chrétiens enlevèrent les villes de Chelba, Badja et Bayra dans loccident de lAndalousie. En 587 (1191 J. C.), les Musulmans semparèrent du château dAby Dânys. En 591 (1195 J. C:), les Chrétiens furent défaits à la bataille dAlarcos et y périrent par nombreux milliers. En 593 (1197 J. C.), la ville de Rabat el-Fath fut construite et entourée de murs munis de portes. Cest en cette même année que furent construits : à Rabat el-Fath la mosquée et la tour dHassan(1), qui nont point été achevées; la mosquée et le minaret de Séville ; la mosquée El-Katebyn de Maroc, ainsi que la kasbah et la mosquée de cette ville. Mort du cheikh, le savant docteur Abou Abd Allah Mohammed ben Brahim, né à la Mehdïa, auteur du livre El
____________________ 1 Voyez page 324.
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Hédaya (les présents). Il arrivaà lâge de quarante ans sans avoir jamais fait ses prières hors des mosquées. Mort du fekhy vertueux Abou Abd Allah Mohammed ben Aly ben Abd el-Kerym el-Fendlaouy, à lenterrement duquel lémir des Musulmans assista. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Il fut du nombre des savants et célèbre entre les docteurs. Détaché de ce monde, il ne soccupait que de lautre, et il priait et jeûnait sans cesse pour combattre ses ennemis internes, au point quil ne restait que le squelette de sa personne. Il est, lauteur de ces vers : «Lamour et les désirs ne mont rien laissé, rien que le souffle qui magite encore. Je suis insaisissable pour la mort elle-mime, et mon âme se traîne dans mon ombre !» En 598 ( 1202 J. C.), le cheïkh, imam de la mosquée El-Kairaouyn, Abou Mohammed Ychekour el-Djourây, mourut dans la matinée du samedi 11 de doul kâada ; il était né à Tedla et mourut à Fès, où il résidait; il sins truisit des doctrines dAbou Khazr, et il suivit les cours dAby el-Reby, de Tlemcen, dAbou el-Hassen ben Harzhem et dAbou Yaza ; il était très-aus tère. Quand arrivait le ramadhan, il liait son lit et il ne cessait de prier durant toute la nuit, récitant le Koran dun bout à lautre dun seul trait. Un jour, quelquun lui dit : «Quand donc te livreras-tu un peu au repos et accorde ras-tu quelque chose au sommeil, comme tu devrais le faire ?» Il répondit : «Cest, bien ainsi que jacquerrai le repos que je désire.» Et il récita ces vers: «Ne faites pas du ramadhan un mois de réjouissance, et ne vous livrez pas à la conversation ; apprenez que vous ne mériterez les grandes récompenses que lorsque, durant ce mois, vous veillerez la nuit et jeûnerez le jour.» En 600 (1204 J. C.), les constructions et les réparations des murs de Fès sachevèrent, ainsi que la porte El-Cheryah, à laquelle on plaça les bat tants. A cette époque, El-Obeïdy, sétant révolté dans le Djebel Ourgha, fut pris et tué ; sa tête fut pendue au-dessus de la nouvelle porte El-Cheryah de Fès, et son corps fut brûlé au milieu de ladite porte le jour même où on lachevait, et cest ce qui lui a valu son nom de Bab el-Mahrouk (la porte du brûlé). En 601 (1205 J. C.), Yaïch, gouverneur chrétien, construisit dans le Rif les fortifications de la ville de Badès et celles de Mezemma et de Melilia, pour se mettre à labri des surprises de lennemi. En 602 (1206 J. C. ), les Hafsides semparèrent du gouvernement de lIfrîkya. En 604 (1208 J. C.), les fortifications de la ville de Oudjda furent refaites à neuf, et El-Nasser fit construire les lieux aux ablutions et les bas sins situés à côté de la mosquée El-Andalous de Fès, et dans lesquels il fit venir leau de la source qui est en dehors du Bab el-Hadid. Cest à cette même époque que, furent construites la chapelle El-Kairaouyn, et la grande
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porte avec escalier qui donne sur la cour de ladite mosquée. El-Nasser tira du bit el-mal les sommes qui furent nécessaires à ces travaux. En 608 (1211 J. C,.), mort du cheïkh, le saint Abou Abd Allah ben Hazyz, connu sous le nom de Ben Takhemyst, originaire de Fès; cétait un homme très-distingué et. vertueux, qui avait une écriture superbe et qui pas sait son temps .à copier des Korans pour les distribuer à ceux qui en avaient besoin, espérant ainsi mériter les grandes récompenses, il ne cessa détudier et de lire dans les écoles jusquà sa mort. Cest lui qui a fait ces vers : «Le savant ne meurt pas ; il vit encore lors même quil tombe en poussière sous terre. Lignorant, au contraire, ne vit pas; il se meut, mais son esprit est mort.» En 609 (1212 J. C.), défaite des Musulmans à Hisn el-Oukab, où péri rent toutes les troupes du Maghreb et de lAndalousie. En 610 (1213 J. C.), le fils dEl-Obeïdy, brûlé à Fès, se souleva dans le Djebel Ghoumara en prétendant quil était le Fathmy, et -il fut proclamé par un nombre considérable de montagnards et de Bédoins. El-Nasser envova une armée contre lui, et il fut pris et tué. En cette même année, mort de lémir des Musulmans El-Nasser, et avènement de son fils Youssef. Les Beny Meryn, venant du sud du Zab de lIfrîkya, entrèrent au Maghreb en grand nombre. Grande peste en Andalou sie et dans le Maghreb. Les Chrétiens semparèrent de la ville dOubéda. En 613 (1216 J. C.), les Beny Meryn défirent larmée almohade au Fahs el-Zad. Les Almohades, rentrés à Fès complètement nus, furent obligés de se couvrir avec des feuilles de Méchâala (?), et cest pour cela que cette année-là fut appelée El-mechâala. En 614 (1217 J. C.), les Musulmans furent battus au Kessar dAby Dânys, et les ennemis les massacrèrent en nombre considérable. En 615 (1218 J. C. ), Alphonse prit à lassaut ledit château dAby Dânys, et fit périr tous les Musulmans qui sy trouvaient. En 617 (1220 J. C.), grande disette, sécheresse et fléau des sauterelles dans le Maghreb. Cest en cette année-là que fut construite la Tour dor sur la rive du fleuve de Séville. En 618 (1221 J. C.), on refit à neuf les murs de Séville et on construi sit les chaussées extérieures quon entoura de fossés. En 619 (1223 J. C.), les Almohades conquirent lîle de Majorque. En 620 (1123 J. C.), mort de Youssef el-Mousthansyr. En 622 (1224 J. C.), proclamation dEl-Adel à Murcie, et mort de lémir des Musulmans Abd el-Ouahed, le détrôné. En 624 (1225 J. C.) , le sid Abou Mohammed. surnommé El-Baëzy, se fit proclamer à Baëza, et livra cette place et la ville de Fidjatha aux Chré tiens. Les ennemis prirent également la ville de Marbouna, du gouvernement
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de Murcie ; dont ils massacrèrent tous les habitants, à lexception des femmes et des enfants, qui furent faits prisonniers. El-Baëzy livra à Alphonse environ vingt châteaux forts et un nombre considérable de tours. Alphonse sempara de Merbâla(1) et prit Tolède à lassaut en faisant un massacre épouvantable de Musulmans ; dix smille hommes de Séville, qui sétaient mis en campagne pour porter secours à la garnison de Tolède, et un grand nombre de soldats de Murcie, qui sétaient également aventurés pour aller secourir le château de Daleya(2), furent massacrés après avoir été mis en déroute par les ennemis. Tous ces désastres emportèrent un nombre si considérable dAlmohades de Séville et de Murcie, que les mosquées et les souks restèrent déserts. En 623 (1226 J. C.), lennemi sempara de la ville de Loucha(3), dans loccident de lAndalousie, et El-Baëzy livra aux Chrétiens Salvatierra, pour la prise de laquelle El-Nasser avait dépensé de si fortes sommes. Cette même année, El-Baëzy fut tué dans le château El-Modovar, par Ben Bey rouk, qui porta sa tête à Séville. Les Chrétiens semparèrent de la ville de Kabala. Les Arabes Khelouth livrèrent bataille aux Almohades, quils mirent en déroute dans lAdoua. En 624 (1227 J. C.), disette au Maghreb et en Andalousie; le kafyz de blé coûtait 15 dinars. Fléau de sauterelles au Maghreb. Les habitants de Séville proclamèrent le sid Abou el-Olâ ben el-Mansour. Les Chrétiens semparèrent de lîle de Majorque. Mort dEl-Adel et avènement dYhya, dune part, et dEl-Mamoun de lautre. En 625 (1228 J. C.), apparition de Ben Houd, surnommé El-Metoukyl, dans le château dArbounâ, à lorient de lAndalousie, et sa proclamation par le peuple de Murcie comme khalife abbasside. En 626 (1229 J. C.), grande inondation à Fès qui détruisit la plus grande partie des murs du côté du midi, et renversa trois nefs de la mos quée El-Andalous, ainsi quun grand nombre de maisons et de fondouks de lAdoua. En cette même année, Ben Houd sempara de Xativa et de Denya, et les Chrétiens prirent le château de Djebel Ayoun(4), situé sur la frontière de Valence. Ben Houd fit périr le kady El-Koustahy, à Murcie, et sempara de Grenade, où il massacra tous les Almohades qui sy trouvaient. Il con quit également Jaën, et dans le mois de doul kâada, il fut proclamé à Cor doue par le peuple, qui chassa et massacra les Almohades. Cest alors, que Ben Houd fut nommé émir des Musulmans, et que El-Mamoun passa au Maghreb. Le lundi 23 de safar, correspondant au dernier jour de décembre des Européens, eut lieu le grand événement de Mayorqne dont Dieu affligea ____________________
1 Aujourdhui Marvella, port. 2 Dalia, près dAlméria. 3 Loja, sur le Xenil, près Grenade 4 Aujourdhui Gibraleon.
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également lislam. En 628 (1231 J. C.), défaite des Musulmans à Mérida, que les enne mis prirent dassaut. Au mois de châahan, ils semparèrent également de Badajoz et de ses dépendances. En radjeb, Bell Houd prit Algérisas et Gibraltar, et il ne resta plus aucun pouvoir aux Almohades en Andalousie. En 629 (1232 J. C.), le sid Abou Moussa se leva contre son frère ElMamoun, à Ceuta, et Mohammed ben Youssef ben Nasser ; connu sous le nom de Ben el-Ahmar (fils du rouge), se présenta au peuple dArdjounâ, qui le proclama et lui donna le titre démir des Musulmans. Les ennemis sem parèrent de la ville de Mourala, du gouvernement de Saragosse. En 630 (1233 J. C.), mort dEl-Mamoun et avènement de son fils ElRachyd. Ben Houd sempara de Ceuta quil gouverna pendant trois mois, au bout desquels il fut trahi, et lon proclama Ahmed el-Yenachty, appelé El-Mouaffyk. En cette même année, Cordoue et Carmouna se rendirent à Mohammed ben Youssef ben Nasser. Le kady El-Badjy fut proclamé à Séville. Ben Houd fit alliance avec lennemi pour combattre Ben el-Ahmar et. ElBadjy, avec la condition quil lui serait compté 1,000 dinars par jour. Grande famine et peste dans le Maghreb; le kafyz de blé atteignit le prix de 80 dinars. En 631 (1234 J. C.), grands combats, entre Ben el-Ahmar, El-Badjy et Ben Houd, dans lies environs de Séville. Ben Houd les vainquit ; mais Ben el- Ahmar ayant tué El-Badjy par trahison, entra à Séville, où il resta un mois et fut chassé par le peuple. En djoumad el-tâny, Chayb ben Mohammed ben Mehfouth séleva au pouvoir à Lybla, et prit le nom dEl-Moutasym. En chouel, Ben Nasser fit la paix avec Ben Houd, et le proclama à Jaën, Ardjouna et dépendances, et à Berkouna. En 632 (1234 J. C.), les ennemis assiégèrent lîle dIviça, quils pri rent au bout de cinq mois. Les Génois vinrent à Ceuta avec une flotte innom brable, et battirent la ville avec leurs balistes, mais sans succès. En 633 (1235 J. C.), les Génois se retirèrent après un long siège, et un blocus rigoureux, durant lesquels ils avaient employé les plus horribles machi nes de guerre. Les habitants de Ceuta nobtinrent la paix avec eux quen leur payant 400,000 dinars. Cette même année, le 3 chouel, les Chrétiens surpri rent la partie orientale de Cordoue, le matin de très-bonne heure, pendant que tous les habitants dormaient encore ; mais Dieu chéri sauva les femmes et les enfants, qui séchappèrent à la partie occidentale; les hommes seuls restèrent et combattirent courageusement. Les Chrétiens assiégèrent la partie occiden tale, et lorsquils leurent prise, ils furent maîtres de toute la ville. Alors, le roi de Castille accorda la paix et lalliance à Ben Houd, pour quatre ans et moyennant 400,000dinars par an. Cest encore en cette année-là que lémir des Musulmans El-Rachyd fit mettre à mort les cheikhs des Khelouth. En 635, (1237 J. C.), les habitants de Séville et de Ceuta proclamèrent
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El-Rachyd. Famine et peste clans le Maghreb, tellement désastreuses, que les hommes se mangeaient entre eux, et que lon ensevelissait cent cadavres dans une même fosse. En 640 (1242 J. C.), mort dEl-Rachyd et avènement de son frère ElSaïd. En 642 (1244 J. C.), prise de Valence par les Chrétiens. En 643 (1245 J. C.), prise de Mekenès par lémirs Abou Yhya. En 644 (1246 J. C.), prise, de Jaën par les Chrétiens. En 646 (1248 J. C.), mort dAbou el-Hassen el-Saïd. Prise de Séville par les ennemis. Abou Yhya sempare de Fès et de Rabat-Tâza. Cest cette année-là queut lieu le grand incendie des bazars de Fès, dans lequel fut détruit tout le faubourg, depuis le Bab el-Selsela (porte de la chaîne), jus quaux bains de la Halle aux Blés. Avènement dEl-Mourthadhy àMaroc. En 653 (1255 J. C.), défaite dEl-Mourthadhy chez les Beni Behloul, aux environs, de Fès. En 665 (1267 J. C.), El-Mourthadhy,tué à Maroc, est remplacé par Abou Debbous. En 667 (1268 J. C.), Abou Debbous fut tué et son armée détruite. lémir des Musulmans, maître de Maroc et de ses dépendances, fit son entrée dans la capitale, le dimanche 9 du mois. de moharrem de lannée 668 (8 septembre 1269 J. C.).
HISTOIRE DU RÈGNE FORTUNÉ DES MERYN, DESCENDANTS DABD ELHAKK. QUE DIEU PROLONGE ET CONSERVE LEUR DYNASTIE, QUIL ÉLÈVE LEURS ORDRES ET LEUR PUISSANCE ! NOTICE SUR LEUR DESCENDANCE PURE ET SUR LEUR ÉLÉVATION PAR LA VÉRITÉ ET LA JUSTICE ; LEURS ROIS, LEURS CONQUÊTES, LEURS GUERRES, LEUR BON GOUVERNEMENT, LEURS MONUMENTS ET LEURS OEUVRES.
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Lauteur dut livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : La famille des Meryn est la première et la plus noble par descendance de la tribu des Zenèta, parmi lesquels ils se distinguèrent toujours par la grandeur de leur caractère et de leurs vertus. De murs très-douces, valeureux guerriers et profondément religieux, ils ne manquèrent jamais à leur parole. Très-nom breux et puissants, ils défendaient leurs voisins et ils. donnaient refuge et secours aux malheureux. Le feu de leur hospitalité ne séteignit jamais, et ils étaient incapables dune lâcheté ou d»une trahison ; modestes, charita bles, ils venaient en aide aux docteurs et aux saints. Ne sécartant jamais du Sonna ancien et des exemples transmis de père en fils ; célèbres dans lhistoire, ils le sont encore aujourdhui. Que Dieu conserve leur dynastie et leur donne la victoire; que par la grâce et la puissance de Dieu leur sabre et leur drapeau soient toujours la terreur de leurs ennemis !
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ORIGINE ET DESCENDANCE VÉRITABLES DES BENY MERYN.
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Lauteur du livre continue : Jai copié les notes ²suivantes de celles que le fekhy Abou Aly el-Miliany avait écrites de sa propre main, savoir : Les Beny Meryn sont une fraction des Zenèta, fils de Ben Ourtadjân ben Makhoukh ben Ouadjdîdj ben Fâten ben Yedder ben Yadjfet ben Abd Allah ben Ouartyb ben el-Magguer ben Ibrahim ben Seghyk ben Ouassyn, ben Yslîten ben Mazry ben Zakya ben Ouarsydj ben Zenât ben Djâna ben Yhya ben Temsyt ben Dharys, (qui est Djalout, premier roi des Berbères) ben Ouardjyh ben Madghys el-Abtar ben Bez ben Kys ben Ghylân ben Moudhyr ben Nizâar ben Mâd ben Adnân. Cest à partir de Zenèta ben Djdâna que sest formée la tribu des Zenèta, qui sont Arabes purs. La cause du chan gement, de leur langue arabe eu langue berbère est ainsi rapportée par les écrivains les plus savants sur lhistoire des races et des origines: Moudhyr ben Nizâr eut deux fils, Elyas et Ghylân, de leur mère nommée Rebâb bent Hedjâ ben Omar ben Mâd ben Adnân. Ghylàn eut egalement deux fils, Kys et Douhmân. Douhmân neut quune faible postérité, qui forma les Beni Amâm, fraction de la tribu de Kys. Celui-ci engendra quatre fils et une fille : Saïd, Omar et Hafsa, lui eurent leur mère Mouzna, fille de Assad ben Rebia ben Nizâr ; le quatrième, Bez et sa sur Toumadher, naquirent de Berîgha, fille de Medjdel ben Medjdoul ben Omar ben-Moudhyr, le Berbère, le Med jdouly. A cette époque, ces Berbéres Medjdouly, qui habitaient la Syrie, fré quentaient les Arabes dans les villages et sur les marchés, et souvent même ils sassociaient avec eux pour les pâturages, les eaux, lespace et le jardi nage. Or Behâ, fille de Douhmân ben Ghylân, était la femme la plus accom plie de son temps en beauté et en qualités, et de toutes les tribus arabes se présentaient des prétendants nombreux ; mais les fils de son oncle Kys, ses cousins Saïd, Omar, Hafsa et Bez, déclarèrent quelle ne sortirait pas de la famille et quelle népouserait que lun deux. Enfin, invitée à faire un choix, parmi les quatre, elle donna la préférence à Bez, qui était le plus jeune et le meilleur de tous, et il lépousa en dépit de ses frères, qui conçurent le dessein de le tuer. Sa mère, Berîgha, qui était une femme de tête, tremblant pour son fils, fit prévenir Behâ de ce qui se passait, et convint avec elle de séchapper dans le pays de ses frères, les Berbères, où elle emmènerait éga lement son fils Bez. Puis elle envoya chercher ses parents, qui arrivèrent secrètement, et elle partit avec eux, emmenant son fils Bez et sa belle-fille Behâ. Arrivés chez les Berbères, elle établit Bez dans sa famille, où il épousa en toute sécurité sa cousine Behâ, devint puissant et capable de résister à ses ennemis. Behâ lui donna deux fils, Alouân et Madghys. Alouân mourut jeune et sans enfants, mais Madghys, surnommé El-Abtar, fut le père des Berbères el-Boutery, dont tous les Zenèta font descendre leur origine.
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Bez mourut chez les Berbères et y laissa son fils, Madghys, dont les enfants et les descendants furent innombrables ; ceux-ci, parlant la langue du pays, dont ils avaient pris les murs et les coutumes, passaient leur vie à courir dans les champs, montés sur leurs chevaux et leurs dromadaires, habitudes et instincts quils conservèrent toujours. Toumadher, fille de Kys, ne cessa de pleurer son frère Bez, en chan tant les nombreuses poésies quil avait faites sur son pays, sur sa tente et sa terre natale. En entendant ces vers, nul ne pouvait retenir ses larmes en pensant à Bez ben Kys, qui avait été enlevé à sa famille et qui était mort sans que personne ne leût plus revu. Cest encore elle qui chantait : «Bez na rien laissé dans notre pays, si ce nest sa maison, quil a fuie pour aller chercher la tranquillité ; il a appris la langue des barbares ; mais sil navait point demeuré dans lHedjaz, il nen eût point su dautre.» Abd el-Azyz el-Melzouzy, auteur du poème Nadhm el-Selouk fi akhbar men nazel el-Maghreb men el-Moulouk (collier des fils de lhistoire des actions des rois de Maghreb), a dit : «Les Zenèta étaient voisins des Berbères, et ils en ont pris le langage; mais ils a nont rien changé de plus à leurs coutumes arabes ;qui sont restées et restent encore les mêmes. La langue arabe seule a été oubliée ; ils ne la parlent ni ne la comprennent. Plus; ils sont tels maintenant encore, et tels étaient les premiers Beny Méryn.»
AVÈNEMENT DES BENY MERYN AU MAGHREB ET LEUR ÉLÉVAT10N EXTRAORDINAIRE AU POUVOIR.
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Quand Dieu très-haut voulut, faire resplendir le règne heureux et béni des Beny Meryn, fils dAbd el-Hakk, leur dynastie victorieuse saffermit par sa toute-puissance et les décrets de sa justice saccomplirent. Les Almoha des restèrent forts et grands jusquau désastre de lOukab, qui fut, le signal de leur décadence. El-Nasser, vaincu, rentra à Maroc ; mais son gouverne ment ne cessa daller de mal en pis jusquà sa mort, en lan 610 , où il fut détrôné et, remplacé par son fils El-Moustansyr, jeune enfant non pubère encore, incapable de diriger les affaires, et qui, adonné aux plaisirs et à la débauche, laissa les rênes du gouvernement à ses oncles et à ses parents, à ses ministres et à ses cheikhs. Ceux-ci engagèrent entre eux luttes sur luttes, se disputant le commandement, se nommant et se destituant les uns les autres, au point détonner le monde. Tout se trouva bientôt bouleversé, lanarchie devint générale, les forces saffaiblirent, les vices envahirent le pays, la religion même se perdit, et il ny eut plus dans tout lEmpire, que la guerre civile que Dieu fit éclater chez eux pour les anéantir et élever le gouvernement et la dynastie des Beny Meryn. Les Beny Mleryn étaient un peuple délite et voué à la vraie foi. Il est certain quils vivaient sur les terres situées au midi du Zab africain jusquà
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Sidjilmessa. Nomades, ils sétaient répandus chez les Berbéres et dans les lieux déserts; ils ne connaissaient ni argent ni monnaie et nétaient point régis par un émir. Fiers et dédaigneux, ils ne supportaient ni attaque ni alliance; ils ne connaissaient ni lagriculture ni le commerce, et leurs seules occupations étaient la chasse, le cheval et les razias. Tous leurs biens consis taient en chevaux, en chameaux et en nègres ; ils se nourrissaient de viande, de fruits, de laitage et de miel. Une partie dentre eux entrait chaque été au Maghreb pour faire paître et abreuver leurs bestiaux. En automne, ils se réunissaient tous à Agersif, et de là ils se mettaient en route pour retourner chez eux. Telle était leur coutume depuis les temps anciens. En lan 613, ils vinrent donc comme dhabitude ; mais ils trouvèrent tout bouleversé au Maghreb, dont les forces étaient affaiblies ou dispersées. Ils apprirent que toute larmée avait péri à la bataille de lOukab, et ils trouvèrent partout des lieux déserts ou fréquentés seulement par les lions et les chacals. Alors ils sétablirent tout à fait sur les terres ainsi abandonnées, et ils envoyèrent aus sitôt prévenir leurs frères de la situation. «Venez, leur dirent-ils ; il y a ici, en abondance, de lherbe et des grains excellents ; les pâturages sont vastes et bien nourris par les eaux des ruisseaux, les arbres sont, superbes et les fruits sont exquis ; partout des sources et des rivières. Arrivez sans crainte; personne ne sopposera à vous ni ne vous chassera.» A la réception de ces nouvelles, les Beny Meryn se mirent immédia tement en mouvement et prirent la route du Maghreb, après sêtre confiés à Dieu très-aimable et chéri. Ils vinrent détapes en étapes, montés sur leurs chevaux ou sur leurs chameaux, jusquà lOued Telâgh, qui fut la porte par laquelle ils entrèrent au Maghreb, avec leurs animaux, leurs bagages et leurs lentes ; ils arrivèrent en nombre, si considérable que leur troupe était com parable à la pluie ou aux étoiles de la nuit, ou bien encore à des légions de fourmis ou de sauterelles, et cela par la toute-puissance de Dieu, dont nul ne connaît létendue, car Dieu ne laisse voir que les choses dont les destinées sont décrétées. Abou Farès a dit dans son poème en vers : «Cest en lan 610 que les Beny Meryn vinrent au Maghreb de leurs pays barbares, après avoir traversé le désert et les plaines de sable sur le dos de leurs chameaux et de leurs chevaux, comme avaient fait les Lemtouna avant eux. «Ils trouvèrent les rois Almohades déjà détachés de leurs affaires et de leurs devoirs, adonnés au vin, à la luxure et à la mollesse ; aussi entrèrent-ils sans peine et commen cèrent-ils aussitôt à enlever les kessours. Cest que la volonté de Dieu les avait appelés pour régner sur le Maghreb, et, comme des nuées de sauterel les, ils eurent bientôt envahi le pays, où ils se répandirent partout. Actifs et francs guerriers, ils ne cessèrent de sétendre et de saffermir de plus en plus,
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semparant du pays morceau par morceau, jusquà ce quenfin ils défirent larmée almohade lan El-Mechâala, qui est lan 613. Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) poursuit son récit. Je tiens dun historien, en qui jai grande confiance, que, lorsque les Beny Meryn entrèrent au Maghreb, ils se répandirent sur le pays et sy affermi rent, en faisant grâce à ceux qui se soumettaient à eux et en massacrant impi toyablement ceux qui les repoussaient. Les populations fuyaient devant eux à droite et à gauche, et sen allaient sur les montagnes les plus difficiles, où elles se fortifiaient. En apprenant celle invasion, lémir Youssef el-Moustan syr conçut de linquiétude, et, dans lindécision sur ce quil y avait à faire à leur égard, il rassembla en conseil les magistrats, les ministres et les cheïkhs Almohades pour prendre leur avis. Ces conseillers lui dirent : «Ô émir des Musulmans ! ne faites pas attention à eux et soyez sans crainte ; ils sont fort simples et peu nombreux. Pour mettre fin à leurs progrès, il suffira denvoyer contre eux un cheikh Almohade, qui fera périr les hommes et semparera de leurs femmes et de leurs biens, après les avoir poursuivis et dispersés.» En effet, lémir expédia aussitôt une armée de vingt mille. Almohades sous les ordres du cheikh Abou Aly ben Ouandyn avec ordre daller attaquer les Beny Meryn et de les massacrer tous, pères et enfants, jusquau dernier dentre eux. Lexpédition partit de Maroc, et à la nouvelle de son approche, les ben, Meryn firent, eux aussi, tous leurs préparatifs pour recevoir et battre lennemi ; ils rassemblèrent leurs troupes, et tous les chefs, sétant réunis en conseil, tombèrent daccord pour mettre à labri, dans la forteresse de Tazout, leurs harems et leurs biens. Après avoir pris cette précaution, ils savancèrent résolument contre larmée almohade. La rencontre eut, lieu dans les environs de lOued Nekour, du pays de Badès (dans le Rif), et ce fut là une sanglante et mémorable bataille. Les Beny Meryn, assistés par le Très-Haut, remportèrent la victoire , et ils massacrèrent la plus grande partie des Almohades, dont les débris senfuirent en déroute et frappés dépou vante ; ils pillèrent le camp, et tout ce quils enlevèrent dargent, darmes, de bagages, de chevaux et de mulets servit à les fortifier davantage; ils rendirent grâce à Dieu pour le secours magnifique quils en recevaient, et la nouvelle de ce grand événement se répandit dans le Maghreb entier. Les débris des Almohades rentrèrent à Rabat-Taza et à Fès terrifiés, pieds nus, anéantis, nayant pour tout vêtement que des feuilles de Mechâala (?). Couverts de sang et de poussière, désespérés et avilis, ils versaient des larmes, et leurs curs étaient brisés. Lannée prit le nom de Mechâala, et cest à partir de là que les Beny Meryn grandirent de plus en plus, tandis que les Almohades saffaiblirent tout à fait ; leurs terres devinrent désertes; ils ne sortirent plus, et leur décadence fut complète. Dieu alluma le feu de la guerre civile, et
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leurs chefs moururent assassinés. Les cheïkhs faisaient et défaisaient les sultans; ils les nommaient et les tuaient ensuite pour en nommer dautres, pillant chaque fois leur trésor et se divisant leurs femmes et le butin. Cest ainsi quils proclamèrent Abd el-Ouahed et quils le mirent à mort pour nommer El-Adel, quils étranglèrent à son tour ; puis ils envoyèrent acte de leur soumission à El-Mamoun, et aussitôt ils le déclarèrent déchu pour élire son frère Yhya ; ils ne savaient plus ce quils faisaient, et cest leur désordre qui fut leur ruine et lanéantissement de leur pouvoir et de leurs forces, dont les Beny Meryn héritèrent.
HISTOIRE DE LÉMIR BÉNI ABOU MOHAMMED ABD EL-HAKK.
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Lémir Abou Mohammed était fils de lémir Abou Khâled Mayou ben Abou Beker ben Hamâma ben Mohammed, le Zenèta, le Meryn. Son père, Abou khâled Mayou, avait fait la campagne dAlarcos auprès de lémir des Musulmans El-Mansour, qui, le jour de la bataille, lui avait confié le commandement de tous les Zenèta, avec lesquels il se couvrit. de gloire. Il mourut (que Dieu lui fasse miséricorde !), en lan 592, dans son pays, au sud du Zab africain, à son retour de ladite campagne dAlarcos, et à la suite des blessures quil en rapporta, et qui lui valurent la mort du martyr. Son fils, Abou Mohammed Abd el-Hakk, lui succéda et prit la direction des affaires. Il était déjà célèbre parmi les Beny Meryn, par ses vertus, sa religion, sa piété et sa sainteté ; humble et charitable, il prit la justice et le bon droit pour base de son gouvernement; généreux et bienfaisant, il était le refuge des orphelins et la providence des pauvres. Sa bénédiction était immense et sa main bienheureuse ; son bonnet et ses culottes opéraient des miracles, et tout le monde chez les Zenéta y avait recours ; on les portait aux femmes enceintes dont laccouchement était, difficile, et Dieu, venant aussitôt en aide à ces créatures, facilitait la délivrance. Leau qui restait de ses ablutions était remise aux malades qui sen frottaient et guérissaient aussitôt. Il était fort austère ; il jeûnait en hiver comme durant les plus fortes chaleurs, et jamais on ne le vit manger dans le jour, à lexception des fêtes. Priant et louant Dieu sans cesse, il récitait son chapelet et invoquait Dieu partout, et quelles que fussent ses occupations. Il ne mangeait, que les choses permises et provenant de ses propriétés mêmes, telles que la viande de ses chameaux ou de ses brebis, leur lait et le produit de sa propre chasse. Dans la tribu des Meryn il était, renommé comme savant et comme émir ; il veillait avec le plus grand soin aux affaires de ses compatriotes, qui ne faisaient absolument rien sans le consulter. Il neut que quelques enfants. Une nuit, après avoir fait ses ablutions et ses longues prières à Dieu, il fit durant son sommeil un songe, bienheureux qui lui annonçait le gouvernement de roi et dimam
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pour lui et. pour ses descendants. Il vit un jet de feu sortir de son membre viril, sélever dans les airs et rayonner sur les quatre points cardinaux, puis concentrer ses rayons et couvrir de sa flamme tout le Maghreb. Il raconta ce rêve à quelques saints, qui lui dirent : ce Réjouissez-vous et soyez sans crainte ; cette vision est un signe de bonheur pour vous et vos descendants, qui serez nobles et grands ; vous serez roi puissant et illustre et vos enfants rempliront le Maghreb de leur célébrité. Quatre dentre eux régneront jus quà leur mort, et transmettront leur trône en héritage à leurs fils et à leurs descendants.» Tout cela arriva comme ils le dirent, et lémir put le voir avant de mourir. Il gouverna les Beny Meryn, et à sa mort ses quatre fils héritèrent de son gouvernement. Dans le mois de dou1 hidjâ de lan 613, lémir Abou Mohammed Abd el-Hakk se porta avec larmée des Beny Meryn à Rabat Taza, aux envi rons de laquelle il établit son camp, au milieu des oliviers. Le gouverneur de cette ville sortit pour lattaquer avec une nombreuse armée dAlmohades, dArabes et de fractions des Tsoul, des Mekenèsa et autres. Lémir Abou Mohammed le battit et mit toute son armée en déroute ; resté maître dun riche butin, armes, bagages et chevaux, il distribua tout à ses soldats, sans rien garder pour lui ; et il dit à ses enfants : «Faites bien attention de ne pas toucher à ce butin, la victoire et la renommée doivent vous suffire.» En djou mad el-tâny 614, les Meryn eurent une rencontre avec les Arabes Rîah et autres. Les Rîah formaient la tribu arabe la plus forte et la plus guerrière du Maghreb ; nulle navait un aussi grand nombre de cavaliers et de fantassins, et ne possédait ses immenses ressources. Quand ils se mirent; en campagne contre les Beny Meryn, ceux-ci se rallièrent tous autour dAbou Mohammed et lui dirent : «Vous êtes notre émir et notre capitaine ; que pensez-vous de ces Arabes qui viennent pour nous attaquer ?» Lémir leur répondit : «Ô mes compagnons Meryn, si vous êtes disposés, résolus et unis, prêts à vous aider les uns les autres et à vous soutenir réciproquement contre len nemi, si vous êtes frères, liés entre vous par lamour du Très-haut, je nai aucune crainte de vous conduire et dengager le combat avec les peuples du Maghreb entier; mais si vous êtes désunis, si vos avis sont en désaccord les uns avec les autres, vos ennemis, soyez-en sûrs, vous vaincront et vous dis perseront ! Ils sécrièrent alors : Nous sommes prêts, soumis et obéissants ; ne nous abandonnez pas et nous ne vous abandonnerons point ; nous mour rons tous sous vos yeux, sil le faut. Allons, levez-vous et conduisez-nous avec la bénédiction de Dieu !» Les deux armées se rencontrèrent aux environs de lOued Sebou, à quelques milles de Taferthast. La bataille fut sanglante, et lémir Abou Mohammed Abd el-Hakk fut tué ainsi que son fils Edriss. A la vue du cadavre
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de leur émir, les Meryn, fous de douleur et de rage, devinrent comme autant de lions furieux et avides de sang. Levant la main droite, ils jurèrent de ne point enterrer les corps de leurs chefs avant de les avoir vengés; ils sélancè rent contre les Rîah comme des lions affamés qui sautent sur une troupe de renards, et ils fondirent sur eux comme les aigles fondent sur les perdrix. La bataille fut de plus en plus meurtrière. Les Rîah eurent à déployer la grande résignation; ils furent presque tous massacrés, et ceux qui échappèrent au carnage senfuirent en déroute. Les Meryn pillèrent leur camp et enlevèrent tout ce qui sy trouvait en argent, bagages, habillements, chevaux, chameaux et autres bêtes de somme. Ils élurent Othman, fils de lémir Abou Moham med, pour succéder à son père et se mettre à leur tête. Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : Le kady Abou Abd Allah ben el-Oualdoun et son frère le fekhy Abou el-Hadjadj Youssef, qui faisait partie de la députation des nobles, des docteurs et des saints de la ville de Fès, qui vint rendre hommage à lémir Abou Youssef ben Abd el-Hakk, à Rabat el-Fath, où il était arrivé de Maroc dans le ramadhan 683, avec lintention de passer en Andalousie pour faire la guerre sainte, mont raconté eux-mêmes que, lors de leur réception, lémir des Musulmans leur parla beaucoup de son père Abou Mohammed Abd el-Hakk, et quil leur dit, en propres termes : «Par Dieu, je vous lassure, la parole de lémir Abd elHakk était sûre. Sil disait, il faisait, et un mot de lui suffisait pour ne laisser aucun doute. Jamais il ne jurait par Dieu, ni justement, ni en vain ; il ne buvait point de boissons enivrantes, et ne se livrait jamais à la débauche ; ses vêtements bénits avaient des vertus, miraculeuses ; il suffisait de les porter chez une femme en couche pour assurer une délivrance heureuse. Il jeûnait et restait debout la plus grande partie de la nuit ; sil entendait parler dun saint ou dun ermite, il accourait auprès de lui pour demander sa bénédic tion; il vénérait beaucoup les saints et leur était soumis. Il fut le poison de ses ennemis quil anéantit; quant à nous, nous navons hérité que de sa béné diction, et de la bénédiction des saints qui le bénirent.
RÈGNE DE LÉMIR ABOU SAÏD OTHMAN BEN ABD EL-HAKK.
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Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : Lorsque les Beny Meryn eurent fini de combattre les Rîah et furent, de retour de leur pour suite, ils se groupèrent autour de lémir Abou Saïd Othman ben Abd elHakk, et, après lui avoir fait les compliments, de condoléances pour la perte de son père et de son frère, ils le proclamèrent unanimement. Lémir Abou Saïd soccupa avant tout de laver le corps de son père et de lensevelir, et son cur se brisa de douleur. Quand il eut rempli ces pieux devoirs, il tourna ses pensées vers son peuple et ses frères, et ayant ordonné de réunir le butin,
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il le distribua sans partialité aucune à tous les membres de la tribu des Beny Meryn; puis il se remit aussitôt en marche contre les Rîah, en jurant quil ne les épargnerait pas avant davoir tué cent de leurs cheikhs pour venger la mort de son père. En effet, il les massacra en grand nombre, et lorsque les Rîah virent quils étaient perdus, il sempressèrent de faire leur soumission à lémir, qui laccepta, à condition quils lui payeraient un fort tribut chaque armée. Cet événement amoindrit encore le royaume des Almohades, dont la faiblesse devint manifeste, et, qui perdirent tout pouvoir dans les cam pagnes. Leurs émirs nétaient plus écoutés que dans les villes, et la guerre civile se répandit de plus en plus dans les tribus. Les routes et les champs devinrent dangereux, et la plus grande partie des hommes, révoltés contre lautorité, se disputaient et disaient à leurs chefs : «Nous ne vous devons plus ni respect ni obéissance.» Les nobles et les rustres devinrent égaux ; le fort mangeait le faible, et chacun faisait selon sa tête. Ils sabaissèrent ainsi jusquaux crimes les plus abominables, au mépris du gouvernement et de leurs émirs, qui ne pouvaient plus les maîtriser. Les Kabyles du Fezaz, de Djenata, les Arabes et les Berbères coupaient les chemins et pillaient sans relâche les villages et les hameaux. Lémir Abou Saïd, ayant observé ce qui se passait, et ayant vu que les roi Almohades avaient perdu leur force et leur puissance, et quabandon nés de leurs sujets, ils étaient réduits à ne plus sortir de leurs palais où ils vivaient dans livresse, et soumis à tous les effets de la débauche et des dérè glements, comprit que le moment était propice pour leur faire la guerre et les renverser. En conséquence, il rassembla les cheïkhs Meryn et les exhorta à se soulever au nom de la religion et des intérêts des Musulmans. Il les trouva tous prêts, et il avança avec ses légions conquérantes et victorieuses dans le Maghreb, envahissant toutes les tribus dans les montagnes comme dans les plaines et les vallées. Il donnait laman à ceux qui le reconnaissaient et lui Promettaient obéissance, il leur imposait un tribut et les laissait tranquil les; mais ceux qui lui résistaient, nobtenaient ni trêve ni repos jusquà leur entière destruction. Les premières tribus qui se soumirent à lui furent celles de Houâra et de Radjeradja ; puis successivement celles de Tsoul, Mekenèsa, Bathouya, Fechtâla, Sedrata, Behloula et Mediouna ; il fixa le tribut de chacune del les et leur envoya des garnisons. Il accorda la paix aux habitants de Fès, de Mekenès, de Rabat-Taza et dAl-Kassar Abd el-Kerym (Al-Cassar), moyen nant un tribut annuel, sengageant de son côté à veiller à la sécurité du pays et à les défendre contre les attaques des Kabyles. En 620, lémir Abou Saïd fit une expédition dans le pays de Fezaz, et il harcela les tribus Djenata qui lhabitaient, jusquà les avoir réduites à
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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soumission et avoir corrigé leurs habitudes de pillage et de crimes. En 621, il fit une razia dans le Fahs Azghâr(1), dont il battit et dépouilla les tribus. Lémir Abou Saïd était grand guerrier, plein dardeur et de courage, doué dun esprit solide ; son commandement était ferme ; il était généreux pour ses amis, mais vindicatif et terrible pour ses ennemis ; secourable pour ses voisins, modeste, religieux et vertueux aux yeux de tous, respectant les docteurs et vénérant les saints, suivant en tout la voie tracée par son père, dont il ne sécarta jamais jusquà sa mort. (Que Dieu lui fasse miséricorde!) Il fut assassiné en 638 (1240 J. C.) par un renégat quil avait, élevé tout jeune, et qui le frappa dun coup de poignard à la gorge ; il mourut instan tanément. La durée de son règne sur les Beny Meryn et les campagnes du Maghreb, depuis son élection à la mort de son père, fut de vingt-trois ans et sept mois.
RÈGNE DE LÉMIR ABOU MAHROUF MOHAMMED BEN ABD EL-HAKK.
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Aussitôt après la mort de lémir Othman, les cheïkhs Meryn réunirent leurs voix en faveur de son frère Mohammed, quils proclamèrent en lui jurant obéissance et fidélité durant la paix comme à la guerre, et ils lui con fièrent le soin de leurs affaires. Lémir Mohammed suivit les traces de son frère et conquit de nouvelles terres sur les montagnes et dans, les plaines du Maghreb. Grand guerrier, courageux et redoutable, Dieu lassista dans ses conquêtes. Il était plein dinstruction ; son gouvernement fut sage, et il fut toujours entouré de la vénération de ses sujets obéissants ; il neut pas de plus chère, occupation que la guerre, dont il connaissait lart et les ruses. Cest ce quun poète a dit ainsi : «Mohammed, habile dans ses affaires, ne passa pas un jour sans combattre ; associé de la guerre et des batailles, qui dira le nombre de guerriers qui se mesurèrent avec les siens ? Combien de légions se heurtèrent contre ses légions, et combien il détruisit darmées ? Ses jour et ses nuits ne furent quune longue bataille ; mais il fut toujours victorieux et assisté par Dieu.» A toutes ses qualités guerrières, lémir Abou Mahrouf joignait une grande bénédiction ; sa main était des plus heureuses. Doué dun bon caractère, il était. sage, instruit, réfléchi, sincère et persévé rant ; il nentreprenait rien sans lachever ; sil donnait, il donnait suffisam ment, et il nabusait jamais de sa force. Il ne cessa de faire la guerre aux Almohades et de les avilir de plus en plus jusquen 642, où son gouverne ment prit un tel développement que Saïd lAlmohade sen émut et envoya contre lui une armée de vingt mille cavaliers Almohades, Arabes, Haskoury et Chrétiens. A la nouvelle de lapproche de cette expédition, lémir Abou
____________________ 1 Aujourdhui Cherarda, entre le Sebou et Mekenès.
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ET ANNALES DE LA VILLE DE FÈS.
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Mahrouf fit ses préparatifs, et les deux armées se rencontrèrent à lendroit nommé El-Sakhrat Aby Byar, aux environs de Fès. La bataille fut sanglante et sans pareille ; elle dura depuis laurore jusquau coucher du soleil, et, le soir, lémir Abou Mahrouf fut tué sur le champ de bataille par un chef chré tien. Son cheval sétant abattu sous lui, le chrétien nen tint pas compte et lui porta le coup mortel. (Que Dieu lui fasse miséricorde) Les Beny Meryn, battus, disparurent tous pendant la nuit, emportant avec eux leurs bagages, leurs familles et leurs trésors. Au point du jour, ils arrivèrent, au Djebel Ghyâtha, où ils se retranchèrent pendant quelque temps. La mort de lémir About Mahrouf eut lieu le jeudi 9 de djoumad el-tâny, an 642 (1244 J. C.). Son frère, lémir Yhya ben Abd el-Hakk, lui succéda.
RÈGNE DE LÉMIR TRÈS-ILLUSTRE ABOU YHYA BEN ABD EL-HAKK.
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Lémir Abou Beker ben Abd el-Hakk ben Mayou ben Abou Beker ben Hamâma fut prénommé Abou Yhya. Sa mère était une femme libre, descen dante dAbd el-Ouahed, Il avait de teint blanc et rose, une belle taille, la peau fine, une jolie figure et la chevelure épaisse ; il se servait indistinctement des deux mains, et frappait deux coups de. lance en même temps. Cavalier accompli, il fut le plus grand guerrier de son époque ; énergique, ardent et résolu, nul nétait si terrible au combat et nul navait son, adresse ; il combat tait dans les rangs mêmes de ses soldats, et les meilleurs guerriers craignaient de se mesurer avec lui. Ces qualités ne lempêchaient pas dêtre bienfaisant et généreux comme le nuage qui donne labondance, et jamais émir ne répandit tant de bien autour de lui. Fidèle à sa parole, il tenait toujours ses promesses ; en un mot, il lemportait sur tous les rois de la terre par son courage, sa générosité et sa sincérité. Il fut le premier des émirs Beny Meryn qui organisa son armée et son camp, et qui fit battre le tambour et déployer ses drapeaux. Maître des villes et des campagnes, il assura le gouvernement, et, avec las sistance de Dieu, il fut lheureuse égide des Beny Meryn. Après sa proclamation, il commença par rassembler les cheïkhs Beny Meryn, et il leur divisa le commandement des provinces du Maghreb, en donnant à chacun une certaine étendue de terres que personne ne pouvait plus revendiquer. Il donna pour instructions, à chacun de ses nouveaux kaïds, de munir leurs hommes de chevaux et de préparer des troupes pour la guerre; ensuite il se rendit lui-même au Djebel Zraoun, où il campa avec ses proches et ses compagnons. De là, il harcelait continuellement, jour et nuit, la ville de Mekenès, dont il finit par semparer en lan 643, sous le gouver nement de Saïd lAlmohade ; il entra en paix. dans la place, qui lui fut livrée volontairement par Je cheïkh Abou el-Hassen ben Abou el-Afya. Lémir Almohade Saïd, en apprenant la prise de Mekenès, se mit en campagne
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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et sortit de Maroc avec une armée. considérable de légions Almohades, de Mesmouda, Arabes et Chrétiens; il arriva sur les bords de lOued Beth, où il campa, menaçant pour larmée dAbou Yhya. Celui-ci sortit une nuit de Mekenès seul et incognito pour venir sassurer par lui-même de la position des troupes Almohades ; il pénétra secrètement dans le camp ennemi, et, ayant examiné le nombre et les forces de ses ennemis, il comprit quil ne pouvait pas se mesurer avec eux, et il battit, prudemment en retraite en aban donnant le pays et la ville. Ayant rallié tous les Beny Meryn, il sen alla avec eux dans le Rif, où il se fortifia dans le château de Tazouta. Lémir Saïd, à son arrivée sous les murs de Mekenès, fut reçu par les habitants, qui vinrent au-devant de lui avec leurs femmes et leurs enfants pour implorer son aman quil leur accorda. Alors il se rendit à Fès et campa sous ses murs du côté du Midi. Les cheïkhs de la ville sortirent en corps pour le complimenter et le prier dentrer dans leurs murs. Lémir les accueillit avec faveur, mais il refusa de sarrêter, et il sen alla camper sous les murs de Rabat-Taza. Là il reçut lacte de soumission de lémir Abou Yhya, quil agréa, et en réponse il lui écrivit quil lui accordait laman, ainsi quà tous les Beny Meryn, à condition quil lui enverrait un corps de cinq cents de leurs meilleurs. cava liers pour servir auprès de lui. Abou Yhya lui répondit alors : «O émir des Musulmans ! retourne dans ta capitale et confie-moi quelques renforts, si tu veux que je te débarrasse de Yaghmourasen et que je te rende maître de Tlemcen et de ses dépendances.» Lémir Saïd fut sur le point de consentir à ces offres ; mais il consulta ses ministres, qui lui dirent : «O émir des Musulmans ! garde-toi bien dune pareille imprudence. Souviens-toi que les Zenèta sont frères des Zenèta, et que celui-ci, au lieu de faire ce quil te dit, pourrait bien, au contraire, sunir contre toi avec ceux quil te propose combattre.» En conséquence, lémir lui donna lordre de rester où il était et de sen tenir à lui envoyer le contingent demandé. Yhya, lui ayant expédié un corps de cinq cents de ses meilleurs cavaliers, lémir Saïd sen alla à Tlemcen et mourut sous les murs de la forteresse de Temzezdekt, où il assié geait Yaghmourasen ben Zyan. La nouvelle de cet événement fut apportée à lémir Yhya par le corps des Beny Meryn qui étaient au service de Saïd, et qui lui donnèrent les détails de la mort de lémir, de la défaite de son armée et du pillage de son camp. Yhya se mit aussitôt en marche et. se porta en toute hâte sur Mekenès, où il entra et dont il prit le gouvernement. Après être resté là durant quelques jours, il sen alla à Rabat-Taza, dont il sempara, ainsi que de toutes les forteresses de la Moulouïa, et cela durant le; mois de safar 646. Dans les derniers jours de râby el-tâny de cette même année, il se rendit maître de Fès et fit son entrée dans cette capitale, accueilli de bon gré par les habitants, qui avaient envoyé leurs cheïkhs au-devant de lui avec
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lacte de leur proclamation, qui lui fut remis à la chapelle. située au dehors du Bab el-Cheryah. Le premier qui le proclama fut le vertueux et saint Abou Mohammed el-Fechtâly, et il fut suivi par les docteurs et les cheikhs. Le cheïkh Abou Mohammed el-Abbés sortit de la kasbah avec ses femmes et, ses enfants, et lémir Abou Yhya, lui ayant accordé laman, le fit accompa gner par une escorte de cinquante cavaliers jusquà lOued Oum el-Rebya. Lentrée dAbou Yhya à Fès eut lieu vers dix heures du matin, le jeudi 26 de raby el-tâny, an 646, deux mois après la mort de Saïd. Cest ainsi que le gouvernement du Maghreb passa dans ses mains. Aussitôt quil fut maître de lempire et de larmée, les troubles sapaisèrent, la sécurité des routes et labondance revinrent, le commerce reprit son mouvement. Les Kabyles reçurent ordre de rester sur leurs terres, de repeupler les villages et les hameaux abandonnés, et de se livrer à lagriculture. Les denrées se donnèrent à bon marché, et lémir organisa toutes les affaires de ses sujets; il confia à son frère Yacoub le commandement de Taza et de toutes les for teresses de la Moulouïa, et il demeura lui-même à Fès pendant une armée entière, occupé à recevoir les députation qui venaient vers lui de tous côtés. Au mois de raby el-aouel 647 (1249 J. C.), lémir Yhya sortit de Fès pour se rendre à la mine dEl-Aouam, dans le Fezaz, et laissa le com mandemFent de la ville à laffranchi El-Saoud ben Kharbâch El-Hachemy. Dès quil se fut éloigné, les cheïkhs de la ville se réunirent chez le kady Abou Abd er-Rahman el-Moughyly, et ils décidèrent de renverser lémir Abou Yhya, de tuer El-Saoud, son lieutenant, et denvoyer leur soumission à Mourthadhy, en gouvernant eux-mêmes la place jusquà son arrivée. Étant tous tombés daccord, ils envoyèrent chercher Chedyd, le général des Chré tiens, pour lui faire part du complot. Le kaïd Chedyd commandait à Fès, pour les Almohades, une garnison de deux cents cavaliers chrétiens, lorsque les Beny Meryn semparèrent de cette capitale ; aussi il était resté très-fidèle aux Almohades qui lavaient ainsi élevé ; dès quil parut, les conjurés lui dirent : «Faites périr le nègre El-Saoud, et prenez le commandement de la ville ; vous adresserez ensuite notre proclamation au Mourthadhy, et vous lui demanderez de nous envoyer un gouverneur.» Le chrétien, ayant partagé leur avis, promit de les défaire du nègre. En conséquence, le 22 de chouel 647, au matin, les cheïkhs se ren dirent à la kasbah pour souhaiter le bonjour à laffranchi El-Saoud ; ils le saluèrent et sassirent auprès de lui. Puis, Saoud ayant entrepris de leur adresser des reproches, ils lui ripostèrent avec colère, et, sétant levés, ils appelèrent à eux le kaïd chrétien qui était posté avec ses soldats non loin du pavillon où Saoud venait de leur donner audience. El-Saoud et quatre de ses gardes furent tués, et leurs têtes, placées au bout de piques, furent
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promenées dans les rues et sur les marchés de la ville. Les cheïkhs enva hirent le palais et pillèrent tout ce qui sy trouvait, vêtements, argent et femmes, quils se partagèrent; puis ils fermèrent les portes de la ville et envoyèrent leur proclamation au Mourthadhy. A cette nouvelle, lémir Abou Yhya revint en toute hâte; mais il trouva les portes closes et les cheikhs prêts à faire résistance. Il les assiégea pendant sept mois, sans succès, et ayant appris alors que Yaghmourasen ben Zyan était sorti de Tlemcen pour semparer de Rabat-Taza, il laissa sous les murs de Fès une partie des Beny Meryn pour continuer le siége et inquiéter nuit et jour les assiégés par des combats incessants, et il se mit en marche contre Yaghmourasen. Il le ren contra à lOued Isly, aux environs dOudjda, et à lissue dune forte bataille, Yaghmourasen vaincu senfuit en abandonnant ses trésors et son camp, dont lémir sempara. Les principaux Beny Abd el-Ouahedy furent tués dans cette affaire. Lémir revint alors sur Fès, où il arriva dans le courant de djou mad el-tâny, an 648 (1250 J. C.). Il redoubla les rigueurs du siége et la vio lence des attaques, et les habitants, désespérés, frappèrent, dans leurs mains, se sentant perdus, puisquaucun chef Almohade ne venait les soutenir. Ils comprirent enfin leur erreur, et, ne pouvant prolonger plus longtemps leur résistance, ils envoyèrent un message à lémir Abou Yhya pour implorer son pardon et laman. Lémir leur fit grâce, à condition quon lui rendrait, jus quà la dernière pièce de largent qui avait, été pillé, cest-à-dire 100,000 dinars en or. Ceci étant convenu, ils ouvrirent les portes à lémir, qui fit son entrée solennelle et triomphante en ville, le 23 de djoumad et-tâny de ladite année. Au bout de quelque temps, dans les premiers jours de radjeb, voyant quon ne sempressait pas de lui compter largent, et quen maintes circons tances on avait même manqué au respect qui lui était dû, il fit arrêter les cheikhs, les chefs et les nobles ; et les mit aux fers en leur demandant la res titution de largent et de tous les effets qui avaient été, pillés dans le palais. Un de ces cheikhs, nommé Ben el-Khebâ, lui dit : «Ceux qui ont fait tout le mal étaient seulement six, pourquoi devons-nous tous être punis également? En faisant ce que je vais te dire, tu ne seras que juste. Et quest-ce donc que tu vas me dire ? lui répondit lémir. Le voici : fais dabord trancher la tête aux six qui ont causé les troubles, et alors ce sera à nous quil appartien dra de te rendre largent que lon ta pris. - En vérité, reprit lémir, tes paro les sont justes ; et aussitôt il condamna à mort les six principaux cheikhs, savoir: le kady Abou Abd er-Rahman le Moughyly et son fils, El-Moucher ref ben Dacher et son frère, Ben Aby Thâta et son fils. Il confisqua leurs biens et leurs trésors, et ils furent exécutés au sortir du Bab el-Cheryah, le dimanche 28 de redjeb susdit, 648. Alors il se fit rembourser par tous les autres cheïkhs, que ce coup abattit au point que nul dentre eux na plus
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osé relever la tête jusquà ce jour. En 649 (1151 J. C.), lémir Abou Yhya sempara de la ville de Salé, et il en confia le, gouvernement, à son neveu Yacoub ben Abd el-Hakk. En 653, il défit El-Mourthadhy au Djebel Behloul, aux environs de Fès ; il enleva tout ce qui se trouvait dans son camp, trésors, bagages, tentes, pavillons, chevaux et chameaux, et les Beny Meryn senrichirent considérablement de ses dépouilles. En 655 (1257 J. C.), lémir Abou Yhya conquit Sidjilmessa et le Drâa. Yaghmourasen désirant enlever ces possessions au Mourthadhy, sen était rapproché avec une grande armée de Beny Abd el-Ouahed et dArabes, et en apprenant cela, lémir Abou Yhya, qui se trouvait, à Fès, rassembla aussitôt ses soldats Beny Meryn, et marcha sur Sidjilmessa où il trouva Yaghmoura sen déjà campé sous les murs du Bab Tahsena. Il y eut entre eux une grande bataille, à lissue de laquelle Yaghmourasen battu prit la fuite pour Tlemcen, en renonçant à ses projets contre Sidjilmessa et le Drâa. Lémir Abou Yhya sempara alors de tout ce pays, et il y demeura le temps nécessaire pour y organiser son gouvernement; ensuite il en confia le commandement à Abou Yhya el-Ketrany, auquel il donna ses instructions, et il revint à Fès. Cest ainsi quil agrandit son empire et le nombre de ses troupes, quil assura la tranquillité du pays et dispersa les pervers, quil vit saccroître la population et disparaître les fauteurs de troubles. Au mois de radjeb 656 (1258 J. C.), il tomba malade à Fès et mourut quelques jours après, de sa mort naturelle ; il fut enterré en dedans du Bab el-Djezyryn, une des portes de lAdoua el-Andalous, auprès du tombeau du cheïkh vertueux Abou Mohammed el-Fechtâly, pour être couvert de sa bénédiction, ainsi quil lavait bien recommandé durant sa vie. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Son règne, depuis le jour de sa proclamation après la mort de Saïd, au commencement de lan 646, jusquà sa mort en radjeb 656, avait duré dix ans et un mois. A la mort de lémir, le gouverneur de Sidjilmessa El-Ketrany se révolta et se rendit indépendant ; il fut proclamé par la population, et resta émir pendant deux ans; il fut tué, en 658. Alors le gouvernement de cette ville fut pris par Aly ben Omar, lieutenant dEl-Mourthadhy, au nom duquel il la commanda pendant trois ans et demi, jusquà sa mort en 662. Les Arabes el-Melâbat sen emparèrent à cette époque au nom de Yaghmourasen ben Zyan quils proclamèrent, et qui leur envoya un gouverneur des Beny Abd el-Ouahed. Le gouvernement de Sidjilmessa resta à Yaghmourasen jus quau moment où lémir des Musulmans Abou Youssef Yacoub ben Abd elHakk y pénétra, le dernier jour du mois de safar, au 673 (1274 J. C.).
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RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU YOUSSEF YACOUB BEN ABD EL-HAKK BEN MAYOU BEN ABOU BEKER BEN HAMAMA BEN MOHAMMED LE ZENÈTA.
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Sa mère, femme légitime, se nommait Oum el-Iman (mère de la foi), et elle était fille dAly el-Bethary, le Zenèta. Lorsquelle étant encore jeune fille, elle vit en songe la lune se lever de son sein et monter au ciel, doù elle répandit sa lumière sur toute la terre. Elle raconta aussitôt ce rêve à son père, qui sempressa de se rendre chez le cheïkh, le saint Abou Othman elOuaragly, auquel il le communiqua. Celui-ci lui répondit : «Si tu dis vrai, le rêve de cette jeune fille signifie quelle enfantera un grand roi, saint et juste, qui couvriras ses sujets de bienfaits et de prospérités ; et cela fut ainsi. En la donnant en mariage à lémir Abou Mohammed Abd el-Hakk, Aly elBethary lui dit : «Ma fille te porte avec elle la bénédiction de Dieu, car elle est, bienheureuse, et elle fera ton bonheur en te donnant un fils qui sera un grand roi, qui couvrira, ta nation de gloire jusque dans les derniers siècles.» Yacoub vint au monde en 607, et selon dautres en 609 ; il fut prénommé Abou Youssef, et surnommé El-Mansour Billah. Il était blanc, haut de taille et fort, il avait urne belle figure, les épaules larges, la barbe longue et blan che comme la neige ; affable, bienveillant, généreux, puissant, clément et pieux, jamais ses enseignes ne furent battues. Jamais il ne combattit un ennemi sans labattre, ni une armée sans la défaire ; jamais il nattaqua une place sans sen emparer. Jeûnant toujours, il ne cessait de prier le jour, et la nuit, et ses mains quittaient rarement le chapelet; il faisait du bien aux saints, les vénérait et fréquentait leurs zaouïas; il leur rendait compte de la plupart de ses affaires, quil dirigeait selon leurs conseils, pour le bien des Musulmans. Il aimait à soulager les pauvres , et les nécessiteux. En prenant les rênes du gouvernement, il consolidai les affaires, et aussitôt après il fit construire des hôpitaux pour les malades et pour les fous; il pourvut à tous les frais nécessaires à leur entretien, et il donna ordre aux médecins de leur faire deux visites par jour, une le matin, une le soir ; le tout aux frais du bit el-mal. Il en fit autant pour les lépreux, pour les aveugles et pour les fakyrs, auxquels il alloua des secours tirés de la Djezya des juifs. (Que Dieu les maudisse !) Il bâtit des écoles et y établit des tholbas pour y lire le Koran et dautres pour étudier les sciences; il leur fit des traitements mensuels. Tout cela pour mériter les récompenses du Très-haut, qui lui inspirait toutes ces bonnes uvres. Ses kadys à Fès furent le fekhy Abou el-Hassen ben Ahmed, connu sous le nom de Ben el-Azâz ; le fekhy Abou Abd Allah ben Amrân, le fekhy Abou Djaffar el-Mezdaghy et le fekhy Abou Oumaya el-Delaghy. Ceux de Maroc furent le docte, le conseiller Abou Abd Allah Chérif et, le fekhy Abou
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Farès el-Amrâny. Il eut pour ministres le cheikh Abou Zekeria Yhya ben Hazym el-Alaouy, le cheikh Abou Aly Yhya ben Aby Madjan el-Haskoury et le cheïkh Abou Salem Fath Allah el-Sederaty ; pour hadjeb, le kaïd Athyk, et, pour secrétaires, les fekhys Abou Abd Allah el-Kenâny et son frère Abou Thaïeb Sâd el-Kenâny, et le fekhy Abou Abd Allah Aby-Medyan el-Oth mâny. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Lémir Yakoub fut proclamé khalife huit jours après la mort de son frère Abou Yhya, le 27 de radjeb 656, à lâge de quarante-six ans ; il assura son gouvernement et soumit tout le pays, depuis le Sous el-Aksa jusquà Oudjda, et il mit fin au règne des Almohades, dont il effaça les dernières traces ; il conquit également Sidjilmessa, le Drâa et la ville de Tanger ; il fut proclamé par les habitants de Ceuta, qui lui payèrent un tribut annuel ; il passa en Andalousie pour faire la guerre sainte, et il y gouverna plus de cin quante forteresses entre villes et châteaux, au nombre desquelles il comptait, Malaga, Ronda, Algéziras, Tarifa, El-Mounkâb, Merbâla et Ochouna(1), ainsi que tous les forts, les villages et les tours compris entre ces places. On fit le khotbah en son nom dans toutes le chaires du Maghreb, et il fut le premier des rois Beny Meryn qui combattit pour lIslamisme, qui renversa les croix et subjugua les pays chrétiens, dont il abattit les rois et pilla les palais. Dieu très-haut se servit de lui pour relever la religion et faire briller le flambeau de lIslam. Avant lui, les Chrétiens avaient étendu leurs bras et pris la plu part des pays de lAndalousie, où les Musulmans navaient plus remporté de victoires depuis le désastre de lOukab, en 609 ; ils ne se relevèrent que lors que ses drapeaux victorieux et son animée passèrent en Andalousie, en lan 674 (1278 J C.). Cest ainsi quil gouverna les deux Adouas et régna double ment ; il fit. des expéditions célèbres, des actions mémorables ; ses faits et ses vertus le glorifièrent. Pieux, religieux et juste, il combla les Musulmans de bienfaits, il renversa les ennemis de Dieu, et telle fut la voie quil suivit jusquà sa mort. Voici quelle était la vie habituelle de lémir Yacoub ben Abd el-Hakk: il passait un tiers de la nuit à lire le koran et récitait ses prières et son cha pelet jusquau lever du soleil ; ensuite il étudiait les livres de morale et dhistoire, entre autres le Fetouh el-Cham (conquêtes de Syrie), et il écrivait lui-même de très-belles pages : cela loccupait jusquà dix heures; il faisait alors sa prière et se: remettait au travail ; il expédiait de sa propre main ses lettres et ses ordres, ensuite il donnait audience et présidait le conseil des cheikhs Beny Meryn, qui lentouraient comme les perles étoilées entourent la lune. A midi, il se rendait à la chapelle, et il y restait jusquà trois heures; de là, il passait dans la salle de justice, où il jugeait le bien et le mal jusquà
____________________ 1 Aujourdhui Almuñecar et Ossuna.
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lheure de la prière du soir, après laquelle il congédiait ses ministres et ses serviteurs, et il se retirait dans son intérieur, où il sendormait pour rêver à la guerre sainte contre les Chrétiens. Après avoir consolidé son gouvernement, lémir Yacoub ben Abd elHakk sortit de Fès et se rendit à Rabat-Taza (Tafersyft), où il prit des infor mations sur Yahgmourasen ben Zyan ; il entra dans cette place le 1er du mois de châaban 658, et y demeura jusquau 4 de chouel, jour où il apprit que les Chrétiens sétaient emparés de Salé par surprise lavant-veille, le 2 de chouel, et quils y massacraient les habitants, dont ils enlevaient les femmes et pillaient les biens. Il partit aussitôt en toute hâte et arriva tout dune traite sous les murs de Salé ; il sortit de Rabat-Taza à lheure même (lAsser) où les nouvelles lui parvinrent, avec une cinquantaine de cavaliers, et le lende main, à la même heure, il faisait sa prière sous les murs de Salé, où il était ainsi arrivé en vingt-quatre heures, il tomba sur les Chrétiens qui rôdaient aux environs, et, en rien de temps, il se vit entouré dune armée musulmane, formée des contingents de toutes les tribus du Maghreb ; il assiégea les Chrétiens et les resserra sans cesser de les battre jour et nuit, jusquà ce quil se fût emparé de la ville, doù ils furent ainsi chassés, après y être restés pen dant quatorze jours. Cest alors que lémir fit bâtir les murailles et les forti fications qui donnent sur la rivière et qui nexistaient pas à cette époque, où les Chrétiens entrèrent, justement par ce côté ouvert. Les premiers travaux furent ceux du dar el-sanâa(1) (arsenal, donnant sur la mer. Yacoub assistait même aux travaux quil dirigeait et auxquels il prenait part de ses propres mains pour mériter les récompenses magnifiques de Dieu en shumiliant ainsi et en dotant les fidèles douvrages protecteurs. En cette même année, lémir Yacoub sempara de la province de Temsena et de la ville dAnfâ(2). Cest là quil reçut les présents dEl-Mour thadhy, émir de Maroc, lui demandant la paix quil lui accorda, en conve nant que la frontière de leurs états respectifs serait marquée par lOued Oum el-Rebya. Lauteur du livre (que Dieu lui soit en aide !) reprend son récit : Durant lannée de lavènement de lémir des Musulmans Abou Youssef, le Très-Haut répandit sa bénédiction sur le peuple du Maghreb et le combla de bienfaits. Les habitants jouirent dune prospérité et dune abondance incon nues jusqualors. A Fès et dans les autres villes, la farine se vendit à un drahem le roubah, de blé à six drahem et lorge à trois drahem le sahfa; les fèves et tous les autres légumes étaient sans prix, et nul nen voulait. Pour un drahem, ou avait trois livres de miel ou quarante onces dhuile; les raisins, un drahem et demi le roubah; les dattes, huit livres pour un drahem, un sac
____________________ 1 Dar el-sanâa, maison du travail, de lart, de lindustrie, doù arsenal. 2 Anfâ, Anafé, aujourdhui Dar el-Beyda, Casablanca.
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damandes, un drahem; les aloses fraîches, un kyrath (un flous) la pièce ; le sel, un drahem la charge ; la viande de buf, cent onces pour un drahem; la viande de chèvre, soixante et, dix onces pour un drahem, un mouton entier pour cinq drahem. Et tout, cela à cause de la bénédiction de lémir, de son habile gouvernement, de son admirable conduite et de ses bonnes intentions. En 659 (1260 J. C.), les rapports de lémir des Musulmans et dElMourthadhy, émir de Maroc, saigrirent, et bientôt eut lieu laffaire de lOum el-Rid-jeleïn, dans laquelle Abou Youssef battit complètement larmée dElMourthadhy, composée dArabes, dAlmohades et de Chrétiens, dont les principaux restèrent sur le champ de bataille, et les survivants prirent la fuite en abandonnant tout à lennemi. El-Mourthadhy avait déployé toutes ses forces dans cette expédition, où il avait, réuni les principaux Almohades et leurs cheikhs avec les Arabes Hachem, khelouth, Soufyan, el-Aftah, Beny Djâber, Beny Hassân ; les kaïds chrétiens et andalous et les Alghzâz. A peine avait-il laissé quelques soldats à Maroc. Toute cette armée fut battue et aban donna armes et bagages, dont lémir des Musulmans senrichit. En 66o (1261 J. C.), Abou Youssef se porta sur Maroc et vint camper sur le mont Djelyz, doù il menaça la ville en déployant ses belles troupes avec grand apparat sous ses étendards flottants. El-Mourthadhy se retran cha dans la ville, dont il ferma les portes lui-même. Cest à ce sujet que le poète Abd el-Azyz a dit : «En lan 660, le sultan Meryn est allé à Maroc ; victorieux, il sarrêta au Djebel Djelyz, où il fit briller sa magnifique armée El-Mourthadhy, tremblant, senferma dans son propre palais, et les Arabes environnants vinrent battre et démolir les remparts de sa ville.» El-Mour thadhy envoya le sid Abou el-Olâ Edriss, surnommé Abou Debbous, pour livrer bataille. Le combat fut sanglant, et, dans la mêlée, lémir Abd Allah, fils de lémir des Musulmans Abou Youssef, fut tué. Cette perte fut, cause que lémir Abou Youssef abandonna ses projets sur Maroc et revint à Fès, où il entra à la fin de radjeb, en 661. Dans la soirée du 12 de châaban de cette année parut une comète, qui se montra chaque nuit jusquà laurore, pendant environ deux mois. En cette même année, le célèbre chevalier Amar ben Driss passa la mer à la tête dun corps darmée de plus de trois mille cavaliers Meryn et volontaires pour aller faire la guerre sainte. Lémir des Musulmans lui confia sa bannière victorieuse et munit ses troupes darmes, de chevaux et dargent en leur donnant sa bénédiction. Ce fut la première armée des Beny Meryn qui passa en Andalousie.
___________________ 1 Oum el-Ridjeleïn (la mère aux deux pieds), nom donné en cette circonstance à lOued Oum el-Rebya, parce que le combat sétant engagé dans le lit mène de la rivière, les traces des pieds des soldats restèrent sur des îlots que leau avait laissés à découvert.
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En 662, (1263 J. C.), mort dAbou el-Olâ Edriss ben Aby Koureïch, gouverneur de lémir des Musulmans au Maghreb. En 663, le fekhy El-Azfy, gouverneur de Ceuta, envoya ses navires pour détruire les murs et les forts dAsîla, de crainte que ses ennemis ne semparassent de cette ville et, ne sy fortifiassent. En cette même ; année, lémir des Musulmans se rendit aux environs de Maroc pour les saccager; mais, à son arrivée, il fut proclamé par tous les Arabes, qui habitaient les champs et le voisinage de cette capitale. Alors il rentra à Fès et sy fixa. Cest à cette époque quEl-Mourthadhy sindisposa contre Abou Debbous, kaïd de larmée, quil accabla de reproches en laccusant dentretenir des correspondances avec les Beny Meryn. En même temps, il voulut le faire arrêter ; mais Abou Debbous prit la fuite et vint à Fès auprès de lémir des Musulmans, qui laccueillit avec bonté, en lui disant : «O Edriss ! quel est le motif de ta venue ?» Il répondit : «Jai fui devant la mort pour venir te demander aide et protection contre mes ennemis ; donne-moi des soldats Beny Meryn, leurs enseignes, leurs tambours et de largent. Pour suffire aux dépenses et je te rendrai maître de Maroc que nous partagerons par moitié.» Lémir lui accorda tout ce quil demandait aux conditions proposées, et ils engagèrent tous deux solennellement leur parole. Lémir donna à Abou Debbous cinq mille zenèta ; il lui confia les tambours et les enseignes, il le munit de chevaux, darmes et de tout largent nécessaire pour les dépenses de la route ; il lui remit aussi des ordres écrits pour les tribus arabes et dAskoura pour quelles aient à lui fournir leurs contingents, et il le congé dia après, lui avoir fait ses adieux. Arrivé à Askoura, Abou Debbous sar rêta et écrivit à ses proches, à Maroc, pour les prévenir de son arrivée et leur demander les renseignements de la situation. Ceux-ci lui répondirent: «Viens vite, les habitants sont occupés et les troupes sont éparses dans le pays ; saisis le moment, tu nen trouveras plus daussi opportun» Abou Debbous se mit aussitôt en chemin et hâta la marche de ses troupes jusquà son entrée dans la capitale, qui eut lieu au moment où nul ne sy attendait, vers dix heures du. matin, dans le mois de moharrem 665, par la porte ElSaliha; il sétablit dans le palais dEl-Mourthadhy, qui prit la fuite et fut tué au sortir de la ville. Peu de temps après, lémir des Musulmans envoya un courrier à Abou Debbous, pour lui demander dexécution de ses engagements ; mais celui-ci répondit à lenvoyé : «Va dire à ton maître quil ny a entre nous dautre engagement que le sabre, quil se dépêche de menvoyer sa soumission et de me faire proclamer dans ses états, sinon je Viendrai le battre avec des légions dont il ne se doute pas. En recevant cette réponse, lémir comprit quil avait eu affaire à un traître et un rebelle, et, étant aussitôt sorti de Fès, il vint
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mettre le siége devant Maroc, dont il commença par saccager tous les envi rons. Abou Debbous, se voyant ainsi rigoureusement bloqué, tandis que ses champs furent dévastés, ses édifices détruits et son peuple réduit à la famine, écrivit à Yaghmourasen ben Zyan, pour lui offrir son alliance et lui deman der des secours contre Abou Youssef. Yaghmourasen , ayant accueilli ses propositions, se mit de suite à courir sur les terres de lémir des Musulmans qui, à cette nouvelle, abandonna le siège et sen alla en toute hâte vers Tlem cen pour venir lattaquer lui-même, car il savait que de tout temps les Yagh mourasen avaient été des ennemis acharnés, et que celui-ci était des plus distingués chevaliers Zenèta. Étant rentré à Fès, il y demeura quelques jours pour donner le temps à ses troupes de se reposer, et il en sortit le 15 de moharrem 666 (1267 J. C.), en grande pompe, avec sa famille, ses tentes, ses Trésors, une armée innombrable et une magnifique cavalerie. A la nouvelle de son approche, Yaghmourasen sortit de Tlemcen pour le rencontrer, et la bataille sengagea sur les bords de lOued Telagh. Les armes se choquèrent aux armes, les hommes aux hommes, les chevaux aux chevaux; des deux côtés les tentes et les familles se rangèrent. et formèrent une ligne, et les deux armées fon dirent lune sur lautre ; le combat fut sanglant, jamais on nentendit pareil bruit ; les chevaux, percés de flèches, piaffaient de colère, et la rage empor tait les cavaliers. La bataille dura depuis le matin jusquà midi. Un grand nombre de Meryn eurent à déployer la grande patience, la résignation que lon doit au Miséricordieux. Mais Dieu leur donna la victoire, et les Abd el-Ouahed furent détruits ou faits prisonniers sur les bords de cette rivière. Yaghmourasen, vaincu, prit honteusement la fuite, et son fils Omar, laîné de ses `enfants et son khalife, fut tiré. Lémir des Musulmans se mit à la poursuite des fuyards qui tombaient frappés par derrière à coups de lances ou de sabres. Yaghmourasen rentra à Tlemcen, vaincu, dépouillé, seul, aban donné, et les Meryn semparèrent de son camp et de tout ce quil possédait. La bataille de Telagh eut lieu le lundi 10 de djoumad el-tâny 666. Lémir des Musulmans rentra de cette expédition victorieux, content et plein dardeur contre Abou Debbous. Il demeura à Fès jusquau mois de châaban, et il se remit en campagne pour aller attaquer le traître. Les troupes arrivèrent tout dune traite sur les bords de lOum el-Rebyâ, où elles campèrent. Lémir envoya de là des détachements dans tous les sens sur les terres dAbou Deb bous, pour détruire les maisons et faucher les champs, et, le 1er de mohar rem 667 (1268 J. C.), il transporta son camp à lOued el-Abyd, où il resta quelques jours ; puis il saccagea les terres des Senhadja, et, revenant sur ses pas, il se tint aux alentours de Maroc jusquà la fin du mois de doul kâada. Cependant, les cheïkhs arabes et Mesmouda, sétant réunis, se rendirent,
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chez Abou Debbous auquel ils dirent : «Quattends-tu donc pour attaquer les Beny Meryn et marcher à leur rencontre, quand tu vois notre pays boule versé, nos biens pillés et nos harems violés ? Allons, lève-toi pour leur faire la guerre et ne crains pas daller les trouver, car ils sont en petit nombre, et la plupart de leurs guerriers sont restes Rabat-Taza pour garder cette place contre les Abd el-Ouahed quils redoutent.» Abou Debbous se rendit à leurs exhortations et se mit à leur tête ; il sortit de Maroc avec une armée con sidérable dAlmohades, dArabes, de Chrétiens et de Mesmouda. A la nou velle de son approche, lémir des Musulmans Abou Youssef se retira vers le Magreb, usant ainsi de ruse pour éloigner Abou Debbous de sa capitale. Celui-ci, en effet, en apprenant la retraite de lémir, crut quelle était moti vée par la crainte quil lui inspirait, et il se mit à sa poursuite. Les, mouve ments furent tels, quà peine lémir avait-il quitté un lieu de campement, Abou Debbous y arrivait avec son armée, et cest ainsi que celui-ci suivit les traces de son ennemi jusque dans la vallée de lOued Aghfou ; là, Abou Youssef, faisant brusquement volte-face, marcha résolument contre lui ; les deux armées se rencontrèrent, et les Beny Meryn fondirent dans la mêlée comme des vautours ; ils déployèrent la grande patience, et le combat devint de plus en plus sanglant. Abou Debbous, certain dune défaite, voulut se sauver à Maroc pour sy renfermer et sy fortifier ; mais dans sa fuite il fut atteint par un détachement de héros montés sur les meilleurs coursiers, qui lui coupèrent la retraite et lattaquèrent vigoureusement. Il fut tué dun coup de lance en se défendant, et son corps roula sous les pieds de son cheval. Sa tête fut coupée à linstant et on lapporta à lémir des Musulmans, qui la déposa à ses côtés et rendit grâces et louanges à Dieux en se prosternant. Il expédia à Fès la tête dAbou Debbous pour la donner en exemple au public, et il senrichit des dépouilles de tout le camp ennemi. Cela eut lieu le diman che 2 de moharrem 668. Lémir des Musulmans se rendit alors à Maroc, où il fit son entrée le dimanche suivant, 9 de moharrem, et il sétablit dans cette capitale. Cest ainsi quil réunit le gouvernement de tout le Maghreb. Le pays se tranquillisa, les affaires des Musulmans saméliorèrent ; les routes devinrent sûres ; la paix, lordre et labondance régnèrent, partout, et lon ne vit plus ni vols, ni assassinats, ni vices, ni débauche. En entrant à Maroc, il donna laman aux habitants et aux tribus envi ronnantes, quil combla de bienfaits et gouverna avec justice. Il envoya son fils, lémir Abou Malek Abd et-Ouahed, dans le Sous et les régions méridionales, pour soumettre les rebelles et les bandits, et con quérir ce pays. Quand cela fut fait, Abou Malek revint à Maroc auprès de son père, qui éprouva une grande joie de son retour.
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Lémir des Musulmans demeura à Maroc jusquau mois de ramadhan 669 (1270 J. C.), pour tranquilliser et organiser le pays. Le 1er de ce mois il se mit en marche pour aller, attaquer les Arabes dans le pays de lOued Drâa, où ils sétaient déclarés indépendants; maîtres des forteresses et des châteaux, ils dévastaient les terres circonvoisines, dont ils massacraient les habitants et pillaient les richesses. Lémir les atteignit vers le indien dudit mois de ramadhan et les tailla en pièces, en leur enlevant leurs biens et leurs femmes ; il. conquit ainsi. tout lOued Drâa et ses forteresses ; une fraction des Arabes sétant retranchée dans un lieu très-difficile, il les assié gea durant quelques jours ; puis ces rebelles ayant obtenu laman de son fils Abou Malek, il leur accorda leur pardon en ratifiant laman donné, et il ne resta plus un seul bandit dans tout le Draa. Lémir revint alors à Maroc, où il rentra vers le milieu de chouel de ladite année ; il y resta les derniers jours du mois, et il se mit en marche pour Rabat el-Fath, près de Salé, où il fit son entrée à la fin de doul kâada 669. Il y passa laïd el-kebyr, et ce jour-là même il proclama son fils Abou Malek pour lui succéder, en présence de tous les Beny Meryn. Lémir Abou Malek était un prince accompli en vertus, en courage et en générosité ; il était doué dun caractère affable et noble ; il recherchait la société des hommes distin gués; il fréquentait les savants, les lettrés et les poètes dont il acquérait les connaissances; il avait fait un choix de docteurs pour former sa société et faire la conversation. Au nombre de ceux-ci étaient le kady Abou el-Hedjâdj ben Hakem, et le kady, le secrétaire Abou el-Hassam el-Moughyly, le fekhy respectable Abou el-Hakem Malek ben Markhal, le fekhy Abou Amran elTemymy, le fekhy Abou Farès Abd el-Azyz, et le poète Melzouzy. Grand amateur de la poésie et de la déclamation, il était lui-même improvisateur. Lémir des Musulmans, en proclamant son fils Abou Malek pour lui suc céder, indisposa une partie des fils dAbd el-Hakk, qui senfuirent le soir même et gagnèrent dans la nuit le Djebel Aberkou, où ils se retranchèrent. Cétait Mohammed ben Edriss ben Abd el-Hakk et Moussa ben Rahhou ben Abd el Hakk avec tous leurs fils et quelques-unes de leurs femmes. Lémir des Musulmans se unit aussitôt en mesure de les poursuivre ; il fit partir devant lui soit fils Abou Yacoub avec cinq mille cavaliers pour les envelop per sur ladite montagne ; le lendemain celui-ci fut rejoint par son frère Abou Malek, conduisant cinq mille autres cavaliers, et le troisième jour lémir des Musulmans arriva lui-même avec tous ses soldats Meryn. Au bout de deux jours de siége, les rebelles firent leur soumission, en implorant laman, que Gémir leur accorda, à condition quils sen iraient tous à Tlemcen ; ils sy rendirent en effet, et de là ils en Andalousie. En cette même année, Yacoub ben Djebyr el-Abd el-Ouahedy, qui
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gouvernait Sidjilmessa au nom de Yaghmourasen, mourut dune tumeur aux parties génitales. Lémir Abou Youssef entreprit une nouvelle expédition pour aller atta quer, à TLemcen, Yaghmourasen ben Zyan; il envoya son fils Abou Malek dans les provinces pour rassembler les contingents des tribus arabes el Mes mouda, et il sortit de Fès le 1er de Safar de ladite année 669 avec tourte larmée. des Beny Meryn (que Dieu les fortifie !) ; il arriva sur les bords de lOued Moulouia, où il rampa quelques jours pour attendre lémir Abou Malek, qui se joignit à lui avec une nombreuse armée darabes, de Hachem, dAndalous, détrangers et de Chrétiens, tous bien organisés et disciplinés. Lémir resta encore trois jours. après larrivée de son fils, campé au même endroit pour passer en revue toute cette armée, et il se mit en marche contre Tlemcen. Cest au milieu de ces forces imposantes quil reçut un envoyé de Ben el-Ahmar, roi de Grenade, qui lui demandait de venir en Andalousie pour faire la guerre de religion et secourir les Musulmans, dont Alphonse (que bien le maudisse !) ruinait et saccageait les possessions. Lémir des Musulmans Abou ben Youssef (que Dieu lui fasse, miséricorde !) se rendit aussitôt sous la tente du conseil, où il réunit les cheïkhs Meryn et arabes, et, après les avoir mis au courant de la situation des Musulmans en Andalousie, il leur demanda leurs avis ; ceux-ci lui conseillèrent de faire la paix avec Yaghmourasen et de passer en Andalousie dès que le pays serait tranquille. En effet, lémir envoya les cheïkhs de toutes les tribus Zenèta et arabes en députation auprès de Yaghmourasen pour lui demander la paix. En les con gédiant, il leur dit : «La paix est la meilleure des choses, et il est très-dési rable que Yaghmourasen laccepte ; mais sil la refuse et quil veuille la guerre, dites-lui que je suis prêt, et revenez de suite.» Les cheïkhs, étant arrivés chez Yaghmourasen, lui parlèrent donc de la paix dans les termes les plus engageants et les plus convenables ; mais celui-ci repoussa toutes leurs avances en leur disant : «Il ny a pas de paix possible entre lémir et moi depuis quil a tué mon fils. Par Dieu ! jamais je ne ferai la paix avec lui, et je le combattrai jusquà ce que ma vengeance soit assouvie dans lanéantisse ment de tous ses états. Les émissaires, étant revenus auprès dAbou Youssef, lui rapportèrent cette réponse, et, lémir se mit immédiatement en marche, en demandant à Dieu de lui être propice et de lui accorder la victoire. A son approche, Yaghmourasen sortit de la ville avec toutes ses forces et savança avec des soldats nombreux comme des nuées de sauterelles. Les deux armées se rencontrèrent à lOued Isly, dans les environs dOudjda, et la bataille sengagea avec fureur. Lémir des Musulmans plaça son fils Abou Malek à laile droite, son fils Abou Yacoub à laile gauche, et ils engagèrent les premiers le combat en soutenant ainsi leur père, qui occupait le centre.
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La bataille, de plus en plus sanglante, dura jusquà la complète défaite de Yaghmourasen, qui eut son fils Farès tué et qui prit la fuite avec ses autres enfants à travers une grêle de coups de sabre. La majeure partie des Beny Abd el-Ouahed et des Beny Rachyd furent mis en pièces, ainsi que tous les Chrétiens qui combattaient avec eux, et il nen serait pas resté un seul si les ténèbres de la nuit nétaient venues interposer entre les deux armées. Yaghmourasen, abandonnant son camp. défait et livré au pillage, senfuit à Tlemcen, où il arriva comme ceux dont Dieu très-haut fait mention dans son livre : Ils démolissaient leurs maisons de leurs propres mains et avec les mains des Croyants(1). Son camp, ses trésors, ses bagages furent incendiés. Le lendemain, lémir des Musulmans ordonna la poursuite, et il arriva lui même à Oudjda, quil renversa et rasa jusquaux fondements, de manière à nen pas laisser traces. La destruction dOudjda eut lieu vers le milieu de radjeb de lan 670, et cest au sujet de cet événement quont été écrits les vers suivants dans quelque livre traitant de cette histoire : «Lorsque les che vaux se précipitent au combat, dites que cela vient de la puissance de Dieu, à qui nul ne peut se soustraire. Cette puissance est aussi le moteur qui a placé un fils à droite et lautre fils à gauche de leur père qui savançait lui même au centre avec une fomidable armée. Comment pourrais-tu échapper maintenant ? Ô Yaghmourasen ! Tes yeux sont-ils enfin ouverts ou fermés encore, et aurais-tu ainsi chaque année un fils à livrer à la mort, un camp à abandonner au pillage et des tendres vierges à envoyer en captivité ?» Après la destruction dOudjda, lémir des Musulmans se porta sur Tlemcen pour attaquer Yagmourasen. Aussitôt rendu, il entoura les murailles de la ville de son camp et commença le siège. Quelques jours après, lémir Abou Zyan Mohammed ben Abd el-Kaouy el-Toudjyny arriva, à la tête dune forte armée, avec tambours et enseignes ; lémir des Musul mans alla à sa rencontre à cheval, escorté de son état-major, et ils se félici tèrent de leur jonction, qui allait leur permettre de redoubler les rigueurs du siège. Les Toudjyny, ennemis acharnés de Yaghmourasen, resserrèrent de plus en plus la place et se mirent à courir la campagne, saccageant les arbres, incendiant les jardins et fauchant les moissons, renversant tout et incendiant les villages, au point de ne plus laisser, dans tout ce pays, que les ronces et les joncs. Quand la dévastation fut achevée et que tous les parti sans de Yaghmourasen furent; détruits, lémir des Musulmans invita Abou Zyan à. sen retourner chez lui, et il Lui donna pour sa part du butin fait sur les Abd el-Ouahed, mille chameaux, cent chevaux, des vêtements, des tentes, des massues et des cuirasses.
____________________ 1 Koran. Ch. LIX : vers. 2.
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Lémir, craignant que Yaghmourasen ne sélançât à la poursuite dAbou Zyan, resta campé sous les murs de Tlemcen jusquau moment où il fut certain quil avait heureusement atteint lOuencherîs et ses foyers avec son butin, et alors il se mit lui-même en marche et revint au Maghreb, riche et victorieux ; il arriva à Rabat-Taza (Tafersyft) le 1er de doul hidjâ de lan 670, et il y passa la fête du sacrifice (aïd el-kebyr) ; puis il se rendit à Fès, où il fit son entrée le III de moharrem de lan 671 (1272 J. C.), et où il séjourna jusquau 11 du mois de safar. Cest à cette époque quil perdit son fils Abou Malek Abd el-Ouahed. Il en éprouva la plus vive douleur ; mais il se soumit à la volonté de Dieu et donna un bel exemple de résignation. Il se rendit à Maroc, où il entra le 1er de raby el-tâny, et il y demeura quelque temps pour mettre ordre aux affaires et pacifier les pays environnants ; ensuite il partit pour Tanger, sous les murs de laquelle il campa le 1er de doul hidjâ, et, commençant aussitôt le siége, il battit la place sans relâche du matin au soir pendant trois mois consécutifs. Depuis la mort du fils de lémir Abou elYhya, Tanger était gouvernée par le fekhy Abou el-Kassem el-Azfy, maître de Ceuta, qui y demeurait avec ses cheïkhs. Lémir des Musulmans, voyant que le siége se prolongeait indéfiniment, sétait décidé à labandonner ; mais la veille de son départ un nouveau combat sengagea entre les assiégeants et les assiégés, et, vers le soir, une troupe darbalétriers, apparaissant tout à coup sur lun des forts de la ville avec les principaux chefs, appelèrent à eux les soldats du camp en agitant un drapeau blanc. Ceux-ci, accourant, semparèrent aussitôt du fort, et de là ils battirent les habitants durant toute la nuit. Le matin, quelques renforts darbalétriers et autres sétant joints à eux, ils redoublèrent lattaque, et les assiégés, ayant fait une brèche dans leurs murs, prirent la fuite pendant que les assiégeants entraient dassaut. Lémir des Musulmans usa de sa clémence envers la population et fit aussitôt publier laman. Il ne mourut quun très-petit nombre de personnes, celles qui faisaient résistance aux troupes au moment où elles entraient, clans la place. Cette prise de Tanger et lentrée de lémir des Musulmans à lassaut eurent lieu dans le mois de chouel, an 672 (1273 J. C.). Une fois maître de Tanger, lémir envoya son fils, lémir Abou Yacoub, à Ceuta pour y assiéger El-Azfy; mais, au bout de, quelques jours, celui-ci fit sa soumission et reçut laman, à condition quil payerait un tribut annuel. La paix ayant été ainsi réglée, About Yacoub sen revint. Dans le mois de radjeb, lémir des Musulmans se mit en campagne pour aller attaquer la ville de Sidjilmessa, qui était au pouvoir des Arabes el-Mounbat, et chez lesquels Yaghmourasen envoyait, chaque année un de ses fils pour percevoir les impôts. Lémir Abou Youssef étant arrivé avec son armée de Beny Meryn et dArabes, fit le siége de la place, quil battit et
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resserra de plus en plus, faisant usage des balistes et autres machines de guerre. Les habitants, exaspérés, montaient sur les murs, doù ils acca blaient les assiégeants dinjures et de malédictions. Ceux-ci frappèrent tant avec leurs machines quenfin ils démolirent un fort et firent une brèche par laquelle ils entrèrent dassaut, malgré la résistance du gouverneur de la place, Abd el-Malek ben Hanîna, qui fut tué, ainsi que tous les Abd el-Oua hed et les Arabes Mounbat, qui étaient avec lui. La prise de Sidjilmessa eut lieu le vendredi 3 de raby el-aouel, 673, et, selon quelques versions, le 30 de safar de ladite année. Lémir des Musulmans fut clément envers la popula tion, à laquelle il accorda laman et dont il organisa le gouvernement. Après être resté quelques jours pour pacifier le pays, lémir confia sa nouvelle con quête à un gouverneur et sen revint. A son retour de Sidjilmessa, voyant quil ne restait plus un seul point du pays qui ne lui fût soumis, il proclama la guerre sainte. Peu de temps après, il reçut une lettre de ben el-Ahmar, qui le suppliait de venir secourir lAndalousie, en lui faisant le tableau de la situation des Musulmans, journellement attaqués, massacrés ou faits prison niers. A larrivée de ce message, lémir était déjà prêt à passer la mer pour la guerre sainte, et les envoyés de Ben el-Ahmar le pressèrent davantage, en lui disant : «O émir des Musulmans ! tu es le roi de lEspagne et son défen seur ; cest à toi quil appartient de rendre la victoire aux Musulmans et daider les faibles ! «Qui combattra pour lIslamisme si ce nest, toi ?» Le cheïkh Abou Abd Allah ben el-Ahmar, en mourant, avait bien recommandé à son fils dappeler à son secours lémir des Musulmans et de lui donner, en échange, tout le pays quil demanderait. Lémir des Musulmans, se rendant à lappel de Ben el-Ahmar, lui répondit favorablement et sortit de Fès.
PASSAGE DE LÉMIR DES MUSULMANS EN ANDALOUSIE POUR FAIRE LA
GUERRE SAINTE ; SA PREMIÈRE EXPÉDITION
DANS LE PAYS DES SOCIÉTAIRES.
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Lauteur (que Dieu lui fasse miséricorde !) a dit : Après avoir reçu plusieurs courriers de Ben el-Ahmar, lui demandant du secours pour lAn dalousie, lémir des Musulmans sortit de Fès le 1er de chouel an 673, et arriva à Tanger. Là, il envoya chercher le fekhy Abou Kassem el-Azfy et lui ordonna de rassembler des troupes pour la guerre sainte contre les socié taires, darmer des navires pour leur passage en mer, et de faire un appel au zèle de tous les Croyants. Ensuite il donna à son fils lémir Abou Zyan le commandement de cinq mille cavaliers des principaux Meryn et Arabes, et en lui confiant lenseigne impériale, il lui recommanda de craindre Dieu dans son cur et aux yeux de tous. Puis il lui dit adieu et lexpédia pour le Kessar el-Medjâz, où le fekhy Abou Kassem el-Azfy avait déjà préparé
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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vingt navires pour le passage des guerriers saints. Lémir Abou Zyan sem barqua donc à Kessar el-Medjaz avec toute sa troupe, et débarqua le 16 de doul kâada, an 673, à Tarifa, où il demeura trois jours pour donner le temps aux hommes et aux chevaux de se remettre des secousses de la mer, et il se rendit à Bahyra, quil mit au pillage et dont il envoya le butin à Algéziras. De là, il poursuivit sa marche, tuant, pillant et renversant châteaux et vil lages, incendiant les moissons, abattant les arbres et bouleversant tout jus quà son arrivée à Xérès, sans quaucun Chrétien fût capable de larrêter, ni osât même se présenter à lui. Il envoya à Algéziras le butin et les prison niers enchaînés, et la population fit de grandes réjouissances, car cétait la première victoire que les Musulmans remportaient depuis la défaite dElOukab, en 609, où les Chrétiens anéantirent les Almohades. Dieu ayant frappé leur cur de crainte par ce désastre, les Musulmans navaient plus osé combattre ni sopposer aux Chrétiens., qui semparèrent de leurs terres, de leurs forts et de leurs châteaux, et marchèrent toujours de succès en succès jusquau moment où le drapeau victorieux de lémir des Musulmans Abou Youssef passa la mer sous la protection de Dieu, pour relever lIslam et confondre les adorateurs des images. Après avoir congédié son fils, lémir Abou Zyan, avec. ses enseignes impériales pour lAndalousie, lémir des Musulmans envoya son petit-fils, lémir Tachefyn ben Abd el-Ouahed, chez Yaghmourasen ben Zyan, pour traiter de la paix et faire alliance avec lui au nom de la défense de lisla misme, afin de navoir rien à craindre pour ses frontières pendant quil serait en guerre sainte. En effet, la paix fut signée à Tlemcen par la volonté de Dieu et sa toute puissance, et le peuple de lIslam se trouva ainsi réuni en un seul cur. Lémir des Musulmans, plein de contentement, fit d»abondantes aumônes en actions de grâces au Très-Haut, et écrivit aussitôt aux cheïkhs des Meryn et aux tribus arabes, Mesmouda, Senhadja, Ghoumara, Ouaraba, Mekenèsa et autres du Maghreb, pour les appeler à la guerre sainte. En même temps il se rendit lui-même au Kessar el-Djouez et il commença lem barquement de son armée, hommes, chevaux et bagages, pour lAndalousie, où chaque jour il expédiait une partie des guerriers saints avec un corps des Beny Meryn. Les Croyants passèrent ainsi sans interruption, un navire après lautre, et, lorsquils furent tous débarqués sur les rivages andalous, leur camp occupait le rivage entier depuis Tarifa jusquà Algéziras. Lémir des Musulmans arriva lui-même sur les traces de ses troupes, qui ne sy atten daient pas, et il débarqua sur la plage de Tarifa. Son passage eut lieu dans la matinée du 21 de safar, an 674. Il fit la prière du Douour à Tarifa et il se mit aussitôt en chemin pour Algéziras, où il trouva Ben el-Ahmar et Ben
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Achkyloula, émirs de lAndalousie, qui lattendaient avec leurs soldats et, leurs enseignes. Après les avoir salués et entretenus quelques instants, il mit fin à la mésintelligence qui existait entre ces deux rois, qui firent la paix et dont les curs sunirent par la grâce de Dieu et pour lavantage des Musulmans. Lémir leur demanda la manière de faire la guerre contre les sociétaires, et leur donna congé pour retourner chez eux ; Ben el-Ahmar sen alla à Grenade, et Ben Achkyloula à Malaga. Lémir des Musulmans se mit alors en expédition avec toute sa sainte armée, et marcha sans halte ni repos, sans soccuper des manquants ni des retardataires, sans dormir ni manger jusquà son arrivée sur les bords de lOued el-Kebyr (Guadalqui vir), et cela pour ne point laisser aux Chrétiens le temps dêtre informés de son arrivée. Il donna le commandement de lavant-garde, composée de cinq mille cavaliers, ü son fils lémir Abou Yacoub, auquel il confia le tambour et les enseignes, et larmée établit son camp sur les bords du Guadalquivir, où elle sabattit, comme la pluie ou comme des nuées de sauterelles ; les soldats ne laissèrent pas un arbre debout, pas un village sans le détruire, pas de butin sans le piller, pas de moissons sans les incendier, et ils dévas tèrent complètement, cette partie du pays, tuant les hommes, enlevant les femmes et les enfants. Cest ainsi quils arrivèrent jusquau château fort dEl-Modovar, tuant, pillant, renversait, saccageant, incendiant tout sur leur passage et dans les campagnes de Cordoue, dAbra et de Baëza; les Chrétiens furent tués par milliers innombrables, et leurs femmes et enfants furent faits prisonniers, dans la même proportion. Les Musulmans entrèrent à lassaut dans la forteresse de Belma(1), et ils semparèrent de tous les tré sors quelle contenait. Cest ainsi que les mains des Beny Meryn se rem plirent de butin. Lémir des Musulmans ayant donné ordre de réunir toutes les prises, lon rassembla les bufs, les chevaux, les bêtes de somme, les prisonniers, les Chrétiennes et les enfants, les bagages et les vêtements, en si grande quantité que les plaines et les collines en étaient couvertes, sans quil fût possible den faire le compte. Alors lémir donna ordre de pous ser tout le butin devant lui, et il sen alla dévastant toujours, et mettant le feu partout, au point que tout le pays semblait éclairé par les rougeurs de laurore ; le butin saugmenta encore, et les troupeaux roulaient comme les eaux dun fleuve. Lémir savança ainsi jusque sous la ville dEstidjà(2), là il reçut, un courrier qui linformait que tous les Chrétiens réunis à leurs chefs savançaient sous la conduite de Doun Nouna à la poursuite des Musul mans, et que ce jour même ils devaient arriver pour lattaquer, et lui enlever le butin quil avait en son pouvoir.
____________________ 1 Huelma. 2 Ecija.
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RÉÇIT DE LA CAMPAGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU-YOUSSEF CONTRE DOUN NOUNA(1), GÉNÉRAL DES CHRÉTIENS.
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En arrivant à Estidjà, lémir des Musulmans cerna la place en len tourant de son armée victorieuse et de tout le butin que Dieu lui avait accordé. Cest en ce montent quun courrier vint lui annoncer lapproche de Don Nuño à la tête de larmée chrétienne. Il réunit aussitôt les cheïkhs des Beny Meryn pour délibérer en conseil sur les dispositions à prendre contre les Infidèles. Bientôt on vit apparaître la cavalerie et linfanterie des Chré tiens en rangs et rangs et par milliers, conduites par le général Don Nuño, qui se tenait, au centre. Alphonse (que Dieu le maudisse !) avait confié le commandement de son armée et la garde de ses états et de ses affaires à ce général, sous la conduite duquel les Chrétiens navaient jamais été vaincus et avaient toujours prospéré en semparant de la plus grande partie des pays musulmans. Infatigable, Don Nuño avait fait des conquêtes considérables, et il ne cessait jamais de courir et dinquiéter jour et nuit le pays. Le maudit savança donc pour attaquer lémir des Musulmans, à lombre de ses ensei gnes, et au son des clairons, marchant en tête de son armée noire comme la nuit et savançant rangs par rangs, comme les vagues de la mer. Cavaliers et fantassins arrivèrent à sa suite à pas accéléré, les uns après les autres, prêts à lattaque et au combat, brandissant leur, armes sur leurs chevaux harnachés et cuirassés de fer. Dès que lémir des Musulmans les aperçut et eut remar qué leur manuvre, il fit partir tout le butin sous lescorte de mille des plus vaillants cavaliers des Beny Meryn, et il sapprêta au combat avec tous ses guerriers saints. Il descendit de cheval, et, après avoir fait ses ablutions et récité deux rikha, il leva les mains et il prononça une invocation qui donna pleine confiance aux Musulmans, car elle était semblable à celle que le pro phète (que Dieu le comble de bénédictions !) récitait lorsquil menait ses compagnons au combat. «O Dieu ! rends cette armée victorieuse, accorde lui le salut et ton aide puissante pour combattre tes ennemis !» Après la prière, lémir des Musulmans, remontant à cheval, rangea son armée en bataille. Il plaça son fils lémir Abou Yacoub à lavant-garde, et il parcourut les rangs des cheikhs Beny Meryn, des émirs arabes et des chefs des tribus, en leur disant : «O mes compagnons musulmans, armée de guerriers saints, cest un grand jour celui-ci, et ce lieu va vous offrir la mort glorieuse des martyrs ! Déjà les portes du paradis sont, ouvertes, et les avenues célestes sont parées pour vous recevoir : tenez-vous prêts à y monter, car Dieu Très haut a acheté aux Croyants leurs biens et leurs personnes pour leur donner
____________________ 1 Don Nuño de Lara.
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en retour le paradis(1). Du curage, compagnons musulmans, et soutenez le combat contre les sociétaires. Celui dentre vous qui mourra, mourra en témoignant martyr, et celui qui survivra, survivra avec un riche butin et il sera récompensé et honoré. Soyez patients, luttez dé patience les uns avec les autres, soyez fermes et craignez Dieu. Vous serez heureux(2) !» Lorsque les Croyants entendirent ces paroles, ils se prirent à envier le témoignage (la mort) ; le cur serré, ils se dirent adieu et se jetèrent dans les bras les uns des autres, résignés à mourir en espérant gagner le paradis. Ils redoublèrent leurs témoignages avec enthousiasme, et, pleins dardeur, ils sécriaient: «En avant, les serviteurs de Dieu ! que pas un ne recule !» Cest ainsi quils devancèrent lattaque des Chrétiens et quus se précipitèrent sur larmée ennemie. La bataille séchauffa de plus en plus, et clans la mêlée on voyait tomber les Chrétiens comme si le feu du ciel les frappait. Ennemis de Dieu, ils furent taillés en pièces ; le sang ruisselait sur les lames de sabres qui séparaient leurs têtes de leurs corps. Les héros Meryn se précipitaient sur eux comme des lions furieux et les massacraient avec délices. Ils eurent aussi à faire usage eux-mêmes de la grande patience que le Miséricordieux recommande dans les combats, et cest ainsi que Dieu donna la victoire à son armée, quil illustra ses chefs et prêta son secours à ses soldats. Le général infidèle Don Nuño fut tué, ses légions furent anéanties, et toute son armée fut abattue en un clin dil, si complètement quil ne resta pas une lance qui me fût brisée, pas une cuirasse qui ne fût mise en pièces, pas un seul homme pour raconter la destruction des autres. Lémir des Musulmans donna ordre de couper toutes. les têtes des Chrétiens tombés sur le champ de bataille et de les compter. On en rassembla ainsi dix-huit mille en un monceau qui ressemblait à une montagne, et au sommet duquel les muezzins montèrent pour appeler les Croyants à la prière. Les Musulmans firent leurs dévotions du Douour et de lAsser sur le champ de bataille, au milieu des cadavres noyés dans le sang. Lémir des Musulmans sinforma alors de ceux qui avaient témoigné dans la bataille et pour lesquels Dieu avait ainsi avancé lheure des grandes récompenses. Ils étaient au nombre de trente-deux, dont neuf Beny Meryn, quinze Arabes et Andalous, et huit volontaires. 1émir leur fit donner la sépulture, en chantant les louanges du très-Haut et en lui rendant grâces. Cette bataille sacrée, dans laquelle Dieu gratifia lIslam dun butin magnifique et anéantit les adorateurs des images, eut lieu le 15 de raby el aouel (mois de lui naissance de notre seigneur Mohammed, que Dieu le comble de bénédictions !) de lan 674. Lémir des Musulmans expédia aus sitôt des courriers dans toutes les directions, en Andalousie et dans lAdoua.
____________________ 1 Koran, chap. IX : lImmunité, vers. 112. 2 Koran, chape. III : la Famille dImran. vers. 200.
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Ses lettres furent lues dans toutes les chaires et lon fit partout de grandes réjouissances ; lon distribua dabondantes aumônes, et lon rendit la liberté aux esclaves en témoignage de reconnaissance envers le Très-Haut. Lémir revint alors avec le butin et les prisonniers à Algéziras, où il fit son entrée triomphante le 25 dudit mois de raby el-aouel, précédé des chefs chrétiens et de leurs familles traînant leurs chaînes. Il expédia à Ben el-Ahmar la tête de Don Nuño, en témoignage de la protection que le Très-Haut avait prêtée à ses serviteurs Beny Meryn. Ben el-Ahmar fit embaumer cette tête dans le musc et le camphre, et lexpédia à Alphonse pour lui être agréable et sattirer son amitié. Lémir entreprit alors de faire le partage du butin dont Dieu avait comblé les Musulmans ; il préleva le cinquième pour le bit el-mal, et divisa le restant aux guerriers saints ; il se trouva cent vingt-quatre mille bufs ; quant aux autres bestiaux, leur nombre était si considérable quil fut impos sible de les compter, et que pour un drahem on avait, une brebis au marché. Les prisonniers, hommes, femmes et enfants, sélevaient au chiffre de sept mille huit cent trente, et lon compta quatorze mille six cents têtes, entre chevaux, mulets et ânes;. les armures, les armes et les bagages étaient innombrables et tous les Musulmans sen enrichirent ; lémir, ayant fait la distribution sans partialité, aux puissants et aux pauvres, aux gens du peuple et aux nobles, finit à Algéziras le mois de raby el-tâny, et se mit en campagne le 1er de djoumad el-aouel pour se rendre à Séville.
DEUXIÈME EXPÉDITION DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU YOUSSEF EN ANDALOUSIE. QUE DIEU LUI FASSE MISÉRICORDE !
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Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : Abou Youssef sortit dAlgéziras le 1er de djoumad el-aouel 674, pour faire sa seconde campagne ; il se dirigea vers Séville sous les murs de laquelle il campa avec larmée musulmane, à lendroit nommé Mâ el-Frouch, et il commença à courir dans les environ, expédiant dans tous les sens des détachements qui butinaient tout ce qui se présentait à eux ; le deuxième jour il monta à cheval et se rapprocha des portes de la ville quil menaça, tambour en tête et ensei gnes déployées. Les Chrétiens se précipitèrent sur les murs pour soutenir lattaque ; mais il ny eut aucun de leurs émirs ou de leurs guerriers qui osât se rapprocher de lémir, et accepter son défi. Après avoir battu les murailles, ravagé les environs, brûlé les villages et tout saccagé, lémir leva le camp et sen vint à Xérès, quil traita pendant trois jours comme il avait traité Séville; puis il retourna à Algéziras, où il entra le 27 de djoumad el-aouel, et il fit le partage du butin et des prisonniers, dont le nombre était si consi dérable, quune chrétienne ne se vendait pas plus dun ducat et demi. On se
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trouvait alors au commencement de lhiver,et lémir demeura avec toutes ses troupes campé mur les bords de lOued el-Nysa, près dAlgéziras, durant toute la mauvaise saison. Les Chrétiens nayant point pu faire leurs semailles cette année-là, les denrées devinrent rares et chères, et bientôt il y eut famine dans tout le pays. Dun autre côté, les Beny Meryn, fatigués de leur séjour en Andalousie, avaient le plus grand désir de revoir leurs familles et leurs enfants; aussi lémir se décida à rentrer au Maghreb. Il débarqua au Kessar el-Medjâz le 30 de radjeb, an 674. Son séjour en Andalousie avait duré six mois. Il se rendit aussitôt à Fès, où il entra vers le milieu de châaban. Peu de temps après, un de ses oncles maternels, Talha ben Aly elBethyry, se souleva coutre lui et se retrancha au Djebel Azerou dans le pays de Fezaz. Lémir, layant poursuivi avec ses troupes, lenveloppa de tous côtés, et Talha fit alors sa soumission, qui fut acceptée ; il fut pardonné et reçut laman, le 15 de ramadhan 674. Le 2 de chouel suivant, les juifs furent massacrés à Fès par les habi tants, qui, ayant fait irruption chez eux, en tuèrent quatorze, et il nen serait pas resté un seul si lémir des Musulmans nétait monté à linstant à cheval pour arrêter le massacre, en faisant publier lordre formel de ne point appro cher des quartiers juifs. Le 3 de chouel, lémir décréta la construction de la nouvelle ville de Fès, et, le jour mène, les premiers fondements furent jetés sur la rive du fleuve en présence de lémir, à cheval, et les fekhys Abou el-Hassen ben Kethan et Abou Abd Allah ben el-Flabâk en tirèrent lhoroscope. La ville fut fondée sous linfluence dun astre propice et dune heure bénie et heu reuse, comme on la vu depuis, puisque le khalifat na jamais péri dans ses murs, et que jamais un étendard ni une armée, partis de son sein, ny sont rentrés vaincus ou en fuite. Dans le même mois, lémir donna ordre de bâtir la kasbah de Mekenès et sa mosquée. En moharrem 675 (1276 J. C.), Abou Youssef sortit de Fès et se rendit à Maroc, où il arriva vers le milieu du mois, et il y demeura jusquau 1er de raby el-aouel ; il fit alors une tournée dans le Sous, et quelques jours après son retour à Maroc, il partit pour Rabat el-Fath, où il arriva le 1er de châaban ; de là, il écrivit aux cheïkhs et aux Beny Meryn, aux Arabes et à tous les Kabyles du Maghreb pour les appeler à la guerre sainte. Sur leur refus, il renouvela son invitation plusieurs fois, mais toujours inutilement, jusquà la fin de lan 675. Alors lémir, voyant ce peu dempressement pour la guerre sainte, et lassé de leurs lenteurs, résolut de se rendre sur les terres des Chrétiens avec son armée seulement ; il sortit de Rabat le 1er de mohar rem 676 (1277 J. C.), et il arriva au Kessar el-Medjaz, doù il passa à Tarifa le 25 dudit mois.
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TOISIÈME PASSAGE EN ANDALOUSIE DE LÉMIR DES MUSULMANS, ABOU YOUSSEF POUR FAIRE LA GUERRE SAINTE.
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Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : Lorsque lémir des Musulmans vit le peu dempressement des Croyants pour la guerre sainte, il se mit lui-même en campagne avec son armée; il sortit de Rabat elFath le 1er de moharrem 676, et il se rendit an kessar cl-Djouez. Ce nest qualors que les Croyants, Voyant ses dispositions et ses force, se décidè rent à venir à lui, et cest ainsi quil fut rejoint successivement par les Beny Meryrn, les Arabes, les volontaires, les Mesmouda, les Senhadja, les Oua raba, les Ghoumara, les Mekenèsa et autres. Les troupes ayant, effectué leur passage, lémir sembarqua lui-même, et il descendit sur le rivage de Tarifa le 28 dudit, moharrem ; il se rendit à Algéziras, où il demeura trois jours, et, il se porta sur Ronda sous les murs de laquelle il établit son camp. Là il reçut les deux fils dAchkyloulâ, le roi Abou Yshak, maître de Guadix, et le roi Abou Mohammed, maître de Malaga, qui, après les compliments dusage, se rangèrent sous ses drapeaux et se joignirent à lui polir aller attaquer Séville. Lémir leva le camp de Ronda le 1er de raby el-aouel pour se trans porter sous les murs de Séville, où se trouvait. Alphonse, roi des Chrétiens. Celui-ci, à la nouvelle de lapproche des Musulmans, fit sortir toutes ses troupes pour entourer la ville; il échelonna ses soldats le long de lOued elKebyr en rangs serrés et aussi nombreux que les épis de blé. Recouverts de leurs cuirasses et de leurs casques étincelants et armés de leurs lances éclatantes, ils aveuglaient les yeux et frappaient lesprit dépouvante. Lémir des Musulmans fit avancer son armée sainte et les intrépides Beny Meryn, le jour même de la naissance du Prophète (que Dieu le comble de bénédic tions !), et lorsque les deux troupes furent en présence de façon à ce que les yeux se rencontrassent avec les yeux, lémir descendit de cheval et se pros terna deux fois, selon sa coutume, en demandant au Miséricordieux de lui accorder la victoire et son secours ; puis il sécria : «O compagnons Meryn, combattez pour Dieu dans cette vraie guerre sainte, et remerciez-le de vous avoir fait naître Musulmans, car il ne verra point le feu (lenfer) celui qui combattra les ennemis de Dieu, des Infidèles. Le Prophète (à lui le salut !) a dit la vérité, et voici ses propres paroles : Le feu ne réunira a jamais les Infidèles et ceux qui les auront tués. Réjouissez-vous donc quand la bataille est sanglante au point de ne plus voir celui que lon frappe et détruit. Par Dieu, celui qui fait la guerre sainte en pensant au Très-Haut ne meurt jamais, car, après sa mort même, il vit pour recevoir sa récompense ;nest-ce pas là le plus haut degré de gloire qui se puisse atteindre ?» Après avoir entendu cette allocution, les chevaliers Meryn et tous les Musulmans, Voyant que les Infidèles savançaient serrés comme des murailles, sapprochèrent,
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également avec lespoir de la victoire et prêts à mourir. Lémir Yacoub se mit le premier en marche avec son étendard heureux et, à la tête de mille cavaliers des principaux Meryn, précédant son père, lémir des Musulmans; il sélança contre larmée chrétienne ; la poussière obscurcit les airs et les Musulmans Poussèrent leurs cris et leurs témoignages dans une sanglante mêlée. Cest alors que lémir des Musulmans se précipita lui-même sur les traces de son fils avec ses troupes, tambour battant et enseignes déployées. Les Chrétiens, épouvantés, reculèrent vaincus et prirent leur course comme des ânes hors dhaleine fuyant devant leurs maîtres. Les Beny Meryn les atteignirent sur les bords du fleuve où ils sabrèrent tous ceux qui ne se pré cipitaient pas dans les flots, où ils se noyaient. Ceux qui restèrent sur le champ de bataille furent tués ou faits prisonniers ; des milliers moururent dans le fleuve, où les Musulmans les poursuivaient encore à la nage pour les massacrer. Les eaux coulaient rougies par le sang, et leur surface était couverte de cadavres, tant que cétait bonheur à voir ! Cest ainsi que leur armée et leur camp furent détruits. Les Musulmans continuèrent leurs exploits jusquau soir, et lémir passa toute cette nuit à cheval devant la porte de Séville, faisant battre le tambour, et à la lueur de torches et de feux qui éclairaient le pays comme le jour. Les Chrétiens, cachés derrière leurs remparts, se frappaient la tête de désespoir. A laurore, lémir fit sa prière du matin et sen alla au Djebel el-Cherf(1), continuant à tout saccager sur son chemin et expédiant des détachements partout aux alentours pour détruire et incendier; il prit à lassaut les forteresses de Hafalâ, Halyènâ et El-Kalâa, dont il détruisit les garnisons et fit prisonniers les femmes et les enfants ; il dévasta les campagnes, incendia les villages et népargna rien au Djebel el-Cherf ; il revint alors avec le butin à Algéziras, où il rentra le 28 dé raby el-aouel 676 ; il resta là le temps nécessaire pour faire le partage des dépouilles entre tous les guerriers saints et pour laisser reposer les troupes; il se remit en campagne, le 1er de djoumad el-aouel, pour aller attaquer Xérès. Le roi Abou Mohammed ben Achkyloula mourut à Malaga au retour de lexpédition de Séville.
QUATRIÈME CAMPAGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS.
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Lémir des Musulmans se .remit en campagne le 95 de raby el-tâny 676 pour aller attaquer Xérès, et avec la ferme résolution de la détruire. Arrivé sous les murs de cette place, il en fit le siège et commença à la battre; il fit couper les oliviers, les vignes, les arbres et incendia les moissons; il ren versa les villages et les châteaux que Dieu lui fasse Miséricorde!). Il mettait
____________________ 1 Entre Séville et Niebla.
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lui-même le feu aux champs, il abattait les arbres de sa propre in main, et son exemple augmentait lacharnement de ses troupes. Cest ainsi quen sui vant le droit, chemin il conduisit cette guerre sainte avec sagesse et profit, et quil acheva de ruiner cette partie du pays et de détruire les Chrétiens qui sy trouvaient. Tous les chevaliers et les soldats infidèles périrent, et ce fut un immense désastre pour les chrétiens. Quand le pays fut complètement dévasté, lémir des Musulmans expé dia son fils, lémir Abou Yacoub, avec un détachement de trois mille cava liers pour attaquer les forteresses de lOued el-Kebyr. Abou Yacoub pilla les placés de Routa, Chlouka(1), Ghâlyana, el-Kenathyr, et, suivant les rives du fleuve, il remonta jusquà Séville, renversant et massacrant tout sur son pas sage; il revint alors avec le butin et les prisonniers vers son père, qui latten dait près de Xérès, et qui se réjouit beaucoup de son retour. Lémir rentra à Algéziras, où il fit le partage des dépouilles aux Beny Meryn et aux guer riers saints. Puis, ayant réuni les cheikhs Beny Meryn, arabes, andalous et autres, il les exhorta à la guerre sainte, et leur dit : «Ô mes compagnons de la guerre sainte ! les places de Séville et de Xérès sont ruinées ; leurs dépen dances sont battues et dévastées ; mais il reste Cordoue et ses environs, pays superbe, et fécond, doù les Chrétiens tirent leurs subsistances et leurs forces ! Si nous allons envahir ces terres, incendier les moissons et renverser les arbres, les Chrétiens seront bientôt réduits à la famine et tout le pays infidèle sera affaibli. Pour moi, je suis prêt à marcher. Et vous, quel est votre avis ? Ils répondirent : «O émir des Musulmans ! que Dieu te récompense pour toutes tes vues, quil te seconde par son aide et son secours; nous te sui vrons, soumis et obéissants ; nous combattrons partout où tu nous conduiras, lors même quil nous faudrait traverser avec toi la mer ou le désert.» Il les remercia, appela sur eux les bénédictions par la prière, leur distribua des vêtements, de largent, et il augmenta leur solde. Il écrivit à Ben el-Ahmar, roi de Grenade, pour lui apprendre quil allait se mettre en campagne contre Cordoue et pour linviter à laccompagner; il lui disait : «Si tu te joins à moi contre cette place, tu seras redouté dans le cur des Chrétiens aussi long temps que tu vivras, et tu gagneras les grandes récompenses du Très-Haut.»
CINQUIÈME CAMPAGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS. EXPÉDITION DE CORDOUE.
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Lauteur du livre que Dieu lui fasse miséricorde !) a dit : Lémir des Musulmans- partit dAlgéziras le 1er de djoumad el-tâny, au 676, avec laide de Dieu et ses légions victorieuses. Lémir ben el-Ahmar sortit, de son côté,
____________________ 1 Rota et San Lucar.
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de Grenade avec ses troupes, et les deux armées se rencontrèrent au jardin des Roses, sur les terres de Cherouka(1). Abou Youssef alla au-devant de Ben el-Ahmar et lui exprima sa joie de le voir, et cest ainsi que Dieu très haut réunit la parole de lIslam et fit renaître laffection dans le cur de son peuple. Les Musulmans unirent leurs pensées pour la guerre et leur ardeur saccrut; la conquête et la victoire au cur, ils fondirent sur le château Beny Bechyr, quifs enlevèrent à lassaut et dont ils massacrèrent la garnison, fai sant prisonniers les femmes et les enfants ; ils pillèrent tout et détruisirent la forteresse si complètement, quil nen resta plus traces. Lémir des Musul mans dirigea la dévastation de tous côtés sur le pays des Infidèles, et il est impossible dénumérer les quantités considérables de bufs, moutons, chè vres, chevaux, mulets, ânes, huile, beurre, blé, orge, qui furent enlevées. Le camp regorgeait de provisions et de butin. Larmée savança alors jusque sous les murs de Cordoue, quelle enveloppa; lémir fit battre le tambour et lair retentit des cris et des témoignages des Musulmans. Tandis que les archers chrétiens défendaient leurs murs, Abou Youssef arriva à lombre de son étendard, et précédé de ses héros, jusquà la porte de la ville pour en exa miner les fortifications. Dun autre côté, Ben el-Ahmar se plaça-lui-même avec ses troupes andalouses devant. le camp pour le garder contre une atta que des Chrétiens. Les Beny Meryn et les Arabes se répandirent dans les environs de Cordoue, attaquant châteaux, forts et villages, massacrant et fai sant des prisonniers, saccageant tout, et enlevant enfin à lassaut la forte resse de El-Zahra. Lémir des Musulmans demeura trois jours à Cordoue, et quand tous les environs furent ravagés, détruits et incendiés, il sen vint à Berkouna. En même temps il .envoya un corps darmée à la ville de Jaën, et des détachements dans toutes les directions pour mettre le pays entier à feu et à sang. Lorsque Alphonse vit ces désastres, la ruine de ses états, les maux et les massacres dont il était victime, il envoya des prêtres et des moines auprès de lémir, pour implorer le pardon et la paix. Ces, émissaires se présentèrent à la porte de la tente impériale, humbles et soumis. Quand ils furent entrés, lémir leur répondit : « Adressez-vous à Ben el-Ahmar ; je ne suis ici quun hôte étranger et nai dautre paix à vous accorder que celle que Ben el-Ahmar consentira à faire.» Ils se rendirent, alors chez Ben elAhmar et lui dirent : «Lémir nous a enjoint de nous adresser à toi, et nous venons te supplier de nous accorder a une paix durable, une paix que rien ne rompra plus à lavenir et qui continuera jour et nuit pendant les siècles.» Puis ils firent serment sur leurs croix de, renverser Alphonse sil nagréait pas ce pacte, car il était incapable de rendre la croix victorieuse, de défen dre ses places et de mener ses sujets contre les ennemis; de sorte que si la
____________________ 1 Archidona.
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situation se prolongeait encore, il ne resterait bientôt plus personne dans le pays. Ben el-Ahmar se rendit chez lémir des Musulmans, et, layant mis au courant, il lui avoua quen effet lAndalousie ne pourrait plus se relever que par une paix durable et telle quelle plaisait à Dieu. La paix fut conclue en présence de lémir des Musulmans, chez lequel Ben el-Ahmar avait amené les moines en leur disant : «Suivez-moi, car il est nécessaire que lémir sanc tionne notre pacte et quil soit notre témoin à vous et à moi.» Lémir des Musulmans se retira dArjounâ et se rendit à Algéziras en prenant le chemin de Grenade. Il fit présent de tout le butin à Ben el-Ahmar, en témoignage de sa satisfaction et en lui disant : «Les Beny Meryn nont dautres fruits à recevoir de cette campagne que le mérite de leurs actions et les récompenses magnifiques.» Alors Ben el-Ahmar rentra à Grenade, et lémir des Musulmans se rendit à Malaga, doù il vint à Algéziras dans la première décade de radjeb de lan 676. Il campa avec son armée autour de la ville et il tomba malade ; sa maladie se prolongea pendant soixante et dix jours, soit vingt jours de radjeb, tout châaban et vingt jours de ra-madhan, au point que la nouvelle de sa mort courut dans tous les pays de lAdoua, où il dut envoyer son fils lémir Abou Yacoub pour démentir les bruits et rassurer les populations. Lorsquil eut recouvré la santé, il reçut un envoyé chrétien accompagné de prêtres et de religieux pour ratifier la paix, ce qui eut lieu le dernier jour dudit ramadhan. Cependant le roi Ben Achkyloula envoya un message à lémir des Musulmans pour lui offrir Malaga, en lui faisant dire : «Je ne suis plus capable de maintenir le gouvernement de cette place, et si tu refuses de le recevoir de mes mains, je le livrerai aux Chrétiens ou à Ben el-Ahmar.» Or comme Ben el-Ahmar avait déjà reçu un grand nombre de villes et de places dAlphonse et de Ben Achkyloula, lémir des Musulmans envoya son fils, lémir Abou Zyan, pour prendre possession de Malaga. Lentrée dAbou Zyan dans la kasbah de cette ville eut lieu à la fin dudit mois de ramadhan. Lémir célébra la fête de la rupture du jeûne à Algéziras, et il se rendit le 3 de chouel à Malaga, où il arriva le 6, accueilli avec enthousiasme et avec de grandes réjouissances par la population, à laquelle il apportait le retour de la tranquillité et de la sûreté des routes. Lémir séjourna à Malaga le restant dudit mois, tout dou1 kâada et dix-huit jours de doul hidjâ. Il revint alors à Algéziras, où il sembarqua pour lAdoua, après avoir laissé à Malaga urne garnison de mille cavaliers Beny Meryn et arabes, casernés dans la kasbah sous le commandement dOmar ben Aly. Lémir passa dans lAdoua durant la première décade de moharrem, an 677, et il rentra à Fès, où il séjourna quelques jours avant de partir pour Maroc. Quand Alphonse (que Dieu le maudisse !) se fut bien assuré que lémir des Musulmans était passé dans lAdoua et quil était arrivé à Maroc,
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il rompit la paix, violant la foi jurée et oubliant les bienfaits Cest bien là le portrait des sociétaires tel que Dieu très-haut la décrit dans le livre évident : Il ny a point aux yeux de Dieu danimaux plus vils quai ceux qui ne croient pas et qui restent infidèles ; ceux avec lesquels tu as fait un pacte et qui le rompent à tout moment, et qui ne craignent point, Dieu(1). Le maudit, ayant fait appel à tous ses contingents, envoya sa flotte devant Algéziras pour la bloquer et empocher le passage. du détroit. En apprenant cela, Omar ben Aly, kaïd de lémir des Musulmans à Malaga; craignit de se voir enlever la place, et il la vendit à Ben el-Ahmar pour 50,000 dinars et la forteresse Chloubania, vers le milieu du ramadhan 677. Ben el-Ahmar vint avec son armée pour prendre possession de Malaga ; doù Omar ben Aly se retira en emportant tout largent et le matériel que lémir des Musulmans lui avait laissé pour entretenir la garnison et la marine. Lorsque ces nouvelles arrivèrent en détail à lémir des Musulmans, il sortit en hâte de Maroc, le 3 de chouel 677, pour aller en Andalousie. Il arriva au village Makoul du pays de Temsna ; mais, assailli la par les pluies, les vents et les torrents qui se déchaînaient en tem pêtes perpétuelles le jour et la nuit, il ne put aller en avant, et il était encore à la même place lorsquil apprit que les Chrétiens (Dieu les confonde !) avaient déjà cerné Algéziras par terre et par mer, dun côté par les troupes et de lautre par des navires ; que ceux-ci avaient jeté lancre vers le milieu de raby el-aouel 677, et quAlphonse était arrivé avec son armée le 6 de chouel. Lémir donna ordre de lever le camp pour Tanger, doù il comptait passer en Andalousie pour chasser les Chrétiens dAlgéziras ; mais pendant que ses troupes faisaient leurs préparatifs de départ, il reçut la nouvelle que lémir
____________________ 1 Koran, chap. VIII : le Butin. vers. 57 et 58. Une lettre du sultan Moulaï Abd er-Rahman. qui a passé sous nos yeux, prouve au moins que, depuis la conquête dAlger, noirs jouissons dans lesprit de lémir des Musulmans de plus destime que ne nous en accorde le Koran, et, que le Kartas nen accorde le Alphonse X. Voici la traduction littérale de cet ordre impérial, adressé à un chef de troupes durant une expédition contre les Zemmours (grande tribu insoumise entre Rabat-Salé et Mekenès) : «Louanges ,à Dieu lunique ! Nous avons reçu ta lettre, et nous avons°compris ce que tu nous dis au sujet de ces pervers dAly, dHassen et des Khoutbyn (fractions des Zemmours) qui moissonnent leurs grains avant notre arrivée. Nous voulons que tu ne les laisses point faire et que tu les harcèles sans cesse pour les empêcher de manger leurs moissons. Sidi Mohammed (le sultan actuel) est en chemin, et nous lui avons ordonné de passer, le gué (de la rivière entre Rabat et Salé) pour se rapprocher de toi, Rappelez-vous tous. que les Zemmours sont vos ennemis et que des secours vous arrivent. Or ceux qui trouvent des secours contre leurs ennemis ne reculent jamais. Sachez que la guerre contre les: hypocrites est plus méritoire encore que la guerre sainte contre les Infidèles ; car sil arrive de faire un pacte avec ceux-ci, ils sy tiennent au moins, tandis que les antres nont ni pacte ni foi. Poursuis les opérations de ton côté, et nous viendrons te rejoindre par le Djebel el-Doum, sil plait à Dieu ! Mais ne les laisse point profiter de leurs grains ! Salut. Écrit à Mekenès, le 19 du mois de ramadhan 1274 (3 mai 1858 ).»
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Messaoud ben Kennoun sétait révolté dans le pays de Nefys aux environs de Maroc, et quil était suivi de tous les Arabes Soufyan. Lémir se décida alors à revenir sur Maroc, et à son arrivée Messaoud senfuit au Djebel Sek syoua dans le Sous, où il se retrancha, abandonnant ses trésors et ses biens dont Abou Youssef sempara et quil distribua aux Beny, Meryn. Lémir, se mettant aussitôt à la poursuite du rebelle, latteignit et lentoura sur le Djehel Seksyoua, après avoir juré de ne se retirer, si Dieu lui prêtait vie, que lors que Ben Kennoun aurait fait sa soumission. Cette révolte de Messaoud ben Kennoun eut lieu le dimanche 5 de doul kâada 677. Lémir, continuant à bloquer les rebelles, expédia son fils, lémir Abou Zyan, dans le Sous pour faire justice de tous les bandits qui sy trouvaient et percevoir les` impôts. Abou Zyan revint auprès de son père le 30 de doul hidjâ, après avoir rempli sa mission. Sur ces entrefaites, lémir des Musulmans reçut les nouvelles dAlgéziras, dont le siége rigoureux donnait lieu à des combats incessants la nuit et le jour. Le nombre des Chrétiens qui enveloppaient la place du côté de la terre, avec Alphonse (que Dieu le maudisse !) était de trente mille cavaliers et de trente mille fantassins, et du côté de la mer ils avaient rangé leurs navires en murailles armées de leurs défenses, doù ils mettaient en uvre les balistes et autres machines. Toutes communications avec le dehors étaient ainsi interceptées, et les habitants ne recevaient plus aucune nou velle, si ce nest celles qui leur étaient apportées par des pigeons quon leur expédiait de Gibraltar avec des billets écrits et quils lenvoyaient avec leurs réponses. La population était complètement épuisée par la captivité et par la faim, par les combats incessants et par les gardes quil lui fallait monter nuit et jour sur les remparts. Aussi la plus grande partie des habitants étaient-ils morts à la peine, et ceux qui restaient encore avaient-ils déjà fait abandon de leur vie après avoir immolé leurs enfants, de crainte que les Chrétiens, sem parant de la ville, ne les contraignissent à changer leur religion. En appre nant tout cela, lémir des Musulmans, retenu lui-même par son serment auprès de Ben Kennoun, quil avait juré de soumettre ou de tuer, appela son fils, lémir Abou Yacoub, et lui donna ordre de se rendre immédiatement à Tanger pour aller secourir Algéziras, et pour armer une flotte capable de chasser les assiégeants. Lémir Abou Yacoub partit de Maroc pour Tanger dans le mois de moharrem 678 (1279 J. C.), et il y arriva le 1er du mois suivant, safar. Il donna ordre aussitôt déquiper des navires dans les ports de Ceuta, Tanger, Badès et Salé; il distribua de largent et des armes aux guer riers saints. La population de Ceuta déploya la plus grande activité pour lar mement de cette expédition; en recevant les ordres de lémir Abou Yacoub, le fekhy Abou Hâtym el-Azfy (que Dieu lui fasse miséricorde !) rassembla à Ceuta, les cheikhs, les kaïds, les capitaines et leurs guerriers, et leur prêcha
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la guerre sainte, en les exhortant à se préparer pour aller secourir la popu lation dAlgéziras et pour combattre et massacrer les Infidèles. Tous ceux qui se trouvaient à Ceuta, en ce moment, se levèrent et eurent bientôt rempli les navires, qui étaient au nombre de quarante-cinq, tant grands que petits ; soldats, docteurs, tholbas, marchands, boutiquiers, dont la plupart navaient même aucune connaissance des armes, sengagèrent pour la cause du Dieu très-haut, et il ne resta à Ceuta que les enfants, les paralytiques, les vieillards sans forces, et les enfants qui nétaient point pubères encore. Dun autre côté, Ben el-Ahmar arma douze navires à El-Mounkeb(1), Almeria et Malaga, et lémir Abou Yacoub en équipa quinze autres entre Tanger, Badès. Salé et Anfâ(2). La flotte musulmane se composait en tout de soixante et douze navires, qui se rallièrent à Ceuta, et vinrent tous ensemble à Tanger pour être inspectés par lémir Abou Yacoub. Leur arrivée offrit un coup dil magni fique et complet. Cest à Tanger queut lieu lembarquement des troupes, et lémir Abou Yacoub, en congédiant les légions des Beny Meryn, leur confia son étendard heureux et victorieux en leur disant : «Allez avec la bénédic tion et la grâce de Dieu !» Les airs retentirent des cris et des témoignages des guerriers saints, et tous les autres Croyants priaient pour eux, invoquant le Très-Haut pour quil leur accorde la victoire. La flotte mit à la voile à Tanger, le 8 de raby el-aouel le béni, an 678, et tous les assistants pleuraient et priaient. Les habitants de Ceuta, de Tanger et du Kessar el-Medjaz res tèrent quatre jours et quatre nuits sans dormir et sans fermer leurs portes ; vieillards et enfants sétaient réunis sur les remparts, doù ils adressaient en commun à Dieu leurs plus ferventes prières. Les voiles musulmanes séloi gnèrent sur la mer où elles rencontrèrent les eaux tranquilles et parfaitement unies, et les vents apaisés par la toute-puissance de Dieu, qui embellit ainsi pour ses soldats le passage à la guerre et aux combats. Mais le calme ralen tit la marche de leurs grands navires, et ils relâchèrent à Gibraltar, où ils passèrent à lancre toute la nuit, durant laquelle les guerriers saints ne tirent que réciter le Koran et louer Dieu. Le lendemain matin, à laube, 10 de raby el-aouel, ils firent leurs prières et quelques docteurs de la foi, se levant au milieu deux, prêchèrent la guerre sainte et énumérèrent les magnifiques récompenses que le Très-Haut tenait en réserve pour les combattants. Ces sermons les remplirent denthousiasme, au point de leur faire désirer le mar tyre, et, après sêtre pardonnés les uns les autres, ils répétèrent tous la pro fession de foi ; prêts à mourir, ils mirent à la voile et savancèrent contre les sociétaires. Le Chrétiens, en voyant la flotte musulmane qui cinglait sur eux, sen tirent leurs curs frappés dépouvante. Leurs commandants étant aussitôt
____________________ 1 Almunecar. 2 Infâ, aujourdhui Casablanca, ancienne Anafé.
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montés sur le pont de leurs vaisseaux pour examiner lennemi, comptèrent mille navires et simaginèrent quil sen présenterait bientôt dautres, mais leur erreur était certainement luvre de Dieu qui en avait ainsi multiplié le nombre à leurs yeux. Se sentant perdus, ils prenaient leurs dispositions pour la retraite et la fuite., quand les vaisseaux musulmans (que Dieu très-haut les seconde !), savançant tous ensemble, se mirent, en ligne comme des remparts ; de leur côté, les Croyants, confiants en Dieu pour toutes choses, étaient prêts à mourir, demandant au Très-Haut les récompenses du paradis en échange de leur vie. Le chef supérieur des Infidèles, monté sur son vaisseau, rallia à lui tous les autres commandants et leurs soldats, entièrement revêtus de fer et armés de pied en cap. Le nombre de leurs navires était bien supérieur à celui de la flotte musulmane, et, ils étaient si entièrement recouverts de Chrétiens quils ressemblaient à des montagnes obscurcies par des vols de corbeaux; leurs mouvements étaient rapides comme ceux de coursiers rapides dans la plaine. Le combat sengagea, et les Musulmans tirent leur profession de foi en disant : «Cest notre dernier Jour !» Puis ils fondirent sur leurs ennemis serrés comme la pluie et comme un vent impétueux, frappant partout, détrui sant tout à coups de lance et de sabre; ils entamèrent leurs navires et les for cèrent à séchouer. Les Infidèles, voyant ce qui arrivait, sécrièrent : «Voilà bien une affaire terrible et cruelle.» Et, en même temps, ils prenaient la fuite; mais les Musulmans, abordant leurs navires, en massacrèrent une quantité innombrable; ils avaient beau se jeter à la mer, nager comme des crapauds, ou se coucher sur leau comme sur leurs lits, les croyants les atteignaient toujours avec leurs lances et leurs sabres; ils les tuèrent jusquau dernier, puis ils semparèrent de leurs vaisseaux déserts et ils enlevèrent tout ce quils contenaient dagrès et de provisions. Les Musulmans, assiégés à Algéziras, furent au comble de la joie en voyant le massacre et la destruction de leurs ennemis, et ils reprirent courage quoiquils fussent résignés à mourir. Dieu très-haut leur donna laman en faveur de leurs ferventes prières; il leur accorda le repos après la fatigue, la victoire après la patience, labondance après la famine, la joie après 1a dou leur, la lumière après les ténèbres et le beau temps après lorage. Les Musul mans accostèrent à Algéziras, et, le sabre en main, ils entrèrent à lassaut en ville, massacrant tous les Infidèles quils rencontraient. Le chef supérieur fut fait prisonnier ainsi que tous les kaïds chrétiens qui lentouraient, au nombre desquels se trouvaient le neveu dAlphonse et les grands de sa cour. Les Musulmans semparèrent de tout ce qui se trouvait dans le port dAlgéziras : bagages, armes, vêtements et marchandises, telles quargent, étoffes, perles et autres apportés par le commerce, et tout cela forma un total que la langue
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ne saurait exprimer. Lorsque lon sut dans le camp des assiégeants par terre, ce lui venait darriver aux troupes de mer, massacrées ou prisonniè res, les soldats craignirent de voir arriver sur eux lémir Abou Yacoub, quils savaient sêtre porté à Tanger pour faire la guerre sainte, et ils prirent aussitôt la fuite, abandonnant tout, armes, bagages et munitions. Les habi tants dAlgéziras, voyant cette déroute, sortirent tous ensemble, hommes et femmes, et tombèrent sur le camp, où ils pillèrent. et tuèrent tout ce quils purent ; ils firent un butin considérable de bagages, dargent, de provisions de toute espèce, et ils rentrèrent en ville avec des quantités inexprimables de légumes, de beurre, dorge et de farine, tellement que la farine de Cor doue, dont on naurait pu trouver une once le matin même, à Algéziras, à aucun prix, se vendait à un drahem et demi les vingt-cinq livres quelques heures après. Cest ainsi que, par la grâce et le secours de Dieu, soixante et dix navires musulmans remportèrent la victoire sur la flotte des Chrétiens, qui comptait plus de quatre cents bâtiments. Un courrier, porteur de la bonne nouvelle, partit aussitôt pour aller annoncer à lémir Abou Yacoub ce que le Très-Haut avait fait pour ses adorateurs dans cette magnifique et mémora ble circonstance. Lémir adressa des louanges en actions de grâces à Dieu et écrivit immédiatement à son père pour lui faire part de la victoire. Cette glo rieuse bataille eut lieu le 12 de raby el-aouel, mois béni, anniversaire de la naissance de notre Prophète (que Dieu le comble de bénédictions !), an 678. La nouvelle arriva à lémir des Musulmans pendant quil assiégeait encore Messaoud ben Kennoun sur le mont Seksyoua ; il se prosterna devant Dieu très-haut en lui adressant de longues actions de grâces, et il donna ordre de distribuer. des aumônes, de délivrer les prisonniers, de faire des réjouis sances et de battre le tambour dans tous ses états. (Que Dieu lui fasse misé ricorde !) Depuis quil avait eu connaissance du siége dAlgéziras, il ne dormait plus et mangeait sans plaisir et sans profit, il ne sapprochait plus de sa femme, il négligeait sa mise et il avait pris la vie en grand dégoût ; il resta en cet état jusquà la nouvelle de la destruction des équipages infidèles et de la dispersion du camp qui assiégeait Algéziras. Dans les premiers jours de raby el-tâny, lémir Abou Yacoub vint à Algéziras, et les Chrétiens, saisis de terreur, sattendaient à être assiégés par tout ; mais les choses narrivent que lorsque Dieu chéri le veut, et il se trouva que, indisposé contre Ben el-Ahmar depuis quil avait pris Malaga, lémir Abou Yacoub fit alliance avec Alphonse pour attaquer Grenade ensemble, et les principaux Chrétiens passèrent avec lui dans lAdoua pour demander à son père la ratification de ce pacte ; mais dès que lémir des Musulmans eut connaissance de cela, il lui adressa les plus vifs reproches. Plein de
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courroux, il ne ratifia point le traité, et, bien au contraire, il sinterna dans le Sous, en jurant quil ne verrait jamais un seul de ces Chrétiens amenés par son fils, si ce nétait dans leur propre pays. Les chefs infidèles sen retournè rent donc fort humiliés. Lémir des Musulmans revint alors de Sous à Maroc, et il y resta quelque temps avant de se rendre à Fès, où il séjourna dans la ville Blanche(1) ; il écrivit aux tribus Meryn et arabes de se réunir pour la guerre sainte, et, dans les premiers jours de radjeb 678, il sortit de la ville Blanche pour aller en Andalousie mettre fin aux querelles et combattre les ennemis; il arriva à Tanger vers le milieu dudit mois et descendit à la kasbah. En examinant la situation, il reconnut que le feu de la discorde sétait ral lumé en Andalousie, et que les haines et les brigandages sétaient beaucoup accrus, tant du côté des Musulmans que de celui des Infidèles ; il trouva que lennemi avait fait de grands progrès depuis son éloignement, et quil avait profité de sa mésintelligence avec Ben el-Ahmar au sujet de Malaga; il envoya alors un émissaire à ce prince pour lui offrir son alliance moyennant la restitution de Malaga ; mais Ben el-Ahmar rejeta avec hauteur ses pro positions ; il avait déjà fait la paix avec Yaghmourasen ben Zyan, auquel il avait, envoyé de riches trésors et des présents magnifiques, afin que, salliant avec lui contre lémir des Musulmans, il harcelât son armée et courût sur ses terres pour lempêcher de passer en Andalousie. Lémir des Musulmans, ayant eu connaissance de cette intrigue, expédia un courrier chez Yaghmou rasen pour lui demander une explication et lui offrir la paix ; mais Yaghmou rasen répondit à lémissaire : «Il ny a pas dentente possible entre lémir et moi ; jamais il ny aura dalliance entre nous, et, ma vie durant, il ne doit sattendre quà la guerre. Tout ce quon lui a dit de ma coalition avec Ben elAhmar est la vérité même ; quil sattende donc à me rencontrer et quil se tienne prêt au combat.» Lenvoyé rapporta cette réponse à lémir des Musul mans, qui sécria : «Ô Seigneur Dieu ! accorde-moi la victoire contre eux, Ô toi le meilleur des victorieux !» Après être resté trois mois et dix-sept jours à Tanger, lémir des Musulmans revint à Fès où il entra à la fin de chouel, an 678. Alors il expédia un second message à Yaghmourasen pour entamer de nouvelles négociations et, lui démontrer son erreur : «Ô Yaghmourasen ! lui écrivit-il, jusquà quand persisteras-tu dans cette voie et quand te désis teras-tu de cette amertume en faveur de sentiments meilleurs ? Sache que tous nos différends sont vidés; aie donc du bon sens et agrée la paix qui est la plus belle chose que Dieu ait faite pour ses serviteurs. Je désire que tu sois fort et puissant, capable de prêter ton appui à la guerre sainte, et que cette guerre et les conquêtes sur les Infidèles deviennent ta seule ambition. Nous
____________________ 1 Fès el-Djedid.
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devons être absolument en bonnes relations ensemble. Si tu refuses daller à la guerre sainte et que tu ne veuilles point entrer toi-même dans cette voie, laisse au moins agir les Croyants pour leur soutien et leur propre défense, et ne toppose plus au passage des Toudjyny, qui a sont les alliés des Beny Meryn.» Pendant que lenvoyé de lémir parlait, Yaghmourasen sauta à diverses reprises sur son siège, et quand il entendit prononcer le nom des Toudjyny, il sécria, hors de lui-même : «Par Dieu ! je ne veux plus entendre un mot de ces gens-là. Alphonse lui-même viendrait chez eux que je ne lempêcherais point et le laisserais faire.» Quand lémir victorieux eut perdu tout espoir dalliance avec Yaghmourasen, il sortit de Fès pour aller lattaquer, et cela dans le courant de doul hidjâ, an 679 (1280 J. C.). Arrivé au défilé dAbd Allah, il fut rejoint par son fils, lémir Abou Yacoub, et il se rendit, à Rabat Taza, doù il partit au bout de quelques jours pour lOued Moulouïa; il navait pas même cinq cents cavaliers avec lui, mais là il fut rejoint par les contingents des Meryn et des Kabyles, qui arrivèrent nom breux comme la pluie, et son armée couvrit bientôt les hauteurs et les plai nes. Il savança alors jusquà Tama (Mama ou Nama), où il perdit son fils Ibrahim, et il poursuivit son chemin jusquà lOued Tafna. Là, Yaghmoura sen se présenta à lui avec ses trésors, sa famille et ses bagages, entouré de paisibles tribus arabes conduisant leurs chameaux et leurs bestiaux. A cette vue, lémir des Musulmans commanda de suspendre lattaque ; mais les Beny Meryn voulaient se battre, et une partie dentre eux se mit en campa gne pour chasser et, en même temps, pour découvrir larmée de Yaghmoura sen. Emportés par la chasse, ils arrivèrent sans sen douter au camp ennemi, doù les Abd el-Ouahed et autres Arabes sélancèrent sur eux comme un essaim de sauterelles. Les cavaliers Meryn, battus et poursuivis, atteignirent avec peine les bords du fleuve ; mais, à leur vue, lémir, qui finissait en ce moment sa prière du Douour, monta à cheval et bondit comme un lion avec tous ses soldats. La cavalerie se divisa, sur son ordre, en deux parties ; lune se précipita sur le camp, et lautre sur la troupe dArabes qui sétait présentée à lui. Lémir et son fils Abou Yacoub restèrent en arrière avec envi ron mille cavaliers des plus vaillants Beny Meryn. Le combat sengagea el séchauffa ; Satan apparut, et la bataille devint de plus en plus sanglante jus quà lAsser. Alors lémir des Musulmans se montra avec ses mille cavaliers Beny Meryn, tandis que son fils Abou Yacoub se présentait aussi dun autre côté ; tous deux, avec leurs tambours et leurs enseignes, ils sélancèrent dans la mêlée et combattirent courageusement. Yaghmourasen, comprenant que toute résistance était devenue impossible pour lui, sen alla, abandonnant son camp, ses trésors, sa famille et sa suite; il prit la fuite en courant vers le désert, sans tenir compte, selon sa coutume, des biens et des femmes quil
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laissait derrière lui. Ses troupes furent massacrées et ses enseignes abattues. pendant quil rentrait en cachette dans sa capitale, Tout son camp fut livré au pillage, et les Musulmans passèrent la nuit entière à faire du butin et à saccager les environs, pendant que le tambour de lémir battait la victoire sans discontinuer. Tous les biens des Arabes furent pris, et les Meryn senri chirent de butin, de chameaux et de bestiaux. Abou Zyan ben Abd el-Kaouy accourut en toute hâte chez lémir Abou Youssef quil proclama et quil aida avec ses tribus Toudjyny à rava ger les possessions dYaghmourasen. Lorsque. tout fut incendié et détruit, Abou Youssef donna ordre aux Toudjyny de retourner chez eux, et il leur alloua une forte partie du butin. Il resta lui-même devant Tlemcen jusquà ce quils fussent à labri dans leur pays, et il se mit en chemin pour revenir au Maghreb. Il entra à Fès dans le ramadhan 680 ; il y resta jusquà la fin de chouel, et il en sortit le 1er de doul kâada pour Maroc, où il arriva dans les premiers jours de moharrem 681 (1282 J. C.). Cest, à cette époque quil épousa la femme de Messaoud ben Kennoun ; il expédia ensuite son fils Abou Yacoub dans le Sous, et il demeura à Maroc. Il reçût là un message dAlphonse, qui lui adressait, des louanges et lui écrivait : «Ô roi victorieux ! les Chrétiens soulevés contre moi veulent me renverser pour élever mon fils Don Sancho à ma place, sous prétexte que je suis vieux, sans bon sens et sans forces. Puissé-je leur tomber dessus avec toi !» Lémir lui répondit aussitôt : «Je suis prêt et jaccours.» Il partit, en effet, de Maroc en raby el-aouel, et il marcha en toute hâte, sans halte ni repos, jusquau Kessar el-Medjaz doù il passa à Algéziras dans le mois de raby el-tâny. Il trouva les Chrétiens dans un état complet dépuisement et de désorganisation. Les princes et les chefs espagnols se présentèrent à lui et le saluèrent. Il se mit alors en marche, et arriva à Sakhrat el-Abâd. Cest là quAlphonse vint à lui, humble et faible, et que lémir, laccueillant généreusement, releva son courage. Alphonse se plaignit de la misère où il était tombé, et ajouta : «Je nai dautres secours à attendre que ceux même tu maccorderas, et dautres victoires à espérer que celles que tu remporteras. Il ne me reste dautres biens que ma couronne, cest celle de mon père et de mes aïeux, prends-la en gage et donne-moi largent nécessaire pour me relever.» Lémir lui remit 100,000 dinars, et ils commencèrent ensemble à faire des razias sur les terres des Chrétiens jusque sous les murs de Cordoue, où ils établirent leur camp et battirent pendant quelque temps le fils dAlphonse, qui sy, était ren fermé. Lémir envoya des troupes vers Jaën pour détruire les moissons; il se rendit lui-même dans les environs de Tolède, et savança jusquà Madrid, en saccageant tout sur son passage ; les mains des Musulmans semplirent de dépouilles et de butin. Lémir retourna à Algéziras, en châaban, et il y
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demeura jusquà la fin du mois de doul hidjâ, il en partit le 1er de moharrem 682 (1283 J. C.) pour Malaga, quil assiégea et il conquit un grand nombre de places fortes des environs, entre autres. les châteaux de Kertouma, de Dakhouân et de Souhyl. Durant cette même année le fils dAlphonse fit alliance avec Ben el-Ahmar, pour contre-balancer celle de son père avec lémir des Musulmans Abou Youssef. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Toute lAndalousie fut en feu. Ben el-Ahmar, voyant que la perte de ses états était imminente, envoya des ambassadeurs à lémir Yacoub, dans lAdoua, pour le supplier de venir mettre de lordre en Andalousie. Abou Yacoub passa, en effet, le détroit dans le mois de safar 682, et, après ces longues et terribles discussions, Dieu très-haut fit faire la paix aux Musulmans, et sa bénédiction releva les enseignes de la religion et unit la parole de lIslam. Les razias contre les adorateurs des images recommencèrent, et lémir des Musulmans retourna une fois encore sur les terres infidèles pour faire du butin et des prisonniers. Il partit dAlgéziras pour Cordoue, et cest lexpé dition dEl-Byrâ.
EXPÉDITION DE LÉMIR DES MUSULMANS CONTRE EL-BYRÂ.
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Lémir partit dAlgéziras le 1er de raby el-tâny de lan 682, et savança jusquà Cordoue, dont il rasa les environs et pilla les châteaux; puis il se porta sur El-Byrâ après avoir laissé son camp et le butin à Baëza sous la garde de cinq mille cavaliers des plus vaillants, et en cela il fit preuve de beaucoup de jugement et de prudence. Il se rendit en toute hâte à El-Byrâ, courant deux jours dans un pays désert avant datteindre les lieux habités; les cavaliers qui étaient avec lui ne cessèrent de galoper, et il ny eut de halte quaux environs de Tolède, à une journée de El-Byrâ. Le butin et les riches ses que les Musulmans acquirent dans cette expédition, et le nombre de mil liers de Chrétiens quils firent périr sont incalculables. Lémir; changeant de direction, se porta sur Oubéda, renversant, pillant et incendiant, tout ce qui se trouvait. sur son passage; arrivé sous les murs de la place, il commença aussitôt lattaque ; mais un instant après, un barbare, posté sur les remparts, lui décocha une flèche qui atteignit son cheval ; lémir fut protégé par la grâce de Dieu ; néanmoins cet accident le décida à se retirer, et il revint au camp de Baëza, où il demeura trois jours pour laisser reposer ses troupes. Alors, malgré tous ses avantages, il sen retourna à Algéziras avec les tré sors et les dépouilles dont il sétait rendu maître, et il entra dans cette ville en radjeb 682. Il fit la distribution du butin aux Musulmans, et passa dans lAdoua 1er de châaban. Il séjourna trois jours à Tanger, et il se rendit à Fès, où il arriva dans la dernière décade de châaban ; il y fit son jeûne du ramadhan et y célébra la fête. Puis il partit pour Maroc et il sarrêta deux
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mois à Rabat el-Fath. Il arriva à Maroc en moharrem 683 (1284 J. C.), et il expédia son fils lémir Abou Yacoub dans le Sous pour faire des razias sur les tribus arabes ; celles-ci, fuyant devant lui, sen allèrent au Sahara, où il les poursuivit jusquà la Sakyât el-Hamra, et le plus grand nombre des fuyards moururent de faim. Sur ces entrefaites, lémir des Musulmans Abou Youssef tomba très-dangereusement malade à Maroc, et il envoya lordre à son fils Abou Yacoub de rentrer de suite pour le voir avant de mourir. Celui-ci se mit précipitamment en marche pour la capitale, et tout le monde se réjouit quand il arriva auprès de son père. Lémir des Musulmans retrouva le repos et put bientôt se lever ; il reprit toute sa santé et il partit de Maroc pour aller de nouveau faire la guerre sainte en Andalousie, vers la fin de djoumad el-tâny, an 683. Il entra à Rabat el-Fath vers le milieu de châaban, il y passa le ramadhan, et cest là quil reçut les cheikhs et les docteurs du Maghreb, qui vinrent le féliciter pour le rétablissement de sa santé. Il y eut cette année-là une grande disette jusquà la fin du ramadhan. Dans les derniers jours de chouel, lémir quitta Rabat el-Fath et se rendit au Kessar elMedjâz, doù il fit un appel aux Kabyles du Maghreb pour la guerre sainte. Toute la fin de lan 683 fut employée aux préparatifs et au passage des trou pes en Andalousie.
QUATRIÈME PASSAGE DE LÉMIR DES MUSULMANS EN ANDALOUSIE.
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Lauteur du livre (que Dieu lui pardonne !) a dit : Lémir des Musul mans Abou Youssef passa pour la quatrième fois en Andalousie pour faire la guerre sainte, le jeudi 5 de safar, an 684 (1285 J. C.). Il débarqua à Tarifa, et se rendit à Algéziras, où il demeura quelque temps. Il se mit alors en course sur les terres chrétiennes quil rasa jusquà lOued Lekk(1), où il trouva les moissons en pleine maturité et une prodigieuse abondance. Il arriva à Xérès avec lintention de rayonner de là sur tous les pays infidèles pour rétablir les Musulmans jusque dans leurs extrêmes limites, en sarrêtant à chaque point aussi longtemps que Dieu très-haut le voudrait. Tel était son plan. Il arriva à Xérès le 20 de safar 684, et dès ce jour-là, chaque matin, après avoir fait sa prière, il montait à cheval avec ses guerriers devant la porte de la ville. et il lançait; ses troupes dans toutes les directions pour détruire les moissons, couper les arbres, saccager les habitations. sans relâche jusquà lheure de la prière de lAsser, où il ralliait tout son monde. (Que Dieu lui fasse misé ricorde !) Il rentrait alors sous sa tente et les troupes allaient se reposer dans leur camp. Il ne cessait dexhorter les Musulmans et de les pousser en avant, parce quil savait que les Chrétiens (Dieu très-haut les confonde !)
____________________ 1 Guadalete.
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avaient leurs greniers vides et quils étaient menacés par la famine. Il crai gnait quils ne se relevassent de cette situation misérable en conservant cette province, et cest pour cela quil sacharna ainsi à détruire leurs moissons et toutes leurs ressources. Le 24 de safar les détachements Beny Meryn et arabes, qui couraient dans le pays, rentrèrent au camp après avoir tout dévasté, champs, moissons et jardins, jusquaux alentours de la ville de Ben Selim, où ils avaient tué beaucoup de monde et fait des prisonniers. Le même jour, toute la cavalerie musulmane qui était restée à Tarifa, ainsi que les troupes des garnisons des diverses forteresses de lAndalousie, arrivèrent chez lémir avec armes et bagages, et se réunirent à son armée victorieuse. Le mercredi 25 de safar, lémir des Musulmans envoya Ayad elAssamy attaquer la forteresse de Chelouka, où ce kaïd massacra tous les Chrétiens qui sy trouvaient. Le jeudi 26, lémir, escorté dun fort détache ment, se porta devant la porte même de Xérès, et il envoya les chevaux et les mulets pour aller chercher les grains nécessaires à lentretien de ses troupes ; tous les animaux du camp suffirent à peine pour transporter les quantités de blé et dorge que lon réunit. Lémir des Musulmans envoya ensuite ses deux ministres, les deux cheïkhs Abou Abd Allah Mohammed ben Athou et Abou Mohammed ben Amran, pour aller reconnaître la forte resse dEl-Kantara et celle de Routha. Ils montèrent à cheval et sy rendi rent avec cinquante cavaliers ; ils inspectèrent les murs, de tous côtés, et se réjouirent en reconnaissant la faiblesse des Chrétiens, dont ils vinrent rendre compte à lémir. Le vendredi, 27 dudit mois, lémir demeura dans son camp et ne monta pas à cheval ; mais cela nétait quune ruse pour que les Chrétiens se crussent à labri dune attaque ce jour-là. En effet, ils ne manquèrent pas de faire sortir leurs troupeaux de la ville pour les faire paître aux alentours, et lémir Abou Aly ben Mansour ben Abd el-Ouahed, qui sétait embusqué dans les oliviers avec trois cents cavaliers, enveloppa en un instant lesdits troupeaux quil enleva après avoir tué tous les gardiens. Le samedi 28, lémir monta à cheval avec tous ses guerriers, et se rendit devant la ville de Xérès, quil battit pendant une heure ; puis il se retira et fit abattre sur son passage un nombre considérable de vignes et de, figuiers ; il ne rentra au camp que le soir. Dimanche 29, il donna à son petit-fils, lémir Abou Aly Mansour ben Abd el-Ouahed, le commandement de mille cavaliers, et il lexpédia à Séville ; puis, montant lui-même à cheval, selon sa coutume, il retourna devant Xérès, ordonnant à sa troupe de continuer luvre de destruction sur les moissons. les oliviers et les figuiers. Lémir Abou Aly Mansour se mit en marche avec ses mille cavaliers
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Beny Meryn, Arabes, Assam (garb), Khelouth, El-Aftadj et El-Aghzâz, le lendemain lundi à midi. Il ne sarrêta quau Djebel Djeryr, où il fit la prière de lAsser, et il remonta à cheval avec tous les Croyants qui laccompa gnaient. Ils avancèrent jusquau coucher du soleil, au moment même où ils arrivaient sous les arches du pont dEl-Kantara. Là ils firent halte pour donner la ration aux chevaux, et ils se remirent en marche pour toute la nuit. A laube ils se trouvèrent entre le DjebeI Rahma(1) et Séville, où ils attendi rent le lever du soleil. Lémir Abou Aly Mansour prit alors conseil des chefs de la troupe, et il fut résolu que cinq cents cavaliers se porteraient en avant pour attaquer Séville, et que les cinq cents autres, resteraient en arrière pour les suivre à distance. Cinq cents chevaux partirent donc, et lémir Abou Aly Mansour suivit leurs traces doucement avec le reste de sa troupe. Les Chré tiens, attaqués brusquement, furent mis en pièces ou faits prisonniers; leurs harems furent violés, leurs maisons pillées. Un corps de Musulmans Beny Souhoum, Beny Ouenhoum et quelques Berghouata, ayant fait la rencontre dun détachement, de Chrétiens, livrèrent bataille, et Dieu très-haut anéantit cette portion dInfidèles, qui furent tous tués ou faits prisonniers. Les trou pes ayant rallié, lémir Abou Aly Mansour demanda au cheïkh Aby el-Has sen Aly ben Youssef ben Yergâten, quel chemin il convenait de prendre pour le retour. Le cheïkh lui répondit : «Lavis béni, sil plaît à Dieu, est celui qui doit nous faire choisir la route entre Carmona et El-Kelâa.» Lémir ayant donné ordre de réunir le butin, le confia à un Amin, et le faisant passer devant, il se dirigea vers Carmona. Les Musulmans souffrirent beaucoup en route de la chaleur et de la soif. Lémir Abou Aly envoya le cavalier Abou Smyr en avant pour aller reconnaître Carmona. Abou Smyr partit au galop, mais il rencontra presque aussitôt une troupe de Musulmans qui sétaient portés devant Carmona depuis le matin, et qui en revenaient en déroute et en fuite. Abou Smyr, sarrêtant, leur dit : «Que vous arrive-t-il donc ? Ils répondirent : Nous étions devant Carmona, quand une troupe de cavaliers et de soldats en est sortie et nous a attaqués ; les voilà qui arrivent à notre pour suite derrière cette colline.» Abou Smyr sarrêta donc en cet endroit avec les fuyard et attendit larrivée de lémir Abou Aly escorté de ses troupes et du butin; il le mit aussitôt au courant, et ils se précipitèrent tous ensemble du côté des Chrétiens, qui firent volte-face et prirent la fuite en désordre. Les Musulmans les atteignirent à la porte même de la ville et les massacrèrent tous, à lexception dun petit nombre qui parvint à se sauver derrière les rem parts. Lémir ordonna alors dincendier les moissons et de couper les arbres dans les environs de Carmona ; ce qui fut fait jusquà lheure de lAsser.
____________________ 1 Sierra Morena.
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Au coucher du soleil il se mit en chemin pour aller à la rencontre du butin, avec lequel il passa la nuit sur les bords de lOued Lekk ; de là, il partit pour El-Kouas (les arches), et saccagea le pays et les moissons jusquà lheure de la prière de lAsser. Puis il se rendit à lOued Melâha, et, se remettant en marche, il arriva le lendemain heureusement au camp avec tout son butin. Lundi, 30 de safar, lémir des Musulmans monta à cheval et condui sit ses guerriers couper les figuiers et les oliviers, incendier les moissons et piller les habitations, ce quils firent jusquà lheure de lAsser; cette jour née fut des plus fatigantes. Il donna ordre à Saïd Bou Kheffs daller, avec un détachement arabe, chercher de leau douce et de suivie les combattants pour leur donner à boire, et cela fut fait tant que dura lexpédition. Le mardi, 1er du mois de raby el-aouel, lémir monta à cheval et fit crier par ses hérauts lordre de se mettre en course pour ravager les moissons et couper les arbres ; il ne rentra dans sa tente quaprès la prière de lAsser. Le même jour, il donna ordre aux Arabes El-Assam de sembusquer devant la porte de Xérès pour faire prisonniers tous ceux qui en sortiraient et tuer ceux qui se présenteraient pour y entrer ; il leur enjoignit également datta quer la forteresse de Chelouka ; ils surprirent les habitants, qui se croyaient en sûreté ; ils enlevèrent les vaches, les bestiaux et les mulets, mirent la place à sac et firent quatorze prisonniers. Ayad el-Assamy rentra au camp chargé de butin. Le mercredi 2, lémir des Musulmans (que Dieu lui fasse miséri corde!) expédia cinq cents cavaliers pour aller raser Achdja(1) et ses envi rons. Ce même jour arrivèrent au camp lémir Abou Aly Omar ben Abd el-Ouahed, venant de lAdoua, accompagné dun grand nombre de guerriers et de volontaires, cavaliers et fantassins, parfaitement armés et équipés, et le fekhy Kassem, fils du fekhy Abou Kassem el-Azfy, avec les guerriers de Ceuta, au nombre de cinq cents arbalétriers. Lémir des Musulmans se réjouit beaucoup de larrivée de ces renforts, et il donna ordre à lémir Mou helhel ben Yhya el-Kholthy de choisir mille cavaliers arabes Khelouth pour aller piller Xérès et lentourer, pendant la nuit, de façon que personne nen sortît pour lapprovisionner. Dès ce moment, les Khelouth ne cessèrent plus de cerner la place nuit et, jour. Le jeudi 3, lémir des Musulmans donna à son petit-fils, lheureux Abou Aly ben Abd el-Ouahed, le commandement de mille cavaliers pour ravager le pays des Infidèles. Ils partirent du camp au lever du soleil, après quAbou Aly eut reçu les adieux de son grand-père, et ils marchèrent jus quau fort El-Melâha, où ils sarrêtèrent pour donner la ration aux chevaux; ils se mirent en chemin à lentrée de la nuit, et le lendemain matin ils
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arrivèrent à Kalat Djaber, où ils campèrent jusquà la nuit ; ils marchèrent ensuite le tiers de la nuit et ils arrivèrent à lOued Lekk, où ils demeurèrent jusquau jour ; là ils se cachèrent jusquà midi pour donner le temps aux Chrétiens de se répandre sur leurs terres. Alors Abou Aly, aussitôt après avoir fait sa prière, partagea sa troupe en deux corps ; il en garda un avec lui et subdivisa lautre en deux parties, dont la première sen alla jusquà la porte le Merchâna(1), renversant tout sur son chemin, tuant un nombre considérable de Chrétiens et faisant prisonniers les femmes et les enfants qui étaient dans les jardins et auprès des moissons. Le soir, les prises furent réunies à lOued Lekk. Lautre subdivision sen alla à Carmona, et lémir Abou Hafs la suivit de près ; il sarrêta sous un fort, défendu par trois cents Chrétiens environ, auxquels il livra un sanglant combat, et Dieu très haut lui donna la victoire. Les Musulmans entrèrent dans la place, dont ils massacrèrent la garnison et où ils pillèrent tout, armes, bagages, trésors et Chrétiennes. Lémir fit raser le fort et sen revint heureux, victorieux, avec ses prises, jusquà lOued Lekk, où il se rallia avec la subdivision qui ren trait de Merchâna. Le lendemain matin, il fit passer devant lui tout le butin et il se dirigea vers El-Kouas, doù il rentra au camp. Lémir des Musul mans se réjouit beaucoup de son retour et le félicita. Le même jeudi, les arbalétriers de Ceuta attaquèrent une forteresse chrétienne et ils firent qua tre-vingts prisonniers, hommes, femmes et enfants, quils ramenèrent, avec eux au camp. Lémir des Musulmans préleva le cinquième des prises et leur partagea le reste. Le vendredi 4, lémir des Musulmans monta à cheval avec tous ses guerriers, auxquels il donna ordre de ravager les moissons. et de couper les arbres comme de coutume. Les Musulmans se répandirent dans les champs de blé et se mirent à luvre, tandis que lémir alla sembusquer dans les oliviers de Xérès à laffût des Chrétiens qui auraient pu inquiéter les Musul mans. Il resta au même endroit jusquà la prière du Maghreb et, lorsque tous les soldats furent rentrés au camp, il y revint aussi. Le samedi 5, lémir des Musulmans monta à cheval après avoir fait sa prière du Douour, et vint se présenter devant Xérès, où il engagea un san glant combat. Les Musulmans incendièrent les jardins et tuèrent plus de sept cents Chrétiens ; ils ne pendirent quun seul homme. Le dimanche 6, lémir retourna à Xérès et donna ordre aux troupes de faucher les blés, tandis quil restait lui-même embusqué dans les oliviers pour garder les Musulmans dans le cas où les Chrétiens feraient une sortie. Comme de coutume, il rentra le dernier au camp. Ce même jour, Aly ben Hadjy el-Eftahyny sortit avec soixante et dix cavaliers de ses frères, et ils se
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portèrent sur Rota, quils pillèrent ; ils tuèrent un grand nombre de Chrétiens et revinrent au camp avec leur butin. Le mardi 8, lémir des Musulmans envoya un détachement de cinq cents cavaliers environ contre Arkoch, quils pillèrent; ils prirent quatre vingts Chrétiennes, des vaches, des bestiaux et bêtes de somme ; ils tuèrent un grand nombre dhommes et revinrent au camp avec leur butin. Le mercredi 9, lémir des Musulmans donna à son fils, lémir Abou Mahrouf, le commandement de mille cavaliers avec ordre daller saccager les environs de Séville. Ce même jour, quelques Arabes Khelouth mirent à sac un fort des environs de Xérès et prirent huit Chrétiens, trois cents mou tons, cent soixante et dix têtes, mules, vaches ou taureaux, et ils rallièrent le camp avec tout le butin. Ce même jour encore, les archers et les guer riers de Ceuta attaquèrent une forteresse chrétienne, où ils massacrèrent un grand nombre dhommes et firent prisonniers treize Chrétiens et une Chré tienne, ainsi que leurs prêtres et leurs anciens. On trouva chez les prêtres une grande quantité de monnaies dor musulmanes, dont lémir préleva le. cinquième. Dun autre côté, quelques kaïds andalous ayant aussi attaqué un château chrétien, y entrèrent à lassaut et massacrèrent toute la garnison; ils revinrent au camp avec six Chrétiens et quatre Chrétiennes prisonniers et cent vaches, plus une grande quantité darcs et de munitions de guerre. Lémir se contenta du cinquième de ce butin, comme il lavait fait pour les soldats de Ceuta. Lémir Abou Mahrouf se mit en marche avec la cavalerie, dont il avait reçu le commandement ; son père, lémir des Musulmans, laccompagna à cheval pendant quelque temps et le congédia en lui recommandant bien de penser à Dieu, quil fût seul ou en public, davoir du calme, de la patience et, au besoin, de la résignation. Lémir Abou-Mahreuf marcha tout le jour et ne fit halte quau Djebel Abryz pour faire sa prière de lAsser; rernontaut à cheval aussitôt après, il ne sarrêta plus que le soir à lOued Lekk pour donner la ration aux chevaux; puis il se remit encore en route, et, le matin, il se trouva àla forteresse dAïn El-Sakhra, où il se reposa jusquà lheure de iAsser; pais, ayant encore avancé jusquau soir, il sarrêta quelques heures pour donner la ration aux chevaux. Le lendemain matin, il atteignit El-ICe làa; il réudot là tous les cheïkhs de sa troupe eu conseil, et, sur leur avis, cinq cents cavaliers partirent aussitôt dans la direction de Séville, tandis que lui-même, à la tête des autres, déploya ses enseignes victorieuses et suivit leurs traces doucement. . A la vue du premier corps de cinq cents cavaliers, les Chrétiens sortirent de Séville en grand nombre, cavalerie et infanterie, pour les combattre; mais dès quils eurent aperçu létendard victorieux qui guidait le second corps de cavalerie, ils prirent la fuite et rentrèrent en toute
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hâte dans leur ville, dont ils fermèrent les portes et où ils se retranchèrent derrière leurs fortifications. Lémir Abou Mahrouf sarrêta alors à une dis tance convenable pour être à labri des flèches ennemies, et donna ordre à ses soldats de saccager les environs, dincendier les moissons et de détruire les habitations ; il resta lui-même posté ainsi en face de la porte de Séville, jusquà ce que les Musulmans eussent achevé leur uvre de destruction et leussent rallié. Le tambour battait sans cesse pour épouvanter les ennemis. Les Musulmans firent un immense butin et tuèrent plus de (trois mille Chré tiens ; cétait le jour anniversaire de la naissance de notre prophète Moham med que Dieu le comble de bénédictions !) ; ils firent trois cent quatre-vingts prisonniers, femmes et enfants, et ils semparèrent de cent soixante-cinq têtes, taureaux, mulets et ânes, plus dun grand. nombre de vaches et de bes tiaux ; aucun homme ne fut pris sans être aussitôt massacré, et ils revinrent au camp joyeux et chargés de butin. Le mardi 15 de raby el-aouel, lémir des Musulmans envoya son petit-fils, Abou Aly Omar Abd el-Ouahed, avec un corps de mille archers de Ceuta et de mille Mesmouda et volontaires, accompagnés de mulets char gés de haches, de lances et darcs, pour attaquer un fort situé à huit milles du camp, doù lennemi coupait le chemin aux Musulmans qui sisolaient un peu. Abou Aly, aussitôt arrivé, combattit les Chrétiens, qui firent preuve de courage et de résignation ; ils avaient placé leurs hommes et leurs arbalé triers sur toutes les parties du fort, en haut et en bas. Lémir, étant descendu de cheval, prit son bouclier et sélança lui-même à pied, combattant de sa propre main, entouré des cavaliers arabes qui avaient imité son exemple et suivi des archers de Ceuta et des Mesmouda. Ils entrèrent à lassaut dans le fort, et ils tuèrent quatre-vingts Barbares ; ils firent les autres prisonniers, hommes et femmes, et ils semparèrent de tout, ce quils trouvèrent, armes, bagages, provisions et farines; ils rentrèrent au camp le même jour, après avoir rasé le fort jusquaux fondements. En attendant, lémir des Musul mans sétait porté devant Xérès, où il soutint un combat sanglant avec les Chrétiens de la ville qui avaient fait une sortie avec toutes leurs force, cavaliers, fantassins et archers. Les arbalétriers musulmans ayant entamé leurs rangs, les cavaliers Beny Meryn et arabes achevèrent de les mettre en déroute, et ils en tuèrent un grand nombre devant la porte même de leur ville. Le jeudi 17, lémir des Musulmans monta à cheval avec toutes ses troupes et se porta contre un fort connu sous le nom de Mentkout, situé à environ dix milles du camp, et qui était gardé par un grand nombre de che valiers et de nobles chrétiens, qui sétaient voués à la guerre et se tenaient prêts à lattaque. Les Musulmans leur livrèrent un sanglant combat, où
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les arbalétriers se distinguèrent; ils tuèrent environ soixante hommes, et, ayant pénétré dans le bas du fort, ils réunirent des combustibles et y mirent le feu. Lincendie dévora le fort sans cesser jusquau lendemain vendredi, à midi. Les Chrétiens, se voyant ainsi bridés dune part et battus de lautre, mirent bas les armes et vinrent eux-mêmes se constituer prisonniers entre les mains des Musulmans, qui prirent ainsi cent quatre-vingt-dix Barbares et soixante et quatorze de leurs femmes ; ils enlevèrent également leurs trésors, leurs animaux et leurs armes ; ils détruisirent, les dernières ruines du fort, et, après avoir dévasté la campagne environnante, ils revinrent au camp. Le samedi 19, Abd el-Rezak el-Bataouy vint au camp pour annoncer à lémir des Musulmans la prochaine arrivée de lAdoua de son fils, lémir Abou Yacoub, quil avait laissé sous la ville de Ben Selim, campé dans une plaine trop étroite pour le nombre de ses troupes; il ajouta quAbou Yacoub avait livré combat à la ville de Ben Selim, où il avait tué un grand nombre de Chrétiens. Les Musulmans se réjouirent beaucoup en entendant ces nouvelles, et le cheikh Abou el-Hassen Aly ben Zedjdân sortit aussitôt, pour aller au-devant des nouveaux arrivants, avec nul détachement de Beny Askar.
ARRIVÉE DE LÉMIR ABOU YACOUB EN ANDALOUSIE POUR Y FAIRE LA GUERRE SAINTE.
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Lorsque lémir Abou Yacoub fut passé, de lAdoua en Andalousie avec une forte armée de guerriers et de volontaires, il se dirigeas vers le camp de soit père, auquel il envoya annoncer son arrivée quand il fut proche. Lémir des Musulmans monta à cheval pour aller à sa rencontre, accompa gné de toutes ses troupes, dont chaque corps, Beny Meryn, Arabes ou étran gers, se rallia autour de son enseigne avec armes et bagages et défila en faisant passer les fantassins devant les archers et les cavaliers. Les volon taires et les Mesmouda étaient ce jour-là au nombre de treize mille, et les Kabyles du Maghreb, Ouaraba, Ghoumara, Senhadja, Mekenèsa, Sedreta, Lamta, Beny Ouartyn, Beny Yazgha et autres, sélevaient à dix-huit mille hommes. Lorsque lémir aperçut son fils, il descendit de cheval et sarrêta pour rendre des actions de grâce à Dieu. Lémir Yacoub, mettant également pied à terre, savança au-devant de son père et lui baisa les mains. Lémir des Musulmans reprit alors sa monture en invitant son fils à en faire autant, et les Croyants se saluèrent les uns les autres en se réunissant. Le tambour battit et le tumulte fit trembler la terre. De retour au camp, lémir des Musulmans descendit sous sa tente et y fit entrer son fils avec les cheikhs Beny Meryn et arabes pour prendre part à leur repas, et puis lémir Abou Yacoub retourna
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à son camp avec deux cents archers de Malaga quil avait gardés avec lui. Le lundi 21, lémir des Musulmans monta à cheval, et, faisant passer devant lui les fantassins et les arbalétriers, il se porta contre la forteresse dEl-Kantara, dont il battit les murs jusquau moment où les Musulmans livrèrent lassaut; ils mirent le feu à la place, massacrèrent les hommes, pri rent les femmes et les enfants, et pillèrent tout, vaches, bestiaux et bêtes de somme. Le mercredi 23, lémir des Musulmans se mit en campagne avec toute son armée et changea le camp de place, parce que les Musulmans com mençaient à ne plus y être commodément ; il traversa lOued Lekk, et les Croyants sétablirent au milieu des arbres et des jardins de Xérès, quils bat tirent ce jour-là depuis dix heures du matin jusquau Douour. Le jeudi 24, lémir des Musulmans renouvela lattaque contre Xérès, quil battit depuis, le lever du soleil jusquau Douour, et il rentra dans sa tente. Le 26, il donna à son fils, lémir Abou Yacoub, le commandement dun corps de cinq mille cavaliers avec ordre de se porter vers Séville pour faire des razias, et de passer lOued el-Kebyr pour saccager toutes les terres des ennemis. Abou Yacoub se mit en marche le même jour après la prière du Douour ; lémir laccompagna en dehors du camp, et il le congédia après lui avoir recommandé de craindre Dieu et lavoir béni ; il revint alors se poster de nouveau devant la porte de Xérès, quil battit jusquà lheure de lAsser. Après avoir fait tout le tour des murs, il rentra au camp. Le samedi 30, lémir des Musulmans donna ordre à son fils, lémir Abou Mahrouf, de monter à cheval avec un corps de combattants pour aller harceler Xérès. Abou Mahrouf se rendit aussitôt sous les murs de cette place quil battit jusquau soir, sans relâche et sans cesser de détruire les ennemis, tuant les hommes, faisant prisonniers les femmes et les enfants; mais le but de ces combats perpétuels était principalement pour empêcher les habitants de Xérès de se ravitailler, et pour que les Musulmans pussent tranquillement moissonner et récolter les blés dans les campagnes environnantes. Chaque jour, en effet, les Croyants sortaient du camp avec leurs animaux et rappor taient des quantités considérables de blé, dorge et de provisions de toute espèce, au point que nul navait besoin de les vendre ou de les acheter. Les guerriers vivaient dans labondance et le camp devint bientôt semblable à une grande ville contenant tous les métiers et tous les commerces. Ceux qui en furent témoins oculaires peuvent seuls se faire une idée de ce que cétait. On trouvait là tous les arts et métiers et des fabriques de toutes choses, excepté de haïks ; il y avait 1e marché de la laine filée et du coton. Les souks couvraient la plaine et les hauteurs, et si en les parcourant on se séparait dun
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compagnon, on ne le retrouvait plus que deux un trois jours après, tant la foule était grande. Lémir Abou Yacoub était parti du camp avec cinq mille cavaliers des plus distingués, plus deux mille volontaires, treize mille hommes des Mesmouda et autres Kabyles du Maghreb, et mille archets ; il emmenait également avec lui une grande quantité de mulets et de chameaux chargés de bagages, darmes et de munitions ; mais ce nétait point par crainte des Chrétiens quil déployait tant de forces, cétait parce quil avait la ferme intention de se répandre partout en même temps. Il fit sa première halte au Djebel Abryz, où il donna la ration aux chevaux, et de là il se rendit à El-Kouas. Les Musulmans commencèrent alors à chanter leurs hymnes à Dieu (quil soit glorifié !) avec une telle ardeur, que la force de leurs cris fit trembler la terre. Ils marchèrent, toute la nuit sans cesser leurs cantiques, et, le matin, ils atteignirent lAïn el-Sakhra, où ils firent leurs dévotions et se reposèrent jusquà lAsser. Ils se remirent en route, et la nuit les surprit à lOued Lekk, où ils trouvèrent un chemin couvert de ronces et de pierres. Lémir Abou Yacoub nen avança pas moins et les troupes le suivirent, mais ses soldats se perdirent bientôt dans les ténèbres et nul ne savait plus où était son voisin. Abou Yacoub, sétant aperçu quil avait beaucoup devancé les Musulmans, sarrêta et donna ordre aux cavaliers de retourner sur leurs pas pour les rallier ; il fit battre le tambour, et, en lentendant, ceux qui sétaient égarés rejoignirent lémir, qui ne bougea pas de place jusquau retour du dernier absent. Alors il se remit en marche avec toute son armée, et le matin il put faire sa prière près de lOued el-Kebyr ; il avança encore jusquau lever du soleil, et, sétant arrêté, il descendit de cheval, invoqua le Sei gneur et fit ses préparatifs de combat ; tous les Musulmans limitèrent pour demander lassistance de Dieu. Lémir remonta à cheval et passa le fleuve avec toutes ses troupes; il donna ordre aux Croyants de commencer les opérations sur le pays des sociétaires, et chaque corps se dirigea de son côté. Les Beny Askar et les Arabes Khelouth partirent ensemble ; une heure après, ils rapportèrent à lémir un butin considérable, vaches, bestiaux, bêtes de somme, Barbares et femmes. Les Arabes Soufyan se portèrent contre un château fort quils enlevèrent à lassaut après avoir mis le feu aux portes ; ils tuèrent les hommes, prirent les femmes, les enfants, les troupeaux, tout ce quils trouvèrent, et ils revinrent vers lémir chargés de butin. Les autres détachements se répandirent dans le pays, tuant les Chrétiens ou les faisant prisonniers, ravageant, incendiant, renversant tout, et ils retournèrent égale ment chargés de dépouilles vers lémir Abou Yacoub, qui se tenait lui-même sur les traces des combattants avec un corps délite de Beny-Meryn et de cheïkhs arabes. Le général des Aghzâz, nommé Hasra, sen alla avec cent cavaliers
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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attaquer le château dEl-Oued, où il fit soixante et dix prisonniers, après avoir tué un pareil nombre de Barbares qui défendaient les portes. Les Musulmans coururent sur les routes et dans les champs, dévastant et incen diant les moissons jusquà lheure de lAsser, à laquelle ils rallièrent le camp, où ils égorgèrent ce jour-là environ dix mille têtes de bétail. Lémir, ayant donné ordre de réunir le butin et de lénumérer, prit note par écrit des quantités et les confia à des administrateurs. La nuit les soldats sendor mirent joyeux et satisfaits, tandis que, sur lordre de lémir, le camp était gardé par trois cents cavaliers postés en sentinelles ou faisant la ronde jus quau jour. Le lendemain matin, lémir Abou Yacoub fit sa prière, et donna ordre de battre le tambour ; les Croyants montèrent à cheval et, sétant ras semblés, ils pénétrèrent avec lui dans les bourgs situés dans les bois dont ils mirent à sac toutes les habitations; ils dévastèrent les cultures, tuèrent plusieurs milliers de Chrétiens et en firent autant prisonniers avec leurs femmes et leurs enfants ; ils passèrent deux jours à courir ainsi dans la forêt et les ravins, où ils ne laissèrent absolument rien aux Chrétiens. De retour sur les bords de lOued el-Kebyr, lémir passa le fleuve en se faisant précé der de tout le butin, et, arrivé, sur lautre rive, il prit dassaut une forteresse chrétienne, dont il massacra la garnison et enleva les biens. Les troupes se reposèrent toute la nuit ; le lendemain matin, elles se remirent en marche doucement avec le butin, et. elles sarrêtèrent près de Carmona pour passer la nuit. Le jour suivant, lexpédition atteignit El-Kouas et le Djebel Djeryz où lémir se reposa les deux premiers tiers de la nuit; il se remit alors en chemin, et au jour il se trouva près du camp de lémir des Musulmans, qui, à la nouvelle de son approche, monta à cheval avec ses guerriers pour aller à sa rencontre. Les deux troupes se rencontrèrent près de Xérès, le dimanche 5 de raby el-tâny. Le butin que lémir Abou Yacoub apportait couvrait la terre en long et en large; et son armée défila devant Xérès avec toutes ses prises et précédée des prisonniers enchaînés et des femmes avec la corde au cou, dans le but de donner le tout en spectacle aux Chrétiens qui se trou vaient dans la place et de les frapper dépouvante. Le tambour battait, les Croyants chantaient les grandeurs de Dieu, et ce fut un jour superbe qui enivra de joie les guerriers saints. Le lundi 6, lémir Abou Zyan partit pour Tarifa avec une forte troupe de Musulmans, de volontaires et cinq cents cavaliers arabes des Beny Djaber; il livra le même jour un grand combat à Xérès. Le mardi 7, lémir des Musulmans donna à son fils, lémir Abou Zyan, le commandement de mille cavaliers avec ordre de courir sur les bords de lOued el-Kebyr. Abou Zyan sortit de la tente avec létendard de son père et se mit en marche. Ses mille cavaliers étaient composés de trois cents Arabes
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Beny Djaber, commandés par Youssef ben Khytoun et sept cents Beny Meryn. Le soir il arriva près de El-Kouas, où il passa la nuit, et le lende main matin, en remontant à cheval, il expédia devant lui cinquante cavaliers pour ravager les environs de. Carmona. Ceux-ci partirent et tuèrent un bon nombre de Chrétiens, dont ils prirent les femmes et les biens. La cavalerie de Carmona fit une sortie contre eux, et ils soutinrent le combat jusquà lar rivée de lémir Abou Zyan, qui mit les Infidèles en déroute et en tua beau coup. Les Musulmans se portèrent alors contre un château fort qui était tout proche et où étaient renfermés Un grand nombre de Chrétiens avec leurs femmes, leurs enfants et leurs biens. Après avoir battu la place pendant une heure, une partie des Beny Djaber descendirent de cheval et, boucliers en mains, ils savancèrent en lançant des flèches jusquau fort, où ils entrèrent à lassaut; ils massacrèrent la garnison et prirent les femmes et les biens. Alors lémir Abou Zyan donna ordre à ses troupes dincendier les moissons, de couper les arbres et de détruire les habitations. Il saccagea ainsi tout, le pays entre Carmona et Séville, jusquà une forteresse située au sud de cette der nière ville, quil attaqua, emporta dassaut et livra aux flammes. Il fit ensuite un choix de cinq cents cavaliers quil lança contre Séville, sous les murs de laquelle ils prirent, cent cinquante femmes et quatre cents Barbares. Dans un seul champ de blé ils massacrèrent plus de cinq cents Chrétiens occupés à moissonner pour Alphonse ; il ne sen échappa pas un seul, et les Musul mans prirent une quantité innombrable de chevaux, mulets, vaches et bes tiaux. Lémir Abou Zyan ayant alors réuni tout le butin, le fit passer devant lui et rejoignit son camp à lentrée de la nuit ; le lendemain, il se mit en marche pour retourner chez son père. Le lundi 13 de raby el-tâny, lémir Abou Yacoub partit, avec trois mille guerriers saints et deux mille soldats et, arbalétriers, pour lîle de Keb tour(1) de lOued el-Beira. Les Musulmans passèrent le fleuve sur des navires quils avaient fait ,venir de la mer, et entrèrent dans lîle, dont ils massacrè rent tous les habitants, excepté les femmes et les enfants quils firent prison niers. Hasra, général des Aghzâz et son cousin se distinguèrent beaucoup dans cette expédition. Le jeudi 16, les Musulmans sembarquèrent, de lîle de Kebtour pour passer à Algéziras, afin dy prendre des balistes, des flèches et autres instru ments de guerre pour battre Xérès. Le vendredi, les Arabes Soufyan attaquèrent une forteresse et y pri rent trois cents vaches, quatre mille têtes de bétail, trente Chrétiennes et seize Barbares ; ils en tuèrent aussi un grand nombre et ils revinrent an camp avec le butin.
____________________ 1 Aujourdhui Isla Mayor, sur le Guadalquivir.
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Le mardi 21, lémir des Musulmans expédia trois cents cavaliers pour courir sous Carmona, doù ils rapportèrent au camp une forte quantité de bêtes de somme, vaches, bétail, femmes et enfants. Le jeudi 30, Ayad el-Assamy se mit en campagne avec une troupe de ses frères, et se porta contre une forteresse située sur les bords du fleuve; il enleva le faubourg à lassaut, lincendia, tua plus de trois cents Chrétiens, et il rentra au camp avec le butin et quatre-vingt-seize prisonniers, dont soixante et seize femmes et vingt barbares. Le vendredi 1er de djoumad el-aouel, les Chrétiens de Xérès firent une sortie pour se procurer des vivres et du bois, et les Arabes Soufyan, se portant aussitôt entre eux et la ville, leur coupèrent la retraite et leur tuèrent plus de cinquante hommes. Le samedi 2, lémir des Musulmans donna à Hadj Abou Zoubyr Talhâ ben Aly le commandement de deux cents cavaliers, avec ordre daller explo rer Séville et de sinformer de la situation de Sancho ; roi des Chrétiens, dont, il navait aucune nouvelle ; il lui adjoignit des espions andalous et juifs. Le lundi 4, lémir des Musulmans monta à cheval avec tous ses guer riers, fantassins et cavaliers, et sen alla attaquer la forteresse de Chelouka, quil battit et emporta dassaut; il incendia les jardins et les habitations envi ronnantes ; il tua les hommes, prit les femmes et pilla les biens. Ce jour-là il ne resta au camp que les Arabes Soufyau pour le garder. Le jeudi 7, Ayad el-Assamy sembusqua avec les siens dans les grot tes de Xérès, puis il savança avec quelques hommes et portant, lui-même son pavillon rouge jusque sous la porte de la ville. Les Chrétiens, le voyant ainsi isolé, sélancèrent à pied et à cheval en un seul bond pour larrêter; mais Ayad, prenant la fuite, les attira à sa poursuite jusquà lendroit où ses soldats se tenaient cachés, et ceux-ci, sortant tout à coup de leurs grottes, leur coupè rent la retraite et leur tuèrent soixante et treize hommes. Ayad (que Dieu lui fasse miséricorde !) était un excellent Musulman, ennemi juré des Chrétiens quil ne cessa de harceler nuit et jour, sans se reposer ni seul moment, depuis le jour de larrivée du camp à Xérès jusquau jour de son départ. Cest ainsi que lémir des Musulmans Abou Youssef fit la guerre sainte, depuis le samedi 7 de safar 684, jour de son débarquement à Tarifa et de son campement à Aïn el-Chems, jusquau 28 de djoumad el-aouel de ladite année, jour de son départ ; il ne cessa de ravager les pays ennemis au levant et au couchant, marchant souvent la nuit, multipliant les combats et les razias, et envoyant successivement ses fils et petits-fils courir sur les terres ennemies avec de magnifiques troupes. Durant tout le siége de Xérès, chaque matin, à peine avait-il achevé sa prière, il mandait auprès de lui un de ses fils, petits-fils ou cheïkhs des Beny Meryn pour lui donner un détache ment de deux cents cavaliers avec ordre de se porter sur tel point du pays
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quil voulait raser. Cela dura tant que tous les points voisins ou éloignés ne furent pas complètement battus. Les lieux les plus dévastés furent Niébla, Séville. Carmona, Ecija, Jaën et Djebel Cherf. Lorsque le pays entier fut abîmé, que toutes les moissons furent mangées, les bois coupés, les biens pillés, et que rien dutile ne resta plus aux Chrétiens ; et comme, dun autre côté, lhiver commençant, les denrées devenaient de plus en plus rares et chères dans le camp, lémir des Musulmans se décida à retourner dans son pays. Il était en route lorsquil apprit que les Chrétiens (que Dieu les con fonde !) avaient armé une flotte pour lui couper le passage du détroit; il se hâta darriver à Tarifa, où il donna ordre déquiper immédiatement des navires; ce qui fut fait à Ceuta, Tanger, Rabat el-Fath, sur la côte du Rif, à Algéziras, à Tarifa et à Al-munecar. Il réunit ainsi trente-six bâtiments armés et équipés complètement et montés par de nombreux arbalétriers et autres guerriers. Lorsque les Chrétiens eurent connaissance de ces préparatifs et se furent assurés du nombre et de la force des navires des Croyants, ils craignirent dêtre écrasés et, prirent la fuite sans attendre larrivée de la flotte musulmane, qui se rendit auprès île lémir Abou Youssef à Algéziras. Les vaisseaux se mirent en rang dans la rade, sous ses yeux, pendant quil était dans la salle du conseil de son palais de la ville nouvelle, et ils firent des exercices et des simulacres de combat devant lui. Lémir complimenta chacun des chefs, leur fit des présents, et leur ordonna dattendre quil eût besoin deux. Cependant Sancho, roi des Chrétiens, voyant son pays ruiné, ses guer riers détruits; ses femmes prisonnières, et apprenant de plus que les équipages quil avait envoyés pour intercepter le détroit avaient pris la fuite en déroute, envoya sa soumission et entra dans la voie de la paix et de lhumilité.
ARRIVÉE DES PRÊTRES ET RELIGIEUX CHRÉTIENS À LA COUR DE LÉMIR DES MUSULMANS POUR LUI DEMANDER LA PAIX.
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Lauteur du livre (que Dieu lui fasse miséricorde !) a dit : Lorsque lémir des Musulmans, pressé par lhiver, eut décidé de sen retourner chez lui, Sancho, roi des Chrétiens, sortit de Séville pour aller à Xérès, et à la vue des ravages que les guerriers saints avaient faits dans son pays désolé par le massacre, lincendie, la captivité et la destruction de ses principaux sujets, il sentit le feu calciner son foie et il en perdit le sommeil. Il envoya une députation de confiance, composée de prêtres, de religieux et des principaux chefs, au camp de lémir des Musulmans, où ils arrivèrent humbles, craintifs et soumis, pour implorer la paix; mais lémir ne voulut ni entendre leurs discours, ni leur adresser un seul mot, et ils sen retournèrent humiliés vers celui qui les avait envoyés ; néanmoins, Sancho leur ordonna de renouveler
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leur ambassade dans lespérance dun meilleur succès. Ils revinrent donc vers lémir et ils lui dirent : «O toi ! roi victorieux, écoute nos prières ; nous voici, le cur brisé, implorant ta clémence. Nous te demandons le pardon et la paix, qui est une si bonne chose. Ne nous repousse pas et ne nous renvoie plus sans avoir exaucé nos prières.» Lémir Abou Youssef leur répondit : «Je ne ferai point la paix avec votre roi sans des conditions que je lui enverrai dans un traité, par un de mes officiers; sil les accepte, je lui accorderai le salut ; sinon je continuerai à lui faire la guerre.» Alors il manda auprès de lui le cheikh Abou Mohammed Abd el-Hakk, linterprète, et lui dit : «Va-ten chez ce maudit, et signifie-lui que je ne lui accorderai in paix, ni repos, si ce nest aux conditions que voici : Aucun empêchement ne sera mis aux affaires des Musulmans dans les pays chrétiens, ni à leur navigation dans tous les ports. Aucun Musulman ne sera inquiété sur terre il sur mer, et cela quil sagisse de mes sujets ou de tous autres Mahomé tans. Le roi Sancho sera sous ma suzeraineté et soumis à mes ordres sans restriction. Les Musulmans voyageront et commerceront librement, nuit et jour et en tous lieux, sans être inquiétés ni empêchés, ni soumis à aucune taxe oui impôt, ni au payement quelconque dun dinar ou dun drahem. Le roi Sancho ne se mêlera pas même dun mot des affaires des Musulmans et ne fera la guerre à aucun deux.» Abou Mohammed Abd et-Hakk partit pour remplir le message de lémir des. Musulmans, et trouva Sancho de retour à Séville (que Dieu très-haut la rende à lIslam !) ; il le salua et lui communiqua les paroles de lémir et ses conditions, quil agréa et accepta. Abou Mohammed Abd el-Hakk lui dit alors : «O roi ! tu tes soumis au traité, mais écoute bien mes conseils. - Parle, lui répondit Sancho, et dis moi ce que tu voudras. Abd el-Hakk reprit donc : «O roi ! il est une chose connue et que les confesseurs des deux religions savent par cur, cest que lémir des Musulmans Abou Youssef (que Dieu lui soit propice !) est ami de la religion et de laman ; quil est fidèle à sa parole, quil tient lorsquil promet et quil oublie généreusement les injures passées. Mais toi, nul ne connaît ton caractère autrement que par ta conduite envers ton père, con duite indigne qui te fait tenir en suspicion par tout le monde.» Sancho lui répondit : «Si javais su que le roi Abou Youssef aurait accepté mes servi ces, il y a longtemps que je les lui aurais consacrés.» Abou Mohammed reprit alors : «Par Allah ! si tu sers fidèlement lémir des Musulmans, je te promets que tu obtiendras de lui tout ce que tu voudras. Eh bien, lui dit Sancho, que dois-je donc faire, dorénavant, pour le satisfaire? La première chose, continua Abou Mohammed, cest de ne pas te mêler, même dun mot des affaires des Musulmans, et déviter de faire
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naître des discussions entre eux. Laisse-les voyager et commercer partout où bon leur semblera. Si Ben el-Ahmar te fait des propositions dalliance, repousse-les et éloigne-toi de lui ; et sil tenvoie des messages, ne les reçois point ; cest ainsi que tu seras agréable à lémir des Musulmans, quil te conservera la paix et quil taidera à défendre tes frontières. Il se trouvait justement que Ben el-Ahmar venait denvoyer des ambassadeurs auprès de Sancho pour faire alliance avec lui contre lémir des Musulmans, et la flotte de Sancho était déjà armée dans la rivière et prête à partir. Aussi, en entendant, ces denières recommandations dAbou Mohammed, Sancho lui répondit seulement : «A demain, et tu verras ce que je ferai. En effet, le lendemain Sancho se rendit à cheval sur le bord du fleuve et sy arrêta ; rejoint un instant après par les messagers de Ben el-Ahmar, il envoya cher cher Abou Mohammed, et après lavoir complimenté, il le fit asseoir à son côté. Alors il engagea la conversation, qui continua jusquau moment où la flotte à la voile arriva devant eux. A cette vue, les ambassadeurs de Ben elAhmar lui dirent: «O roi ! quest-ce donc que ces bâtiments qui viennent ?» Sancho leur répondit : «Ces bâtiments, nous les avons armés pour le ser vice de lémir Abou Youssef et pour être à ses ordres, quels quils soient.» En entendant cela, les envoyés de Ben el-Ahmar frappèrent leurs mains de colère et ils échangèrent entre eux des regards désespérés. Rompant enfin le silence, ils dirent : «Eh bien , quallons-nous donc répondre en revenant de chez toi, ô roi ?» Sancho leur riposta : «Vous répondrez que je nai pas compris vos propositions dalliance avec Ben el-Ahmar. Comment, en effet, pourrais-je mallier avec lui, et pourquoi donc me soumettrais je à des conditions ? Est-il mon parent ? Est-il mon semblable pour que je consente à pareille chose ? Celui-ci, au contraire, nest venu que pour me dire de servir son maître; comme petits et grands doivent le faire, car son maure est le souverain Abou Youssef, émir des Musulmans dans les deux Adouas, roi de Fès et de Maroc ; il gouverne les Musulmans du Maghreb et il est le plus illustre des sultans, quil surpasse tous par son caractère, par sa force et par le nombre de ses armées. Il a anéanti la dynastie dAbd el-Moumen et renversé le gouvernement des Almohades ; il ny a pas sur la terre de roi plus puissant que lui. Vous nignorez pas quil ma vaincu et quil a vaincu mon père avant moi, quil a conquis mes états, détruit mes sujets et mes soldats, enlevé mes harems et pillé mes biens. Nous ne sommes donc pas capables de le battre ni de lui faire la guerre, et quand tous les rois chrétiens lui écrivent pour lui demander la paix et la tranquillité, comment pourrais-je repousser ses conditions pour mallier à son ennemi, qui mest inférieur en forces et en courage ? Rapportez mes paroles à Ben el-Ahmar,
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et dites-lui quil ne peut plus exister de relations entre nous, parce que ces relations ne serviraient ni mon pays, ni mes sujets ; dites-lui encore que, nayant point pu résister à lémir des Musulmans pour mon propre compte, je ne saurais lui résister pour les autres ; et enfin, que largent quil ma remis a été dépensé ou enlevé malgré moi, par le sabre de lémir Abou Youssef.» Les envoyés de Ben el-Ahmar se retirèrent, convaincus quils navaient rien de plus à attendre du fils dAlphonse, et Abou Mohammed Abd el-Hakk dit alors : «Bien, voilà ceux-ci congédiés, et moi, comment me renvoie-tu chez mon maître ?» Sancho lui répondit : «Je consens à lui dévouer tous mes services et à obéir à ses ordres. Tu devrais dabord, lui répondit Abd el-Hakk, te rendre auprès de lui. Avec empressement,» lui répliqua Sancho. Lorsque les préparatifs de départ furent achevés, les Chrétiens de Séville se soulevèrent et fermèrent les portes pour sopposer au départ de leur roi, en disant quils craignaient pour lui lémir des Musulmans; mais Sancho, leur ayant signifié quil était bien décidé à se rendre auprès de lémir pour faire sa connaissance et contracter la paix, ils le laissèrent libre et lui dirent : «Fais donc ce que tu voudras et lui de même.» Alors Sancho quitta Séville; mais à peine eut-il fait la première étape, les doutes et la crainte le saisirent aussi, et il dit à Abou Mohammed Abd el-Hakk, linter prète : «Je ne sais vraiment pas quel sera leffet de ma soumission, et jai besoin que tu me rassures en me jurant que je vais avec laman, et quen aucun cas je ne serai retenu prisonnier.» Abd el-Hakk prêta le serment exigé sur le Livre (Koran) quil portait avec lui, et tranquillisa le cur de Sancho. Ils allèrent ainsi jusquà Xérès; mais alors les terreurs de Sancho recom mencèrent, et il dit à-Abd el-Hakk : «Décidément je nirai point chez lémir des Musulmans Abou Youssef, à moins que son fils, lémir Abou Yacoub, ne vienne me chercher et me donner laman pour me conduire lui-même sous sa sauvegarde.» Ces paroles déplurent beaucoup à Abd el-Hakk, qui craignait surtout que ce que demandait Sancho ne fût une chose humiliante pour les Musulmans, et il lui répondit : «Cest bien, Abou Yacoub viendra vers toi ; mais tu sais quil est grand roi et sultan magnifique, et sil arrive dans tes états avec son armée pour disposer Son père en ta faveur, il con viendra de lui remettre la place si tu veux conserver ton gouvernement ; tu ne peux plus garder Xérès sil y rentre, et en ne la lui remettant pas, tu man querais à ce que tu lui dois et tu mépriserais sa puissance; réfléchis bien, car nul ne peut prévoir ce qui arrivera si tu lappelles ici.» En entendant cela, Sancho revint sur ses prétentions et répondit : «Cest bien ; jirai moi-même au-devant de lui.» Ils sortirent donc de la ville, et, Abd el-Hakk, prenant les devants, sen alla auprès de lémir Abou Yacoub pour lui faire part des
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désirs de Sancho, de sa soumission et de sa demande dêtre présenté à lémir des Musulmans sous sa sauvegarde. Lémir Abou Yacoub répondit, «Cest bien ;»et il sortit avec Abou Mohammed ben Abd el-Hakk et une superbe troupe de guerriers Beny Meryn pour aller à la rencontre de Sancho, quils rejoignirent à plusieurs milles de Xérès, et qui leur manifesta sa joie par son accueil et en leur fournissant les provisions pour tout le camp. Lémir Abou Yacoub (que Dieu lui lasse miséricorde !), ayant ordonné détablir le camp en dehors des limites de Xérès, fit monter sa tente et y mena Sancho, qui lui dit : «Ô émir heureux ! sultan béni et superbe, je me place sous ta protection jusquà ce que tu maies présenté à lémir des Musulmans ton père.» Abou Yacoub lui donna laman et le rassura sur les dispositions de son père en lui promettant de lui faire accorder tout ce quil demanderait. Sancho lui répon dit : «Je suis tranquille à présent et jai repris confiance.» Le soir, lémir Abou Yacoub monta à cheval et sortit du camp ; tous les habitants de Xérès accoururent pour le voir, et les guerriers Beny Meryn vinrent chevauchant exécuter des jeux devant leur maître. Sancho se tenait à cheval aussi à côté de lémir, et il lui dit : «Jéprouve mille satisfactions de ce que Dieu chéri a fait pour moi en maccordant cet accueil de votre part, qui massure la paix et la tranquillité dont je suis le premier à jouir.» Alors, prenant lui-même la lance et le bouclier, il se mit à exécuter des jeux avec ses guerriers devant lémir Abou Yacoub, et la fête dura jusquau coucher du soleil. Le lendemain, Abou Yacoub et Sancho se rendirent chez lémir des Musulmans, quils trouvèrent au fort El-Sakhrâ, près de lOued Lekk, et qui prit ses dispositions pour les recevoir le jour même ; il donna ordre à toute la troupe de shabiller de blanc, et la terre se couvrit de la blancheur des Musulmans, tandis que Sancho savançait avec tous ses sociétaires vêtus de noir; cela formait un surprenant contraste. Arrivé devant lémir des Musul mans, Sancho, se prosterna, et quand il eut reçu laman, il se plaça à son côté et lui dit : «O émir des Musulmans ! Dieu très-haut, qui ma fait la grâce de te rencontrer, ma ennobli aujourdhui par ta vue. Jespère que tu maccor deras une petite partie de ton bonheur pour que je puisse vaincre les rois des Chrétiens. Ne crois pas que je sois venu de plein gré te faire soumission ; par Dieu, je ne sois venu à toi que malgré moi, parce que tu as ruiné mes états, tu as enlevé nos harems et nos enfants, massacré nos guerriers et que je suis sans forces et sans puissance pour te combattre et me mesurer avec toi. Maintenant jobéirai à tes ordres et jaccepte toutes tes conditions dans les pérance de la paix pour moi et pour mes sujets.» Alors il lui fit remettre des présents riches et rares, et il en offrit autant à lémir Abou Yacoub. Lémir des Musulmans lui rendit la contrevaleur de ses cadeaux, et la paix fut
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ainsi cimentée entre eux le dimanche 20 de châaban. Lémir renvoya Sancho dans son pays en lui donnant ordre (que Dieu lui fasse miséricorde !) de lui expédier tous les livres arabes qui se trouveraient dans les mains des Chré tiens et des Juifs dans ses états, et Sancho lui envoya treize charges compo sées de Korans, de commentaires, comme ceux de Ben Athya, El-Thâleby et autres ; de Hadits et de leurs explications, telles que El-Tahdhîb, El-Istid hkâr et autres ; douvrages de doctrine spéciale, de philologie, de grammaire et de littérature arabe et autres. Lémir des Musulmans (que Dieu lui fasse miséricorde !) envoya tous ces livres à Fès et les fit déposer, pour lusage des étudiants, dans lécole quil avait fait bâtir par la grâce de Dieu et sa générosité. Après le départ de Sancho, lémir des Musulmans revint à Algéziras, où il entra le 27 de châaban ; il vit avec joie que le palais, le méchouar (salle du conseil et de réunion) et la mosquée quil avait donné ordre de bâtir dans la ville nouvelle étaient achevés ; il descendit dans son palais et y passa tout le ramadhan. Le vendredi, il se rendait à la mosquée sacrée, et il ne manqua pas une seule fois de faire sa prière (el-ichfâ) au méchouar. Tant que dura le ramadhan, il fit pénitence en priant et en jeûnant debout. Les docteurs passaient toutes les soirées à lui lire des ouvrages de science, et, au dernier tiers de la nuit, il se levait pour lire le Koran et sentretenir avec Dieu, dont il implorait la clémence et la miséricorde. Le jour de la fête de la rupture du jeûne, il se rendit, après la prière, dans la salle du méchouar, où il reçut les cheïkhs Meryn et arabes, auxquels il offrit une collation. En sortant de table, le fekhy Abou Farès Abd el-Azyz el-Mekenèsy el-Melzouzy présenta un poème dans lequel il retraçait les exploits de lémir, de ses fils et de ses neveux; il célébrait une à une les tribus des Meryn et des Arabes, leur gloire et leur amour pour la guerre contre les Infidèles ; il mentionnait la fonda tion de la nouvelle ville, des édifices et de la résidence de lémir dont, il exaltait la piété, et il terminait en lui rendant grâces pour avoir été légide de la religion et la providence des docteurs. Ce poème fut lu par le fekhy Abou Zyd, de Fès, connu sous le nom dEl-Kherably, en présence de lémir et de tous les cheïkhs Meryn et arabes, qui lécoutèrent attentivement dun bout à lautre. En finissant, le lecteur vint baiser la main auguste de lémir, qui le gratifia de deux cents dinars, et fit donner à lauteur mille dinars, des vêtements et une jument. Voici ce poème(1) : Dans la dernière décade de ramadhan, 684, lémir des Musulmans envoya son fils Abou Zyan avec au fort détachement, pour surveiller les
____________________ 1 Nous dispensons le lecteur de la traduction de ce poème, qui nest autre chose quune, répétition rimée en cent quatre-vingt-sept vers du journal détaillé de lexpédition de Xérès; que lauteur du Kartas paraît avoir transcrit (page 490 et suiv.) tel quil fui teint durant tout le temps que le sultan meryn demeura en Espagne.
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frontières de Ben el-Ahmar, mais en lui recommandant bien de ne point les inquiéter et de respecter les sujets de ce prince. Lémir Abou Zyan partit et vint établir son camp à la forteresse dEl-Dhekouan, située au midi de Malaga. Durant. ce même ramadhan, mourut à Algéziras le ministre Abou Aly Yhya ben Abou Yezyd el-Askoury. A la fin du mois de chouel, lémir des Musulmans donna ordre à Ayad el-Assamy daller sétablir avec tous ses frères à Estibouna (Estepona), où ils arrivèrent le 1er de doul kâada. Le lundi, 16 de doul kâada, lémir Abou Yacoub sembarqua à Algé ziras sur un trirème, commandé par le kaïd, le guerrier Abou Abd Allah Mohammed, fils du kaïd Abou el-Kassem el-Redjeradjy, pour passer dans lAdoua et y examiner la situation des affaires. Il débarqua au Kessar elMedjaz. Durant cette même année, la zaouïa Taferthast fut construite sur le tombeau du béat émir Abou Mohammed abd el-Hakk, et lémir des Musul mans dota cette zaouïa de quarante paires de bufs de labour. Le 30 de doul kâada, lémir fut atteint de la maladie dont il mourut. Le mal alla toujours. en augmentant et le consuma jusquà la mort que Dieu lui fasse miséricorde !), qui arriva dans la matinée du mardi 22 de moharrem 685 (1286 J. C.), dans son palais de la ville neuve dAlgéziras. Son corps fut transporté à Babat el-Fath, dans lAdoua, où on lenterra dans une cha pelle de Chella. Son khalifat avait duré vingt-neuf ans, depuis le jour de sa proclamation à Fès, après la mort de son frère Abou Yhya, et dix-sept ans et vingt jours depuis le jour où il prit la ville de Maroc, renversa la dynastie dAbd el-Moumen et gouverna tout le Maghreb. Mais nous appartenons à Dieu, et à Dieu nous reviendrons tous. LIslam entier prit le deuil, et sa perte fut, grande et douloureuse pour tous. Il sen alla retrouver Dieu chéri, con duit par lesprit (Gabriel) et par les anges, pardonné et agréé. Le Très-Haut veilla sur lIslam à cause de lui, et conserva le khalifat et sa bénédiction victorieuse à son fils et à ses petits-fils. (Que Dieu comble de bénédictions notre seigneur Mohammed, sa famille et ses compagnons !)
RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS, ABOU YACOUB FILS DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU YOUSSEF BEN ABD EL-HAKK. QUE DIEU LEUR SOIT CLÉMENT !
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Lémir des Musulmans Abd Allah Youssef, fils de lémir des Croyants Youssef ben Abd el-Hakk, prénommé Abou Yacoub, surnommé El-Nasser Ledyn Illah, était fils dune femme légitime descendante dAly, nommée oum el-Az, fille de Mohammed ben Hâzem el-Alaouy (lAlide), et naquit dans le mois de raby el-aouel de lan 638. Il fut proclamé khalife à Algézi ras le jour même de la mort de son père, et, pendant quil était lui-même dans lAdoua. Son élection fut reçue par les ministres et les cheïkhs qui lui
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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envoyèrent immédiatement la nouvelle; il la reçut dans les environs de Fès et il sen revint en toute hâte à Tanger pour sembarquer aussitôt sur la flotte qui lattendait. Il passa la mer et débarqua à Algéziras, où sétaient réunis les Meryn, les Arabes et des députations de tous les Musulmans de lAdoua et de lAndalousie. Il arriva le 1er de safar 685, et le jour de sa proclamation il était âgé, de quarante-cinq ans et huit mois. Dès quil eut pris les rênes des affaires, il distribua de largent à toutes les tribus Beny Meryn, arabes et andalouses, aux étrangers et à la troupe; il fit des présents aux docteurs et aux saints ; il distribua des aumônes aux nécessiteux ; il rendit la liberté, aux prisonniers dans tous ses états ; il dis pensa les Croyants de limpôt el fythrâ(1), dans lintérêt des pauvres, en laissant à chacun la liberté de faire cette aumône comme il lentendrait; il supprima la taxe des maisons, et il corrigea les abus et les injustices du gou vernement ; il poursuivit. la débauche et fit fermer les mauvais lieux ; il assura la sûreté des routes; il abolit les droits de marché (el-mokous) et un nombre considérable dexactions en usage au Maghreb, ne laissant échapper que les impôts qui étaient en vigueur dans des endroits inaccessibles ou qui se percevaient secrètement ; il tint tous les Meryn sous sa domination, et, durant son règne, les affaires de ses sujets prospérèrent; il était blanc, il avait jolie taille, beau visage nez long et fin; il engageait toujours le premier la conversation pour encourager ceux qui venaient à lui; il était sensé, poli, prompt à lexécution et persévérant ; il agissait sans consulter ses ministres et il était absolu dans son gouvernement. Lorsquil donnait, il comblait, mais sil poursuivait, il détruisait; il était charitable envers les nécessiteux et vigi lant pour les affaires de ses sujets et de son pays. Son hadjeb Atâk laffranchi, qui succéda à Ambâr, affranchi comme lui, était un très-grand personnage, quon ne pouvait aborder que très-diffi cilement, et qui paraissait être aussi puissant que son maître. Ses ministres distingués furent Abou Aly Omar ben Saoud elHachemy et Abou Salah Ibrahim ben Amrân el-Foudoudy, qui fut remplacé, vers la fin du règne, par Yakhlaf ben Amrân-el-Foudoudy. Ses secrétaires furent le fekhy Abou Zyd el-Khazân et le fekhy Abou Abd Allah el-Amrâny ; puis le fekhy distingué Abou Mohammed Abd Allah
____________________ 1 Aumône aux pauvres dobligation le jour de la fête de la rupture du jeûne du ramadhan, et qui consiste en grains. dattes, fruits, et généralement en une portion de toute nourriture habituelle au donateur et à sa famille. Dans le Précis de jurisprudence de Sidi Khalil, traduit par le docteur Perron, il est dit «quil est de convenance de remettre cette aumône entre les mains de limam ;» mais cest le véritable moyen den détourner le but, et les Marocains de nos jours, riches et pauvres, sont encore reconnaissants à lémir Abou Yacoub davoir aboli lusage de faire percevoir el-fythrâ par les agents du fisc, en en lais sant lacquittement à la bonne foi de chaque individu. Nous devons ajouter que ce devoir de conscience est toujours scrupuleusement rempli au Maroc par chaque famille aisée.
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ben Aby Maddyan et le fekhy Abou Abd Allah el-Moughyly, qui était poète et improvisateur et qui conserva les archives et le sceau de létat jusquà sa mort (que Dieu lui fasse miséricorde !) ; il fut remplacé par le fekhy distin gué Abou Mohammed Abd Allah ben Aby Maddyan, et ensuite, par le fekhy, le phénix le plus célèbre de lépoque, Abou Aly ben Rachyk. Ses kâdys furent, à Fès : le fekhy Abou Hamed ben el-Boukhala ; le fekhy, le prédicateur, Abou Abd Allah ben Aby el-Saber Ayoub et le fekhy Abou Ghâleb el-Moughyly ; à Maroc, le fekhy Abou Farès el-Amrâny, le fekhy Abou Abd Allah el-Sekaty et le fekhy Abd Allah ben Abd el-Malek ; à Tlemcen (ville nouvelle), le fekhy distingué, versé dans le Hadits, Abou elHassen Aly ben Aby Beker el-Melyly. Ses poëtes soldés et attachés à la cour furent le fekhy Abou el-Hassem Malek ben Merdjal, le fekhy Abou Farès el-Mekenèsy, le fekhy Abou elAbbès el-Fechtâly et le fekhy Abou el-Abbès el-Djychy. Ses médecins furent le visir Abou Abd Allah ben el-Ghalyd, de Séville, et le visir Abou Mohammed ben Omar el-Mekenèsy. Lauteur du livre (que Dieu lui fasse miséricorde !) a dit : Après sa proclamation, lémir des Musulmans Abou Yacoub partit dA1géziras et se rendit sous les murs de Merbâla(1), où il établit son camp ; il expédia un courrier à Ben el-Ahmar pour lui demander une entrevue. Celui-ci vint à lui avec une troupe magnifique et nombreuse ; il lui fit compliment de condo léance pour la mort de son père et le félicita de son avènement au khalifat. Ils ratifièrent lalliance, et lémir des Musulmans lui abandonna toutes ses possessions en Andalousie, à lexception dAlgéziras, Ronda, Tarifa, Oued Yach(2) et leurs dépendances. Leur entrevue et leurs conventions eurent lieu dans la première décade de raby el-aouel 685. Lémir des Musulmans revint alors à Algéziras, où il passa tout le mois. Le dimanche 2 de raby el-tâny, un envoyé dAlphonse arriva chez Abou-Yacoub, qui renouvela avec lui le traité de paix fait avec son père que Dieu lui fasse miséricorde ! Dès que lémir des Musulmans eut ainsi régularisé ses affaires en Andalousie, il manda son fière, lémir Abou Athya, et lui confia le com mandement des possessions qui lui restaient en Andalousie, en lui recom mandant bien de servir Dieu, dentretenir les places et dêtre attentif au gouvernement; ensuite il manda le cheïkh, le guerrier saint, Abou el-Hassen Aly ben Youssef ben Yrdjan, et il lui donna la direction en chef des troupes et de la guerre, en laissant sous ses ordres trois mille cavaliers Meryn et arabes. Alors il passa dans lAdoua, le lundi 7 de raby el-tâny, et il descendit à Kessar el-Medjaz ; il se rendit aussitôt à Fès, où il entra le 12 de djoumad
____________________ 1 Marbella. 2 Guadix.
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el-aouel. Quelque temps après, son cousin Mohammed ben Edriss ben Abd el-Hakk se révolta avec ses enfants, et alla se retrancher au Djebel Ourgha, aux environs de Fès, où il fut rejoint par lémir Abou Mahrouf Moham med, fils de lémir des Musulmans Abou Youssef, qui fit cause commune avec lui. Abou Yacoub, après avoir inutilement envoyé divers corps darmée contre eux, parvint, à force de ruse, à ramener son frère à soumission, et à forcer Mohammed ben Edriss et ses fils à fuir vers Tlemcen ; ils furent arrêtés en chemin, enchaînés et ramenés à Rabat Taza, où lémir des Musul mans envoya son frère Abou Zyan pour les faire périr ; mais ils ne furent exécutés en dehors de la porte El-Cheryah de Fès que dans le mois de radjeb 685. En cette même année, Omar ben Othman ben Youssef el-Askoury se révolta à la forteresse Fendlaoua du Djebel Beny Yazgha. Lémir des Musulmans donna ordre aux Beny Askars et autres tribus berbères de cette partie du pays, Sedrat, Beny Ouartyn, Beny Yazgha, Beny Sytan et autres, de cerner et de combattre le rebelle, ce quils firent pendant un mois, au bout duquel lémir des Musulmans se mit lui-même en campagne et se rendit au village de Sédoura, chez les Beny Ouartyn, à la tête de ses troupes et des arbalétriers traînant avec eux les balistes et autres machines de guerre. A la nouvelle de son approche, Omar comprit quil ne pouvait se soutenir plus longtemps ni repousser lémir, et il lui envoya sa soumission, en lui deman dant la paix et laman, qui lui furent accordés ; il descendit alors de ses montagnes et proclama, lémir, qui lenvoya à Tlemcen avec tous les siens et avec ses biens. En ramadhan 685, lémir des Musulmans Abou Yacoub sortit de Fès et se rendit à Maroc, où il entra en chouel ; il y resta jusquau jeudi 13 de doul kâada. El-Hadj Talha ben Aly, el-Bathaouy sétant déclaré indépen dant dans le Sous, Abou Yacoub manda aussitôt son neveu, lémir Abou Aly Mansour, neveu dAbou Mohammed Abd el-Ouahed, et il lui donna le gou vernement du Sous, avec de largent et des troupes pour combattre Talha. Mansour arriva au Sous et attaqua les Beny Hassen quil battit et détruisit en grand nombre, dans le mois doul hidjâ. Il se porta ensuite contre Talha, quil cerna, et qui fut tué dans un combat, le lundi 13 de djoumad el-tâny 686 (1287 J. C.). Lémir Abou Aly Mansour envoya sa tête à son oncle, lémir des Musulmans, qui ordonna (que Dieu lui fasse miséricorde !) de lexposer dans tout le pays, et de lexpédier ensuite à Rabat-Taza, à la porte de laquelle elle resta pendue dans une cage de cuivre tant que dura son règne. Dans le mois de ramadhan, lémir des Musulmans sortit en expédition contre les Arabes de la partie est du Drâa, qui infestaient les chemins de Sidjilmessa. Il partit de Maroc avec douze mille Beny Meryn et fit route par
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le Djebel Askoura jusquau Bled Drâa; il continua davancer par lEst jusque sur la frontière du Sahara, où il atteignit les rebelles. Un matin, de bonne heure, il les attaqua et en fit un grand carnage ; il sempara de leurs biens et envoya leurs tètes à Fès, à Sidjilmessa et à Maroc, où il rentra lui-même à la fin de chouel. Il y célébra laïd el-kebyr et y finit lannée. En 687 (1288 J. C.), lémir sortit de Maroc vers le milieu de raby el-tâny, et se rendit à Fès, où il reçut une députation de Ben el-Ahmar, lui amenant la fille de lémir Moussa Ben Rahou, quil épousa à Maroc. Eh cette même année, au mois de safar, lémir des Musulmans donna à Ben el-Ahmar la ville de Guadix et les forteresses Randja, Byana, El-Dyr ; ElAntyr, Ghaoun et Ghouaryb. Le samedi 24 de chouel, le fils de lémir des Musulmans, Abou Amer, se révolta et sen alla chez Mohammed ben Athou, chef des Berbères Djeneta, avec lequel il entra à Maroc et sy empara du pouvoir, le 1er de doul kâada. Dès que cette nouvelle parvint à lémir Abou Yacoub, il se mit en marche contre Maroc et vint camper sous ses murs. Lémir Abou Amer, étant sorti pour lui livrer bataille, fut complètement battu ; mais, vaincu, il put encore rentrer en ville et en refermer les portes à la face de son père ; il se réfugia dans le palais, et, dès que la nuit fut venue, il tua Ben Aby el-Berkât, gouverneur du palais, il sempara du trésor et sortit de la place à minuit en fuyant vers lEst. Le lendemain, st de doul hidjà, lémir des Musulmans rentra à Maroc et pardonna aux habitants. Lémir Abou Amer erra dans les tribus de lEst avec Ben Athou, pendant six mois, et finit par entrer le 22 de radjeb à Tlemcen, doù il revint vers son père, qui lui fit grâce. Lannée suivante, 689, lémir des Musulmans écrivit à Othman fils de Yaghmourasen, émir de Tlemcen, pour lui demander lextradition de Ben Athou, le rebelle ; mais Othman là lui refusa et lui répondit : «Par Allah ! je ne te le livrerai jamais ;certes, je ne violerai pas ainsi mon propre asile. Fais ce que tu voudras contre moi ; mais je ne labandonnerai point jusquà ma mort.» Puis, séchauffant de plus en plus, il accabla dinjures lenvoyé de lémir et le mit aux fers. En apprenant cela, Abou Yacoub entra dans un grand courroux et fit aussitôt les préparatifs de guerre. Il se mit en campagne le 27 de raby el-tâny, et ce fut sa première expédition contre Tlemcen et les Abd el-Ouahed. Il commença à piller et à dévaster les environs, détruisant les champs et les habitations. Le 1er de ramadhan, lémir Othman nayant encore tenté aucune sortie, il se décida à lassiéger. Pendant seize jours il cerna la place et la battit en employant les balistes, puis il revint au Maghreb, et il rentra à Rabat-Taza le 3 de doul kâada. Lannée suivante, 690 (1290 J. C.), lalliance entre lémir des Musul mans et Sancho fut rompue, et Abou Yacoub écrivit à son cheïkh Abou el-
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Hassen Aly ben Youssef ben Yrdjan, pour lui ordonner de marcher sur Xérès et de ravager les pays Chrétiens au levant et au couchant. A la réception de cet ordre, Ben Yrdjan se mit en route avec tous ses guerriers. Il arriva sous Xérès dans le mois de raby el-tâny, et il commença aussitôt la dévastation. En même temps, lémir des Musulmans sortait de Fès pour aller en Anda lousie et convoquait les fidèles du Maghreb à la guerre sainte. Il arriva dans le mois de djoumad el-aouel au Kessar el-Medjaz, où il commença aussitôt lembarquement des guerriers Beny Meryn et arabes. Alphonse [Sancho] (que Dieu le maudisse !) envoya des bâtiments en croisière pour empêcher le passage du détroit à lémir, qui nen fut nulle ment contrarié, et qui se borna à ordonner à sa flotte de courir sur les navires chrétiens. Mais, en châaban, les Musulmans se révoltèrent en mer contre leurs commandants, quils tuèrent, et ils mirent ainsi fin à leur campagne. Lémir des Musulmans ayant attendu au Kessar el-Medjaz que de nouveaux navires fussent armés pour sa traversée, passa le détroit et descendit à Tarifa dans la dernière décade de ramadhan 690. Entrant aussitôt en campagne, il assiégea pendant trois mois la forteresse de Bahyra, expédiant chaque jour des détachements pour ravager les alentours de Xérès et du fleuve. Lorsque tout le pays fut abîmé, lémir, voyant lapproche de lhiver, sen revint à Algéziras, doù il passa dans lAdoua le 1er de moharrem 691. Bientôt il rompit aussi ses relations avec Ben el-Ahmar qui, ayant fait alliance avec Alphonse, était convenu avec lui dattaquer et de prendre Tarifa pour empê cher un nouveau retour de lémir Abou Yacoub en Andalousie. Ben elAhmar sétant engagé à fournir lentretien de larmée durant, tout le siège, Alphonse arriva sous Tarifa le 1er de djoumad el-tâny 691, et la cerna par terre et par mer, la battant sans cesse avec ses balistes et autres machines de guerre. Ben el-Ahmar lui fournit tout le nécessaire jusquau moment où les habitants de la ville lui en ouvrirent les portes, et il y entra le 30 de chouel 691. Il était bien convenu de livrer la place à Ben el-Ahmar après la prise, mais, une fois quil y fut, il y resta et il ne voulut même pas accepter en échange les forteresses de Chekych, Tabyra, Nekla, Aklych, Couchtela et ElMesdjyn que Ben el-Ahmar lui offrait. Au mois de châaban, Omar ber Yhya ben el-Ouzyr el-Ouatâsy surprit pendant la nuit la forteresse de Tazouta, dans de Rif, et sen empara. Lémir Abou Aly ben Mansour ben Abd el-Ouahed, qui commandait la place, sen fuit au milieu des ténèbres pardessus les murs et courut jusquà Rabat-Taza. Omar massacra la garnison et sempara de tout ce qui se trouvait dans cette forteresse, argent, armes, bagages et dépôt des tributs chrétiens. Lémir des Musulmans, en apprenant ces nouvelles, expédia immédiatement son minis tre Abou Aly ben Saoud, avec une forte armée, pour aller assiéger Tazouta,
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de concert avec lémir Abou Aly Mansour ; mais celui-ci, étant tombé malade de chagrin, mourut peu de temps après et fut enterré dans la mos quée de Taza. Au mois de chouel 691, lémir Abou Yacoub sortit de Fès et se rendit lui-même à Tazouta avec Amer ben Yhya ben el-Ouzyr, qui lui promit de décider soit frère Omar à évacuer la place et lui en assura la prise. Lémir lui ayant donné lautorisation de se rendre près dOmar, il entra à Tazouta, et, à la suite dune longue conversation, son dit frère Omar, enlevant. le trésor et tout ce quil put, prit la fuite la nuit à linsu de tout le monde, et sen alla à Tlemcen, en abandonnant Ie commandement de la place à son frère Amer. Celui-ci, ayant appris que lémir des Musulmans voulait lui faire payer de la vie la fuite dOmar, se renferma lui-même dans la forteresse et. refusa de se rendre. Il resta dans cette. situation jusquà larrivée dAbou Saïd Farradj ben Ismaël, envoyé de lAndalousie par Ben el-Ahmar, roi de Malaga, avec des présents pour lémir Abou Yacoub, dont il sollicitait lal liance. Abou Saïd arriva avec sa flotte dans le port de Ghasana, et Amer ben Yhya lui dépêcha aussitôt un message pour le prier dimplorer pour lui la clémence de lémir des Musulmans. Abou Saïd lui accorda son intervention, et lémir des Musulmans parut être disposé au pardon ; mais Amer, craignant pour sa personne, se borna à envoyer au port quelques-uns de ses serviteurs, qui montèrent à bord des navires dAbou Saïd pour sen aller en Andalou sie ; quant à lui, ayant attendu le milieu de la nuit, il sortit de la forteresse comme pour aller sembarquer et il prit la fuite vers Tlemcen. Des cavaliers partirent à sa poursuite, mais la rapidité de son cheval le sauva, et ils nat teignirent, que son fils Abou el-Khayl, qui fut tué et crucifié à Fès. Abou Saïd fit mettre à terre ceux qui sétaient réfugiés à bord et ils eurent la tête tranchée. Tous ceux qui se trouvaient dans la forteresse, soldats et autres, furent également mis à mort et leurs femmes et enfants furent transportés à Rabat-Taza, où ils restèrent captifs. Dans cette même année, lémir des Musulmans reçut à Tazouta même une députation de Chrétiens génois qui lui offrirent des présents magni fiques, au nombre desquels figurait un arbre en or sur lequel étaient des oiseaux qui chantaient au moyen dun mécanisme, absolument comme celui qui avait été inventé par El-Moutouakil lAbasside. En cette même année, les fils de lémir Abou Yhya ben Abd el-Hakk se révoltèrent et senfuirent à Tlemcen, où ils restèrent jusquà ce que lémir des Musulmans leur envoya dire de revenir. Dès quils furent en route pour rentrer à Fès, lémir Abou Amer, prévenu de leur approche par des espions, sortit du Rif pour les arrêter en chemin et il les atteignit à Sabra, près de la Moulouïa, où il les tua, persuadé quil devançait ainsi laccomplissement des désirs de son père ; mais lémir des Musulmans Abou Yacoub, en apprenant
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ce crime, lexila, et il ne cessa derrer dans le Rif et sur les terres de Ghou mara jusquà sa mort, dans le mois de doul hidjâ 698. Son corps fut trans porté à Fès et enterré à la zaouïà qui est à lentrée du Bab el-Fetouh. Lémir Abou Amer laissa trois enfants, Amer, Soliman et Daoued, qui ne sortirent pas de prison tant que vécut Abou Yacoub, leur grand-père; mais, à sa mort, Amer et Soliman montèrent successivement sur le trône, et nous écrirons leurs règnes à la suite, sil plait à Dieu. En doul kâada 691, Ben el-Ahmar livra la forteresse dEl-Byt à Sancho, fils dAlphonse. En cette même année, lémir des Musulmans décréta la célébration solennelle du Miloud(1) dans tous ses états, et fixa la fête au mois de raby el-aouel le béni. (Que Dieu lui fasse miséricorde pour cette innovation quon lui doit !) Cest à la fin du mois de safar de cette année que le fekhy, le prédica teur Abou Yhya ben Aby Sebor vint sétablir à Fès. Au commencement de 692 (1292 J. C. ) et jusquen djoumad el-tâny, lémir reçut successivement un envoyé de Ould el-Renk(2), roi de Portugal, un autre du roi de Bayonne et des ambassadeurs des émirs de Tlemcen et de Tunis. Le vendredi 4 de djoumad el-tâny, il entra dans la forteresse de Tazouta, et, vers le milieu de radjeb, les envoyés de Ben el-Ahmar, le raiss Abou Saïd et Abou Sol than el-Dany prirent congé à Fès et retournèrent en Andalousie. Le lundi 24, lémir Abou Amer sen alla au Kessar el-Medjaz pour inspecter les affaires de lAndalousie, et le sultan Abou Abd Allah ben el-Ahmar se mit en voyage pour venir auprès de lémir des Musulmans, Abou Yacoub, sexcuser de sa conduite au sujet de Tarifa, et lui demander le gouvernement de lAn dalousie; il, débarqua sur la plage de Blyounech, près de Ceuta, et vint à Tanger, apportant avec lui de magnifiques cadeaux, au nombre desquels était le Livre chéri (Koran), qui avait appartenu aux rois Ommyades, et dont il avait hérité dans le palais de Cordoue. Ce Koran avait été écrit par la propre main, dit-on, de lémir des Croyants Othman ben Offan (que Dieu lagrée!). Abou Abd Allah arriva à Tanger le samedi 12 de doul kâada, et il y ren contra les émirs Abou Abd er-Rahman Yacoub et Abou Amer. Lémir (les Musulmans sortit de Fès pour aller au-devant de lui après la prière de lAs ser, le 12 de doul kâada; il était accompagné de tous ses fils, mais lun deux, lémir Abou Mohammed Abd el-Moumen, mourut en chemin, dans la ville dAsgar, le dimanche 30 de doul kâada. Son corps fut porté à Fès et enterré dans la cour du Sud de la mosquée de la ville nouvelle. Arrivé à Tanger, lémir des Musulmans reçut Ben el-Ahmar, lécouta avec bien veillance, le combla de générosités et lui accorda toutes ses demandes sans
____________________ 1 Nativité du Prophète. 2 Fils de Henri.
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tenir compte de ce qui sétait passé; il lui fit de magnifiques cadeaux dune valeur équivalente à celle des présents qui lui avaient été offerts, et il le con gédia pour lAndalousie le samedi 20 de doul hidjâ 692. Dans cette même année, lémir des Musulmans, Abou Yacoub, donna à Ben el-Ahmar la direction dAlgéziras, de Ronda et de toutes les places qui en dépendaient, telles que Yamna, El-Douna, Renych, Sakhyra, Ymagh, El-Ghar, Nehyth, Tardela, Mechaour, Ouathyt, El-Medar, Adyar, El-Chy thyl, El-Thebach, Ben Tonboul, El-Dlyl, Achtebouna, Medjlous, Chemyna, El-Nedjour et Nougarech. Lannée suivante, 693, larmée de lémir des Musulmans passa en Andalousie, sous les ordres de son ministre Aly Omar ben el-Saoud, pour assiéger Tarifa, qui fut ainsi cernée pendant quelque temps. Dans cette même année, il y eut une famine et une peste désastreuses dans le Maghreb, où la mortalité fut si grande quon plaçait deux, trois et quatre cadavres sur la même planche de lavage. Le blé était au prix de dix drahems lalmoud, et six onces de farine coûtaient un drahem. Lémir des Musulmans convertit les mesures et rétablit le moud du Prophète (que Dieu le comble de bénédictions !), et cela fut fait par lentremise du fekhy, le saint Abou Farès el-Melzouzy el-Mekenésy. En 694, la situation saméliora, et le prix des denrées diminua partout. Le blé descendit à vingt drahems le sahfa, et lorge à trois drahems. Au commencement de lan 695 (1295 J: C.), lémir Abou Yacoub se mit en campagne pour aller faire des razias sur les terres de Tlemcen; il arriva à la forteresse de Taouryt, située sur la frontière des deux états et dont il navait que la moitié, lautre partie appartenant à Othman ben Yahgmou rasen. Lémir des Musulmans chassa le gouverneur dYaghmourasen et se mit en devoir de reconstruire les fortifications de cette place ; il commença les travaux le 1er de ramadhan, et toutes les murailles furent achevées et munies de leurs portes doublées de fer le 5 du même mois. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Chaque matin, après sa prière, il venait lui-même assis ter aux travaux. Alors il laissa à Taouryt. une garnison de Beny Askars sous le commandement de son frère lémir Abou Yhya fils de lémir Abou Yous sef, et il partit pour Rabat-Taza ; il célébra la fête de la rupture du jeûne sur les bords de la Moulouia. En 696, lémir des Musulmans rasa les terres de Tlemcen. En sortant de Fès il se rendit à Nedrôma, quil assiégea et battit pendant quelque temps; il vint alors à Oudjda, quil réédifia; il refit les fortifications et bâtit dans leur enceinte une kasbah, un palais, un bain et une mosquée ; il y laissa une garnison de Beny Askars sous les ordres de son frère, lémir Abou Yhva, auquel il donna ordre de harceler la ville et les environs de Tlemcen. Après
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être rentré à Fès, il se remit en campagne au commencement de lan 697, et vint lui-même assiéger Tlemcen ; il renvoya une partie de ses serviteurs, et entre autres le poète Abou Farès Abd el-Azyz, Abou Abd Allah el-Kenany et le fekhy Abou Yhya ben Aby Sebor. En cette même année, lémir Aly, connu sous le nom de ben Zarbahata, trompé par une lettre de son père lémir des Musulmans, qui avait été contrefaite parAbou el-Abbès el-Melyany, fit périr les cheikhs de Maroc, Abd-el-Kerym ben Ayssa et Aly ben Mohammed elHentaty. Mort de lémir Abou Zyan. En 698, lémir des Musulmans descendit sous les murs de Tlemcen pour la dernière. fois, car il y mourut. (Que Dieu lui fasse miséricorde !)
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Lauteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : La cause, pre mière de la guerre contre Tlemcen et les Beny Abd el-Ouahed fut la fuite de Ben Athou chez Othman ben Yaghmourasen, et le refus de son extradi tion quopposa ce prince à la demande que lémir des Musulmans lui avait adressée. Dès ce moment, les hostilités furent incessantes ; mais ce ne fut que lors de sa seconde campagne contre cette ville, en radjeb 697, que lémir Othman sortit de la ville pour livrer bataille : il fut battu et forcé de se retran cher dans la place, dont il ferma les portes et soutint le siège. Lémir des Musulmans, après avoir cerné la ville pendant quelque temps, se retira et revint à Fès, laissant à Oudjda son frère, lémir Abou Yhya, avec une troupe de Beny Askars, auxquels il donna ordre de ravager les terres de Tlemcen et de Nedrôma. Lémir Abou Yhya ne cessa, en effet, dinquiéter tout ce pays, et il resserra tellement les habitants de Nedrôma que leurs cheïkhs vin rent capituler. Lémir Abou Yhya leur accorda laman pour eux et pour les habitants de la ville, dont il prit possession ; il expédia aussitôt les mêmes cheïkhs avec ces nouvelles à son frère, auprès duquel ils arrivèrent le mardi 8 de radjeb 698. Ces cheïhks supplièrent alors lémir des Musulmans de venir les protéger contre leurs ennemis. Lémir, sétant rendu à leur appel, partit pour Tlemcen et arriva sous ses murs, le mardi 2 de châaban, au point du jour ; il sempara successivement de Nedrôma, Honeïn et, Oran, de Ternat, Mezgharân, Moustaghânem, Tenès, Cherchel, Berhkas, Beteha, Mazouna, Ouencherych, Miliana, El-Kasbah, El-Medea, Taferguint et de toutes les terres et villes des Beny Abd el-Ouahed, des Toudjyny et des Maghraoua. Le roi dAlger reconnut sa suzeraineté, un envoyé de lémir de Tunis vint chez lui avec des présents, et les habitants de Bougie et de Cons tantine se rangèrent sous son gouvernement. Cependant le siège de Tlemcen se poursuivait avec rigueur, et les troupes renouvelaient chaque jour leurs
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attaques. Quand vint lhiver, lémir des Musulmans fit bâtir un palais sur le terrain même de sa tente, puis une mosquée dans laquelle on fit le khot bah, et bientôt, sur son ordre, tous les soldats se mirent à bâtir à droite et à gauche, pendant quil entourait de murailles son palais et sa mosquée. En 702 (1302 J. C.), lémir donna ordre de renfermer tout ce nouveau Tlemcen (El-Mansoura) dans une enceinte fortifiée, et les travaux commencèrent le 5 de chouel. Cest durant ce siège quOthman. ben Yaghmourasen mourut et fut remplacé par son fils Mohammed, surnommé Abou Zyan, qui prit les rênes du gouvernement. En 701, Abou Abd Allah ben el-Ahmar, roi de lAndalousie, mourut. Son fils Mohammed el-Makhlou lui succéda, et envoya sa soumission à lémir des Musulmans avec des présents magnifiques. Lémir Abou Abd er-Rahman mourut à Tlemcen Djedid, et son corps fut transporté à RabatTaza, où il fut enterré, dans la cour de la mosquée. A cette même époque, lémir Abou Yacoub reçut à Tlemcen la visite dune députation de lHedjaz, envoyée par El-Nasser, roi dÉgypte et de Syrie, avec de magnifiques pré sents. Il reçut également un envoyé du roi de lIfrikya avec de très-beaux cadeaux. Lémir fit construire dans sa nouvelle, ville de vastes bains publics, des hospices des écoles et une grande mosquée pour le khotbah du vendredi, à laquelle il adjoignit un immense réservoir et un grand minaret, surmonté dune pomme dor de 700 dinars. Il envoya les saints du Maghreb dans lHe djaz, en les chargeant dun Koran garni de perles et de pierres précieuses pour la kâaba, et de fortes sommes pour être distribuées aux habitants de la Mecque et de Médine. Il envoya également au roi El-Nasser quatre cents chevaux de la plus belle race et élevés pour la guerre sainte. Cependant les habitants de Tlemcen saffaiblissaient de plus en plus et approchaient de leur fin. En 705 (1305 J. C.), le 27 de chouel, les Anda lous surprirent les gens de Ceuta, dont les relations avec lémir des Musul mans étaient devenues très-mauvaises. Ce fut le raïs Abou Saïd qui sempara de la place; il envoya tous les Beny el-Azfy enchaînés en Andalousie et confisqua leurs biens. En apprenant cela et ayant su que le raïs Abou Saïd navait agi que par ordre de El-Makhelou, lémir des Musulmans fut outré et il expédia son fils, Abou Salem Brahim, avec une forte armée pour assié ger Ceuta. Abou Salem avait avec lui les Kabyles du Rif et de Taza, mais il échoua et revint en déroute. Lémir des Musulmans le chassa de sa présence et fut dès lors dévoré par le chagrin. Il fut assassiné dans son palais de Tlem cen Djedid, le mercredi 7 de doul kâada 706. Il fut frappé dans le ventre durant son sommeil, par un de ses esclave, eunuques; nommé La Sâada; qui avait été gagnée par Abou Aly el-Melyany, et il rendit le dernier soupir vers
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lAsser de ce jour ; son corps fut transporté à Chella, près de Rabat el-Fath, où il fut enterré. Dieu seul est durable et éternel.
RÈGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU THÂBET AMER FILS DE LÉMIR ABD ALLAH FILS DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU YACOUB.
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Lémir des Musulmans Amer, surnommé Abou Thâbet, était fils dune femme libre nommée Bezou, fille de Othman ben Abd el-Hakk. Il naquit le 1er de radjeb 683. Il fut proclamé à Tlemcen Djedid, aussitôt après la mort de son grand-père, par une assemblée de Croyants auxquels se joignirent, dans la matinée du jeudi 8 de doul kâada 706, les cheikhs Beny Meryn et arabes. Il mourut un an, trois mois et un jour après sa proclamation, soit le dimanche 8 de safar 708, dans la kasbah de Tanger. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Il eut pour ministres Ibrahim ben Abd el-Djelil el-Ouandjsaty et Ibra him ben Aïssa el-Yrbany ; pour secrétaire des commandements, le feklly Abou Mohammed Abd Allah ben Aby Medyan; pour hadjeb, Fredj laffran chi, et après lui Abd Allah el-Zerhouny ; pour kady, le fekhy Abou Ghâlyb el-Moughyly. Aussitôt après sa proclamation, il rassembla les cheikhs et les principaux Meryn et Arabes pour leur demander conseil au sujet de Tlemcen, et décider sil continuerait le siège où sil rentrerait au Maghreb, Leur avis fut unanime pour le retour; ils lui dirent : «Rentrons de suite au Maghreb pour y mettre de lordre, car Othman ben Aby el-Olâ, ayant appris ; à Ceuta la mort de ton grand père, est sorti en toute hâte pour se porter sur Fès, et il est déjà entré au Kessar Ketâma(1) et dans Asîla ; de plus, les Croyants sont fatigués de ce pays et de léloignement de leurs familles qui dure depuis quatorze ans. Retourne donc chez toi, et quand tu auras assuré la paix et le bon ordre, tu verras ce que tu auras à faire, sil plaît à Dieu très-haut.» Lorsque tous les préparatifs de départ furent faits, lémir envoya un ambassadeur à Abou Zyan Mohammed ben Othman ben Yaghmourasen, pour conclure la paix avec lui. Il lui abandonna toutes les conquêtes de son grands-père Abou Yacoub, moins Tlemcen el-Djedid, qui avait été construite pendant le siége, et à condition quil ny entrerait pas, quil ny changerait absolument rien, quil pourvoirait à lentretien de la mosquée et du palais, et quil ninquiéterait point les Maghrebins qui voudraient y demeurer. Ces conditions acceptées, lémir rappela toutes ses troupes éparses dans les pays de lEst, qui furent ainsi rendus à leurs habitants. En meure temps, il écrivit à tous les kaïds arabes pour leur annoncer la mort de son grand-père et son avènement, et il expédia à Fès son cousin Abou Aly el-Hassen ben Amer ben
____________________ 1 Al-Cassar, appelé aujourdhui encore El-Kessar Seghyr, El-Kessar Abd elKerym. El-Kessar Ketâma, du nom de son fondateur, Abd el-Kerym el-Ketâmy.
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Abd Allah ben Abou Youssef. Il lui confia une forte armée avec ordre dal ler prendre le commandement de cette capitale, douvrir les portes des pri sons, de corriger les vices et de distribuer de largent aux nobles et au peuple. Tout cela fut fait ; puis il fit périr lémir Abou Yhya, oncle de son père, et son oncle lémir Abou Selim ben Abou Yacoub, et il partit de Tlem cen pour le Maghreb avec une armée innombrable, le 1er de doul hidjâ 706. Il célébra en route, entre Tlemcen et Oudjda, la fête du sacrifice. Il entra à Fès en moharrem 707, et il y resta jusquau 7 de radjeb. Ayant appris alors que le kaïd des troupes de Maroc, Youssef ben Mohammed ben Aby Ayad sétait déclaré indépendant après avoir tué le gouverneur El-Hadj Messaoud, il se mit en expédition pour aller le combattre, et il se vit devancer par un corps de cinq mille cavaliers, sous les ordres dAbou el-Hadjedj Youssef ben Ayssa el-Achmy et dYacoub ben Aznâg. Ceux-ci ayant rencontré Ben Aby Ayad sur les bords de lOum el-Rebya, le mirent en déroute. Ayad rentra à Maroc, où il massacra tous les Chrétiens qui sy trouvaient, sempara de leurs biens et senfuit à Aghmât. De là il alla se réfugier dans le Djebel Askoura, chez un cheikh Askoury nommé Halouf ben Hannon, qui le trahit et lenchaîna. Lémir des Musulmans, Abou Thâbet, entra à Maroc le 1er de châaban 707 ; il reçut Ben Ayad enchaîné et il le fit périr sous le bâton; il envoya sa tête à Fès, où elle fut exposée, et il fit exécuter ses partisans et ses compli ces au nombre de plus de six cents hommes, dont les têtes furent alignées depuis le Bab el-Rebb, une des portes de Maroc, jusquau fort Dar el-Horrat Azouna. Un nombre égal fut exécuté à Aghmât. Le 15 dudit châaban, lémir des Musulmans alla à Tamezouart pour attaquer les Seksyouy et la tribu de Rekena. Arrivé à Tamezouart, il y établit son camp, et les Seksyouy vinrent à lui pour le proclamer et lui offrir la Diffa et des présents. Alors il détacha son kaïd Yacoub ben Aznâg avec trois cents cavaliers pour aller à Haha raser les Kabyles de Rekena, qui prirent la fuite devant lui dans les pays du Sud. Ben Aznâg revint à Tamezouart rejoindre lémir qui lattendait, et quil rassura sur létat général de la tranquillité. Abou Thâbet retourna alors à Maroc, où il entra le 1er de ramadhan 707, et le 15 il en partit pour Rabat el-fath. Il passa par le pays de Senhadja et il traversa lOued Oum el-Rebya dans de grandes barques, au passage de Ketâma. Dans la province de Temsna, il fut rejoint par une troupe dArabes Khelouth, Assamy, Beny Djâbar et autres Hachem, qui venaient pour le saluer et se retirer ; mais il nen laissa pas partir un seul et il les conduisit avec son armée jusque sous les murs dAnfa; là, il fit jeter en prison soixante de leurs cheikhs, et il en fit crucifier trente autres sur les murs de la ville, pour les punir davoir intercepté les routes et infesté tout le pays de leur brigandage. Il se rendit alors à Rabat el-Fath, où il entra le 27 de ramadhan, et il y célébra la fête. Il fit crucifier trente bandits
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arabes sur les murs des deux villes (Rabat et Salé), et le 15 de chouel il partit de là pour aller raser les Beny Ryah dAbou Thouyl, dEl-Djezaïr et de Fahs Azghâr. Il en tua un grand nombre, et il enleva leurs familles et leurs biens ; il retourna à Fès, où il entra vers le milieu de doul kâada. Il y célébra la fête du sacrifice, et il en sortit le 14 de doul hidjâ pour aller assiéger Ceuta. Il sarrêta trois jours au Kessar dAbd el-Kerym pour réunir les Kabyles, Beny Meryn et Arabes et, entrant en campagne, il emporta à lassaut la forteresse dAloudân et courut sur les terres de Demna, dont il massacra les hommes après leur avoir enlevé leurs femmes, leurs enfants et leurs biens; et cela en châtiment de leur soumission à Othman ben Abou el-Olâ auquel ils avaient servi déclaireurs dans le pays, quils avaient acclamé et assisté, et avec lequel, enfin, ils étaient entrés au kessar Abd el-Kerym et à Asîla quils avaient mis au pillage. En se retirant du Djebel Aloudân, lémir vint à Tanger, où il arriva le 1er de moharrem 708. Il envoya des troupes à Ceuta, et il commença les fondements de la ville de Tetouan. En même temps il expédia le fekhy Abou Yhya ben Aby el-Sebor en ambassade auprès de Ben el-Ahmar, pour lui demander dévacuer Ceuta, et il sétablit à la kasbah de Tanger pour attendre le retour de son envoyé; mais la mort vint le surprendre, et il rendit le dernier soupir le dimanche 8 de safar, an 708. Son corps fut transporté à Chella, près de Rabat el-Fath, où il fut enterré auprès de ses ancêtres (que Dieu lui fasse miséricorde et lagrée !). Son frère Soliman lui succéda.
RÉGNE DE LÉMIR DES MUSULMANS ABOU EL-REBY SOLIMAN.
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Lémir des Musulmans Soliman ben Abd Allah, fils de lémir des Musulmans Abou Yacoub ben Abou Youssef ben Abd el-Hakk, surnommé Abou el-Reby, était fils dune concubine de race arabe, nommée Zyana. Il conserva pour secrétaire celui de son frère, le fekhy Abou Mohammed ben Aby Medyan, qui garda la direction de toutes les affaires jusquà sa mort. Lémir le fit périr et le remplaça par son frère, El Hadj Abou Abd Allah ben Aby Medyan. Ses ministres furent Ibrahim ben Ayssa el-Yrtyany et Abd erRahman ben Yacoub el-Ouatassy. Lémir Abou Reby fut proclamé à Tanger, le mardi 9 de safar 708, à lâge de dix-neuf ans et neuf mois. Il fit arrêter son oncle Aly, connu sous le nom de Ben Bezydja qui sétait fait proclamer par un grand. nombre de Croyants. Il rappela auprès de lui le camp de Tétouan. Il distribua de largent aux Beny Meryn, aux Arabes, aux Andalous, aux étrangers et aux Chrétiens, et il sen alla à Fès. A la nouvelle de son départ, Ben Aby el-Olâ fit une sortie de Ceuta avec une troupe nombreuse et accompagné de ses enfants et de ses frères, pour attaquer le camp durant la nuit ; mais lémir des Musulmans,
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prévenu à temps, leva les tentes à minuit et se porta lui-même au-devant dAby el-Olâ, auquel il livra bataille. Aby el-Olâ fut tué et tous ses soldats furent massacrés ou faits prisonniers. Lémir des Musulmans arriva à Fès le 14 de raby el-aouel 708, et il y célébra lanniversaire de la naissance du Prophète (que Dieu le comble de bénédictions !). Il distribua. de largent autour de lui, tranquillisa le. pays, et organisa son gouvernement. Les rois lui adressèrent leur soumission, et il renouvela le traité de paix avec lémir de Tlemcen. Le 30 de doul kâada, lémir fit exécuter son secrétaire des comman dements, le fekhy Abou Mohammed Abd Allah ben Aby Medyan, dont les fonctions avaient duré neuf mois et vingt et un jours. Dans les premiers jours de doul hidjâ, lémir expédia sou kaïd Tachefyn ben Yacoub el-Ouatassy, à la tête dune superbe armée de Meryn pour assiéger Ceuta. Le kaïd Tachefyn entra à lassaut dans la place, le lundi 10 de safar 709 (1309 J. C.), favorisé par les propres cheikhs et habitants de la ville qui ne voulaient plus du gouver nement andalous. Il fit part immédiatement de la victoire à lémir des Musul mans, en lui adressant les cheikhs de Ceuta, et il fit jeter en prison le kaïd Abou Aly Omar ben Rahou ben Abd el-Hakk, qui avait dirigé les combats. Le 1er de djoumad el-aouel, lémir des Musulmans destitua le kady de Fès, Abou Ghâlyb el-Moughyly, et le remplaça par le fekhy, le conseiller Abou el-Hassen Aly, connu sous le nom dEl-Seghyr (le petit). Dans le même mois, il fit la paix avec Ben el-Ahmar, à condition quil lui donnerait Algéziras, Ronda et leurs dépendances. De plus, il lui demanda sa sur en mariage, et Ben el-Ahmar ayant consenti à tout, il lui envoya de fortes sommes et des chevaux pour faire la guerre sainte, avec son homme de con fiance Othman ben Ayssa el-Yrtyany. En 710 (1310 J. C.), an mois de djoumad el-aouel, le ministre Abd er-Rahman ben Yacoub el-Ouatassy et le kaïd chrétien Ghanssalou (Gonzal ves), senfuirent à Rabat Taza. Ils avaient comploté avec une partie des Beny Meryn de détrôner lémir Soliman en faveur dAbd el-Hakk ben Othman ben Mohammed ben Abd el-Hakk. Quand ils furent près de Rabat Taza, ils mandèrent Abd el-Hakk, qui vint à eux, et ils le proclamèrent émir des Musulmans. Celui-ci commença aussitôt à rassembler des troupes et expé dia des courriers aux principaux Beny Meryn et aux cheikhs arabes, pour leur demander de le reconnaître pour souverain. Quand lémir des Musul mans, Soliman, apprit tout cela, il sortit pour marcher sur Rabat-Taza. Il expédia en avant une troupe nombreuse de Beny Meryn sous la conduite de Youssef ben Ayssa el-Achemy et dOmar ben Moussa el-Feddoudy ; les rebelles, à la nouvelle de son approche à laquelle ils ne sattendaient pas du tout, comprirent quil leur était impossible de se soutenir, et ils sortirent lanuit de Rabat-Taza pour fuir à Tlemcen, doù ils passèrent en Andalousie.
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Lémir des Musulmans, Soliman, entra à Rabat-Taza, et il fit exécuter les principaux personnages qui avaient proclamé Abd el-Hakk et sétaient soumis à son gouvernement. Cest là quil tomba malade et quil mourut, le mardi 30 de djoumad 710, le soir, entre les deux prières (de sept à neuf heures). Il fut enterré la nuit même dans la cour de la mosquée. Son règne avait duré deux ans et cinq mois, durant lesquels il y eut constamment mau vaise récolte et disette. Les propriétés renchérirent beaucoup; et on ne pou vait plus bâtir une maison à moins de 1,000 dinars dor. On faisait un grand commerce de bêtes de somme, détoffes et de bijouterie, et cest à cette époque que lon commença à faire usage des carreaux vernis, du marbre et. des sculptures dans les constructions. Lauteur du livre pense quif faut fixer la date de la fuite de Fès du ministre Ben Yacoub au mardi 23 de raby 710. Et celui qui reste toujours cest Dieu ! Quil soit glorifié ! Il ny a dadorable que lui !
RÈGNE DU ROI DE LÉPOQUE, LUMIÈRE DU SIÈCLE, LIMAM, LHEUREUX, LÉMIR DES MUSULMANS ABOU SAÏD, NOTRE KHALIFE EN CETTE ANNÉE 726.
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Que Dieu prolonge ses jours, quil fortifie son gouvernement et rende ses ordres et ses enseignes victorieux ! Que ses ennemis soient détruits par ses armes ! Abd Allah Othman, émir des Musulmans, est fils de lémir des Musul mans, le victorieux par Dieu, le roi de la vérité, Abou Youssef Abd el-Hakk, prénommé Abou Saïd et surnommé El-Saïd bi-Fadhl Allah (lheureux par la grâce de Dieu). Sa mère, femme légitime nommée Aïcha, fille de lémir des Arabes Khelouth, Abou Athya Mouhelhel ben Yhya el-Kholty, le mit au monde le vendredi 29 de djoumad el-tâny 675. Voici son portrait : Blanc, teint coloré, taille moyenne, jolie figure, épaules larges, avenant, pieux, crai gnant le Très-Haut, fort dans les limites de Dieu, clément, miséricordieux, point sanguinaire, doux et modeste, digne et intelligent. Au commencement de son règne, il eut pour ministres : Abou el-Hed jadj Youssef ben Ayssa el-Achemy et Abou Aly Omar ben Moussa el-Fed doudy, qui ont été remplacés après leur mort par Abou Abd Allah Mohammed ben Abou Beker ben Aly et Abou Salem Ibrahim ben Ayssa el-Yrnâny. Pour secrétaires : El-Hadj Abou Abd Allah ben Aby Medyan et Abou el-Mekârym Mendyl el-Kenâny, remplacés à leur mort par le fekhy, lécri vain célèbre, Abou Mohammed Abd el-Mouhemyn et par le kady le juste Abou Abd Allah Mohammed Salah ben Hadheramy, et les docteurs Abou Mohammed Salah ben Hadjadj et Abou el-Abbès ben el-Ferâk. Pour kadys : Le fekhy Abou Amrân el-Zerhouny et le fekhy Abou Abd
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Allah Mohammed, fils du fekhy, le savant, versé dans le Hadits, le saint, le béni, le kady Abou el-Hassen ben Abou Beker el-Melyly. Pour médecins : Abou Abd Allah ben el-Ghalyth de Séville, et puis son fils le visir Abou el-Hassen et le visir Abou Mohammed Ghâlyb elChakoury. Sa proclamation eut lieu dans la nuit du mercredi 20 de djoumad el tâny 710, dans la kasbah de Rabat-Taza. Il fut proclamé par les ministres, les secrétaires, les cheïkhs et les personnages de la cour, et dans la nuit même il expédia des courriers dans toutes les directions pour porter les nouvelles de la mort de Soliman et de son avènement. Il envoya son fils, lémir, laccom pli Abou el-Hassen Aly à Fès, où. il entra à lAsser du mercredi 1er de radjeb 710. Il descendit à la ville nouvelle, siége de leur gouvernement et demeure de leurs rois, dont il prit le commandement et quil organisa. Il sassura du palais, des trésors et des dépôts darmes et de munitions. Il ordonna de battre le tambour et de faire des réjouissances publiques. Le mercredi matin, 1er de radjeb, lémir des Musulmans Abou Saïd monta à cheval, au palais de Rabat-Taza, et sortit de la ville en grande pompe. Sa proclamation fut renou velée par tous les Beny Meryn, les Arabes, les Andalous, les étrangers, les kaïds et les Chrétiens, par les fekhys; les kadys, les saints et les cheïkhs de la ville. Son élection fut unanime et sortit spontanément de tous les curs. Et cela parce que Dieu avait réuni en lui toutes les qualités et toutes les vertus, sans lesquelles il nest pas. possible de soutenir un empire. A son sujet, un poète a dit : «Le khalifat est venu à lui directement et par une filière de rois. Le khalifat ne pouvait que lui appartenir, et il ne pouvait appartenir lui même quau khalifat. Et si tout autre sen était emparé, la terre entière eût été bouleversée.» Lorsque sa proclamation fut achevée et quil se fut assuré les rênes du gouvernement, il distribua des sommes aux Beny Meryn, aux Arabes, aux troupes; il fixa des salaires pour les fekhys et pour les saints ; il fit des largesses aux personnages de sa cour, et il organisa lui-même les affaires de son pays et de ses sujets ; il corrigea les injustices; il diminua les impôts, et il fit ouvrir, les portes des prisons, à lexception de celles qui renfermaient les criminels, les assassins ou les personnes arrêtées par jugement dit cherâa; il fit distribuer des aumônes aux nécessiteux et aux pauvres honteux ; il supprima limpôt annuel des habitants de Fès envers le gouvernement. Les affaires des Croyants se régularisèrent, et la prospérité saccrut et saffermit constamment sous son règne, qui fait le bonheur de ses sujets par la grâce du Dieu très-haut. Partout labondance, la sécurité, la joie, fêtes continuelles de chaque jour et chaque nuit, tels sont les fruits du khalifat de lémir des Musulmans, de sa bénédiction et de sa justice éclatante. Roi de lépoque, il
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gouverne les riches et les pauvres, les puissants et les faibles; il protège lop primé et ouvre sa porte aux malheureux. Tarit de justice et dimpartialité nétaient point connues avant lui. Que Dieu prolonge ses jours et fortifie son Gouvernement ! Dans les derniers jours de radjeb, lémir des Musulmans, Abou Saïd, partit de Rabat-Taza et se rendit à Fès, où il reçut les députations des habi tants, des fekhys, des kadys et des cheïkhs, qui sempressèrent de venir le saluer et le féliciter sur son avènement au pouvoir. Il célébra la fête de la rupture du jeûne dans cette capitale, et il en partit au mois de doul kâada pour venir à Rabat el-Fath inspecter les affaires de ses sujets, sinformer de celles de lAndalousie, et faire construire des navires pour courir sur les ennemis ; il arriva dans ce port à la fin dudit mois; il y célébra la fête du sacrifice ; il mit de lordre aux affaires, expédia plusieurs navires et revint à Fès. En 711 (1311 J. C.), il donna à son frère, lémir Abou el-Bakâ Yaïch, le gouvernement dAlgéziras, Ronda et dépendances en Andalousie, et il ordonna de nouveaux armements à larsenal de Salé pour courir sur les ennemis. Cette année-là, il y eut une grande sécheresse, et les Croyants se réunirent auprès de lui, en implorant ses prières. Il sortit pour demander la pluie au Très-Haut et il se rendit à la chapelle accompagné des docteurs, des saints et des lecteurs qui chantaient des louanges et des supplications à Dieu, marchant lui-même à pied pour shumilier devant la majesté de Dieu, comme il est dit dans le Sonna de notre prophète Mohammed (que Dieu le comble de bénédictions !). Un grand nombre de pauvres suivaient le cor tège, et lémir des Musulmans fit dabondantes aumônes. Cette procession eut lieu, le mardi 24 de châaban le sacré, an 711. Le mardi 27, lémir sortit de nouveau avec toutes ses troupes et se rendit au Djebel el-Kanderatyn en pèlerinage sur le tombeau du saint Abou Yacoub el-Achkar (le blond). Lémir pria avec ferveur en cet endroit, et Dieu exauça sa prière et combla ses vux par une pluie abondante. Lémir ne revint de là que lorsque tout le pays fut suffisamment arrosé. Que Dieu prolonge son règne ! Il na jamais cessé, depuis son avènement jusquà ce jour, de secourir les malades et das sister aux enterrements des saints, de favoriser les docteurs, les cheurfa et les saints auxquels il distribue chaque année de largent, des vêtements et toutes les choses nécessaires, En 713 (1313 J. C.), Ben Hannou el-Askoury se révolta dans le pays dAskoura, et lémir (les Musulmans marcha contre lui ; il latteignit dans sa forteresse, quil enleva avec laide de Dieu ; il pénétra dans les pays du rebelle, sempara de ses biens, et, layant enchaîné, il le fit marcher devant lui, captif et humilié, jusqua Fès, où il le jeta en prison. En 714 (1314 J. C.), au mois de doul hidjâ, lémir des Musulmans,
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Abou Saïd, donna à son fils, le distingué, lémir Abou Aly Omar, le com mandement des pays occidentaux de Sidjilmessa et du Drâa jusquau Sahara, avec des pouvoirs absolus. En cette même année, il confia le gouvernement de Ceuta et le commandement de la flotte an kaïd Yhya ben el-fekhy Aby Thaleh el-Azfy. En 715 (1315 J. C.), il donna ordre de bâtir la porte située devant le pont de la ville nouvelle de Fès et ses murs denceinte ; ensuite il alla à Maroc pour mettre ordre aux affaires et il revint à Fès. En 716 (1316 J. C. ), le kaïd Yhya passa à Gibraltar, quil enleva après un siége de quelques jours. Peu après, il détruisit dans le détroit la flotte chrétienne, dont il tua le chef, Djernâk, fléau dont les Musulmans furent ainsi délivrés parla grâce de Dieu. En chouel, ce même kaïd Yhya se révolta à Ceuta et refusa de se rendre à lappel de lémir, qui lenvoya assiéger par son ministre Abou Sâlem Ibrahim ben Ayssa el-Yrnâny, lequel cerna la place avec son armé pendant quelque temps. En 719 (1319 J. C.), lémir des Musulmans sortit de Fès pour Tanger, où il alla examiner la situation des affaires de Ceuta et de lAndalousie ; il ordonna de bâtir des puits près de lOued Hassan, sur la pointe du cimetière des Aghzâz, et il revint à Fès. En châaban 720 (1320 J. C.), il sen alla à Maroc et y resta tout le temps nécessaire pour mettre ordre aux affaires de son gouvernement et à celles de ses sujets ; il restaura la ville dont il donna le commandement à Djendoun ben Othman, et il revint à Fès vers la fin de lannée. En 721 (1321 J. C.), il alla à Rabat-Taza, où il resta trois mois ; il for tifia Taouryrt et y plaça une garnison de cavaliers, de fantassins et darchers. En cette même année, il fit bâtir les murs denceinte dAgersif. En 722 (1322 J. C.), il partit pour Maroc au mois de raby el-tâny, et, après y être resté quelque temps pour mettre de lordre aux affaires, il revint à Fès. En 723 (1323 J. C.), il y eut une grande sécheresse au Maghreb ; les Croyants firent des prières, et lémir sortit conformément, au Sonna pour demander la pluie et faire des sacrifices. En 724 (1324 J. C.), le Maghreb fut affligé par la famine; les denrées devinrent partout rares et chères Le sahfa de blé atteignit le prix de quatre vingt-dix dinars, et lalmoud vingt-cinq drahems ; quatre onces de farine, un drahem ; cinq onces de viande, un drahem; deux onces dhuile ou une once de miel, un drahem; trois onces de raisins secs, un drahem, deux onces de beurre, un drahem; les légumes et les herbages disparurent entièrement, et cette situation dura depuis le commencement de lannée 724 jusquà djou mad el-aouel 725, où Dieu chéri donna la pluie à ses campagnes et à ses créatures, quil combla des bienfaits de sa miséricorde.
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Durant cette désastreuse famine, lémir des Musulmans fit plus de bien quon ne saurait le décrire; il ouvrit les dépôts de grains du gouvernement et fit vendre pour quatre drahems lalmoud de blé qui valait partout seize drahems ; il ne cessa de faire des aumônes ; ses hommes de confiance étaient chargés de les distribuer aux Musulmans et de les faire parvenir jusquaux femmes ou aux pauvres honteux, à chacun selon ses besoins, depuis un dinar dor jusquà quatre. Cest ainsi quà partir du jour de son avènement, il a constamment secouru tous lés malheureux. Chaque hiver, il distribue des vêtement aux pauvres et pourvoit à leurs logements; il a donné ordre den sevelir dans de la toile neuve et denterrer avec soin et respect tous ceux qui mouraient inconnus ou étrangers au pays. Que le Dieu très-haut le récom pense pour toutes ses bonnes oeuvres, et quil le conserve aux Musulmans par sa grâce et sa toute-puissance !
CHRONOLOGIE DES EVÉNEMENTS REMARQUABLES QUI ONT EUT LIEU AU MAGHREB, DE LAN 656 JUSQUÀ LA FIN DE NOTRE RÉCIT, EN 726.
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En 656 (1258 J. C.), lémir des Musulmans, Abou Youssef que Dieu lui fasse miséricorde !), fut, proclamé à Fès. En 658, les Chrétiens surprirent la ville de Salé, et ils y entrèrent à lassaut le 3 de chouel. Ce fut une grande calamité. En 659, bataille dOum el-Ridjeleïn entre lémir des Musulmans.; Abou Youssef, et larmée dEl-Mourthadhy. En 660, entrée à Maroc de lémir des Musulmans Abou Youssef. Le mardi 12 de chouel, apparition dune comète qui, pendant environ deux mois, se levait chaque nuit à lheure du Sohaur. Un corps de guerriers Beny Meryn passa en Andalousie pour faire la guerre sainte, volontairement et sous le commandement dAmer ben Edriss et dEl-Hadj el-Taher Aly. En 663, le fekhy El-Azly détruisit les murs de la kashah de la ville dAsîla. En 664, Arrivée dAbou Debbous à Fès, venant faire sa soumission à lémir des Musulmans. En 666, 12,000 dinars dor et trois colliers de perles furent volés au trésor de la kasbah de Fès. En 667, mort du cheïkh Abou Merouan el-Ouadjezny, à Ceuta. Défaite des Arabes Rîah par lémir des Musulmans El-Moustansyr, qui fit périr les hommes, prit leurs biens et leurs familles, et sen revint à Tunis. Arrivée dAbou Zakerya ben Salîh, envoyé par El-Mansour, roi dIfrîkya, avec des présents pour lémir Abou Youssef. En 668 (1270 J. C.), les Chrétiens semparèrent du port de Larache dont ils massacrèrent les habitants. Ils enlevèrent les femmes et les riches ses, et ils sen allèrent sur leurs navires après avoir mis le feu à la ville. Mort
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ET ANNALES DE LA VILLE DE FÈS.
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de Tahla ben Aly Yacoub ben Abd Allah, et naissance de Messaoud ben Abou Yacoub, émir des Musulmans. Omar ben Mandyl el-Maghraouy livre la ville de Meliana à Yaghmourasen ben Zyan. Le mercredi soir, 25 dé doul hidjâ, après la prière, le roi chrétien de France(1) aborda, sur la côte de Tunis avec une flotte innombrable ; en descendant à terre, les Infidèles semparè rent du château El-Kelâa, et on ne saurait exprimer le nombre de tentes qui sélevèrent en camp sur le bord de la mer. Il y avait quarante mille cavaliers chrétiens, cent. mille archers et cent mille fantassins, mais, le 25 de raby el-tâny, le roi de France mourut pendant quil assiégeait encore la ville de Tunis, et sa mort fut cause de la retraite des Chrétiens. Entrée de lémir des Musulmans, Abou Youssef, à Maroc. En 669, expédition dAbou Youssef contre les Arabes du Drâa. Révolte de Mohammed ben Edriss et de Moussa ben Rahou ; lémir Abou Youssef, après les avoir cernés pendant trois jours sur le mont Aberkou, près de Fès, reçut leur soumission et leur fit grâce de la vie. En 67o, Abou Youssef attaqua les possessions de Yaghmourasen, au mois de radjeb, et, après lavoir mis en déroute à lOued Isly, il lassiégea quelque temps à Tlemcen. En 672, prise de Tanger et siège de Ceuta par Abou Youssef. En 673, prise de la ville de Sidjilmessa par le même. En 674, le 3 de chouel, furent jetés les premiers fondements de Fès el-Djedid, sur la rivière. La veille, 2 de chouel, les juifs de Fès avaient été massacrés. Premier passage en Andalousie de lémir des Musulmans Abou Youssef, pour faire la guerre sainte ; il sempara dAlgéziras, de Tarifa et de Ronda. Guerre contre don Nuño. Construction de la kasbah de Mekenès. En 675, ordre de lémir des Musulmans de bâtir la nouvelle ville dAlgéziras. En 676, deuxième passage de lémir Abou Youssef en Andalousie. Mort dAbou Mohammed ben Achkyfoula, maître de Malaga. En 677, au mois de raby el-aouel, la flotte chrétienne vint bloquer Algéziras. Des cadeaux sont envoyés par Yhya el-Ouatyk, roi dIfrîkya. Au mois de châaban, Omar ben Aly, gouverneur dAbou Youssef à Malaga, trahit et vendit la place à Ben el-Ahmar. Au mois de chouel, révolte de Messaoud ben Kanoun el-Soufyany. Construction de la mosquée de Fès elDjedid. En 678 (1280 J. C.), destruction de la flotte chrétienne devant Algéziras. En 679, mort de Zyan ben Abd el-Kaouy el-Toudjyny. Les sauterelles envahirent le Maghreb et détruisirent les moissons et les champs jusquau dernier brin dherbe. La mosquée de Fès el-Djedid est ornée de son grand
____________________ 1 Saint Louis.
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HISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB
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lustre pesant sept cent quinze livres et ayant deux cent quatre-vingts calices ou godets. Siège de Grenade par Abou el-Hassen Achkyloula et Alphonse. En 680, défaite de Yaghmourasen au Melhab, près Tlemcen. En 681, mort du kaïd El-Zendadjy, à Ceuta. Passage de lémir des Musulmans en Andalousie, où il rencontra, à Sakhrat el-Abbed, Alphonse, qui lui donna sa couronne en gage pour 100,000 dinars. Fuite de la kasbah de Fès du chef supérieur de la flotte des chrétiens, qui y était prisonnier. Prise de Tunis par Ben Aby Amâra. Mort de Yaghmourasen ben Zyan. En 682 (1284 J. C.), au mois de moharrem, mort dAlphonse le Borgne(1) (que Dieu le damne !) et de Tachefyn ben Abd el-Ouahed, émir de lAndalousie. En 683, leau de lAïn Ghâboula fut amenée à la kasbah de Rabat el-Fath, par ordre de lémir Abou Youssef et sous la direction de Bel Hadj. Mort de Ben Aby Amâra à Tunis, où son fils Abou Hafs lui succède. Le 6 de ramadhan, la dame noble Oum el-Az, fille de Mohammed ben Hazem, mourut à Rabath el-Fath et fut enterrée à Chella. En 685, au moharrem, mort de lémir des Musulmans Abou Youssef. Construction du grand moulin sur le fleuve de Fès. En 687, le roi dÉgypte El-Mansour sempare de Tripoli de Syrie. Mort du cheïkh, le saint Abou Yacoub el-Achkar, à El-Kendaryn, chez les Beny Behloul. En 690, siége et prise de Tarifa par Alphonse. Prise de la ville dAkka par le roi El-Achraf. Lémir des Musulmans décrète la célébration solennelle de lanniversaire de la naissance du Prophète dans tous ses états. En 692, prise de la forteresse de Tazouta. En 693, la mosquée de Taza est achevée, et ornée de son grand lustre en cuivre pesant trente-deux quintaux et ayant cinq cent quatorze calices ou godets ; 8,000 dinars furent employés à ces travaux. En 699 , Abou Yacoub assiégea Tlemcen pendant quelque temps et sen revint à Fès. En 702 (1304 J. C.), mort de Ben el-Ahmar, roi dEspagne. En 706, mort de lémir des Musulmans Abou Yacoub. En 708, mort de lémir des Musulmans Abou Thâbet, à Tanger. En 710, le 30 de djoumad el-tâny, mort de lémir des Musulmans Abou el-Reby, et avènement dAbou Saïd. En 720 (1320 J. C.), lémir Abou Saïd fit construire la grande acadé mie de Fès el-Djedid, et il y établit des tholbas pour lire le Koran et des docteurs pour étudier les sciences, en accordant à tous lentretien et des
____________________ 1 Alphonse X. Alonzo el Sabio.
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ET ANNALES DE LA VILLE DE FÈS.
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traitements mensuels. Il dota cet établissement du quart des revenus des récoltes, et tout cela pour lamour du Dieu très-haut et dans le but de mériter les grandes récompenses. En 721, lémir Abou el-Hassen ben Abou Youssef ben Abd el-Hakk (que Dieu les agrée tous !) fit bâtir lacadémie située au midi de la mosquée El-Andalous ; elle fut construite avec le plus grand soin, et munie tout autour dun grand réservoir, de lieux aux ablutions et dun caravansérail servant de demeure aux étudiants. Tous ces établissements reçurent leurs eaux de la source située au dehors du Bab el-Hadid, et coûtèrent de très-fortes sommes, plus de 100,000 dinars. Lémir y établit des docteurs, des auditeurs, des étu diants et des lecteurs, et pourvut a leur entretien et à leurs vêtements. Il dota enfin cet établissement de routes considérables. Que le Très-haut len récompense ! En 723 (1323 J. C.), au mois de moharrem, de lune des sources de Senhadja, située vers lOrient, jaillit du sang naturel, qui coula depuis la moitié de lheure de la prière du soir jusquau tiers de la nuit; cette source reprit alors sa limpidité ordinaire. Le 30 de châaban, lémir des Musulmans, Abou Saïd, ordonna la construction de la grande académie qui est située près de la mosquée El-Kairaouyn; elle fut bâtie sous la direction du docteur béni Abou Mohammed Abd Allah ben Kassem el-Mezouâr. Lémir, accompagné. des docteurs et des saints, assista lui-même à sa fondation, et il parvint à faire un édifice prodigieux, le plus splendide que jamais roi ait élevé sur la terre avant lui. Il y fit arriver leau dune source intarissable, et il y établit des docteurs, des savants, un imam, un muezzin et des employés pour le service. Il alloua à chacun des émoluments, et il acheta des propriétés pour en doter cet établissement, pour lamour de Dieu et dans lespérance de mériter les grandes récompenses. Je prie le Très-Haut de combler notre émir de ses bienfaits dans le jardin éternel, au milieu des plus belles houris, et de me couvrir de sa béné diction pour tout ce que je viens décrire sur les docteurs, les saints, les anciens et les hommes vertueux. Ô Miséricordieux des Miséricordieux ! accorde-moi des richesses, des enfants, la religion en ce monde et le salut dans lautre ! Que Dieu répande sa bénédiction et sa grâce sur notre seigneur et maître Mohammed, sur sa famille et ses compagnons ! FIN DU LIVRE RÉCRÉANT, INTITULÉ ROUDH EL-KARTAS, CONTENANT LHISTOIRE DES SOUVERAINS DU MAGHREB ET LES ANNALES DE LA VILLE DE FÈS.
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TABLE.
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Pages
Avertissement................................................................................................I
Introduction de lauteur Abd el-Halîm..........................................................3
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LES EDRISSITES.
Ans 172 à 380 (788 à 990 J. C.).
Edriss, descendant dAli, gendre du Prophète, fuit de lArabie et arrive au Maroc, ou il propage lIslamisme.......................................................7
Règne de limam Edriss..............................................................................11
Règne de limam Edriss, fils dEdriss.........................................................16
Fès ; description des lieux ; admiration des poètes ; prédictions ; antiquités ;
description ; histoire ; étymologies du nom de Fès..........................21
Les Juifs dEspagne et huit mille familles de cordoue passent à Fès.........31
Règne de limam Mohammed, fils dEdriss ben Edriss..............................34
Règne de lémir Aly, fils de Mohammed....................................................35
Règne de lémir Yhya, fils de Mohammed.................................................36
Mosquée dEl-Kairaouyn ; sa description et son histoire jusquen 726
(1326 J. C.); son minaret...................................................................38
Histoire de ses prédicateurs........................................................................49
Règne de lémir Yhya, fils dYhya...........................................................55
Règne de lémir Aly, fils dOmar..............................................................55
Règne de lémir Yhya, fils dEl-Kassem, El-Mekadem (le chef).............56
Règne de lémir Yhya, fils dEdriss ben Omar.........................................56
Règne de lémir El-Hassen. El-Hadjem (le phlébotomiste)......................58
Règne de lémir Moussa ben Aby el-Afya................................................59
Règne de lémir Kennoun............................................................................62
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292
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TABLE.
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Pages
Règne de lémir Abou el-Aïch, fils de Kennoun.........................................62
Règne de lémir Hassen, fils de Kennoun...................................................63
Chronologie des événements remarquables qui eurent lieu au Maghreb sous
les Edrissites .................................................................................68
LES ZENÈTA. Ans 381 à 462 (990 à 1069 J. C.). Histoire des Zenèta.....................................................................................73
Règne de lémir El-Mouâz, fils de Zyry.....................................................78
Règne de lémir Hamâma, fils dEl-Mouâz................................................78
Règne de lémir Temym el-Yfrany..........................................................Ibid.
Règne de lémir Dounas ben Hamâma.......................................................79
Règne des deux frères El-Fetouh et Adjycha..............................................80
Règne de lémir Manser, fils dEl-Mouâz..................................................80
Chronologie des événements remarquables qui eurent lieu au Maghreb sous
les Zenèta..........................................................................................82
LES MORABETHYN (ALMORAVIDES). Ans 430 à 540 (1038 à 1145 J. C.). Histoire des Morabethyn.............................................................................84
Règne de lémir Yhya, fils dIbrahim.........................................................86
Arrivée du docteur Abd Allah ben Yassyn..................................................88
Règne de lémir Yhya, fils dOmar.............................................................90
Règne de lémir Abou Beker, fils dOmar..................................................92
Histoire des razias dAbd Allah ben Yassyn contre les idolâtres
Berghouata........................................................................................93
Règne de lémir Abou Becker.....................................................................96
Règne de lémir Youssef, fils de Techefyn..................................................98
Fondation de Maroc..................................................................................101
Histoire du passage en Andalousie de lémir Youssef pour faire la guerre
sainte. Récit de la bataille de Aalaca..............................................106
Histoire du règne de lémir Aly ben Tachefyn..........................................115
Règne de lémir Aly, fils dYoussef...........................................................121
Évévénéments remarquables de la période des Lemtouna.......................122
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TABLE
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LES MOUAHEDOUN (ALMOHADES). Ans 524 à 668 (1130 à 1269 J. C. ).
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Pages
Histoire des Almohades ; El-Mehdy.........................................................124
Campagnes, dEl-Mehdy contre les Lemtouna....................................129
Récit de la mort dEl-Mehdy....................................................................130
Portrait, vie et principaux faits dEl-Mehdy............................................132
Règne de lémir Abd el-Moumen.............................................................133
Fondation de Gibraltar..............................................................................144
Portrait et vie de lémir Abd el-Moumen..................................................147
Règne de lémir Abd el-Moumen.............................................................148
Règne de lémir Youssef, fils dAbd el-Moumen.....................................150
Régne de lémir Yacoub, fils dYoussef (El-Mansour).............................155
Récit de lexpédition dAlarcos et de la défaite des Chrétiens.................158
Règne de lémir El-Nasser, fils dEl-Mansour..........................................166
Visite et réception du roi de Bayonne.......................................................169
Siége de Salvatierra..................................................................................171
Bataille dHisn el-Oukab ; défaite des Musulmans..................................173
Règne de lémir lYoussef, fils dEl-Nasser..............................................175
Règne de lémir Abou Mohammed El-Makhelou (le détrôné).................177
Règne de lémir Abou Mohammed el-Adel (le juste)...............................178
Règne de lémir Yhya, fils d El-Nasser, ses guerres avec son oncle El-
Mamoun.........................................................................................179
Règne de lémir Aby el-Olâ......................................................................181
Une armée chrétienne passe au Maroc ; conditions du roi de Castille......182
Règne de lémir Abou Mohammed Abd el-Ouahed.................................185
Règne de lémir Abou el-Hassen el-Sayd.................................................187
Règne de lémir Abou Hafs Omar el-Mourthady (lagréé).......................189
Règne dEdriss Abou Debbous.................................................................190
Chronologie des événements remarquables qui eurent lieu au Maghreb sous
les Almohâdes.................................................................................192
LES BENY MERYN.
Ans 610 626 (1213 à 1326 J. C.).
Histoire des Beny Meryn ; leur origine....................................................201
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TABLE
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Pages
Origine et descendance des Beny Meryn..................................................202
Avènement des Beny Meryn au Maghreb................................................203
Règne de lémir Abou Mohammed Abd el-Hakk.....................................206
Règne de lémir Abou Saïd Othman, fils dAbd el-Hakk.........................208
Règne de lémir Abou Mahrouf, fils dAbd el-Hakk................................210
Règne de lémir Abou Yhya, fils dAbd el-Hakk......................................211
Règne de lémir Abou Youssef Yacoub, fils dAbd el-Hakk.....................216
Passage de lémir Abou Youssef en Andalousie ; sa première expédition
contre les Chrétiens.........................................................................227
Bataille dEcijâ ; défaite et mort de don Nuño de Lora............................230
Deuxième expédition de lémir Abou Youssef en Andalousie..................232
Troisième passage de lémir Abou Youssef en Andalousie......................234
Quatrième campagne de lémir Abou Youssef en Andalousie..................235
Cinquième campagne de lémir, Abou Youssef en Andalousie................236
Expédition de lémir Abou Youssef contre El-Byrâ.................................247
Quatrième passage de lémir Abou Youssef en Andalousie......................248
Arrivée en Andalousie de lémir Abou Yacoub........................................255
Arrivée des prêtres et religieux chrétiens à la cour de lémir des Musulmans
pour demander la paix ; conditions ; traité.....................................261
Règne de lémir Abou Yacoub, fils dAbou Youssef ................................267
Siège de Tlemcen......................................................................................276
Règne de lémir Abou Thâbet Amer.........................................................278
Règne de lémir Abou el-Reby Soliman...................................................280
Règne de lémir Abou Saïd.......................................................................282
Chronologie des événements remarquables qui ont eu lieu au Maghreb sous
les Beny Meryn...............................................................................286
TABLE DES MATIÈRES.........................................................................291
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votre commentaire -
Par PATRYCKFROISSART1 le 11 Mars 2009 à 11:00
A lire en ligne sur: http://72.30.186.56/search/cache?ei=UTF-8&p=beni+yazgha&rd=r1&fr=yfp-t-501&u=www.aui.ma/VPAA/shss/mpeyron-workingpapers4.pdf&w=beni+yazgha&d=IHhOu52uSYt4&icp=1&.intl=fr
Michael Peyrons working papers : Part IV <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>(in English & in French) <o:p></o:p>
Contents
1) The Ayt Yahya of Tounfit, Central Morocco (2000)
2) From Jbel Fazaz to Middle Atlas: from boondocks to boom towns; the past as key to the
present (2001)
3) Barghawata et résistance (2005)
4) Interaction tourisme durable et patrimoine dans lAtlas marocain (2006)
5) Comments on Julia Clancy-Smiths paper: Collaboration and Empire in the Middle East
and North Africa: introduction and response (2007) <o:p></o:p>
<o:p></o:p>1)<o:p></o:p>
The Ayt Yahya of Tounfit, central Morocco <o:p></o:p>
As the traveller heads down through the cedars from the Zad Pass (Tizi Tebruri = hailstone
pass), the wide-sky expanses of the Upper Moulouya unfold before him, backed by the lofty,
snow-capped Ayyachi-Maasker range, over 3700 metres high. As with many others who
have gone before, there dawns on him the notion of imminent transition. Behind lie forested,
well-watered, Mediterranean style highlands, while the gaunt, rugged ranges on the horizon
represent the last stop before the Sahara, beyond which live none but tribesmen like the Ayt
Hadiddou who fear naught but God.
Our traveller is, in fact, contemplating one of the most important regions of inner Morocco, its
dramatic scenery somehow equal to the epoch-shaping events it has witnessed throughout
history. Not so much a highland sanctuary as a cultural cross-roads, a haven of intellectual
rurality, famous for its wandering minstrels and local poets (imdyazn and ineadn) who
reflect the conscience, both religious and worldly, of the mountain Imazighen who inhabit the
area.
Among these the Ayt Yahya, a Tamazight-speaking tribal group, occupies the area between
Midelt and Imilchil in the High Atlas. They may be conveniently classified as highland semi-
transhumants, some living in village clusters (qşur or iġerman), some in dispersed villages.
The Ayt Yahya brought to the shady (amalu) north slopes of the Atlas a social organisation
and general pattern of existence evolved in the dry, pre-Saharan steppe, and which they
eventually adapted to a colder, wetter environment featuring extensive winter snow-fall.
Hence the classic, mud-built qşar, or fortified hamlet survives chiefly in the arid, upland
valleys south of Ayyachi or Jbel Maasker, whereas in the well-wooded areas to the north,
stronger-built houses cedar-planks and stone predominate in dispersed villages. Likewise,
pastoralism remaining the chief activity, among the southern clans, transhumance is the name
of the game. To the north, however, village-based grazing prevails.
<o:p></o:p>There is also a generalised use of irrigated patches, producing barley, buckwheat, maize, and
wheat, while on nearby fruit-trees, cherries, apricots and a few walnuts are to be found. As to
habits inherited from the Saharan region, use of the baggage-camel (alġum) and baggage-ox
(ayugu), together with the institution of the communal bull, were reported in the Ayt Yahya
area as late as the mid-1970s.
The Ayt Yahya were in the forefront of the SW-NE push by Senhaja Berber pastoralists that
lasted from the 10th to he 19th century. In fact, one of their clans has remained to this day at <o:p></o:p>Aghbalou n-Kerdous, on the south side of the High Atlas. The Ayt Yahya and their kindred
groups, the Ayt Merghad, Ayt Hadiddou and Ayt Izdeg, with some Ayt Ayyach, became
fellow members of the Ayt Yafelman (lit. the peaceful ones), a confederation set up some
time around 1650 to counter-balance expansion by an aggressive rival entity, the Ayt Atta of
Jbel Saghro.
Before listiεmar, as with many other Imazighen tribes, activities for which the Ayt Yahya
were famous included raiding, sheep-rustling, plundering and/or protecting caravans along
the triq aqdim between the Ziz valley and Tounfit. There existed a pattern of alliances (the leff
system) by which each clan could call on the support of one, possibly two, friendly clans, if
attacked by a rival group. The fighting that resulted would be limited in time, usually between
fairly well-balanced groups, and was frequently interrupted by truces engineered by the saints
(igurramn) of Sidi Yahya ou Youssef. Contrary to modern behavioural standards, intermittent
raiding and clan warfare were perceived as making life more exciting and giving young men
(iεerrimn) a healthy opportunity to prove their bravery. Without the use of bayonet, dagger or
musket (the voice of steel as it was called), points of honour could not be properly settled.
This was a very strong notion throughout tribal society. Not that warfare was by any means
permanent or total; eradicating a rival clan made no sense; it was much wiser to allow it to
survive so as not to cut off the source of supply that sensible raiding and plundering so easily
guaranteed. This was a typical Heroic Age situation.
Prowess with weapons being second nature to these mountaineers, no wonder the Ayt Yahya
fought hard against French forces which invaded their region between 1922 and 1932.
Desperately tragic battles such as Ayt Yâqoub and Tazizaout saw highly manoeuvrable,
lightly-equipped Berber fighters more than hold their own against well-armed French regular
troops. In fact, man to man, the Berbers were usually superior to their opponents; against
aeroplanes, machine-guns and mountain artillery, however, bravery was of no avail. Yet, they
fought on to the last, distinguishing themselves in daring, single-handed operations, a lone
rifleman occasionally succeeding in pinning down crack Foreign Legion troops with accurate
fire from some hill-top.
The Ayt Yahya themselves consist of several clans. The southern Ayt Yahya clans, living on
the sunny (assamer) slope of the main range, include the Ayt Sliman, Ayt Moussa ou Atman,
Ayt Fedouli, Ayt Hattab, Ichichaoun and Ayt Ammar, the last-named clan being of ou-
Hadiddou origin, but now incorporated into the Tounfit region. Chief among the northern Ayt
Yahya are the Ayt Ali ou-Brahim of Tounfit proper, the Imitchimen at the foot of Ayyachi,
the Ayt Hnini at the Moulouya source, the Ayt Bou Arbi of the upper Anzegmir, and the Ayt
Sidi Yahya ou Youssef. These clans all claim a Saharan origin, except for the Ayt Sidi Yahya
ou Youssef, who are marabouts, or igurrramn, allegedly hailing from Moulay Idriss Zerhoun,
one of their sub-clans retaining a dialect strongly reminiscent of that spoken in the Zerhoun.
While on the topic of maraboutism it should be mentioned that the Tounfit area was also
under the influence of the neighbouring Imhiwach saints of Aghbala. As to the other clans, <o:p></o:p>they include some elements from the Ayt Yoummour and Ayt Ihand that the Ayt Yahya
absorbed when they arrived in the area in the late-18<o:p></o:p>th<o:p></o:p>
century. <o:p></o:p>
The 1970s proved the heyday of the segmentary society, a theory (challenged before the
century was out) to describe tribal organisation, as devised by Evans-Pritchard after his study
of the Sudanese Nuer, and described by Anglo-Saxon anthropologists as corresponding to the
Berbers socio-political organisation. Basically, it was a case of me against my brother; my
brother and I against the rest of the world. This made sense in a society where customary law
izerf, vendetta, retribution and/or payment of blood money were the order of the day. The Ayt
Yahya, arranged in sub-clans, clans, and inter-clan alliances carefully calculated to curb the
excesses of intra-tribal warfare, could be seen as fitting fairly neatly into the segmentary
pattern. Early reports by colonial observers, before the actual conquest of the area (1931-
1932), described Yahya clans as regularly at each others throats. Faced with the threat of a
common outside foe, as with the French, however, they tended to oppose a united front.
To-day, however, tribal disunity prevails. Since independence, while overall group awareness
remains outside the tribe in terms of recognizing Ayt Yahya, say, from Ayt Sokhman, tribal
solidarity within has become eroded among the Ayt Yahya. An ou-Yahya will introduce
himself as an ou-Sliman, or an ou-Fedouli, rather than as the member of an overall Yahya
tribe. The more so as, technically and administratively, such an entity no longer exists. Thus
have allegiances become strictly local, a tendency reinforced by the introduction, in the
1960s, of the local commune (amaε qarawiya), an administrative unit that usually duplicates
the ancient clans. Initially a rubber-stamp institution, it has been acquiring a certain measure
of autonomy and power in recent years, as local assemblies have worked out a new, realistic
relationship vis-à-vis the makhzan. All of which has tended to make nonsense of the
segmentary theory, which is no longer valid stricto sensu, in the modern context. This being
said, on the judiciary plane, I was told in Tounfit, in 1974, that while decisions were made
according to Koranic Law (raε), they still contained a dash of izerf just for good measure.
Great were the changes experienced by tribesmen in the aftermath of foreign military
conquest and subsequent independence. Now that peace prevails among the Ayt Yahya, life
has, in a way, lost its salt, its bravado. The element of panache is gone. No longer may a man
proudly sing one of those famous short poems (timawayin) such as:-
<o:p></o:p>sassbu l-lkissan t-tadawt iyyis d-uhezz, uxribn bu uk, <o:p></o:p>
t-tadda <o:p></o:p>
yżill, unna tent-ismun ay-as-iwten i-ddunit ġr ixf! <o:p></o:p>
Full happy is he who rides with his lady-friend on horse-back, <o:p></o:p>
While rifle, tea-pot and tent pegs clank together in the saddle-bag! <o:p></o:p>
Nowadays, the sound of gun-shots no longer echoes back from the heights; except when
musket-wielding horseman stage mock charges on days of powder-play, called tafrawt in
Tamazight. If sheep-stealing is now officially frowned upon, it has been replaced by timber-
rustling, the Ayt Hadiddou frequently leaving their treeless plateaux at night to come and cut
down cedars in Ayt Yahya forests, despite opposition from armed Forest Guards. Poaching
Barbary Sheep in the Jbel Fazaz game reserve near Tirghist is also a tempting proposition.
But the fine (bruşşi) involved, if caught red-handed, will no doubt deter all but the lion-
hearted. The element of risk, then, is till there, but remains a poor substitute for the real thing!
Thus must Yahya tribesmen now learn to become law-abiding Moroccan citizens. This
involves channelling their energies into peaceful pursuits such as farming, animal husbandry, <o:p></o:p>or else working with road-repair gangs or woodcutters co-operatives. Though such solutions
may mean exiling oneself to the cities, or even going abroad, the ou-Yahya remains strongly
attached to his native turf. One of my best friends in the area, aged 58, has, in his lifetime,
only been to Casablanca once; twice to Meknes, and about half a dozen times to Midelt.
Being without a TV set does not make him feel in any way deprived. If he goes to Tounfit for
ssuq al-had (Sunday market), he can always enter a café and watch Crocodile Dundee or
The Halls of Montezuma dubbed into German. So what?
Like other Imazighen, and despite changing times, the Ayt Yahya endeavour to retain the
qualities which they upheld in the Heroic Age: approachability, adaptability, honour,
hospitality, industry, solidarity and belief in God. While some remain at home to eke out a
living, a minority have emigrated, either to Midelt or some other Moroccan city, or even
abroad. As old habits die hard, others join the Army, as did their forbears under the French,
and many have fought in the Western Sahara. Poetry alone, together with the ahidus dance,
ever a powerful sign of Berberdom (timuzġa), still provides some measure of release.
<o:p></o:p>Michael PEYRON <o:p></o:p>
GENERAL <o:p></o:p>BIBLIOGRAPHY <o:p></o:p>
BRYANS R., 1965, Morocco: land of the farthest West, London: Faber & Faber.
GELLNER E., 1969, Saints of the Atlas, London: Weidenfeld & Nicolson.
GUENNOUN S., 1934, La Voix des Monts: murs de guerre berbères, Rabat : Omnia.
GUILLAUME A., 1946, Les Berbères marocains et la Pacification de lAtlas central, Paris:
René Julliard.
HART D.M., 1984, The Ait Atta of Southern Morocco: daily life and recent history,
Wisbech: MENAS Press.
HART D.M., 1993, Four centuries of history on the hoof: the North-west passage of the
Berber sheep transhumants across the Moroccan Atlas1550-1912, Journal of the Society for
Moroccan Studies, n°3: 21-55.
PEYRON M., 1976, Habitat rural et vie montagnarde dans le Haut Atlas de Midelt
(Maroc) », Revue de Géographie Alpine, n°2 : 327-363.
RAYNAL R., 1960-1961, « La terre et lhomme en Haute-Moulouya », Bulletin Économique
et Social du Maroc, n°86 & 87 : 281-346.
ROUX A. & PEYRON M., 2002, Poésies berbères de lépoque héroïque, Maroc central
(1908-1932), Aix-en-Provence: Édisud.
Publishing history:
Unpublished paper based on a presentation given at AUI on February 2, 2000.
<o:p></o:p>2) From Jbel Fazaz to Middle Atlas: from boondocks to boom
towns ; the past as key to the present<o:p></o:p>1<o:p></o:p>
___________________________________________________________________________
<o:p></o:p>Abstract - This paper purports to give a survey of the Middle Atlas from the Middle Ages to the present day,
highlighting the fact that this Tamazight-speaking area on the Moroccan periphery labours under a cumbersome <o:p></o:p>historical handicap. More sinned against than sinning, plundered and ravaged on countless occasions by invading
armies, it rends to be visualized in terms of the Moroccan Nationalist post-Colonial Vulgate as a land of
marabouts, rebels, renegades, rustics, and robbers posing a perpetual threat to the peace and quiet of law-abiding
lowland cities such as Fez and Meknes. This has resulted in socio-economic neglect for some fifty years after
Moroccan independence. There are also brief biographies of some of its leading lights, whether mountain saint
or feudal warlord, together with a detailed catalogue of its main tribal groups and an overview of contemporary
events and issues. It is very much an area which, given the present openness regarding Amazigh culture and
language, now needs to come in from the cold and join the Moroccan economic mainstream. <o:p></o:p>___________________________________________________________________________
Introduction
The Moroccan Middle Atlas, as we know it today, is basically a highland area unfortunately
saddled with a notoriously chequered past, as a result of which it still labours under some
serious handicaps. Rather than having influenced history, it could be agued that a dire
succession of events has been inflicted on the Middle Atlas, and that it has earned itself a bad
reputation in the process, as will be demonstrated in due course. Otherwise, the principal
purpose of this paper will be to portray that discarding age-old prejudice is a serious burden
for any society not least that of the Middle Atlas.
The area, however, would appear to enjoy serious assets. Indeed, boasting thick forests and
abundant upland pastures, it is Moroccos main water-tower. Known as Jbel Fazaz to early
Andalucian historians, it was re-christened Middle Atlas by French geographers at the end
of the 19th century. For the requirements of this article, the area has been expanded to include <o:p></o:p>the Middle Atlas cultural ensemble which overlaps west to cove the Zaïan azaġar and Oulmès
areas, south to take in Midelt and the Upper Moulouya, not to mention north-easterly
extensions beyond Bou Iblane to Jbel Tazekka overlooking Taza.
Situated in the heart of northern Morocco, but away from the countrys mainstream activity, it
was conceived negatively as le Maroc inutile (useless Morocco), despite the fact that some
of the most important historic trade-routes in the land cross or circumvent it. These include:
the classic, early medieval route from Moulay Idriss Zerhoun to Marrakech via Azrou,
Zaouiat Ifrane, Adekhsane, and the Tadla region; the triq as-ssultan from Fez to Qsabi
(Kasbat al-Makhzan on the Moulouya) via Sefrou, the usually snow-free Oum Jeniba col and
the qsar of Enjil, as followed by the famous Moroccan traveller Ibn Battuta; the shorter, direct
Azrou-Qsabi route via Timhadit and Tizi n-Taghzeft. Both of the last-named eventually pass
Midelt, cross the eastern High Atlas and continue on down to Tafilalt, terminus of the old-
time trans-Saharan caravan routes.
Population
The area harbours a mix of Zanata and Sanhaja Berbrs, according to the classification of early
scholar Ibn Khaldoun, 2 for most of whom it has been a zone of passage rather than a place of residence. Thus, what we have on the ground is a combination of independently-minded
pastoral tribes, based on inaccessible mountain hide-outs, some of whom were, often out of
necessity, highwaymen or foot-pads. 3 As if to remind the observe of this fact, there is a <o:p></o:p>traditional tamawaytstyle short poem from the Beni Mguild which runs as follows:
<o:p></o:p>a wi ma ġra asen yini wattay i lqer as <o:p></o:p>
may as irwus lla tegg<o:p></o:p>
w<o:p></o:p>
edx ad d i mel <o:p></o:p>
yiwn <o:p></o:p>
wasif <o:p></o:p>
ičč it lla tegg<o:p></o:p>
w<o:p></o:p>
edx i dduyt <o:p></o:p>
m as tummer s un ar lla tegg<o:p></o:p>
w<o:p></o:p>
edx adda <o:p></o:p>
wr as illi wmnay lla tekkam, ay iabar, εamayn! <o:p></o:p>
<o:p></o:p>Hearken to what the tea says to the cartridge: <o:p></o:p>
I fear that the river in spate will sweep him away; <o:p></o:p>
I fear the rain that may fall and dampen his powder, <o:p></o:p>
Depriving <o:p></o:p>
the <o:p></o:p>
horseman <o:p></o:p>
of ammunition; I fear that <o:p></o:p>
For two years, caravans will pass by unscathed!<o:p></o:p>
4<o:p></o:p>
The area was for long notorious as a sanctuary for Christian communities. The chroniclers of
Idris IIs reign refer to isolated pockets of Christians, encountered by the sultans troops
during their campaigns against hill-top fortresses of the Banu Fazaz, already perceived as
trouble-makers.<o:p></o:p>5<o:p></o:p>
In fact Christian communities in the Atlas appear to have survived until Almohad times.
<o:p></o:p>It was also a refuge for heretics and Jews, especially under mountain Zanata princedoms, the
most famous of which seems to have been that of Mahdi Ibn Tuwala, a probable ally of the
Barghawata. In this connection, we hear of the fabled early medieval mountain fortress of
Qalat al-Mahdi, situated near the sources of the great river Oum Rbia, or Wansifen, as it was
known in those days. Eventually capitulating to an Almoravid army after a seven-year siege in
the 11 th century, it was subsequently incorporated into the Almoravid military system. <o:p></o:p>
Its chief claim to fame lies in the fact that Mutamid, poet king of Sevilla, one of the reyes de
Tayfa brought to book by the Almoravids, was placed there under house arrest.<o:p></o:p>6<o:p></o:p>
The king refers to his brief captivity in a wooden fortress with Jews and monkeys for neighbours, before being sent to languish and die in exile at Aghmat at the foot of the Marrakech High Atlas. The precise location of Qalat al-Mahdi remains a mystery to this very day.<o:p></o:p>
7<o:p></o:p>
Land of saints
The Fazaz area can boast numerous famous holy men, or marabouts (igweramn), some of <o:p></o:p>them peacefully inclined, others somewhat less so. Chief among these was Moulay Bouazza
(yilanur), an uncultured monolingual Berber-speaker and undoubtedly one of the leading
lights of the Moroccan Middle Ages. After becoming famous as a divinely inspired shepherd
on Jbel Gourza in the Tinmel area, 8 he later travelled extensively throughout Morocco, and <o:p></o:p>finally settled in central Morocco, being buried at the famous shrine at Jbel Yiroujane in the
Tafoudeit area on the Zaër/Zaïan marches.<o:p></o:p>9<o:p></o:p>
Moulay Ahmed El-Ouahed, appears to have been a Marinid urfa from the Tafilalt area who
travelled through Jbel Fazaz till he reached Zaouiat Ifrane between Aïn Leuh and Mrirt,
where, probably in the 15th century, he married a local woman and founded his zawiya among <o:p></o:p>some caves on the edge of the Tisigdelt plateau. This became a perfectly integrated Arabic-
speaking island in a Berber sea.<o:p></o:p>10<o:p></o:p>
Something of a mystic, Abu Mahalli (rather unkindly referred to as Bum Hully by early
English sources), a wayward Sufi from the Saoura region, studied at Dila in Jbel Fazaz under
Abu Bakr ad-Dila, only to embark on an Almohad-sytle, would-be mahdi venture that ended
tragically outside the walls of Marrakech (1615).<o:p></o:p>11<o:p></o:p>
Of considerably greater importance were the Dilayin marabouts (circa 1560-1665) who
founded two zawiya-s: one near present-day Ayt Ishaq; the other at Maammar, some ten
miles to the south-west from there, and visited by this writer on December 26, 1992. Sacked
by the first Alaouite sultan, Moulay Rachid, Dila was for long a famous seat of Koranic
learning in Arabic, by and for Berber-speakers until, switching from the spiritual to the
temporal, using as their power base the martial Amazigh tribes, its leaders developed dynastic
ambitions, initially neutralising their Tazeroualt competitors form south-west Morocco, but
finally losing out to the Alaouite urfa from Tafilalt, in a dynastic contest vaguely echoing
Britains 18th century Stewart-v-Hannover rivalry.<o:p></o:p>12<o:p></o:p>
Their principal spiritual successors were the Imhiouach marabouts (circa 1700 to the present
day), who were chiefly famous for their Koranic-inspired teaching, magic rites and Doomsday
prophesies, especially Sidi Ali Lhoussaïne and Sidi Ali Amhaouch. The great Sidi Boubker
Amhaouch, who lived in the early 19<o:p></o:p>th<o:p></o:p>
century, was also something of a military leader in his own right, having achieved fleeting unity of the north-west pushing Ayt Oumalou tribes and
encompassing the defeat of sultan Moulay Slimanes army at the battle of Lenda (1818).
These event were responsible, at the time, for some measure of Arabo-Berber antagonism,
especially when lowland Beer contingents serving in the sultans me alla were suspected of
lukewarm loyalty to the Alaouite cause.<o:p></o:p>13<o:p></o:p>
In April 2001, the present writer had tea with the present incumbent, Sidi Mohand Amhaouch, in his house at Lenda.
A comparatively little-known saintly figure, Sidi Raho, possessed not inconsiderable wealth,
including a kasbah at Sefrou, which the French burnt down. Famous for twice leading
Moroccan resistance fighter contingents against Fez (1911 & 1912), he later held out grimly
for another dozen years or so in the north-east corner of the Middle Atlas.<o:p></o:p>14<o:p></o:p>
Other saints were better known for their intellectual prowess. Chief among these was al-
Yousi, a Berber-speaker from the Moulouya area, who, after studying Arabic in various seats
of learning, including Dila and the Qarawiyine, ended up penning the famous muhadarrat,
not to mention a bold letter in which he politely takes to task sultan Moulay Ismaïl for one of
the latters more energetic campaigns against the tribes of Fazaz. Al-Yousi was also famous
for his poetry, some of which, interestingly, was composed in bilingual Arabo-Berber form.<o:p></o:p>15<o:p></o:p>
A contemporary of his was Bou Salim al-Ayyachi, most famous of all the saints from Zaouia
Sidi Hamza, a highly influential religious centre situated on the south side of Jbel al-
Ayyachi. Proficient in Berber and Arabic, he wrote a rihla describing his travels to the east,
also composing some poetry. A leading figure of Moroccan Sufism, Bou Salim enjoys a
privileged niche in the local oral literature. The present author met his descendant at Sidi
Hamza in 1969.
The Alaouite sultans and Jbel Fazaz
The Alaouites, with King Mohammed VI at present on the throne, represent Moroccos
longest-serving dynasty. Vis-à-vis Jbel Fazaz they have always felt compelled to keep lines of
communication open across and around the area, as explained above, both with Tafilalt
(incarnating links to spiritual home-land and shrine of ancestor Moulay Ali Cherif) and
Marrakech, the other major imperial city. Hence a cordon of strategic border fortresses,
garrisoned by εabid guards, to seal off and keep in check potentially unruly Berber tribes
living beyond the Pale.
<o:p></o:p>Subsequent policy usually took one of two forms. When the makhzan was strong, the sultan
would take the field at the head of his army for showing the flag, forcefully levying taxes,
appointing qayd-s to exercise tribal surveillance. Conversely, whenever the makhzan was
weak and divided, as in the mid-18th century, diplomatic brinkmanship was the order of the <o:p></o:p>day, complete with bet-hedging and divide and rule, making and breaking alliances with
this or that tribe whichever was perceived as posing the greatest threat to peace and quiet.<o:p></o:p>16<o:p></o:p>
By and large, however, the relationship between Alaouite sultanate and the Fazaz tribes was
a prickly one. Following the crushing of the Dilayin marabouts by Moulay Rachid, first of
the Alaouite sultants, his successor Moulay Ismaïl lauched a series of merciless campaigns to
seek out and destroy the fighting element of the hill tribes. The resulting legacy of dislike has
lasted practically down to the present day, has probably resulted in the area being punished
by socio-economic neglect for fifty years after the end of the Protectorate, and remains the
chief hurdle in any normalisation of Middle Atlas-makhzan relations.
The tribes of Jbel Fazaz
These are sometimes referred to as Sanhaja Berbers, though this term has lost its true
significance since Almohad times. Basically, these are Tamazight-speaking, tent-dwelling
warrior-shepherds. Tribal societies, they are often linked by brotherly, ta a-style pacts,
combined with a very strong sense of hospitality (customary law, or izerf), and honour (lεezz).
These people, who spent much of their time feuding and raiding (hence the warrior tradition)
used to occupy a boundless, timeless country known prosaically as blad amaziġ (Berber
country), or tamazirt niaen (land of heroes), 17 as depicted in traditional oral poetry. <o:p></o:p>
Going from the north-west and working down to the south-east, we have on the map:-
The Zemmour, (ayt zuggwat), centered on Khemisset, are the ones who reached furthest in the <o:p></o:p>above-mentioned north-westerly push of the Berbers. Famous horsemen, they maintain to this
day the typically Moroccan Berber tradition of powder-play, known as fantasia in tourist-
speak, tburida in Moroccan Arabic, tafrawt in Tamazight. They don colourful, broad-
brimmed straw-hats during summer harvesting. Recently, one of their chief claims to fame is
that they produced the famous singer Najat Aatabou.
The Guerrouane (iyerwan), originally lived near Bou Denib, where you will find a kasbah
named Toulal, similar to the Toulal near Meknes, the latter being associated with a famous
vintage, much to the disgust of some Amazigh purists. At a later stage in their migration they
occupied Asif Melloul, in the High Atlas, whence they were evicted by the Ayt Hadiddou,
after which they settled near Midelt, where a ruined Ksar Guerrouane may be seen to this
day. Their musicians are most commendably keeping alive the amdyaz heritage of the Berber
bards on the northern fringe of the Middle Atlas, despite the proximity of big cities.
The Beni Mtir (ayt n ir), one of the first Tamazight-speaking tribes exposed to western
influences, now occupy the plateaux and forests between El Hajeb and Ifrane (Tourtit). Great
musicians, poets, and horsemen, they lived in the Ziz valley in the early-17th century, at which <o:p></o:p>time they developed strong ties with Zaouia Sidi Hamza and Bou Salim al-Ayyachi. Among
their better-known clans are Ayt Ourtindi, Ayt Naaman, Ayt Herzallah, Ayt Bourouzouine,
Ayt Slimane, Iqeddar, etc.
<o:p></o:p>Also famous as former clients of Zaouia Sidi Hamza, the Ayt Ayyach live in exile among the
northern foothills of Jbel Kandar, close to Fez, separated from their southern cousins, the Ayt
Ayyach of Anzegmir, by the entire breadth of the Middle Atlas. A most civilised people,
born poets half of them! A well-known Ou-Ayyach was the wandering bard Hammou ou
Assou (circa 1900-1960), some of whose poems this writer collected in Midelt in 1989, but
who used to come right up to Ougmès, near Azrou, during the fruit-picking season in the 1930s.<o:p></o:p>18<o:p></o:p>
The Ayt Sadden live east of Fez around Bir Tam-Tam. This tribal group has produced two
important Amazigh militants: Dr Abdelmalek Ou-Sadden, a previous Berber language
informer who did field-work with André Basset, 19 and Mohammed Chafik, a famous Berber <o:p></o:p>scholar and first recteur of the Royal Institute for Reseach on Amazigh Culture (IRCAM in
French). Originally, they were Arabic-speakers who moved north from the Sahara, and now
speak a Tamazight dialect very similar to that of the Ayt Izdeg, their one-time neighbours,
who have stayed on in the Ziz valley.
The Ayt Yousi are a tribal group established around Sefrou and Tazouta, reaching down
towards, and even beyond, Boulmane. Some even remain near Enjil on the Moulouya slope.
They previously occupied land far to the south in the Ziz valley, but, as a pro-government jay
tribe, were moved north to watch over triq as-ssultan. Apart from al-Yousi the scholar, there
was also a famous late-19th century qayd al-Yousi, whose former town-house in Sefrou now <o:p></o:p>hosts seminars and other cultural gatherings. A famous Ou-Yousi alive today is Fez-based
geographer Lahsen Jennan, who recently completed an exhaustive thesis on the Middle
Atlas.<o:p></o:p>21<o:p></o:p>
Now for a trio of tribes to the north-east who speak a different kind of Berber related to the
znatiya vernacular:-
The Ayt Seghrouchen are a very large tribe, some near Immouzzer-Kandar, some in and
around Ifrane, with others living near Boulmane, on and about Jbel Tichoukt (al-Mers) which
they defended most energetically against the French military (1915-1926). Meanwhile, yet
others remain in the Talsinnt area, in the south-east. Their name derives from seġr uen
(shrivel jackal), the founder member of the tribe, something of a holy man with magical
powers, having thus disposed of a jackal attempting to molest his flock. Many of them later
served under the French with the irregular infantry or cavalry known as Goums.
The Ayt Warayn are another very large tribe occupying most of the north-east corner of the
Middle Atlas, their heart-land a valley called Tanchraramt, tucked away in the mountains,
dominated by the precipices of Ich Izdiane. Great warriors, but, at the same time, highly
civilised people. They resisted the French for many years near Bab ou Idir, later around Bou
Iblane, where one of their number, Mohand ou Hammou, earned a name for himself (1926).<o:p></o:p>22<o:p></o:p>
Today, 90% of the Moroccan Parachutre Brigade are Waraynis. Although Berber poetry is
currently undergoing a revival in this area, for some time the locals had been singing in
Arabic, but to Berber rhythm, a habit apparently introduced by their Beni Yazgha neighbours
from Elmenzel.
They have as southerly neighbours the equally famous and previously warlike Marmoucha
(imermuen), proud, sheep-rearing transhumants inhabiting one of the coldest regions in
Morocco. They stoutly resisted the French army both during the Taza area campaigns (1920-
1926) and, again, in 1955-1956 with the Moroccan Liberation Army. <o:p></o:p>
Moving south and centre, we find a foursome, the first three of which were historically
referred to as the Ayt Oumalou (sons of the shady slope), former enemies of the Ayt
Idrassen, and incorporating various combinations of tribal groupings, depending on
circumstances.
The Beni Mguild (ayt myill) are hardy shepherds and wood-cutters occupying the main cedar
forests and undulating plateaux extending south from Azrou and Aïn Leuh to Timhadit,
overlapping into the upper Moulouya. They were most unrelenting in resistance, first against
the makhzan (19th century); later against the French, being involved in heroic battles around <o:p></o:p>Bekrit (1916-1920). They were at one time allied with, later in competition with Zaïan
neighbours.
The Zaïan (i iyyan) are among the most famous of highland Berber tribes. Their territory
extends from Mrirt to Tighessaline, west to Oulmès; where Berber political leader and former
minister Mahjoubi Aherdane comes from. Chief town Khenifra, elevated to status of capital
by great war-lord and resistance fighter Moha ou Hammou Azayyi, to give him his Berber
name. They are renowned horsemen and hunters using Moroccan grey-hounds (uskayn). As
for the classic Zaïan a idus it is justly famous. Vast pastoral gatherings take place in summer
on fertile, wood-girt Ajdir plateau, that epitomizes all the semi-nomadic Zaïan aspire to.<o:p></o:p>23<o:p></o:p>
On October 16, 2001, the present king made a speech to the tribes at Ajdir, announcing the
opening of the Royal Institute for Research into Amazigh Culture (IRCAM).<o:p></o:p>24<o:p></o:p>
The Ichqern are centred round Lqbab on Oued Srou. Long-time associates and clients of the
Imhiouach saints, they occupy a meat-in-sandwich situation between the Zaïan to the north
and Ayt Sokhman to the south. Prominent in crippling inter-tribal battles with the Zaïan, in
resistance against the makhzan and France.<o:p></o:p>25<o:p></o:p>
Many enrolled in the Goums under the French, <o:p></o:p>
served in Second World War, and eventually in the FAR as the Moroccan army is called.
Finally, the Ayt Ihand, who are a small tribe occupying wooded, mountainous terrain between
the Moulouya and Oued Srou; in the 18th and 19th centuries they used to side with the Ayt <o:p></o:p>Idrassen against the Ayt Oumalou.
Middle Atlas place-names
Many of the toponyms in this far from exhaustive list are referred to in Amhaouch apocalyptic
prophesies and bardic poetry, constituting what we might term the mythical dimension of
Jbel Fazaz seen as a sort of a orm, (protected sanctuary).<o:p></o:p>26<o:p></o:p>
Tafoudeït: name given to village and surrounding hilly country shared by Zemmour and
Guerrouane along Oued Beth, upstream from Khemisset. Oued Beth itself site of a terrible
battle in Barghawata times is seen by some Imhiouach prophesies as the place of destiny, a
fact clearly stated in the following lines of verse:-
<o:p></o:p>tsul baht ad tarew yiwn unid igan abexxan, <o:p></o:p>
yili s wazzar ad ikka s tiqqar ddunit ! <o:p></o:p>
<o:p></o:p>One fine day in Oued Beth shall be born a shaggy <o:p></o:p>
Black donkey whose kicks will shake this world!<o:p></o:p>
27<o:p></o:p>
Adarouch: proverbially excellent grazing country (site of present-day King Ranch) between
Boufeqrane and Mrirt; often a bone of contention in the past between Beni Mguild and Zaïan.
Tabadout: village near paysage dItto between El Hajeb and Azrou. It was the scene of some
severe fighting against a French column in 1913-1914.
Tigrigra: a fertile plain extending south-west from Azrou along the foot of the Middle Atlas to
Sidi Addi, featuring villages, meadows and orchards; was also much coveted in the past for
its grazing.
Zaouia Si Abdesslam: small zawiya situated on Asif Tizguit a few miles downstream from
Ifrane; has retained links with marabouts situated far to the south, including those at Zaouia
Sidi Hamza.
Daïet Aoua: large shallow lake in a broad bowl in the hills between Ifrane and Immouzzer-
Kandar; has sometimes dried up completely in recent years due to drought and abuse of
aquifer by motor-pumps irrigating orchards.
Jbel Hayyane: (2.407m; cold mountain), highest point in the tabular Middle Atlas and
former tribal rallying-point, especially during early-20<o:p></o:p>th<o:p></o:p>
-century battles around Bekrit. It <o:p></o:p>
retains residual snow-patches quite late in season (May).
Oued Guigou (asif n yiyu): a river, famous for trout-fishing, belonging to the Oued Sebou
watershed that drains a vast upland plateau between Timhadit and Taghzout, now in Beni
Mguild territory. Sunday market (ssuq es-sebt) at Almis is local focal-point for trading.
Jbel Fazaz: refers to hills that overlook Oued Guigou to the south, whereas name formerly
applied to central and western part of Middle Atlas area.
Amekla: a fertile plateau near Annoceur, south of Sefrou, associated with the zawiya of Sidi
Raho Arfaoui, famous early-20<o:p></o:p>th<o:p></o:p>
-century holy man and resistance leader. <o:p></o:p>
Jbel Tichoukt: (2.790m); rather arid, oak- and cedar-clad mountain situated between
Boulmane and al-Mers; became an impregnable fortress to Sidi Mohand and his dissident Ayt
Seghrouchen tribesmen (1923-1926).
Sidi Mohand Azeroual: small sanctuary at foot of eastern spur of Tichoukt, dedicated to saint
and miracle-worker who played a considerable role in local tribal politics several hundred
ago.
Tilmirat: small hamlet in Beni Aliham territory; supposed to harbour a sacred juniper to
which is attributed a mahdi-style legend.
Jbel Bou Iblane: (3.190m), vast mountain range, snow-clad 6-7 months a year in Taza region;
Sidi Raho and last die-hard resistance fighters in Middle Atlas surrendered there in summer of
1926.
Zaouiat Oued Ifrane: zawiya and village situated between Aïn Leuh and Mrirt at source of one
of the headstreams of Oued Beth, a wooded, fertile spot, overlooked by Tisigdelt plateau
(probable site of Qalat al-Mahdi). <o:p></o:p>
Adekhsane: site of an Almoravid fortress on plain about 10 kilometres south of Khenifra; was
often used as base by Alaouite sultans (1665-1750) during their campaigns against unruly
tribes.
Aamira (Lgara): site of former hilltop-fort lying due east of Khenifra and overlooking
Adekhsane; belonged to some unknown independent Amazigh chief before being reduced by
Almoravid army.
El Herri (lehri): lies about 10 kilometres south of Khenifra on Oued Chbouka. It was the site
of a Pyrrhic victory won by Moha ou Hammou over a French detachment under Colonel
Laverdure in October 1914. Though many Moroccans were killed in the battle, it made a great
impression on the French, dictating greater caution during their subsequent campaigning in
the Atlas.
Lqbab: the Ichqern capital, this small town overlooking Oued Srou has undergone recent
construction of several unsightly apartment blocks. A district of the town, called Taqedoust,
has long been associated with the Imhiouach marabouts. In the 20th century was the residence <o:p></o:p>of two devoted Roman Catholic fathers who, far from attempting to Chrisitianize the locals,
did all they could merely to help them, and are highly thought of to this very day.
Lenda (Lemda): small village surrounded by vast wheat-fields on left bank of Oued Srou,
situated a few miles west of Lqbab. Also site of Moulay Slimanes defeat at hands of Fazaz
tribes united under Boubker Amhaouch (1818). The place, often mentioned in oral poetry, has
since acquired truly mythical proportions in the hearts and minds of some members of the
local population, being visualized as the once and future spiritual capital of the area;
symbolizes hops of better times.
Jbel Toujjit: prominent mythical mountain at the heart of central Morocco between Aghbala
and Tounfit on the Moulouya/Oued el Abid watershed, strongly associated with the
Imhiouach marabouts, especially Sidi Ali, who used to come and meditate there. Also an area
of refuge towards which muahidin retreated during period of resistance to the French (1918-
1931). According to local tradition, on a fine day you can see the holy town of Boujaad from
the summit, thus establishing a visual link between two strong markers on the spiritual
landscape. There is a small wooden hot on the summit, presumably to allow pilgrims to spend
the night.
Tazizaout (green mountain): a remote, steep-sloped, cedar-covered ridge, surrounded by
bushy ravines, lying between Aghbala and Imilchil. Site of a famous, month-long battle
against the French in August 1932, which brought to a close the Imhiouach epic, and scene of
a small musem celebrated every year for three days commencing August 24 to commemorate
muahidin who died there.<o:p></o:p>28<o:p></o:p>
Brief overview of colonial period
Putting it in a nutshell, Protectorate authorities saw their subjugation of the area as imposing a
timely check on rebellious tribes that had been pushing their way north-west for centuries and
now threatened to engulf the plains of the Gharb, Lyauteys Maroc utile, which, according to
the logic of the time, he had to protect; bolstering up the weakened Alaouite dynasty was
very much part of his brief. <o:p></o:p>
Suffice it to say that for Middle Atlas Imazighen it was the end of the previously mentioned
land of heroes and the collapse of a centuries-old traditional lifestyle. Their gallant
resistance, their patriotic participation in famous battles, from Bou Denib in 1908 to the
crowning tragedy of Tazizaout (1932), has finally been acknowledged. Though both these
spots are somewhat out of area as far as Jbel Fazaz proper is concerned, numerous fighters
from the Middle Atlas contributed to these campaigns and thus deserve to be mentioned here.
While many of the young men enrolled in the colonial army as Goums or Tirailleurs, later in
the FAR, nothing would ever be the same again. For better or for worse, the local population
were brought into contact with the modern age: first through exposure to heavy artillery,
machine-guns and aeroplanes; later, and in more kindly fashion, with medicine, soap,
hospitals, schools, roads and the rule of law. Serious curtailments were imposed on their
freedom, especially regarding pastoral movements, use of forestry resources and feuding. To a
people used to settling disputes their own way, with cold steel or rifle-shot, however, this was
possibly the hardest thing to accept, as attested by many contemporary poems, as in the
following:-
<o:p></o:p>ay iysan, iġab lεezz assa mġar iney a
y iεerrimn isafer d uzif m ur
ġursen illa w ba i ymssus llibas ! <o:p></o:p>
<o:p></o:p>O horses, gone is bravery today; should one of <o:p></o:p>
Our young men set off on his steed, he goes unarmed; <o:p></o:p>
Truthfully, the spice of life has departed! <o:p></o:p>
<o:p></o:p>
tunf lεedda y ay imaziġn, qqa
zziyun iġab wawal w wuzzal, iy awn
ue<o:p></o:p>ab l leεqul all la nna wr diyun! <o:p></o:p>
<o:p></o:p>Our gunsve been confiscated, O Berbers, for all of you, <o:p></o:p>
The sound if steel is silent, and honour is gone, <o:p></o:p>
You now react to an alien form of logic!<o:p></o:p>
29<o:p></o:p>
Present-day period
The Middle Atlas has acquired a reasonably well maintained road network, with regular bus-
services, while mobile phone towers have mushroomed across the rural landscape. Health and
educational services are in place; in theory, at least. Ifrane, Azrou and Sefrou have benefited
from tourism, both national and international, and contain most of the urban resources one can
expect to find. Reflecting phenomena such as rural exodus and population, the switch from
boondocks to boom towns has chiefly affected conglomerations such as Mrirt, Midelt,
Khenifra, Sefrou and Ifrane, the last three having greatly benefited from becoming provincial
capitals. Meanwhile, winter sports and summer tourism are becoming increasingly popular
with weekenders from Fez, Meknes and Rabat.
Economically speaking, however, the area has yet to take off, and a fairly large proportion of
the population are living in, at best, straitened circumstances, while illiteracy still survives in
most areas. Some development projects, such as the bituminous schist workings near
Timhadit have, if anything, been counter-productive. More capital investment is required <o:p></o:p>from outside, and not only with absentee land-lords enlarging their flocks (hence over-
grazing), or mass-produced chicken farms, or newly developed apple-orchards with water-
pumps adversely affecting the water-table, though these activities do employ plenty of local
labour. Happily, some locally financed NGOs have appeared in recent years for
agricultural,<o:p></o:p>30<o:p></o:p>
or tourist-related projects, chiefly in the Ifrane-Azrou area, with the setting-up <o:p></o:p>
of dedicated guest-houses.<o:p></o:p>
31<o:p></o:p>
Ski installations at Michliffen and Jbel Hebri require up-dating, and though other aspects of
tourism (hunting-shooting, fishing, etc.) are developing, plans to set up a national park in the
area, which, riding on the crest of the present world eco-tourism boom would no doubt further
protect the cedar forest, have yet to materialise.<o:p></o:p>32<o:p></o:p>
The area as a whole, however, still suffers from its historical legacy as a potential hot-bed of
rebellion. This particular instance of slanted vision is one of the corner-stones of the post-
Protectorate Moroccan Vulgate, the Middle Atlas being unfairly seen by the urban glitterati as
a reservoir of military man-power, a land of potential heretics, saints, sorcerers, shepherds,
wool-spinners, ladies of the night and vernacular poets. While jokes about the Tanjaoui, Fassi,
Berbri, Soussi, Marrakchi and the country rustics (lεerubiyin) of the Middle Atlas will always
circulate (just like funny stories about Irishmen, Scots, Belgians or Auvergnats) what is
needed is a sea-change in the hearts and minds of most city-dwelling Moroccans for a better
understanding of the countrys rural population. This applies especially to that of the Middle
Atlas, formerly Jbel Fazaz.
In this context it should not be forgotten that the people of the Middle Atlas did their bit
defending their country against colonialism in the 20th century; they are also good, hard-<o:p></o:p>working Muslims. They understandably aspire to better living better conditions and there is
no reason why should not achieve their goal.
In this respect, the founding of Al-Akhawayn University in Ifrane in 1995-1996 constituted a
happy innovation regarding interaction between officialdom and the locals. Apart from the
numerous jobs created on and off campus, some cultural, sociological and ecological ties have
been developed with the Ifrane community, while development projects (such as the Hilary
Clinton Empowerment for Women, the environmentally-oriented CEIRD, and a carpet-
weaving operation set up at the nearby village of Tarmilat) have got under way, chiefly
targeting Zaouia Si Abdesslam and Ben Smim. Far more relevant to the topic in hand, some
experiments in Tamazight teaching have been implemented and, since 2001, a students
association called Tamesmount n-Al-Akhawayn has organised several conferences on
historical and cultural problems, while a History and Culture of the Berbers class, has been
taught by the author of the present article and a dedicated text-book published.<o:p></o:p>33<o:p></o:p>
H.M. Mohammed VIs recent (October 2001) declaration at Ajdir has also contributed
towards bringing the Middle Atlas out from the cold and into mainstream Morocco. Added to
this was the fact that Tamazight was officially declared as being part of the national heritage,
of which every Moroccan can be proud. The first four years of the subsequently founded
IRCAM, however, have produced balanced results: on the one hand, numerous highly
productive conferences have been held and Amazigh-related books have been written,
including language text-books for in-class teaching that has been effective since 2003. On the
other hand, there has been some ambiguity surrounding the Institutes real goals, together
with accusations that some government department were stalling, especially regarding use of <o:p></o:p>the Tifinagh alphabet, teacher training, and application of language-teaching programmes, not
to mention their extension to Secondary and Higher education (as yet unachieved).
On the whole, however, programmes launched by IRCAM have been prosecuted with a
reasonably high degree of professionalism and have allowed of an upsurge of scholarship and
general interest in a language and a culture that had been sidelined for centuries. The Middle
Atlas (Jbel Fazaz) as one of the chief Amazigh areas of Morocco surely stands to gain from
this ongoing process.
<o:p></o:p>Michael PEYRON
Visiting Professor <o:p></o:p>History & Culture of the Berbers <o:p></o:p>
Al-Akhawayn University-in-Ifrane (Morocco) <o:p></o:p>
NOTES <o:p></o:p>
1 This article is the revised version of a lecture given at Al-Akhawayn University-in-Ifrane on November 1st , 2001.
2 Cf. IbnKhaldoun, Histoire des Berbères, 4 vols, Paris : Geuthner, 1956.
3 Known as coupeurs de route in French ; iqeaεn in Tamazight. <o:p></o:p>4 A. Roux & M. Peyron, Poésies berbères de lépoque héroïque, Maroc central (1908-1932), p.68. This poem dramatically portrays the emphasis that Beni-Mguild tribesmen placed on raiding as an institution during times of siba.
5 A. Naciri, Kitab al-Istiqça, XXX, p.158, refers to Jewish Berbers among the Banu Fazaz of the area; Banu
Fazaz, of course, is an Arabicised rendering of ayt fazaz.
6 Cf. G.S. Colin, Encyclopædia of Islam, vol. 2, Leiden: Brill, 1991, p.874.
7 Fonds berbère Arsène Roux, IREMAM, Aix-en-Provence, file 79.1 Fazaz; also M. Peyron « Qalat al-Mahdi : a pre-Almoravid fortress in the Moroccan Middle Atlas », JNAS, vol.8, N°2, (summer 2003), pp.115-123.
8 Cf. texte 57 : Sidi Bou Iâzza, le gardien du Gourza, in H. Stroomer, Textes berbères des Guedmioua et Goundafa (Haut-Atlas, Maroc), p.147.
9 Cf. text « Al chaykh Abu Iazza Yilanur Ibn Maymun », in Ibn al-Zayyat al-Tadili, Regard sur le temps des Soufis, (trans. Ahmed Toufiq), Rabat ; Eddif/UNESCO, 1994, pp.158-164.
10 One of the likeliest sites of Qalat al-Mahdi and visited by the author on several occasions (2001-2005).
11 N. Barbour, Morocco, London : Thames Hudson, 1965, p.115; C.-A. Julien, Histoire de lAfrique du Nord, Paris: Payot, 1994, p.558.
12 G. Drague, Esquisse dhistoire religieuse du Maroc, Confréries et Zaouïas, Paris : Peyronnet, 1951.
13 M. El Mansour, Morocco under the reign of Mawlay Sulayman, p.102 ; also article on rebellions in Morocco by J.F. Clément in al-Asas, N°13/1979, p.23; also A. de Prémaré, RMMM, 51/1989, pp.1124-1125. Cf. D.M. Hart, History on the hoof, JSMS, 3/1993, p.17, for north-west push of Sanhaja Berbers.
14 M. Le Glay, Badda fille berbère & autres récits marocains, Paris: Plon, 1921, pp.179-198.
15 J. Berque, al-Yousi, Rabat: Tariq Ibn Zyad, 2000.
16 N. Barbour, op. cit., p.122 ; H. Terrasse, Histoire du Maroc, Casablanca : Hespérides, p.140, both probably drawing on Istiqça chronicle. Cf. also A.S. Azaykou, Histoire du Maroc, ou les intérprétations possibles, Rabat : Tarik Ibn Zyad, 2002, pp.61-63.
17 From poem in M. Peyron, Isaffen Ghbanin, Casablanca: Wallada, 1993, pp.196-197.
18 Cf. M. Peyron, op. cit., pp.196-197; A. Roux & M. Peyron, Poésies berbères de lépoque héroïque, Aix-en-Provence: Edisud, pp.39-46.
19 Cf. A. Basset, Textes berbères du Maroc (Parler des Aït Sadden), Paris : Geuthner, 1963, (with introduction by P. Galand-Pernet).
20 Many of the above-mentioned Tamazight-speakers used to belong to a loose tribal alliance known historically as the Ayt Idrasen, but which broke up early in the 19th century. <o:p></o:p>21 L. Jennan, Le Moyen Atlas central et ses bordures : mutations récentes et dynamiques rurales, Fez : Al Jawahir, 2004.
22 Cf. J. Saulay, Histoire des Goums, vol.1, Paris : La Koumia, p.209.
23 a fad nne ay udir! (=How I long for you, O plateau of Ajdir!); thus, in winter, does the Zaïan shepherd long to return the heights of Ajdir the following spring. <o:p></o:p>24 Of special significance to the Zaïan is the fact that Mohammed VI is great-grandson of their famous former chief Moha ou Hammou.
25 Cf. S. Guennoun, La Montagne Berbère, Rabat: Omnia, 1933, pp.253-264 ; also S. Guennoun, La Voix des Monts, Rabat : Omnia, 1933.
26 Some of the subsequent place-names figure in A. Roux & M. Peyron, op. cit., pp.183-193.
27 Apparently linked to old legends which claim that the appearance of a sort of Anti-Christ (dual), riding a black donkey, will herald the coming of the mahdi; A. Roux & M. Peyron, op. cit., p.191.
28 Ibid., pp.194-200.
29 M. Peyron, Amazigh Poetry of the Resistance Period (Central Morocco), JNAS, Vol.5, N°1 (Spring 2000), p.115
30 Chief among these is the Oued Srou project for agricultural and social development, affecting the area immediately south-east of Khenifra.
31 While guest-houses ideally target the down market eco-tourism niche, it is difficult to see how some of the new construction at Ifrane (in particular the revamped de luxe Michliffen hotel) are expected to fit into this category!
32 Cf. present authors article on Middle Atlas in Montagnes Méditerranéennes, IGA, Grenoble, 2000/n°12, pp.49-51. Also his follow-up paper on Rural tourism in the Atlas mountains at Sustainable Tourisme workshop during British Days at Al-Akhawayn University, Ifrane, March 6, 2002.
33 M. Peyron (ed.), The Amazigh Studies Reader, Ifrane: AUI University Press, 2006.
<o:p></o:p>Publishing history:
To appear in Nabil Boudraa and Joseph Krause (eds.), Mosaic North Africa: a cultural re-
appraisal of ethnic and religious minorities, CUP, 2007 (in the press). <o:p></o:p><o:p> </o:p>
3) Barghawata et résistance <o:p></o:p>
Introduction
Davoir fait peser sur les Barghawata<o:p></o:p>1 toute la malédiction de lhistoire en tentant de les effacer de la mémoire marocaine reste une entreprise procédant du déni historique<o:p></o:p>
2 restée longtemps sujet tabou, la question des Barghawata peut sans doute être désormais abordée sans passion et aussi objectivement que possible. Dautant plus que la Marocanité de leur entreprise nest plus à prouver, basée quelle était sur une population occupant la région de Tamesna aux rivières pérennes, à la fois cur vital du Maghreb al-Aqsa et véritable poumon ouvert sur la mer océane. Population dure à la tâche, comptant des hommes courageux et des femmes énergiques daprès les commentateurs de lépoque<o:p></o:p>
3 . De plus, bien quayant relevé dune entité politique déconsidérée par lhistoriographie officielle, car perçue comme ayant colporté la plus discutable des hérésies, il est toute de même permis daffirmer que la geste des Barghawata « idéologie ( ) née dune volonté de lutter contre loppression »<o:p></o:p>
4 sinscrit dans un très ancien processus marocain de résistance aux influences étrangères.
Résistance, donc, au VIIIe siècle vis-à-vis dun diktat religieux, dun projet de société, imposé depuis lOrient en faisant fi des réalités, du génie des habitants du Maghreb al-Aqsa.
Résistance « en réponse à la politique dhumiliation, de spoliation et de discrimination dont
furent victimes les Berbères, après la révolte de Maysara »<o:p></o:p><o:p> </o:p>
5 . Celle-ci aboutira à la création <o:p></o:p>
dun royaume marocain authentiquement amazighe, ainsi quà une adaptation berbère très
sévère de lIslam, bien que quelque peu décalée par rapport à la religion-mère et basée sur un
quran dans la langue vernaculaire qui na pas fini de défrayer la chronique.
<o:p></o:p>Enclave déviationniste quil sagira de défendre par tous les moyens envisageables. Nous
nous proposons danalyser en premier lieu la situation des Barghawata, privés de profondeur
stratégique car adossés à lAtlantique, et obligés de rechercher des alliances assez aléatoires,
mais disposant apparemment de quelques moyens maritimes et sappuyant sur des lignes de
communication intérieures relativement courtes leur conférant un avantage tactique certain.
Nous examinerons également le rôle que vont jouer les diverses régions dans ce dispositif
défensif focalisé sur leurs confins est et sud-est, frontières de toutes les menaces.
Les frontières de Tamesna
Les limites du royaume des Barghawata ne sont guères connues avec précision, dautant plus
quelles ont pu fluctuer au gré des combats. Il est possible, cependant, den établir les
contours grosso modo.
<o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Au nord et nord-est, le Bou Regreg, comprenant la ville de Chellah, tout au moins
jusquau milieu du Xe siècle<o:p></o:p>6 puis la vallée de lOued Bath jusquà sa source dans le <o:p></o:p>
Fazaz (Tamesna oriental). <o:p></o:p>
À lest/sud-est, le cours supérieur de lOued Grou et le Jbel Yiroujan<o:p></o:p><o:p> </o:p>
7 puis lOum Rbia (Wansifn, fleuve des fleuves) jusque dans le Tadla ; enfin lOued Tansift (petit fleuve), et ses environs. <o:p></o:p>
-<o:p></o:p>
Au sud-ouest, éventuellement, larrière-pays dAsfi et des Haha<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
8 (Tamesna occidental). <o:p></o:p>
-<o:p></o:p>
À lextrémité nord du pays et séparé du reste des terres des Barghawata, citons pour
mémoire le port de Sebta, lequel sérigea (1061-1086) en petit royaume taifa semi-
indépendant sous Soukout al-Barghawati<o:p></o:p><o:p> </o:p>
9 jouant un rôle commode de fenêtre ouverte sur lAndalousie, mais dont les liens avec le royaume hérétique demeurent flous. <o:p></o:p>
Considérations stratégiques
Les Barghawata occupaient une zone appelée Tamesna (au bord de leau), ainsi que celle
des Doukkala, avec une partie du Tadla, véritable grenier du Maghrib al-Aqsa. Ils disposaient,
outre dimportantes ressources alimentaires, dun ensemble propice au combat défensif,
composé à la fois de petites montagnes boisées, de plaines, de forêts, de larges vallées (Grou,
Khorifla, Bou Regreg, Beth) profondément entaillées dans le plateau central. Parmi celles-ci,
la vallée du Baht, cassure profonde en partie bordée de falaises, qui faisaient figure de
frontière naturelle avec les voisins Idrissides. Se prêtaient également à une action défensive le
massif du Khatouat, ainsi que le cours supérieur du Khorifla (Khoriflet), dautant plus que
cest sur ses rives que périra le chef murabit Ibn Yasin<o:p></o:p>10<o:p></o:p>
. Quant à la forteresse de Qalaat al-<o:p></o:p>
Mahdi,<o:p></o:p>
11<o:p></o:p>
tenue par les Zenata du Jbel inféodés aux Barghawata, elle semblait constituer avec <o:p></o:p>
la région du Tafoudeit et du Jbel Yiroujan leur bastion oriental. Celui-ci joua pleinement son
rôle lors de linvasion almoravide, la Qalaat ayant résisté entre sept et neuf ans aux armées de
Youssef Ibn Tachfin<o:p></o:p>12<o:p></o:p>
. Il y a, du reste, tout lieu de penser que ces massifs boisés, <o:p></o:p>
éventuellement les collines des Haha, ont constitué le réduit suprême des Barghawata au
moment où ceux-ci disparaissent finalement de lhistoire au XII<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle. En effet, depuis les <o:p></o:p>
temps les plus obscurs, les Imazighen du Maroc ont su admirablement tirer parti des
mouvements de terrain, saccrocher aux collines, quil sagisse du Khatwat, du Fazaz, du
Tazizaout <o:p></o:p>
Autre atout majeur dont disposait les Barghawata : des voies de communications terrestres
articulées autour dun réseau de pistes et dun système de messagerie rapide selon les critères
de lépoque, à base dirkassen à pied et/ou à cheval, sans parler des feux du genre tamatert
pour donner lalerte, ce qui leur permettait de parer à toute menace là où elle se présentait,
dans les plus brefs délais. Ce potentiel défensif semble avoir été utilisé dans son ensemble à
bon escient.
En effet, sachant lorsquil le fallait profiter des divisons chez leurs adversaires, les
Barghawata ont réussi à tenir tête de 752 à 1149, et ce face à des attaques multiples et répétées
des ennemis idrissides, fatimides, zirides, almoravides, ou almohades<o:p></o:p>13<o:p></o:p>
. Parmi les adversaires <o:p></o:p>
auxquels ils se sont trouvés confrontés, un cas quasiment pathologique : celui de lémir ziride
Temym al-Yfrani (1032-1056), qui se vantait davoir « fait chaque année avec acharnement la
guerre sainte aux Barghawata <o:p></o:p>14<o:p></o:p>
». <o:p></o:p>
La stratégie des Barghawata aura sans doute connu deux phases. Une première, correspondant
à la période de prosélytisme du IX<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle, inscrite sous le signe de loffensive à outrance. Une <o:p></o:p>
seconde phase à caractère nettement plus défensif, pendant laquelle les Barghawata donnèrent
libre cours à la stratégie éternelle des combattants berbères : feindre de céder du terrain devant
un envahisseur supérieur en nombre ; ne pas hésiter à abandonner les centres habités pour
mieux sorganiser sur les hauteurs, doù, le moment venu, lennemi faisant mine de se retirer,
lon saura fondre sur lui en exploitant à merveilles angles morts, couverts, et défilements.
Tactique dite de « laccrochage en retour »<o:p></o:p>15<o:p></o:p>
, parfaitement adaptée à un combat livré à larme <o:p></o:p>
blanche, ainsi quavec des frondes, des arcs et des flèches, et exploitant au mieux des forces
de cavalerie. Tactique qui fera encore ses preuves, bien que dans un contexte différent, faces
aux colonnes françaises dans le Fazaz au début du XX<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle. <o:p></o:p>
Autour de quels centres cette défense était-elle articulée ? La capitale barghawati où se
trouvait-elle ? Était-ce bien à Anfa ? Tant que larchéologie naura pas livré davantage de
renseignements on ne pourra avancer que de prudentes supputations quant à lemplacement
des principales agglomérations du Tamesna à cette époque. Sont mentionnées les villes de
Mediouna, Tamallouqat, Timghasn,<o:p></o:p>16<o:p></o:p>
ces deux dernières (où furent perpétrés, croît-on, <o:p></o:p>
deffroyables massacres) ne pouvant pas être situées avec certitude. Il est, toutefois, probable
que certaines localités actuelles, de par le choix de leur emplacement dicté par la topographie
des lieux, telles que Rommani, Berrechid, et Settat étaient déjà habitées à lépoque des
Barghawata. Comme ports on peut dénombrer Asfi, Oualidia, Azemmour, Anfa et Fdala (<
fadl allah ?) ; quant à Agouz, ou Kouz (à lembouchure du Tensift) et Amegdul (Souira), on
ignore dans létat actuel de nos connaissances, sils ont pu être exploités par les
Barghawata<o:p></o:p>17<o:p></o:p>
. Quoi quil en soit, les ports dont ils disposaient revêtaient une importance <o:p></o:p>
vitale pour assurer les liaisons maritimes avec lAndalousie, notamment Cordoue, longtemps
capitale incontestée de lislam occidental, et siège du caliphat Oumeyyad. Or, lon sait
limportance quattachaient les rois barghawata à ces liens privilégiés<o:p></o:p>18<o:p></o:p>
, à la fois stratégiques <o:p></o:p>
et commerciaux, moyen pour un état paria de soctroyer un semblant de légitimité parmi le
concert des nations dalors.
Alliances extérieures possibles
Les Barghawata ontils véritablement bénéficié dalliés ? Lémir Oumeyyad al-Hakim al-
Moustanser semblerait avoir apporté une caution toute morale et temporaire au régime
hérétique, suite à la visite à Cordoue en lan 963 de Zemmour, haut dignitaire barghawati<o:p></o:p>19<o:p></o:p>
. <o:p></o:p>
Autrement, hormis certaines tribus comme les Zenata de la montagne, Banu Yfran, Banu
Ysker, Banu Waousinat, Izemin et autres<o:p></o:p>20<o:p></o:p>
, solidement intégrés dans la mouvance <o:p></o:p>
barghawatie, ils ne disposaient daucuns alliés sûrs. Parfois dalliés de circonstance, sans
plus. On a pu le constater à trois reprises.
1/ Selon une version dont nous disposons, lémir de Sijilmassa, Masud Ibn Wanoudin al-
Maghrawi, aurait eu pour ancêtre Salih Ibn Tarif, ce qui ferait de lui un cousin, voire un allié
virtuel, du roi barghawati. Alliance sans grande portée, toutefois, étant donné que Masud fut
vaincu par les murabitun Ibn Yasin et Abubakr Ibn Aomar dès 1058<o:p></o:p>21<o:p></o:p>
. <o:p></o:p>
2/ En 1062 le gouverneur de Fès, Temim Ibn Mouansar al-Maghrawi sest trouvé allié de
facto des Barghawata lorsquil est venu battre larmée de son confrère al-Mahdi Ibn Youssef
al-Keznay qui sétait déclaré pour les Almoravides. Le fait que la tête du vaincu fut expédiée
au gouverneur de Sebta, nommé Soukkout al-Barghawati, est également révélateur quant aux
préoccupations de ce dernier. De plus, cette défait avait obligé Youssef Ibn Yachfin à quitter
précipitamment le siège de la Qalaat al-Mahdi dans le Fazaz, réduisant ainsi la pression sur
cette enclave barghawatie<o:p></o:p>22<o:p></o:p>
. On peut, par conséquent, supposer une certaine activité <o:p></o:p>
diplomatique de la part des Barghawata qui avaient tout intérêt à exploiter les éventuelles
faiblesses de leur ennemi principal lémir murabit Ibn Tachfin. Il est, toutefois malaisé, dans
létat actuel de nos connaissances, dy déceler une action concertée, une stratégie densemble.
3/ Lors de lacte final de la saga des Barghawata, ce fut dabord, en 1147, la révolte dal-
Massi (dit al-Hadi), tisserand originaire de Salé, qui rallia à sa cause les gens de Tamesna,
mais aussi du Souss, non sans avoir enregistré un succès initial, avant dêtre défait et tué par
le général almohade Abou Hafs. Lannée suivante, les Barghawata eurent de nouveau affaire à
Abd al-Mumin lui-même, à la suite de quoi ils trouvèrent un allié inattendu en la personne
du gouverneur almoravide de Sebta, Yahya Ibn Aboubakr Sahraoui. Celui-ci se mit en
campagne et infligea un échec cuisant à lémir almohade avant dêtre mis à mal à son tour lors
de la bataille suivante. Dernier soubresaut des Barghawata, en 1149, cest le dénommé Abi
Mezkida (< bu tmezgidda, homme de la mosquée ?) qui se fait proclamer par eux et qui les
mènent un temps sur le sentier de la guerre, jusquà sa mort au combat<o:p></o:p>23<o:p></o:p>
. Tout se passe <o:p></o:p>
comme si, à court dinspiration en fin de parcours, les Barghawata ne trouvant plus de chefs
denvergure issus de la lignée de Salih Ibn Tarif (exception faite pour un certain Farhil al-
Barghawati mort au combat de Tit n-Wagourramt)<o:p></o:p>24<o:p></o:p>
, se voient obligés de sen remettre à de <o:p></o:p>
pauvres bougres, prêcheurs de condition modeste, en quelque sorte les premiers marabouts
(ig<o:p></o:p>w<o:p></o:p>
erramn) marocains. <o:p></o:p>
Ayant examiné les différents aspects de la situation stratégique à laquelle les Barghawata se
sont trouvés confrontés, voyons à présent de quelle façon ils sinscrivent dans un continuum
historique spécifique, voué tout entier à la résistance.
La bataille de Beth et ses effets à long terme
Comme point dancrage évènementiel, la bataille de Baht, dont le souvenir semble avoir
perduré dans linconscient collectif marocain. Nous livrons ci-après, et sous toutes réserves, la
traduction française dun fragment de poésie épique consacré à cet épisode, attribuable à Said
Ibn Hicham al-Masmudi et rapporté, en arabe, par un certain Aboul Abbas Fadl Ibn
Moufaddal. Ce morceau dépeint les Barghawata comme dimpitoyables sabreurs, mécréants
et impies :-
<o:p></o:p>« Femme ! ne pars pas encore ; reste ; raconte-nous, <o:p></o:p>
Donne-nous des renseignements certains. <o:p></o:p>
Les Berbères, égarés et perdus, sont frustrés dans leur espoir ; <o:p></o:p>
Puissent-ils <o:p></o:p>
jamais <o:p></o:p>
sabreuver dune source limpide ! <o:p></o:p>
Jabhorre une nation qui sest perdue, <o:p></o:p>
Qui sest écartée de la voie de lislamisme ! <o:p></o:p>
Ils disent : Abou Ghoufayr est notre prophète ! <o:p></o:p>
Que Dieu couvre dopprobre la mère des ces menteurs ! <o:p></o:p>
Nas-tu pas vu la journée de Baht ? <o:p></o:p>
Nas-tu pas entendu les gémissements qui sélevèrent
sur le pas de leurs coursiers ?
Gémissements de femmes éplorées,
Dont les unes avaient perdu leurs enfants ;
Les autres, hurlant deffroi ou laissant échapper le fruit
de leur sein. <o:p></o:p>Au jour de la résurrection les gens de Tamesna connaîtront <o:p></o:p>
ceux qui nous ont protégés. <o:p></o:p>
Younès sera là, avec les enfants de ses enfants, <o:p></o:p>
Entraînant sur leurs pas les Berbères asservis. <o:p></o:p>
Cest donc là Weryawera<o:p></o:p>
25<o:p></o:p>
? Que la géhenne <o:p></o:p>
Se ferme sur lui, ce chef des orgueilleux ! <o:p></o:p>
Votre réprobation ne date pas daujourdhui, <o:p></o:p>
Mais de lépoque où vous étiez partisans de Maysara !<o:p></o:p>
26<o:p></o:p>
» <o:p></o:p>
Image effectivement peu flatteuse des Barghawata, mais combat héroïque, mémorable, livré
aux alentours de 890 sous le règne dAbou Ghoufayr, probablement face à une incursion en
force des Idrissides, et où la célèbre cavalerie barghawatie a pu sexprimer à fond. Sagissant
dans doute de lOudd Beth, le terrain est effectivement tout en pentes douces coupées de
ravins étroits et débouchant sur un fond de vallée, parfois resserré et se prêtant à des charges
surprises ; parfois large et propice à de franches estocades en rase campagne<o:p></o:p>27<o:p></o:p>
. <o:p></o:p>
Épisode sanglant qui semblerait avoir été lune des confrontations majeures de lépopée des
Barghawata. Si lon doit en croire Sidi Ali Amhaouch, qui, il est vrai, commentait
lévénement quelques siècles plus tard, lardeur des combattants fut telle quil y aurait eu une
véritable hécatombe :- <o:p></o:p>
« Ainsi parlaient nos ancêtres : À Beth, sept mille cavaliers
sept mille montures, tous resteront morts sur le terrain !<o:p></o:p>28<o:p></o:p>
» <o:p></o:p>
sebε alf n bnadem d sebε alf n uidar <o:p></o:p>
a <o:p></o:p>
ġra diym iqqiman, a baht, nnant imzwura ! <o:p></o:p>
Chiffre à la fois fatidique (tout en admettant une certaine exagération) et sidérant si lon songe
quen faisant appel aux tribus alliées, les Barghawata ne pouvaient aligner que 23.000
hommes au total, dont 12.000 milles cavaliers<o:p></o:p>29<o:p></o:p>
, et que la population du Maghreb al-Aqsa <o:p></o:p>
devait alors à peine dépasser quelques millions dhabitants.
Dailleurs, le carnage ce jour-là, considérable daprès les critères de lépoque, atteignit de
telles proportions quil marqua profondément et durablement les esprits. De sorte que dans
linconscient collectif local, étant donné ses implications apocalyptiques, la vallée de lOued
Beth fut associée avec de hauts faits darmes, avec le merveilleux, le prodigieux. Lieu
irrémédiablement lié à la destinée de ces contrées, où tout peu arriver :- <o:p></o:p>« De lOued Beth sortira un ânon à la noire crinière
Dont les ruades secoueront la terre entière !<o:p></o:p>30<o:p></o:p>
» <o:p></o:p>
tsul baht ad tarw yiwn unid igan abexxan <o:p></o:p>
yili s wazzar ad ikka s tiqqar ddunit ! <o:p></o:p>
Cest ainsi que Sidi Ali Amhaouch, assurant en quelque sorte la continuité de la pensée
barghawati dans ce quelle avait de messianique<o:p></o:p>31<o:p></o:p>
, prédisait lapparition dans cette zone de <o:p></o:p>
transition entre Tamesna et Fazaz dun duğğal (anti-christ), chevauchant un âne noir,
personnage annonçant la fin des temps ; éventuellement dun mahdi, ou être impeccable.
Notions héritées en droite ligne de la tradition mahdiste des Barghawata<o:p></o:p>32<o:p></o:p>
, et se trouvant <o:p></o:p>
parfaitement en phase avec la mentalité des populations riveraines. <o:p></o:p>
Résistance et continuité
Voyons, à présent, de quelle manière, après leffondrement des Barghawata au XII<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle, <o:p></o:p>
dautres champions de lauthenticité marocaine prendront la relève, laction, répondant cette
fois-ci à une logique offensive, se déplaçant depuis Sijilmassa et les confins sud-est vers le
Fazaz et le Gharb. Là aussi, linvasion des tribus dOrient, les Maqil en loccurrence, liée à
dautres facteurs conjoncturelles, agira comme catalyseur, déterminera la remontée depuis le
sud-est de groupements dImazighen, lancés dans une éternelle quête de nouveaux pâturages,
avec en point de mire les plaines atlantiques, jadis fief des Barghawata<o:p></o:p>33<o:p></o:p>
. <o:p></o:p>
Les Dilayin, notamment, installés à la charnière du Tadla et du Fazaz, dispensant un
enseignement religieux orthodoxe en langue arabe, sauront un temps canaliser à leur profit
cette poussée dynamique des tribus tamazightophones, chercheront eux aussi à sériger en
royaume indépendant. Dila, qualifiée par un célèbre historien marocain de « zawiya
dexpression du nationalisme berbère, mouvement de remembrement de la race
sanhajienne<o:p></o:p>34<o:p></o:p>
». Démarche visant ultérieurement à remplacer un makhzen dinspiration <o:p></o:p>
orientale par une institution de facture plus autochtone. Les Dialyin, on le sait, parviendront à
fonder un état éphémère dans le Maroc central et atteindront lAtlantique, avant déchouer
dans leur entreprise. Leurs héritiers ihansaln dans le Tadla, et, surtout imhiouach dans le
Fazaz, tenteront à leur tour de créer un contre-pouvoir spécifiquement marocain, inspiré
parfois dune philosophie doù le sentiment de démocratie ne sera pas exclu<o:p></o:p>35<o:p></o:p>
. Mouvance <o:p></o:p>
berbère, voire sanhajienne, traditionnellement visualisée par lintelligentsia citadine
marocaine comme forcement subversive ; les Berbères du Moyen-Atlas ne sont-ils pas
« lâme de lesprit factieux dans ce pays » ?<o:p></o:p>36<o:p></o:p>
Du reste, chacun y va de sa petite phrase, y compris des historiens étrangers pour décrire
« les tentations autonomistes » de ces Senhaja qui « se comportèrent durant plusieurs règnes
comme dintraitables séparatistes »<o:p></o:p>37 <o:p></o:p>
; où de les décrire comme faisant partie « de ces recalés <o:p></o:p>
de la grande histoire, condamnés depuis à être des éternels protestataires »<o:p></o:p>
38<o:p></o:p>
. Jugements <o:p></o:p>
quelque peu faciles quil conviendrait sans doute de nuancer car occultant les enjeux sous-
jacents, les véritables raisons ayant inspiré la démarche de ces protestataires doublés de
séparatistes. Difficile, en fin de compte, lorsquon est systématiquement tenu à lécart, car
échappant aux schémas du politiquement correct, dêtre admis comme ayant historiquement
contribué à la résistance, à la marche en avant de la nation toute entière.
Selon leurs prophéties apocalyptiques, les Imhiouach semblaient ne pas ignorer lépopée des
Barghawata, dans la mesure où, reprenant sous Bou Bcher Amhaouch le flambeau du <o:p></o:p>radicalisme amazighe<o:p></o:p>
39<o:p></o:p>
, leurs propres actions allaient caresser dassez semblables ambitions. <o:p></o:p>
Également imputable aux Imhiouach, les prédictions messianiques héritées des lointains
Barghawata, focalisées notamment sur le mythe de Lenda, problématique capitale des temps
futurs et source despoir en des temps meilleurs pour les populations du Fazaz<o:p></o:p>40<o:p></o:p>
. <o:p></o:p>
Si, en revanche, les ultimes gesticulations dun Sidi Ali Amhaouch contre Moha ou Hammou
et/ou la France, aboutissant au drame du Tazizaout, peuvent paraître dérisoires, elles ne
peuvent être comprises que dans le cadre dun continuum historique, dune très ancienne
tradition de résistance anti-makhzénienne, ayant caractérisé ces régions tamazightophones du
VIII<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
au XX<o:p></o:p>
e<o:p></o:p>
siècle. <o:p></o:p>
Lhéritage des Barghawata
Il est par ailleurs, permis daffirmer, que contrairement aux idées reçues, loin davoir sombré
sans laisser de traces, les iburġawaţin ont laissé un héritage, certes diffus, mais effectivement
présent ne serait-ce, tout dabord, que cette patience, cette constance dans la plus
irréductible des résistances qui, sinstallant dans la durée, caractérisera les Imazighen jusquà
nos jours. Exemple plus évident: le rôle que joue encore, en rapport avec la première prière, le
coq du village, connu sous le vocable fqih, ou ţţalb, chez les Ayt Yahya de Tounfit. En pays
Ayt Hadiddou, la prière du fer sappelle tazallit n ufullus (prière du coq), ce qui nous
renvoie directement aux Barghawata, chez lesquels cet oiseau sacré était, par ailleurs, gratifié
dune sourate dans leur quran<o:p></o:p>41<o:p></o:p>
. <o:p></o:p>
De même, si le nom de Dieu, yaku, na plus cours, yu, ainsi quun synonyme ancien, bu
itran (maître des étoiles), sont encore signalés<o:p></o:p>42<o:p></o:p>
. Sans oublier que les Barghawata étaient <o:p></o:p>
célèbres en tant que magiciens et astronomes, savoir-faire dont on relève des traces de nos
jours chez les Ayt Sokhman de la région dAnargui : notamment la faculté démettre des
prévisions météorologiques à laide dun os de mouton, ou encore de se livrer à des
interprétations évènementielles inspirées du mouvement des astres<o:p></o:p>43<o:p></o:p>
.<o:p></o:p>
Autre procédé, pouvant <o:p></o:p>
choquer les âmes sensibles : limportance accordée à la salive du fils de Salih Ibn Tarif,
dynaste des Barghawata. <o:p></o:p>Assez récemment, cette coutume trouvait son pendant chez les saints de Boujaad, réputés
pour leur baraka, notamment Si Mohammed Cherqi, dont la salive (voire le vomi) était
censée renfermer des pouvoirs magiques<o:p></o:p>44<o:p></o:p>
. <o:p></o:p>
Conclusion
Aussi sont-ils toujours dactualité. Outre un certain regain dintérêt vis-à-vis des Barghawata
de la part des spécialistes des études amazighes, en raison du bruit qui a entouré laffaire du
quran traduit en berbère<o:p></o:p>45<o:p></o:p>
, auquel ils sont irrémédiablement liés, ils ne peuvent laisser <o:p></o:p>
indifférent lobservateur averti. Quon le veuille ou non, on se trouve en présence dun entité
constituée, ayant fonctionné plusieurs siècles en langue amazighe, avec sa royauté, son armée,
son organisation socio-religieuse, son idéologie dominante et qui, en terme dancienneté
absolue sur la terre marocaine, dispute la primauté aux Idrissides. À lexception près quelle
semblerait être quelque peu disqualifiée du fait de lhérésie que lon sait, impardonnable pour
certains, et qui la rendue si redoutablement célèbre.
Ainsi, cherchant en toute objectivité à y voir plus clair, à décrisper le débat, avons-nous tenté
danalyser la stratégie des Barghawata, de proposer déventuelles pistes de recherche, afin de <o:p></o:p>mieux comprendre la place quils occupent dans un continuum historique de résistance
marocaine. Gageons, enfin, que pour compléter nos connaissances sur ces proscrits de
lhistoire, beaucoup reste à faire, notamment par le biais de la tradition orale, ainsi que dans le
domaine de larchéologie<o:p></o:p>46<o:p></o:p>
. <o:p></o:p>
Michael PEYRON <o:p></o:p>
Université Al-Akhawayn, Ifrane <o:p></o:p>
NOTES <o:p></o:p>
1 a) Le terme berġawa a serait une déformation de belġwaţa > ilġwaţen, ceux qui ont dévié ; alternance entre
/r/ et /l/ souvent attestée en Tamazight (cf. Ibn al-Zayyat al-Tadili, al-Tachawwuf ila rijal al-Tasawwuf/ Regard
sur le temps des Soufis, Casablanca, EDDIF/ UNESCO, 1994-1995, éd. A. Toufiq, trad. M. de Fenyol, note 37,
p. 357). b) Soppose à létymologie Barghawati < Berbati, du nom dune rivière du sud de lAndalousie, doù ils
seraient originaires. Cf. Abu Ubayd al-Bakri, Kitab al-Mughrib fi dhikr bilad Ifriqiya wal-Maghrib/
Description de lAfrique septentrionale, (trad. De Slane), Paris, Maisonneuve & Larose, 1913, p. 265 ; thèse
reprise par Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, trad. de Slane, Paris, Geuthner, 1927, tome II/ p.133 ; c)
rapprochement possible ( ?) avec la racine RĠWT > verbe rraġwet = bouder, se fâcher, M. Taifi, Dictionnaire
Tamazight-Français, p. 574.
2 Imaginons, par exemple, une histoire du Royaume-Uni doù serait expurgée toute mention de la Réformation
sous Henri VIII au XV<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle, ainsi que toute référence à la Grande Rébellion du Parlement contre la royauté <o:p></o:p>
des Stewart (1642-1649).
3 al-Bakri, op. cit., p. 268. Cf. M. Tilmatine, « Religion and morals of Imazighen according to Arab writers of
the Medieval times», (trad. R. Dahmani & H. Madani), The Amazigh Voice, été 2000, p.4 ; les gens de Tamesna
y sont présentés comme des braves, les hommes affrontant des lions en combat singulier ; document disponible
sur : <o:p></o:p>http://www.syphax.nl/article.php?op=Printxsid=21<o:p></o:p>
4 M. Lounaouci, « Le Royaume des Barghawata », Imazighen ass-a, n°2-3/mars 1995 : 2.
5 V. Lagardère, Les Almoravides, Paris, LHarmattan, 1989, p. 31. On notera quune traduction de cet ouvrage
légèrement abrégé en langue anglaise, est disponible sur :
http.//bewley.vitvalave.net/ibnyasin.html
6 Cf. al-Bakri, op. cit., p. 259; notons que Abou Moussa, interprète de lémissaire barghawati à Cordoue, « était
natif de la ville de Chellah ».
7 Jbal Yiroujan. Nom au Moyen-Ăge des collines sétendant entre Oulmès et Mulay Bouazza.
8 Des vestiges de forteresses signalées près de Chichaoua pourraient être tout ce qui reste des bases de départ
des dernières offensives almohades contre les Barghawata au milieu du XII<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle (conversation avec J-F. <o:p></o:p>
Clément, le 26/07/03).
9 Dans quelle mesure peut-on accréditer la phrase « The heretic Barghawata Berbers set up a taifa state ( ) in
Sabta », daprès H. Kennedy, A Political History of Al-Andalus (1997) & D. Nicole, El Cid & the Reconquista
(1988); disponible sur http//www.balagan. org.uk/war0711/1008.htm
10 Ibn Abi Zar, Rawd al-Qirtas/ Histoire des Souverains du Maghreb et annales de la ville de Fès, (trad.
Beaumier), Rabat, Laporte, reprint de 1999, p. 116.
11 Cf. M. Peyron, « Qalaat al-Mahdi, forteresse des hérétiques barghawata dans le Moyen-Atlas marocain »,
AWAL, Cahier détudes berbères, n°25/2002 : 105-110.
12 Naciri, Kitab al-Istiqça, vol. XXXI, Paris, Geuthner, p. 106 & 148 ; Ibn Abi Zar, op. cit., p. 124 ; H.
Terrasse, Histoire du Maroc, Casablanca, Atlantides, 1951, p.224-225 ; pour les retombées du siège sur la région
du Fazaz/Tadla, cf. E. F. Gautier, « Medinat-ou-Dai », Hespéris, 1926 ,1<o:p></o:p>er<o:p></o:p>
trim., Paris, Larose, p. 11. <o:p></o:p>
13 F. Moutaoukil, « Les Barghawata », Parimazigh n°2, disponible sur
http.//www.mondeberbère.com/civilisation/histoire/barghwata.mm
14 Ibn Abi Zar, op. cit., p. 98.
15 Tamaluqqat, cf. (éventuellement) Tamelluqt, ; en pays zaïan, Timghasn, forme plurielle, rapprochement
possible avec son singulier > Amghas ( ?), localité en bordure occidentale du Fazaz (Moyen-Atlas), proche de
Mrirt. Problème des toponymes amazighes identiques pouvant se présenter en plusieurs points du pays.
16 E. Leglay, Les Sentiers de la Guerre et de lAmour, Paris, Berger-Levrault, 1930,
17 Cf. B. El-Mghari, «De Mogador à Essaouira: aperçu historique», Empreintes (Mélanges offerts à Jacques
Levrat), Al Asas/ La Source, Salé, 2000, p. 92.
18 al-Bakri, op. cit., p. 261.
19 Ceci soulève la question des éventuels moyens maritimes (tout au moins dune navigation côtière) dont
disposaient les Barghawata. Selon le Professeur El Houcine Rahmoune (Fac. des Letres, Mohammedia), le fait
que le Maroc ne possédait aucune flotte de guerre à lépoque a pu être un facteur ayant joué en faveur des <o:p></o:p>Barghawata. Pour le Professeur Laïla Maziane (Fac. des Lettres Dhar Mhraz, Fès), les Cordouans ont pu
dépêcher eux-mêmes une galère afin de transporter la mission diplomatique de Zammur. Selon le Professeur
Pierre Guichard (Univ. Lumière, Lyon) les communications entre Barghawata et Cordoue ont pu être assurées
aussi bien par voie maritime que par le nord du Maroc suivi dun franchissement du détroit (entretiens lors du
colloque « La Résistance marocaine à travers lhistoire », le 05/12/03, Fac. des Lettres, Rabat).
20 Ibid., p. 270 ; V. Lagardèr, op. cit., p. 31.
21 H.T. Norris, The Berbers in Arabic Literature, London & New York, 1982, p.150, citant Ismaïl Ibn al-
Ahmar, Buyutat Fas al-Kubra, Rabat, Dar al-Mansur lil-tibaa wal-wiraqa, 1972.
22 Ibn Abi Zar, op. cit., p. 123. Signalons, en toute équité, que V. Lagardère (op. cit., p. 73) émet des réserves
quant à la longueur exacte du siège. Intéressant, par ailleurs, que le cas de Soukkout, un Barghawati
temporairement repenti qui finira par mourir en 1077 selon les traditions de son peuple, larme à la main, près de
Tanger lors de la bataille de lOued Mina face aux Almoravides, (Ibid, p. 125 ; Naciri, op. cit. vol. XXXI, Paris,
Geuthner, 1925, p. 107.
23 Ibid., pp. 162-163; Ibn Khaldoun, op. cit., pp. 181-183; pour la répression qui a suivi cette révolte en
Tamesna, ainsi que chez les Haha, voir fragments dal-Baidaq, Documents inédits de lhistoire almohade, (trad.
E. Lévi-Provençal), Paris, Geuthner, 1928, pp. 180-183.
24 Ibid., p. 183.
25 weryawera, celui après lequel il ny a rien (al-Bakri, op. cit., p. 261), mais sans doute déformation de wr
iyyi am wa, lit. semblable à lui, il ny en a pas, être impeccable (entretien avec M. Ahayzoun, Fès, le
25/04/03). Selon Le Professeur Mohammed Hammam, directeur du CEHE à lIRCAM, wr proviendrait du
Zénète ancien avec le sens de fils de (entretien, Rabat, le 05/12/03).
26 al-Bakri, op. cit., pp. 265-266; cf. également H.T. Norris, op. cit., p. 101, ainsi quune version nuancée de
cette traduction dans Ibn Khaldun (op. cit., tome II/ p. 129), où les deux derniers hémistiches se lisent ainsi :- <o:p></o:p>« Ce jour-là ne sera pas pour vous un jour de (triomphe), bien que vous triomphez dans les nuits (de
lignorance), étant partisans de Maysara ! » <o:p></o:p>Cest Maysara qui, on le sait, avait mené au combat les Berbères du Maghrib al-Aqsa lors de la révolte kharijite
de 740.
27 Des ruines de forteresses anciennes auraient été signalées dans certains recoins du pays zemmour, sans que
lon ait pu, pour lheure, ni les dater, ni leur attribuer une origine précise (entretien avec J-F. Clément, le
26/07/03 ; confirmé par le Professeur Enrique Gozalbes Cravioto, Fac. des Lettres, 04/12/03).
28 A. Roux, Poésies berbères de lépoque héroïque, M. Peyron éd., Aix-en-
Provence, Édisud, 2002, p. 191.
29 al-Bakri, op. cit., p. 270; Ibn Khaldoun, op. cit., p. 156; V. Lagardère, op. cit., p. 31
30 A. Roux, op. cit., p.191. Cf. autre allusion à « lâne à la grande crinière dont le monde entendra parler », V.
Loubignac, Textes dans les parlers Zaïan et Ait Sgougou, Paris, Leroux, 1924, p. 441/8, où le duğğal est associé
à un ânon noir. Prophéties messianiques attribuées tant à Sidi Ali, quà son aïeul Sidi Boubcher Amhaouch.
Pour davantage de précisions à ce sujet, cf. conte en taelhit, « Ddjjal d Yajuj u Majuj », H. Stroomer,
Tashelhiyt Berber Texts from the Ayt Brayyim, Lakhsas and Guedmioua Region (South Morocco), Köln, Rüdiger
Köppe Verlag, 2003, pp. 220-225.
31 Fragments poétiques du genre ahellel relevant des prophéties apocalyptiques des Imhiouach (méritant à elles
seules une étude séparée), et quil sagit, bien entendu, daborder avec prudence. Cf. J. Drouin, Un cylce
hagiogaphique dans le Moyen-Atlas marocain, Paris, Sorbonne, 1975, pp. 111-113. Sidi Ali Amhaouch a pu
avoir connaissance de la bataille de Beth par le biais de la transmission orale ; sinon, en tant que lettré ayant
fréquenté la Qarawiyin dans les années 1870, il aura pris connaissances des textes dal-Bakri, ou autres (entretien
avec O. Ould-Braham, le 02/08/03).
32 al-Bakri, op. cit., p. 261
33 D.M. Hart a rédigé une étude très complète sur ce phénomène de la remontée amazighe du sud-est au nord-
ouest, « Four centuries of history on the hoof », Journal of Morocco Studies, n°3/1993 : 21-55 ; cf. également, J.
Chiapuris, The Ait Ayash of the high Moulouya plain, Michigan, Ann Arbor, 1979, pp. 17-36.
34 A. Laroui, Origines sociales et culturelles du Nationalisme marocain, Paris, Maspero, 1997, p. 150.
35 Concernant Dila cf. G. Drague, Esquisse dhistoire religieuse du Maroc, Paris, Peyronnet, 1951, pp. 132-
138 ; M. Hijji, Az-Zawiya ad-dilaiyya, Rabat, Al matbaa al Wataniya, 1964 ; L. Mezzine, Le Tafilalt, Rabat,
Fac. des Lettres, 1987, etc..
36 Citation dAkansous, reprise par A. Laroui (op. cit., p. 166) ; cf. également M. Morsy « Comment décrire
lhistoire du Maroc », Actes de Durham : recherches sur le Maroc moderne, n° hors série du B.E.S.M., Rabat,
1979, p. 123.
37 B. Lugan, Histoire du Maroc, Paris Perrin/ Criterion, 2001, p. 187.
38 D. Rivet, De Lyautey à Mohammed V, le double visage du Protectorat, Paris, Denoël, 1999, p. 110.
39 Naciri, op. cit., vol. X, p. 57. Sagissant dune période marquée par des tensions arabo-berbères, notamment
au sein de larmée chérifienne entre contingents abid et barabir al-wata (M. El Mansour, Morocco in the reign <o:p></o:p>of Mawlay Sulayman, Wisbech, MENAS, 1990, p. 102), Boubcher Amhaouch aurait annoncé son intention de
courir sus à ceux qui parlaient arabe au Maghreb.
40 J. Drouin, L.O.A.B., 24/1996 :129-146 ; Lenda, hameau entre Khenifra et Lqbab, davantage connu comme
site de la défaite du sultan Moulay Sliman en 1818 face à Boubcher Amhaouch, occupe une place de choix dans
limaginaire collectif local.
41 Pour la sacralité du coq et de la poule chez les Barghawata, cf. al-Bakri, op. cit. , pp. 268-269 ; également R.
Basset, « Recherches sur la religion des Berbères », Revue de lHistoire des Religions, Paris, Leroux, 1910, p.
50.
42 Le terme yu serait encore connu dans le Rif, (communication verbale, A. Khalafi, Ifrane, le 17/03/03) ; celui
de bu itran est communément usité chez les Ayt Yahya de Tounfit.
43 Observations personnelles sur le terrain lors de voyages répétés dans ces régions, de 1967 à nos jours.
44 Cf. mémoire détudiante sur les saints de Boujaad : B. Halimi, Jackals, Saints and Shrines, Faculté des
Lettres, Rabat, 1987, p. 29 ; pour limportance accordée à la salive, consulter R. Basset, op. cit., p.50.
45 Kamal n Aït Zerrad a traduit le quran en Kabyle, alors que le professeur Lhoucine Jouhadi achevait en 2000
à Casablanca une version en Tamazight. Cf. aussi, « Le Coran fait peur au pouvoir », traduction dun article du
Economist de Londres, disponible sur <o:p></o:p>http://www.geocities.com/tamaynut/coran.htm<o:p></o:p>
46 Une campagne de fouilles sur plusieurs sites (ports, villes de lintérieur, champs de bataille, etc.) serait
assurément de nature à fournir dimportantes données sur lépoque des Barghawata. Perspective encore
incertaine faute de financement adéquat.
<o:p></o:p>--------------------
Publishing history :
Presentation given at the « Maroc des résistances » conference, IRCAM, Rabat, October,
2004; eventually published in proceedings of said conference (2005).
<o:p></o:p>4) « Interaction entre tourisme durable et patrimoine <o:p></o:p>
dans lAtlas oriental marocain » <o:p></o:p>
<o:p></o:p>
Ce papier se propose de dresser un état des lieux succinct du patrimoine naturel, culturel et
historique des massifs orientaux du Maroc (Moyen Atlas, Haut Atlas Oriental, Atlas de Beni
Mellal) ; dexaminer leffet quexerce sur ces régions un tourisme de montagne qui, nayant
de durable que le nom, a plusieurs effets pervers ; puis, proposer des solutions là où la
situation savère perfectible. En effet, lensemble de régions concernées se distingue autant
par la beauté et la variété des sites que par la richesse de ses traditions, portée par une « oralité
résiduelle massive » (Ong 1996), ceci étant imputable à la fois à léloignement des grands
centres urbains ainsi quà la difficulté daccès qui caractérise la majeure partie de ce haut-
pays, où, dans certaines vallées, la vie suit immuablement son cours depuis des décennies.
Cela constitue un fonds de valeurs séculaires véritable trésor ethnologique dune qualité
inestimable au niveau du patrimoine national. Cest dire que les massifs orientaux de lAtlas
possèdent de solides atouts susceptibles dattirer un tourisme daventure et de découverte.
On a cependant beau souhaiter larrivée en tout lieu de la modernité, il serait dommageable
que ces régions soient livrées sans transition à la frénésie du marketing et de la société de
consommation, souvent sous leurs aspects les moins méritoires : alcool, aggloméré, béton,
goudron, « briques de ville », friperie, tabac, téléphones portables et déchets de toutes sortes.
Avec, comme corollaire chez les populations, linévitable érosion des valeurs traditionnelles <o:p></o:p>de courage, déchange, dentraide, de générosité, dhospitalité, de solidarité, qui faisaient
jusqualors la force de ces contrées.
Ainsi, sans pécher par « passéisme » excessif, serait-il souhaitable que la fréquentation
touristique qui caractérise ces régions soient accompagnée par des programmes de mise en
application progressive dun tourisme diffus, discret, respectueux de lenvironnement et
comportant un minimum de « garde-fous », afin quil devienne pleinement durable, dans toute
lacceptation du terme, et non auto-destructeur, comme cest trop souvent le cas.
Procédons donc, en un premier temps, à un état des lieux.
1/ Un patrimoine naturel
Le Moyen Atlas dans sa totalité, auquel on ajoute le Haut Atlas oriental, est sans conteste la
face la plus évidente du patrimoine, constituant une pléiade de chaînons, plateaux, gazons,
forêts, et cours deau, renfermant des ressources importantes en faune animalière, aviaire, et
halieutique.
De Taza à Beni Mellal se succèdent des anticlinaux calcaires élevés qui offrent des paysages
karstiques, des gorges, des torrents, des lacs, des dolines (Berriane 1993 ; Tag 1995 ; Troin
2002, Milet 2003). On y distingue trois régions de haute montagne:
<o:p></o:p>1/ le massif Bou Iblane/Bou Nasser ;
2/ la chaîne Ayyachi/Maasker ;
3/ les sommets entourant Zaouit Ahansal, du Kwaïs à lAzourki. <o:p></o:p>
Toutes ces régions sont connues pour leurs paysages somptueux, leur enneigement persistent
(novembre-mai), avec un potentiel important en randonnée pédestre, et où le ski se pratique
en exploitant les combes orientées nord-est, alors que les environs de Zaouit Ahansal
renferme des possibilités de rafting, de canyoning, et descalade à haut niveau (Jbel Ayoui,
cirque de Taghia n-Ouhansal, gorges du Todgha ; Domenech 1989). Les deux premières
régions contiennent dimportants vestiges dun biotope unique qui constitue leur principal
fleuron, cette cédraie millénaire quil conviendrait de sauver face aux menaces de toutes
sortes qui pèsent sur elle : érosion, pacage et coupes abusives, stress hydrique (Benabid 1995 ;
Milet 2003 ; Peyron 2004). Autre atout local, les gazons daltitude, tapis fleuris au printemps
largement connus sous le vocable almu, voire agudal lieux de pacage recherchés par la
transhumance saisonnière traditionnelle (Bourbouze 1997).
Non moins importantes sont les régions de moyenne montagne : le causse moyen-atlasique
avec lacs, torrents, plateaux et collines garnies de cèdres et de chênes-verts, notamment autour
dIfrane, Azrou, Mrirt et Khenifra (Jennan 2005) constitue un morceau de choix du
patrimoine naturel ; ainsi que les zones en bordure de la Haute Moulouya, les reliefs boisés,
modelés par le karst, qui dominent le Tadla entre Ayt Ishaq et Tagzirt ; enfin, le plateau des
Ayt Abdi du Kousser, haut pavé calcaire aux eaux souterraines (Monbaron 1994). Régions
offrant une palette dactivités sportives incomparable : promenades à pied et/ou en raquette,
ski de fond, ski de piste, randonnée muletière, randonnée équestre, pêche, ornithologie,
spéléologie, et, portées par un effet de mode irrésistible, circuits en 4x4 (Gandini 2000).
Si Ifrane jouit depuis longtemps dune certaine notoriété dans le domaine touristique, se
targuant dêtre la « capitale écologique » (Tarrier & Delacre 2006) du pays, elle est fréquentée <o:p></o:p>essentiellement par une clientèle aisée dexcursionnistes du Dimanche pratiquant le pique-
nique, la promenade de courte durée, et linvestissement immobilier (Berriane 1993).
Linventaire des chemins de moyenne randonnée reste à faire, bien que lon note quelques
initiatives en ce sens, dont lémergence de « classiques » comme la traversée Ifrane-Azrou,
principalement liée à lédification récente de gîtes touristiques (« Auberge de Charme », Ras
el-Ma ; « Auberge berbère », etc.) pour un tourisme dit « vert », en vogue chez les vacanciers
originaires des pays industrialisés.
Dans des zones ex-centrées, telles que le Bou Iblane (Guiri 2005), lAyyachi, Imilchil, Haut
Ziz, et Zaouit Ahansal, qui se prêtent admirablement à la grande randonnée (ou « trekking »)
de qualité, avec un éventail de franchissements de cols, de traversée de gorges (Aqqa Tadrout,
Asif Melloul, etc.), de circuits « en boucle », ou « en étoile », quelques structures daccueil se
mettent en place, notamment à Imilchil, Anargui, Zaouit Ahansal, Ayt Bou Guemmaz et dans
le Haut Todgha. Paysages intacts et sauvages, lumière éblouissante propice à la photo,
populations accueillantes, animaux de bât et hébergement rustique, voilà ce qui fait le charme
actuellement de ces cantons reculés (Bordessoule & Peyron, 2002, Galley 2004, Barbaud
2005).
Malheureusement, la nature animale est faiblement préservée ; il y manque les quadrupèdes,
exception faite pour les lièvres, renards et sangliers. Sans oublier les éléments nobles de la
faune : les dernières panthères de lAtlas (entre Boutferda et Tigleft), mais dont la présence
supposée dans linconscient des visiteurs est susceptible de jouer un rôle attractif équivalent à
celui de lours dans les Pyrénées ; ainsi que quelques peuplements de mouflons à manchette et
gazelles de montagne de la région dImilchil (Cuzin 1996), et du Tasemmit au-dessus de Beni
Mellal.
En matière de faune aviaire, en revanche, lamateur sera comblé : dimportants effectifs
doiseaux occupent différents biotopes : forêts à conifères et à feuillus, étendues lacustres,
rivières, hautes landes, zones cultivées, zones des sommets. Quelques « spots » sont devenus
célèbres, au point dattirer des groupes dornithologues du monde entier : Ifrane, ses jardins,
ses chenaies, pour les passereaux ; le lac dAfenourrir pour les limicoles sédentaires et de
passage ; lAgelmam Sidi Ali pour les tadornes, cigognes et buses ; la Haute Moulouya pour
certains rapaces et petits échassiers ; le lac de Tislit pour les grèbes et canards. Inutile de
préciser que ce patrimoine, sil doit perdurer, nécessite des mesures de protection efficaces.
Les cours deau de ces montagnes comptent, en outre, trois types dattraits naturels:
<o:p></o:p>1/ Les cascades. Celles-ci sont relativement nombreuses. Les plus connues : cascades
du Val dIfrane ; dImmouzzer-Marmoucha ; de Zaouia Oued Ifrane (près de Mrirt) ;
de Talat Lmsakin sur lOued Fellat (région de Beqrit) ; aux sources de lOum er Rbia,
le maître fleuve marocain ; surtout les célèbres cascades dOuzoud de lAtlas de Beni
Mellal (Milet 2003).
2/ La pêche sportive : De nombreux torrents (que les connaisseurs appellent « les
oueds à truite ») sont répertoriés : Oued Berd (Bou Iblane) ; Oued Immouzzer
(Immouzzer-Marmoucha) ; Oued Chbouka (Khenifra) ; Haut Oued Anzegmir (Jbel
Ayyachi) ; Asif Melloul (Imilchil) ; Asif n-Imedghas (Haut Dadès) ; Asif n-Ouhansal,
etc. Certains de ces cours deau sont régulièrement alevinés et amodiés, et attirent de
nombreux adeptes en possession du permis de pêche.
<o:p></o:p>3/ On peut signaler, également, des cas de sources ayant des vertus diverses, dont la
fertilité (Aïn Llaz, Aïn Erroh, Bou Iblane ; Ighboula n-Oussacha, région de Tounfit,
etc.), et attirant à ce titre les femmes du pays.
<o:p></o:p>2/ Un patrimoine culturel
Sont classés dans cette catégorie les aspects spécifiques de la culture amazighe, tels quil est
possible de les observer au quotidien dans ces régions, où ils sont mieux conservés que dans
les régions gagnées par lurbanisation<o:p></o:p>. <o:p></o:p>
Lartisanat en premier, caractérisé par le tissage de la laine sur métier à cade en bois (azetta) :
jellabas, couvertures, nattes, selles de mulet, tapis. Les tapis (tishdifin) du Moyen Atlas sont
célèbres, les Beni Mguild, les Beni Ouaraine, et les Marmoucha, étant les plus connus. Le
travail du bois, dans les régions où pousse le cèdre, y est également réputé (Azrou) ;
dailleurs, la fabrique artisanale de magnifiques coffres en bois perdure dans quelques villages
du Haut Asif Ouirine (à louest de Tounfit), où lon trouve également de petites stèles en bois
crénelées dans les cimetières. Plus loin au sud-ouest, dans la région dAnargui, on produit des
cuillères en buis, un bois très dur ; le noyer, qui pousse dans quelques vallées protégées est,
lui aussi, utilisé pour lartisanat.
Le cadre traditionnel amazighe bâti vient en second. Lhabitation de base, la taddart, maison
en poutres de cèdre et en pisé, construite de plein pied avec vestibule à mulets, réserve de
fourrage, chambres dhabitation et terrasse, parfois avec une ou plusieurs tours dangle, est
avant tout fonctionnelle. Elle nen reste pas moins caractéristique de ces régions de lAtlas et,
à ce titre, mérite dêtre sauvegardée. Véritable petite fortin aux quatre tours dangle, lighrem,
quant à lui, nappartient pas véritablement au Moyen Atlas, bien quil y fasse de timides
apparitions (à Ifkern, et chez les Beni Bou Illoul, par exemple). Pour trouver ce style de
construction il convient daborder le Haut Atlas Oriental, où, dès les Ayt Yahya il est présent
(Tounfit, Agoudim, Ayt Yaddou), pour se généraliser chez les Ayt Hadiddou et les Ayt
Merghad lorsque lon descend vers le sud, doù viennent les artisans spécialisés dans ce genre
de construction (environs de Tilouine dans le Ferkla). Puis, à Zaouit Ahansal et dans les Ayt
Bou Guemmaz (Huet & Lamazou 1990) on trouve de splendides bâtisses à tours dangle, dont
le curieux ighrem circulaire de Sidi Moussa, quun travail de restauration est en train de
sauver de lécroulement qui menaçait. Démarche louable car lighrem, avec sa valeur
esthétique avérée, présente un intérêt indéniable aux yeux du visiteur étranger, ce qui en fait la
pièce maîtresse du patrimoine architectural.
On ne peut, certes, prétendre que ces régions renferment de grandes spécialités culinaires.
Toutefois, à linstar dautres montagnes (le Dauphiné, la Savoie, par exemple) lAtlas peut se
prévaloir dune gamme fruste comportant en premier lieu, le célèbre méchoui, cuit soit sur
broche, soit dans un four en terre ; les brochettes de base (tutliwin) ; les brochettes épicées à la
graisse de mouton (tadunt n-ulli, ou bulfaf) ; la soupe de fèves (tahrirt n-ibawn), ou une autre
soupe désignée plus à louest askif. De délicieux feuilletés, melwiy, ou bu shiyyar, pouvant
être consommés avec du beurre (uddi) ou du miel (tamment). Différents tajines, enfin, à la
viande ou au poulet, toujours assortis de légumes, et habituellement très épicés.
La vie traditionnelle pastorale dans un milieu hostile a donné lieu à une codification des
valeurs liées à la notion de solidarité communautaire, où tiwizi (corvée collective dans
lintérêt général), et amεiwan (entre-aide) figurent en bonne place. La garde du troupeau de
vaches ou du parc à mulets du village, peut être confiée à un ou deux hommes (à des femmes, <o:p></o:p>pour les vaches), selon le système de tiwili (tour de rôle) pratique qui sobserve
notamment en pays Ayt Yahia et Ayt Hadiddou. Par contre, une autre institution du
pastoralisme, tarahalt (transhumance), avec respect des jours douverture des pâturages mis
en défens, ou igudlan, semble se maintenir dans lAtlas dImilchil (Peyron 1992) alors que,
dans le Moyen-Atlas central, la situation est plus nuancée. Si chez les Ayt Arfa une
transhumance à courte distance est observée (Jennan 2004), on assiste chez dautres Beni
Mguild à une tendance à la sédentarisation massive en altitude (Bencherifa & Johnson 1993),
principalement entre Timhadit et le Jbel Hayyane.
La légendaire hospitalité berbère, quant à elle, est une véritable institution qui mérite de
perdurer. Dans certains villages survit la coutume dite afalis, ou tour de rôle, pour assurer
lhébergement du voyageur de passage ; au besoin à lintérieur de la mosquée, si les hommes
sont absents. Noublions pas, aussi, que lensemble de la vie était autrefois régi par le droit
coutumier amazighe (izerf), équitable et expéditif, dont les anciens regrettent amèrement la
quasi-disparition (Khettouch 2005).
Des pratiques, curatives et autres viennent enfin clore ces notions traditionnels ayant encore
cours dans certains douars reculés : la pharmacopée de plantes médicinales, telles que
azukenni (thym) ; enfin des croyances qui, selon certains observateurs, relèveraient de la
sorcellerie, telles que la prédire lavenir en scrutant les étoiles, ou prévoir la météo en
observant lépaule dun mouton (Ayt Sokhman).
Cet ensemble de traditions qui sappuie, bien entendu, sur une oralité résiduelle fort
riche constitue le fleuron du patrimoine culturel. Avec ses anecdotes, contes, devinettes,
proverbes, et poésie diverses, lensemble constitue une véritable encyclopédie orale amazighe,
dont les izlan (distiques), timawayin (strophes) et timdyazin (ballades) sont les genres les
plus répandus. On les entend à loccasion des fêtes villageoises, souvent à lautomne :
notamment lors de circoncisions (teεdliwin), ou de fastueux mariages collectifs (timghriwin)
que lon pratique encore chez les Ayt Hadiddou et Ayt Sokhman (Peyron 1993 ; Khettouch
2005; Hamri 2005).
3/ Un patrimoine historique
Il convient de souligner lexistence, dans les régions qui nous préoccupent, de très nombreux
sites de mémoire, principalement liés à la résistance anti-coloniale du début du 20<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle. <o:p></o:p>
Parfois, rien ne reste sur place pour évoquer ces combats. En dautres lieux subsistent
bâtiments, ruines, stèles commémoratives, et cimetières, qui sont autant de témoins tangibles
dun passé relativement proche, et occupant dans linconscient collectif local une place dont
limportance ne saurait être sous-estimée. Ces sites font actuellement lobjet, à léchelon
local, dun certain suivi, quand il ne sagit pas dun véritable culte lié au soufisme, encore
présent dans lAtlas par le biais des marabouts (igurramen). Noublions pas, à cet effet, que
ces régions ont été marquées pendant le haut moyen-âge marocain par une forte implantation
de zaouïas dobédiences diverses (Jennan 1993 ; Mouhtadi 1999), à la fois relais
« makhzéniens », gîtes pour pèlerins et pôles de spiritualité influents, dont certaines
fonctionnent encore.
Voici une liste non-exhaustive de quelques sites qui représentent ce patrimoine historique :-
<o:p></o:p>Le cèdre du pardon (idil leεfu), à louest de Tanchraramt dans le Bou Iblane, qui a
marqué le retour des Beni Ouaraïne au bercail makhzénien (été 1926) ; accès en
véhicule tout-terrain par chemin secondaire 4822. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Un kerkur (cairn) entre Talzemt et Tamjilt, (Bou Iblane) à proximité de Souf
Ifendasen, marquant le point extrême atteint par la mehalla de Moulay Ismaïl à la fin
du 17<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle lors dune de ses campagnes contre les tribus du coin ; accès muletier. <o:p></o:p>
-<o:p></o:p>
Vallée dOulad Ali, (Moyen Atlas oriental) dont les environs virent se dérouler des
combats acharnés pendant lété 1926 (Celarié 1928); combats qui tournèrent à
lavantage des résistants (un des rares cas de capture dun fortin français dans les
campagnes de lAtlas), mais dont le succès fut annulé par la reddition de Sidi Raho à
Taffert ; accès en véhicule tout-terrain depuis Outat el-Haj, côté Moulouya. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Massif du Tichoukt (2 796m) entre Boulmane et lOued Seghina, qui fut (1923-1926)
le dernier réduit de la résistance des Ayt Seghrouchen de Saïd ou Mohand dans ce
secteur du Moyen Atlas (Peyré 1950 ; Carrère 1973 ; Saulay 1985) ; site accessible par
la RP 20. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
La zaouïa de Ben Smim, autrefois située dans lorbite de Dila (Jenann 1993), située
entre Ifrane et Azrou ; accessible par route goudronnée. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Environs de Timhadit (Moyen Atlas central), avec sa stèle commémorative, où eurent
lieu de durs combats de 1916-1919 (Jbel Hayyane, Koubbat, etc.) liés au
ravitaillement du poste français de Beqrit (Guillaume 1946) ; accès par la RP 21, puis
route 3388. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Zaouit Ifrane, environs de Mrirt, avec son village maraboutique, son plateau cerné de
falaises (Tissigdelt), où lon a repéré des vestiges de fortifications : Qalat al-Mahdi,
ancienne principauté indépendante des Zénata du Jbel, 11<o:p></o:p>e<o:p></o:p>
siècle (Peyron 2003) ; <o:p></o:p>
accès par RP 24 jusquà Souk el-Had, puis route 3410. <o:p></o:p>
-<o:p></o:p>
Champ de bataille dEl Herri (lehri), à une dizaine de kilomètres de Khenifra (Moyen
Atlas central); deux stèles commémorent la défaite par Moha ou Hammou Zaïani en
automne 1914 de la colonne Laverdure (Le Glay 1930 ; Guillaume 1946 ; Drouin
1975 ; Roux & Peyron 2002 ; Ben Lahcen 2003) ; située sur la RP 24. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Zaouia Sidi Hamza, important centre maraboutique, associé au célèbre Bou Salim el-
Ayachi, versant sud du Jbel Ayyachi ; accessible depuis RP 21 par la route 3438. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Poste ruiné et village des Ayt Yâqoub, versant sud du Jbel Ayyachi, où le détachement
Emmanuel fut décimée par les Ayt Hadiddou et Ayt Morghad, menés au combat par
lagurram Ou-Sidi ; puis siège du poste, lequel fut sauvé in extremis par une colonne
de secours, fin-mai/début-juin 1929 (Saulay 1985 ; Peyron 1994) ; accès en véhicule
tout-terrain, chemin secondaire 3438. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Zaouia Sidi Yahya ou Youssef, ancien pôle maraboutique et centre de résistance anti-
colonial, capturé en juin 1931 (Guillaume 1946) ; accessible depuis Tounfit par route
3423. <o:p></o:p>Jbel Tazizaout (2 677m), arrière-pays dAghbala n-Ayt Sokhman, haut-lieu de la
résistance marocaine (23 août 13 septembre, 1932), et objet de pèlerinage annuel;
existence de nombreuses timawayin et timdyazin relatant les péripéties de ces combats
(Guillaume 1946 ; Drouin 1975 ; Saulay 1985 ; Roux & Peyron 2002). Accès malaisé,
à dos de mulet, ou à pied. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Tizi n-Hamdoun/Jbel Baddou (juillet/août 1933) bastion montagneux où le gros des
Ayt Hadiddou et Ayt Morghad sous Ali Ou-Termoun et Zayd Ou-Skounti menèrent
leur dernier combat (Guillaume 1946 ; Saulay 1985) ; accessible en véhicule tout-
terrain par chemin secondaire 3449 depuis Tinejdad, ou par la route dAyt Hani-
Assoul, puis à pied. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Les igherman de Tadafelt (Todgha), à quelques kilomètres de Tinghir, où, au
printemps 1936, fut tué le dernier résistant du Haut Atlas, Zayd ou-Hmad (Clément
1981) ; accessible par RP 32, puis route 6906. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
La stèle des cluses de Tassent commémorant les batailles autour dImilchil, dont le
combat du 1<o:p></o:p>er<o:p></o:p>
mai 1933, au Msedrid, où un détachement de la Légion fut mis à mal <o:p></o:p>
par les hommes dOu-Sidi (Guillaume 1946 ; Peyron 1988-89) ; accès par la route
1903, puis route 3425. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Environs de Ksiba n-Moha ou Saïd (Atlas de Beni Mellal), site de la bataille de
maraman, connue des bardes amazighes (Guillaume 1946 ; Hamri 2005), où fut
sérieusement malmenée la colonne Mangin en 1913 ; accès depuis Kasba Tadla par la
route 1901. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Zaouit Ahansal, célèbre pôle de spiritualité et de résistance à lépoque de la siba ;
accessible depuis Azilal par route 1807, en cours de goudronnage. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Village dAyt Hkim aux Ayt Bou Guemmaz, où, pendant lété 1921, les guerriers de la
région, aux ordres de lagurram Sidi Mah el-Hansali, stoppèrent net lélan de la
cavalerie du Glaoui (Saulay 1985); accès par route 1809. <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
Jbel Kousser (Lqroun, 3 069m), environs de Tillouguit, dernier bastion de la résistance
dans le Haut Atlas, septembre 1933 (Guillaume 1946 ; Saulay 1985 ; Euloge 2005);
accès par route 1803, puis à pied. <o:p></o:p>
4/ Problématique actuelle
Il sagit à présent dexaminer, dappréhender la durabilité des diverses facettes du patrimoine
local face à lérosion causée par un tourisme de montagne en plein essor. Aussi, le tableau
flatteur que nous venons de brosser du patrimoine de ces régions ne doit-il pas faire oublier
les dangers réels qui pèsent déjà sur lui. Précisons demblée que les composantes de ce
patrimoine naturel sont fragilisées par un déficit pluviométrique vieux de plusieurs années
lenneigement, par exemple, étant devenu capricieux au point de dévaloriser le ski dans le
Moyen Atlas, de modifier létiage de nombreux cours deau. Laction de lhomme, ensuite,
dictée par des impératifs agricoles et pastoraux, ou par simple cupidité, ne sest pas démentie
ces trente dernières années, au point de menacer la survie de la forêt de cèdres, principalement
dans la région du Bou Iblane, ainsi que dans larrière-pays de Tounfit/Aghbala. Ceci provient
du fait que, dans ces secteurs à labri des regards indiscrets, exposés au braconnage et à <o:p></o:p>loctroi de coupes abusives, on assiste à une démission quasi-totale des Eaux et Forêts. Or, il
convient impérativement de mettre un frein à ces pratiques délétères, sinon ces régions
déboisées, exposées de surcroît à une érosion féroce, perdront leur atout principal.
Lexploitation rationnelle de la forêt est pourtant préconisée au Maroc depuis des lustres par
dexcellents textes. Toujours est-il que la situation de la cédraie dans les environs dIfrane,
dexemplaire au début des années 1990, serait devenue franchement mauvaise à lheure
actuelle selon certains observateurs (Milet 2003 ; Peyron 2005) : « Curieusement, la cédraie
na jamais été tant détruite que depuis linitiative du parc naturel dIfrane. Il aura donc suffit
de parler de développement durable pour que tout disparaisse ! » (Tarrier & Delacre 2006). À
cet égard, la mort près dAzrou en 2002 du « cèdre Gouraud », est symptomatique.
En raison de laffluence touristique quils provoquent, cest malheureusement le cas de bien
des sites, victimes de leur succès, qui subissent des atteintes environnementales avec
apparition notamment dun niveau dit poubellien. Succès dont ils risquent de ne pas se
remettre : Asif Tizguit (Val dIfrane), Agelmam Sidi Ali, sources de lOum er Rbia, Agelmam
Azigza, cascades dOuzoud, lac de Tislit, gorges du Todgha (Milet 2003), etc.
Ce qui est valable pour la forêt de cèdres lest également pour la faune animalière et aviaire.
Le petit gibier ailé (perdrix) est exposé à une chasse dévastatrice. Aujourdhui, pour lever
quelques sujets isolés, il faut fouiller le fin-fond de lAtlas. De plus, lutilisation inconsidérée
du poison et des pesticides a provoqué leffondrement des peuplements de chacals
(élimination voulue par des éleveurs soucieux de sauvegarder leurs troupeaux) et de rapaces,
ce qui est bien plus grave, ces oiseaux (aigles, buses, milans et vautours) étant fort utiles sur le
plan écologique. Certaines espèces, tels le très emblématique gypaète barbu, ont pratiquement
disparus ; au point que lapparition récente (2006) dun isolé juvénile dans lAyyachi est
saluée comme un évènement.
Comment, dans ces conditions, pouvoir aspirer à élever certaines zones en réserves, voire en
parcs nationaux ? Surtout lorsque lon sait quun site Ramsès protégé, mondialement célèbre
chez les ornithologues, comme le lac dAfennourir, près dAzrou, peut faire impunément
lobjet de braconnage (Peyron 2004). Situation provenant dun seul fait : le Maroc est, certes,
un état de droit, mais ce dernier ne peut valablement sappliquer, selon les lieux, quen
fonction dun certain nombre de facteurs institutionnels volonté des autorités locales de faire
respecter le règlement, rondes des agents forestiers, etc.
Pendant les années 1990, il est vrai, on nous a parlés de projets de parcs nationaux : dans le
Haut Atlas Oriental à créer autour des mouflons de Tirghist ainsi que dans les environs
dIfrane (Billand 1996), sans que ces projets ne soient passés à la phase de concrétisation.
Dans le deuxième cas, malgré louverture de deux ou trois gîtes ruraux adaptés au tourisme
« vert », on a pu noter certains cas dinadéquation entre hébergement offert et activités
annexes proposées, comme pour la refonte totale de lHôtel Michliffen à Ifrane : pour quelle
clientèle et pour quoi faire ? Du ski, sans doute ?
Le patrimoine culturel est, lui aussi, en péril. Les igherman qui représentaient le côté noble de
larchitecture amazighe sont actuellement négligés. Soit, on les laisse tomber en ruines
spectacle navrant (Imilchil) soit, on construit à côté en ciment et/ou en briques de ville. Des
villages de lAtlas marqués par cette mutation architecturale perdent ainsi lessentiel de ce qui
faisait leur charme aux yeux des visiteurs étrangers.
<o:p></o:p>On assiste par ailleurs au galvaudage du folklore, surtout lorsquil sagit de danses organisées
de façon répétée dans le seul but de distraire des touristes de passage « curieux et non
avertis » (Chegraoui 2000), ceci étant particulièrement le cas à Imilchil. Lahidus, danse
emblématique des Imazighen, est dépréciée lorsque des jeunes se produisent en jean et
blouson de cuir, la cigarette « au bec » (observé à Taghighacht, Ayt Hadiddou, en octobre
1997). Peu étonnant quun barde (amdyaz) dénonce :-
<o:p></o:p>« Ces jeunes qui boivent, fument, se laissent pousser de longues mèches, <o:p></o:p>
Et qui dalcool se remplissent la panse en plein milieu de la danse ! » (Peyron 1993) <o:p></o:p>
Dans le Moyen Atlas, chez des populations habitant autrefois sous la tente situation qui se
prêtait parfaitement à laccueil des hôtes de passage lhospitalité tend à disparaître, dès lors
que la modernité veut que lon se calfeutre dans des maisons en brique, clôturées de surcroît.
Avec le bâti, la méfiance est apparue. Pratique censurée, là aussi, par lamdyaz :-
<o:p></o:p>« Celui qui vit au loin nous ne laimons point, <o:p></o:p>
Contre nos voisins nous nous barricadons ! » (Peyron 1993) <o:p></o:p>
Actuellement, si la fréquentation touristique sous sa forme « trekking » présente un côté
positif pour les familles impliquées, elle comporte de nombreux inconvénients. Une
hospitalité galvaudée se trouve réglementée, mise sous tutelle. Dès lors quune région de
lAtlas est régulièrement fréquentée par des touristes, en matière dhébergement, lobligation
est faite aux randonneurs de sadresser à un gîteur attitré, pour peu quil en existe un dans le
village. Ceci nest évidemment pas applicable aux trekkeurs ayant fait le choix de coucher à la
belle étoile.
Alors quil est perçu comme positif du seul fait quil injecte de largent dans léconomie
locale, voyons quels sont les effets pervers du tourisme de montagne. Parmi les plus
importants on peut dénombrer les suivants :-
<o:p></o:p>-<o:p></o:p>
la manne touristique ne bénéficie quà une minorité de locaux : fils de notables,
accompagnateurs, muletiers, gîteurs doù émergence dune nouvelle élite, renforçant
ainsi les clivages sociaux ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
lorsque dans une famille les fils sont impliqués dans lactivité touristique, cela affaiblit
lautorité du paterfamilias (Lecestre-Rollier 1997) ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
à force de former des accompagnateurs au CFAMM de Tabant, Ayt Bou Guemmaz,
on a dépassé la demande, certains éléments ayant dû renoncer à ce métier faute de
clientèle, ou préférant émigrer à létranger après avoir épousé une de leurs clientes ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
baisse de qualité chez certains de ces accompagnateurs, lesquels, issus du milieu
citadin (« les guides plastiques », selon un ancien), connaissant moins bien la
montagne que les fils de montagnards tamazightophones du recrutement initial ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
des monopoles de muletiers (comme à Ayt Bou Guemmaz), agissant pour le compte
des Tour Operators, continuent à rayonner sur lensemble des massifs, créant, là où ils
passent, des sentiments de manque à gagner ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
des incidence fâcheuses sont provoquées sur lactivité agro-pastorale par lemploi
massif de mulets à des fins touristiques en période estivale : manque de fourrage,
retards dans la moisson, sans parler des cultures délaissées au profit du seul
accompagnement des trekkeurs ; <o:p></o:p>le syndrome du visité : gamins opportuns et quémandeurs (« Stylo, bon-bon,
Monsieur ! »), encouragés par le comportement stupide de certains touristes (années
1990) ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
le passage des caravanes touristiques provoque des nuisances : piétinement de
cultures, utilisation de bois pour feu de campement, déchets laissés sur lieux de
bivouac, etc. ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
le passage des caravanes attise des convoitises ; on signale des cas de larcins, voire
dagressions (Galley 2004); <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
la commercialisation dénaturée de certains gîtes évolution fâcheuse de lhospitalité
traditionnelle amazighe reflète un souhait de la part des visiteurs de retrouver à
létape leur petit univers de bonne humeur et de confort, se distanciant ainsi du milieu
ambiant quils nappréhendent quà travers le prisme déformant et réducteur du
folklore ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
du reste, pendant la durée du voyage, chaque trekkeur a tendance à vivre à lintérieure
de sa bulle ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
là où il ny a pas deau courante, le souci qua le trekkeur de prendre sa douche
quotidienne chaque soir oblige femmes et filles de gîteurs à effectuer des corvées
deau répétitives et harassantes; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
linadéquation des mesures visant à réduire lécart socio-culturel entre accueillants et
accueillis, linteraction entre les deux parties demeurant quasiment nulle, tandis que
les atteintes à la vie traditionnelle se multiplient ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
en somme, et pour lessentiel, loin dêtre des acteurs à part entière, les montagnards
continuent à se faire exploiter à distance par des technocrates étrangers à leur milieu,
et qui leur expédient plus de 20.000 trekkeurs par an ! <o:p></o:p>
Tout cela équivaut à un constat plutôt accablant. Trop longtemps le laissez-faire a sévi dans
lAtlas, exposant les populations à une véritable pollution culturelle mise en place par des
Tour Operators peu scrupuleux et inspirés par la seule loi du marché. Lauteur de ces lignes a
dailleurs depuis longtemps adopté une position très critique sur ce sujet (Peyron 2006).
5/ Actions à entreprendre <o:p></o:p>Tout dabord il y aurait lieu dengager un important effort pédagogique, dès lécole
maternelle, afin que la jeunesse marocaine, quelle soit citadine ou campagnarde, ait à cur
de préserve son irremplaçable patrimoine naturel. La sensibiliser davantage à propos des
déchets, le plastique surtout ; cela passe également par le respect de lenvironnement (plantes,
arbres et animaux) ; chercher, aussi, à économiser leau, à trouver dautres formes dénergie
afin dépargner la forêt ; mener auprès des lycéens des actions pratiques dans ce sens. Cela
na rien de nouveau et cela se fait à Ifrane chaque année début-Juin, à la discrétion du CEIRD
de lUniversité Al-Akhawayn, il convient de le souligner.
Toutefois, depuis des années on entend parler en France, comme au Maroc de la tenue de
colloques sur lenvironnement. À lissue de ces rencontres, bercés par un doux ronronnement
consensuel, les participants portant cravate et complet-veston se séparent persuadés quen
matière de sauvegarde de la cédraie, du seul fait quils en aient débattu, quils aient publié de
pieuses déclarations dintention (à grand renfort de « ya quà ! »), tout va sarranger. Cela
dure depuis des années et rien ne change; cest peut-être ça, la fameuse « imposture verte »
dénoncée par certains, faite de gargarismes et de gesticulations.
<o:p></o:p>Il conviendrait, également, dinviter certains responsables nationaux issus de la grande
bourgeoisie, à modifier leur complexe de supériorité envers le monde rural, afin quils
consentent à faciliter un développement convivial, intégré et suivi en faveur des zones
montagneuses de leur pays. Cela aboutirait, à nen point douter, à des actions efficaces visant
à sauvegarder le patrimoine architectural et culturel, à linstar du geste de Mohammed Chafik,
ancien Recteur de lIRCAM, qui, ayant reçu un prix en argent dune fondation allemande, na
pas hésiter à le partager entre « Lesieur » des Ayt Yahya et dautres bardes amazighes de la
montagne, afin de promouvoir leur production artistique.
Quant à la future richissime clientèle de lHôtel Michliffen à Ifrane, il lui faudrait des
domaines skiables digne du nom. Cela impliquerait une revalorisation des possibilités
actuelles ; louverture de nouvelles pistes de ski de descente (Hayyane, Koubbat, Sidi Mguild,
etc.) ; la constitution des réserves collinaires pour fabriquer de la neige de culture (ce qui peut
savérer écologiquement discutable), sans oublier les chemins de raquette et de ski de fond ;
lorganisation danimations et dactivités loisirs, la création dunités de restauration et
dhébergement adéquates.
En ce qui concerne, le tourisme montagnard il y aurait lieu :-
<o:p></o:p>-<o:p></o:p>
dentreprendre des actions en amont, au niveau de léducation des touristes, afin
déviter les comportements gênants aux yeux des riverains ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
limiter quelque peu la fréquentation, en privilégiant un tourisme rural diffus afin
déviter le phénomène de saturation, auto-destructeur par excellence ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
faire prendre conscience aux populations quil est dans leur intérêt de préserver le
cadre bâti traditionnel, ainsi que la faune, la flore de leur haut-pays, étant donné
lattrait quexerce ce patrimoine naturel sur les adeptes du tourisme « vert » ; <o:p></o:p>-<o:p></o:p>
tenter de « dé-fokloriser » la montagne amazighe afin que les Imazighen deviennent
un peu moins des articles de consommation, et participent pleinement à un réel
tourisme de culture, de rencontre ; formule qui continuera à relever de la « quadrature
du cercle », tant que des considérations bassement financières demeureront les seuls
critères. Si celles-ci restent en vogue, dailleurs, cest leur côté auto-destructeur qui
aura le dernier mot ! <o:p></o:p>
Si le tourisme « vert », principal atout de nos régions, peut apporter quelque bien-être, tant
mieux. Le Moyen Atlas et le Haut Atlas Oriental demeurent des zones marginalisées, celles
que lon qualifie parfois à voix feutrée de « Maroc inutile », dont les petits centres sont
peuplés de « parasitaires oisifs », la campagne alentour étant livrée à un pastoralisme pour
lessentiel entre les mains de propriétaires-éleveurs absentéistes (Kerbout 1994). Ainsi, en
marge des circuits de tourisme pédestre, ou équestre, il serait bon quun apport dargent frais
puisse revivifier les échanges, afin que les locaux puissent tirer meilleur parti de leur
patrimoine. Ceci apporterait une note despoir à certaines populations désabusées qui
attendent une problématique embellie en se bernant de prophéties maraboutiques, cristallisées
autour de Lenda, site dépopée et mythique capitale du futur, du genre :-
<o:p></o:p>« Un jour rebâtie revivra Lenda, avec
Carreaux et marbres, avec Fès rivalisera! » (Roux & Peyron 2002) <o:p></o:p>
Quant aux sites de mémoire historique, quil convient de respecter, il est certainement urgent
de ne rien faire. Dautant plus quils sont susceptibles de continuer à intéresser au premier
chef une clientèle nationale, plutôt que dêtre exposés au voyeurisme de badauds étrangers. <o:p></o:p>Sans doute la meilleure solution serait-elle de les laisser se développer grâce à des initiatives
locales fort bien rodées, parfaitement adaptées aux besoins des populations, le cas du
Tazizaout étant exemplaire : sentier et source régulièrement entretenus et aménagés, huttes en
bois pour héberger les pèlerins, et pas un seul déchet ! Toute tentative de « makhzéniser » ce
genre de site naboutirait quà lapparition descaliers en marbre, de fontaines en zelliges, de
cafés douteux avec pignon sur rue et emballages plastiques, portant atteinte au lieu ainsi quà
sa sacralité.
6/ Conclusion<o:p></o:p>
Prévue afin de faire fasse à une montée en puissance de la fréquentation touristique dans
lAtlas pendant les années 1980, la phase initiale de léquipement de la montagne marocaine
sest traduite par la formation daccompagnateurs et limplantation de gîtes. Tel quil est, ce
programme paraît avoir répondu aux attentes ; ces dispositions pourraient, aussi, savérer
suffisant pour satisfaire la clientèle dans un avenir prévisible. Il nempêche que cette
démarche, pour louable quelle soit sur le plan économique, comporte quelques côtés pervers,
lesquels, à long terme, pourraient paradoxalement porter préjudice au patrimoine que lon
entend exploiter et protéger. Peut-être a-ton procédé avec une précipitation excessive, sans
évaluer les risques pour le patrimoine que comportait cette opération. Problématique se situant
également au niveau des rapports entre visiteurs et visités, liée à limpact du plus grand
nombre et aux comportements aux effets parfois délétères des touristes, aussi bien
intentionnés soient-ils. En définitive, donc, la solution passe par la recherche de solutions
mûrement réfléchies, à lissu de concertations horizontales et verticales, afin dobtenir
laccord de lensemble des acteurs impliqués.
<o:p></o:p>Michael PEYRON <o:p></o:p>
Université Al-Akhawayn <o:p></o:p>
Ifrane<o:p></o:p>
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BARBAUD C. & M., 2005 ; Maroc : lumières de lAtlas, Études & Communications
Éditions, Bez-et-Esparon.
BENABID A., 1995, « Les problèmes de préservation des écosystèmes forestiers marocains
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BENCHERIFA A. & JOHNSON D.L., 1993, Environment, population pressure and resource
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resource use and conservation (BENCHERIFA A., éd.), Fac. des Lettres, Rabat, série
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BEN LAHCEN M., 2003, Moha ou Hamou Zayani: lâme de la résistance marocaine à la
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BERRIANE M., 1993, « Le tourisme de montagne au Maroc », Montagnes et Hauts-Pays de
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Par PATRYCKFROISSART1 le 11 Mars 2009 à 10:46Article à lire en ligne sur:
http://www.asays.com/article.php3?id_article=13
apercu socio-linguistique sur l’amazigh au Maroc
jeudi date_jnum21 février 2004, par lahcen
Aperçu socio-linguistique sur l’amazighe au Maroc : une identité plurimillénaire Publié le : dimanche 29 juin 2003.
Pour mieux comprendre la situation sociolinguistique actuelle de l’Amazighe en Afrique du Nord, et plus précisément au Maroc, il est important de commencer par considérer le volet historique de cette langue. Les berbères sont les premiers habitants de l’Afrique du Nord (voir Ayache 1964, Julien 1972, Pascon 1977 et Laroui 1977, parmi d’autres).
Les royaumes berbères couvraient les territoires allant de l’Egypte jusqu’au sud marocain. De nombreuses civilisations berbères se sont succédées en Afrique du Nord jusqu’au septième siècle après Jésus Christ. L’identité berbère est donc pluri-millénaire et, par conséquent, constitue une composante de base de l’histoire de toute l’Afrique du Nord. Les travaux anthropologiques, archéo-logiques, sociologiques et linguistiques démontrent cette réalité.
L’arrivée de la première vague des arabes musulmans pendant le premier siècle de l’Hégire a constitué un tournant décisif dans l’histoire de la civilisation berbère sur tous les plans, notamment les plans religieux, culturel et linguistique. Les arabes ont introduit une nouvelle religion, l’Islam, une nouvelle langue, l’arabe, et une nouvelle culture, la culture arabo-musulmane. Volet historique Les royaumes et dynasties berbères ne se sont pas éteints avec l’installation des arabes en Afrique du Nord. Pendant toute la période qui sépare l’arrivée des arabes et le Moyen Age, beaucoup de dynasties berbères ont pris le pouvoir dans cette partie du monde. Trois d’entre elles méritent d’être citées : (1) les Berghouatas, (2) les Almohades et (3) les Almoravides. Pendant les règnes de ces dynasties, le berbère était utilisé dans tous les domaines. Cette langue était écrite en lettres arabes jusqu’au douxième siècle. D’après Chaker (1984), il y avait des textes juridiques, scientifiques et théologiques rédigés en berbère pendant cette période. En outre, le Coran a été traduit en berbère pendant cette période. Cependant, le véhicule officiel écrit des monarques berbères a toujours été l’arabe classique. Au long des siècles, le contact berbère-arabe a progressivement donné lieu à une forme de civilisation et culture hybrides. Cette civilisation a atteint aujourd’hui un tel degré de fusion qu’il est parfois difficile de qualifier quelques uns de ses aspects de purement berbères ou de purement arabes. En outre, des tribus berbères, comme les Ben Yazgha et les Doukkala, ont été complètement arabisées, et des tribus arabes, comme les Aït Seghrouchen, ont été complètement berbérisées. Mais durant des siècles, certaines tribus berbères sont restées intactes dans les régions montagneuses du Grand Atlas et du Rif. Le processus de l’islamisation et, par conséquent, de l’arabisation dans le sens linguistique du terme, a engendré la propagation du bilinguisme berbère-arabe. Ce type de bilinguisme est le résultat de deux facteurs essentiels : d’une part, la propagation de l’arabe dialectal qui s’est infiltré en Afrique du Nord par l’intermédiaire des soldats pendant le huitième siècle, et d’autre part, l’arrivée au douxième siècle d’arabes musulmans qui ont apporté avec eux une culture de "haute société", un type d’arabe dit "classique" ou "standard" et de "bonnes normes" d’apprentissage littéraire et coranique. L’interpénétration la plus importante des cultures berbère et arabe a eu lieu pendant les onzième, douxième et treizième siècles et était, de part sa nature, vouée à imprégner d’une façon définitive les sociétés nord africaines. Aujourd’hui, le bilinguisme berbère-arabe est l’un des traits les plus caractérisants de cette région du monde. Cette situation est rendue plus complexe avec l’arrivée des français au dix-neuvième et vinghtième siècles. Cette arrivée a naturellement occasionné la propagation de la langue française dans cette région. L’espagnol et l’anglais se sont ajoutés et le résultat est l’émergence d’une situation multilingue des plus complexes mais aussi des plus intéressantes. Volet Linguistique D’un point de vue synchronique ou actuel, les sociétés de l’Afrique du Nord sont multilingues. Quatre langues essentielles se partagent le champ linguistique dans cette région du monde : (1) l’arabe standard, (2) l’arabe dialectal, (3) le berbère et (4) le français. Les trois premières langues sont des langues nationales, alors que le français est une langue étrangère. A part ces quatre langues, l’anglais et l’espagnol sont aussi utilisées en Afrique du Nord, mais leur statut social n’est pas aussi avantageux que celui du français. Notons, cependant, qu’il y a une nette montée de l’anglais dans le Maghreb surtout dans le domaine de l’enseignement (voir Sadiqi 1991). Bien que l’arabe standard, l’arabe dialectal, le berbère et le français intéragissent dans la vie quotidienne des citoyens, leur emploi est souvent dicté par les propriétés sociolinguistiques qui leur sont propres. En d’autres termes, chacune de ces quatre langues a une valeur sociolinguistique déterminée qui émane de la nature des domaines dans lesquels elle est utilisée, ainsi que des fonctions qu’elle assure. Ceci s’explique par le fait que la coexistence de plusieurs langues dans une société donnée fait que généralement chacun des groupes parlants ces langues déploie des stratégies bien définies pour gagner le plus de valeurs matérielles et symboliques possibles (voir Bourdieu 1982 et Boukous 1995). En Afrique du Nord, il y a d’abord deux langues standards qui sont utilisées dans des domaines symboliquement et socialement prestigieux : l’arabe standard et le français. L’arabe standard est la langue normalisée, la langue officielle, la langue de la religion, la langue du pouvoir (exécutif, législatif et juridique), la langue de l’enseignement et la langue des médias. Parmi ces domaines, c’est le domaine religieux qui donne plus à l’arabe standard son statut prestigieux. Les nord africains (berbères et arabes) sont musulmans et, par conséquent, considèrent l’arabe comme étant la langue sacrée et le véhicule de l’Islam. De ce fait, l’arabe standard est ipso facto la lingua franca par excellence dans tout le monde arabo-musulman. Bien que le français soit une langue étrangère, il est considéré comme une langue "seconde" et, de ce fait, relègue l’anglais et l’espagnol au niveau des langues purement étrangères. Le français véhicule la modernité, l’ouverture, le savoir et le savoir-faire. Les valeurs symboliques et sociales associées à ces aspects du français sont souvent valorisées et engendrent une attitude plutôt positive envers cette langue bien que les séquelles de la colonisation soient toujours plus ou moins ressenties dans les sociétés maghrébines (voir Ennaji 1991). En plus des deux langues standarisées, il y a deux langues maternelles en Afrique du Nord : l’arabe dialectal et le berbère. L’arabe dialectal varie d’un pays à un autre et parfois d’une région à une autre dans un même pays, mais partout dans le monde arabe, il est en situation diglossique avec l’arabe standard : alors que ce dernier est utilisé dans les domaines-clés, l’arabe dialectal est utilisé dans les domaines informels et transactionnels, ainsi que dans les médias "populaires". Quant au berbère, il est parlé dans l’aire géographique qui s’étend de l’Oasis de Siwa et d’Augilia en Egypte jusqu’au sud marocain, mais c’est en Afrique du Nord, plus précisément en Algérie, et surtout au Maroc, que se trouve la plus grande communauté berbérophone. En effet, c’est le Maroc qui compte le plus grand nombre de berbérophones dans le monde. Les autochtones de ce pays parlent le berbère qui continue à survivre malgré la succession des civilisations punique, romaine, vandale, byzantine et arabe. La survie actuelle du berbère est essentiellement due à la force et au dynamisme qui caractérisent les langues maternelles. La population berbère n’est pas concentrée dans une zone bien déterminée ; elle s’agglomère dans des zones discontinues. On peut cependant isoler quatre groupes majeurs : (1) le Maroc qui compte le plus grand nombre de berbérophones (50% de la population d’après Boukous 1995), (2) l’Algérie où 25% de la population est berbère d’après Chaker (1990), (3) les populations touaregs des pays sud-sahariens du Niger, Mali et Lybie et qui s’élévent à 1 million et (4) des populations éparpillées en petits groupes en Tunisie (environ 100.000), en Mauritanie (environ 10.000) et à Siwa en Egypte (environ 30.000) d’après Chaker (1990) .
Note * Professeur de l’Enseignement Supérieur. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Fès 1. Les sociolinguistes contemporains considèrent qu’il y a trois types d’arabe : (1) l’arabe classique ou l’arabe du Coran et de la littérature pré-islamique, (2) l’arabe standard ou littéraire, qui est utilisé dans les domaines-clés comme le gouvernement et les médias, et (3) l’arabe dialectal qui varie plus ou moins selon les pays arabes.
Par Fatima Sadiqi* pour lematin.ma
<b_ligne></b_ligne><b_ligne></b_ligne><b_ligne></b_ligne><b_ligne></b_ligne>
A lire aussi:
Arabized Tribes
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Par PATRYCKFROISSART1 le 7 Mars 2009 à 19:56
Beni Yazgha
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Cet article ou cette section est sujet à caution car il ne cite pas suffisamment ses sources. (date inconnue)Pour rendre l'article vérifiable, signalez les passages sans source avec {{Référence nécessaire}} et liez les informations aux sources avec les notes de bas de page. (modifier l'article)Vous pouvez partager vos connaissances en l’améliorant (comment ?) selon les recommandations des projets correspondants.Beni Yazgha[1] sont une branche de la grande tribu des Zénètes et cohabitaient avec la tribu des Zouagha. Selon les différentes références bibliographiques, ils ont habité Fès au moment de la création de la ville sur la rive droite (qui allait devenir la Rive des Andalous plus tard).
Les chroniques anciennes rapportent que Idriss II leur aurait acheté leur terre en 191/807. Léon l'Africain dans son livre Description de l'Afrique fait beaucoup d'éloge pour cette tribu et présente les Beni Yazgha comme étant une tribu très évoluée et fait part de la qualité de leur produits et leurs valeurs sur les marchés de la médina de Fès. Il évoque aussi une des inventions pour traverser le fleuve du Sebou, " une idée géniale ".
Les yazghi se trouvent actuellement :
- à Beni Yazgha(la tribu actuelle) près des sources du Sebou
- Le quartier Ben Seffar à Sefrou.
- à Fès les Yazghi, les Berrada[2], les Serghini, les Zouitni, les Bougrini, les Dounasse, les Mghili...
La tribu des Beni Yazgha a été largement cité dans les chroniques de certains grands voyageurs.
Notes [modifier]
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