• Quelques noms de mes amis de jeunesse d'El Menzel: Kacem Dounas, Abdallah Laaboudi, Omar Dounas (paix à son âme), Mohamed Dounas (qui vit aux USA), Larbi et Lhacen Ben Saïd (qu'ils reposent en paix), Kouicem, El Harrouf, Abdallah (surnommé "Pois chiche") dont je tais le nom de famille, le vieux Fquieh M'Koudi, et tant d'autres, à une époque où El Menzel ne s'étendait guère au-delà des anciens remparts et où tout ce qui a été construit depuis entre l'ancien souk, Aïn Kebir et Oulad M'Koudou était occupé par d'agréables jardins potagers et plantations d'oliviers, parsemés de sources et de ruisseaux. J'ai d'ailleurs habité dans la première maison qui a été construite à l'endroit où est aujourd'hui le lycée, derrière la station de Mchrir. Cette maison avait été construite par Ahmed Ben Saïd, frère des précédents, qui était alors boucher, comme ses autres frères Omar et Abdelkader. Ensuite M. Abdallah Gadi a fait construire l'immeuble qui est devant le nouveau souk, avec toutes ses boutiques, et les constructions se sont multipliées. Il n'y avait pas de route pour aller à Oulad M'Koudou, une simple piste, très mauvaise pour les voitures.
    La gendarmerie n'existait pas (nous dépendions de Bir Tam Tam).
    On prenait de l'essence en face de l'ancienne boutique de Mchrir (El Hadj, le père, qui m'aimait bien, que Dieu ait son âme), à une pompe en verre actionnée à la main!


    Le jour du souk, les petits pois se vendaient 5 centimes (1 riel) le kilo! C'est Meryem Chbatah (qu'elle repose elle aussi en paix) qui faisait mes courses et ma cuisine avant que je me marie.
    Que de souvenirs!

    Auteur:
    froissart

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    Ta mémoire est restée intacte, cher Patryck, concernant la description D'El Menzel et ses environs. Nous l'avons connu comme toi et nous constatons avec désolation que l'évolution d'El Menzel a eu son "revers de la médaille ". Plus de ruisseaux, plus de Ain Daqqouq, Ain kbir laisse sortir encore quelques larmes qui lui restent pour pleurer sur son sort, et le béton a gagné les collines ! Heureusement le seigneur Cafazrou garde sa grandeur et veille sur la cuvette d'El Menzel et ses Kloue. Pourvu que ça dure !!.

    Tu m'as fait penser également à la première station d'essence manuelle de Machrir qui était au centre d'El Menzel, juste en face de l'ex-ancien Bureau du collabo "al Caid Alâarbi " et qui plus tard devenu une classe de C.P. L'instituteur était connu de tous les yazghi sans exception: c'était SI ASSOU qui plus tard était devenu CHAOUCH au collège ( qu'il repose en paix ). Il était estimé par tout le monde et on ne garde de lui que de bons souvenirs.

    Quant au collabo, le caid lâarbi, tu trouveras des témoignages auprès des anciens qui ont vécu sa tyrannie, et qui ont subi humiliations et violences de sa part. Mais n'empêche! Je lance un appel comme toi à ceux qui ont des anecdotes à raconter pour qu'ils ne les gardent pas pour eux et qu'ils l'expriment sur notre forum. " Il est possible de trouver dans une rivière ce qu'on ne trouvera pas dans la mer "!. Qui sait !!.
    L'idée d'un bouquin sur cette époque est une trés bonne idée, et je souhaite que tu arrives à écrire un bout d'histoire des Beni Yazgha car les livres retraçant l'origine de notre tribu nous font défaut, et je ne sais toujours pas si les Beni Yazgha qui au départ étaient à Bab ftouh - à l'entrée de Fes - étaient une tribu Arabe ou Berbére Arabisée. Je ne cherche absolument pas à polémiquer ou à ennuyer quiconque, car j'ai toujours posé la question en disant : pourquoi les yazghi parlent arabe, alors que nous sommes entourés de tribus berbéres ? Il est tout à fait normal que nous cherchions à connaitre nos origines, et à savoir d'où nous venons .

    Auteur:
    toumi10

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    Un jour de souk, dans les années 80, j'ai pris ma caméra toute neuve et j'ai voulu filmer quelques scènes de notre grand événement du mercredi et du dimanche. J'étais à peine passé devant le bureau du contrôleur, à l'entrée, qu'une main s'est posée sur mon épaule. Je me suis retourné, et me suis trouvé face à face avec le Khalifa de l'époque, Si Hannafi, que je connaissais depuis 20 ans. Il m'a dit:
    "Msieur Patryck, vous ne pouvez pas filmer, c'est interdit".
    J'ai protesté, et lui ai dit que j'avais vu, le souk précédent, des touristes qui filmaient.
    "Oui, Msieur Patryck, mais vous, vous n'êtes pas un touriste. Seuls les étrangers peuvent filmer le souk".
    "Mais je suis un étranger, mon cher Hannafi..."
    "Non, Msieur Patryck, n'ta dianna, n'ta machi barani, donc vous ne filmerez pas".
    J'étais en colère, mais en même temps je venais d'entendre les plus belles des paroles: j'étais donc considéré comme un Beni Yazgha, à tel point que, comme tout Beni Yazgha, j'étais soumis aux règles arbitraires du régime de Hassan II !!!
    Elle n'est pas belle, mon histoire? Je vous jure qu'elle est authentique!


    Auteur:
    froissart
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    Bonjour à toutes et à tous,
    Je suis un nouveau yazghi sur ce forum. La lecture de quelques messages m'a fait vraiment plaisir et je suis content de vous écrire.
    Je me présente :
    - J'ai vécu à lmenzel entre 0 et 6 ans, à derb lgragra et à dyour jdad.
    - Mon grand père était l'Imam de la mosquée dans les années 60
    - J'ai deux oncles qui gèrent actuellement la boutique dite de Msloute (à coté de la mosquée) et un cousin qui a une boutique à lkhbayez.
    - Mon père était prof de Maths au collège avant d'enseigner la physique (entre 1969 et 1979 je crois).
    - J'ai un oncle à lmenzel qui sait très bien faire le thé (bien sucré surtout!)
    Au moins une personne sur ce forum va me reconnaitre !!!
    Bien à vous

    Auteur: encoreUnYazghi
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    Mon cher EncoreunYazghi,

    Ta présence dans ce forum nous fait très plaisir, d'autant que d'entrée tu as commencé à évoquer tes souvenirs d'enfance.
    Mais je ne pouvais pas te reconnaître car j'ai quitté El Menzel en 1969 et certaines choses m'échappent complètement. Par contre, je me rappelle trés bien la boutique de " Masloute " qui se trouve juste à côté de la mosquée, à l'angle, là où on vendait le lait au détail le matin, et l'aprés-midi la menthe ou "Alben ". C'étaient les années 60.
    Je peux te dire mon cher ami que cette boutique appartenait avant Masloute à un Juif qui a quitté El Menzel au début de l'émigration de sa communauté vers Israel. Je pense qu'il s'appelait Aâmiyar, et un autre juif qui se trouvait sur la place s'appelait Amrane. Sa boutique a été achetée par le cordonnier.

     Auteur: toumi10

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    Bonjour et miat mrahba o mrahba aux nouveaux-arrivants. Je n'arrive pas à reconnaître EncoreUnYazghi, même avec les détails qu'il a donnés. Bien sûr, c'est impossible pour moi de connaître qui était le Fqih de la Jamaa d'El Manzel en 1960 car je n'existais pas encore et je ne me rappelle pas avoir entendu mes parents parler de cet Imam.
    Mais un nom est mentionné que je connais très bien: "Masloute". Je ne sais pas s'il est originaire de Kratech mais il habitait à quelques 600 ou 700 mètres de nous au douar de KRATECH. J'ai beaucoup entendu parler de lui et de ses histoires avec LKAYED LAARBI. Est-ce que quelqu'un de vous connaît une de ces histoires? Les Menzli connaissent Masloute plus que les Kortachi car il passait tout son temps à El Menzel, place de son travail. Quand j'étais professeur de 2eme cycle à Outat Elhaj (1989) mon collègue El Bekri, qui était d'El Menzel m'a raconté une anecdote qui va peut-être vous faire éclater de rire. Sorry! Je vais vous la raconter next time.
    Aussi ma mère qui est une manzlia de la famille de nass harras, et à qui j'ai rendu visite au Maroc juste ce Ramadan dernier, m'a raconté beaucoup d'histoires à propos des kortachis qui travaillaient à El Menzel. Donc j'ai beaucoup à dire de mon douar et des relations des Kortachi avec le reste des douars de Notre KBILA.
    Merci Toumi, Froissart et Mghili pour l'humeur créée dans vos récits. Je bénéficie beaucoup de vos écritures.

    Auteur:
    7ab riro

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    Merci à vous tous pour votre accueil et merci Patryck pour ton mot sympathique et sincère qui me touche vraiment beaucoup.
    Sinon je fais partie de la famille GADI. Je suis un des fils du professeur de physique (pour ceux et celles qui le connaissent). Une des choses qui me faisait vraiment plaisir lorsque j'allais avec ma famille passer quelques jours de vacances dans la maison de mon grand père était de pointer à coté de la boutique de Masloute avec un petit récipient (appelé la-bas : ttassa dGuigouz) juste après la prière de ~15h (juste après ssahel !) pour acheter du lait au détail (3 verres !). Ce lait, pour quelqu'un comme moi qui habitait en ville, était vraiment très bon. D'ailleurs j'ai eu l'occasion de visiter une ferme récemment en France et j'ai acheté du lait censé être "brut" non pasteurisé etc. mais au niveau du goût il était très moyen. Enfin bref, il n'y a pas mieux que le lait acheté au détail dans la tassa dGuigouz à lmenzel. Boire de l'eau, y a pas mieux que Ain Kbir. Les grottes, y a pas plus mystérieux que "kaf azrou" ou "kaf l7mam" !!!

    Auteur:
    encoreUnYazghi

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    Je suis de retour. Mon absence a duré quatre jours. Jour pour jour, je vous lisais. Je dirais même avec voracité. Certes, je ne peux plus me passer de vos merveilles, cela devient pour moi « la substance magique » dont vous n’avez cessé de parler, mais excusez-moi, j’étais « en rechargement ». Savez-vous où ? Et bien je suis remonté à la source, au bled. Quel plaisir ! Grâce à notre forum, lklou3, bou3rais, ain kbir, kaf azrou, bouyblane, el menzel, kratech…. ont une nouvelle saveur pour moi. Vos histoires, vos blagues, vos commentaires me suivent partout. Je suis possédé. Je suis allé à ain dakkouk pour voir la maison de notre ami Patryck, à la boutique du défunt maslout pour m’enquêter de la noble famille de notre ami Gadi, à karn souk pour contempler le bel hameau de kratech et j’ai appris beaucoup de bonnes choses.
    Ma chère karaba (la vraie), le majestueux bouyblane, drapé dans son bernouss blanc, m’a chargé de vous passer un chaleureux salut et vous en veut un peu de ne lui avoir pas rendu visite cette année c’est du moins ce qu’il m’a dit, je n’ai pas voulu insister: il paraissait tellement transi !!!!
    Je suis heureux comme Ulysse après avoir conquis la toison, pressé comme Victor Hugo l'était de voir la tombe de Léopoldine

    Auteur:
    Fandlaoui

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    D'aprés mes renseignements le froid sévit cette année au Maroc. Il s'est fait sentir vivement et il a causé des ravages. Les gens se plaignent beaucoup, et j'ai même entendu dire que les doigts d'un Mghili ont gelé ! Ce froid me fait penser aux basses températures qu'on a connues dans notre jeunesse (heureusement que nos mères et grands-mères nous tissaient des vraies Djellabas de laine pour affronter cette agression naturelle). Pour se réchauffer à l'extérieur, on jouait à "CHABA" pendant des heures et des heures et lorsqu'on avait fini de jouer, on se collait contre un mur, ou on occupait le couloir d'entrée à la mosquée pour se raconter des histoires entre nous. C'étaient les seuls endroits où on pouvait trouver refuge pour tuer le temps, n'est-ce pas Fandlaoui ? Mais ce qui m'a marqué le plus c'était d'entendre mon père ou grand-père parler du froid du " HAGOUZ " . Le Hagouz était une fête d'un calendrier agraire, célébrée vers le 15 Janvier. Elle marquait aussi le milieu de l'Hiver (ALLIALI ) qui commence vers le 25 Décembre et qui finit 40 jours plus tard. Notre ami Fandlaoui a oublié de nous dire que les Mhadras n'allaient pas au Msid ce jour-là. C'était un jour de congé ! Par contre ils passaient dans les maisons demander des friandises, et souvent on leur donnait des figues séches. Quant au Fkih et à ses amis, ils préparaient un bon tajine au Msid. Le Tajine était tellement bon qu'on sentait de l'extérieur de la mosquée les bonnes odeurs des légumes et des épices.

    Il est fort possible que j'aie oublié quelques détails de cette fête disparue (je pense ). Je serais trés content de partager et de revivre des souvenirs - si quelqu'un parmi vous pouvait nous rafraîchir la mémoire - . Je sais que notre ami Fandlaoui a plus d'un " tour "dans la capuche de sa Djellaba pour nous raconter quelques anecdotes. J'espère.

    Auteur: toumi10


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  • Je tiens à tirer une majestueuse révérence à mon ami Toumi pour le souvenir qu’il a relaté : la culture du chanvre. Ta narration m’a rajeuni de plus de cinquante ans. Je revois encore Bellahlal, que dieu ait son âme, accroché à son «hourgal» à sdi mamnhou, en pleine activité, séparant « eshage » du « chtab » du chanvre en tapant sur sa « jabya » .
    Tu es vraiment mon cher Toumi une grosse pierre du « mounka3 » «hajra dalmouka3» comme on dit encore chez nous sans savoir peut être ce que cela signifie. Bravo!

    Auteur:
    Fandlaoui

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    Effectivement mon cher Fandlaoui, tu t'es "planté " et tu as employé l'expression de " Hjar Al mankaâ " dans un sens complètement different de ce que tu voulais faire ! L'expression elle-même n'est pas un compliment destiné à quelqu'un. Elle est plutôt un reproche voire une insulte. Cela dépend des circonstances. On traite quelqu'un de cette expression lorsqu'il est immobile, paresseux, qu'il ne bouge pas, qu'il reste assis toujours au même endroit ce qui est le cas des pierres "D'ALMANKAÂ ".
    Ce sont des pierres qui demeurent fixes toute l'année, qui ne bougent pas.
    Sans prétention de ma part et avec toute modestie j'ai compris que tu voulais me faire un compliment pour mon récit  concernant la culture du chanvre, et le sens que tu voulais donner aux pierres était plutôt le sens de la sagesse, ou quelque chose d'essentiel, ou d'important. Je ne te tiens pas rigueur pour tes propos car tu as reconnu toi-même que tu ne savais pas exactement la signification (tu as bien fait de le dire!).
    Donc j'ai jugé bon de t'expliquer cette expression - à toi et aux autres qui ne la connaissent pas -  comme je l'ai vécu, et ressenti au moment où mes oreilles sifflaient de l'entendre car je l'ai entendu de la bouche de mes parents plus d'une fois, et j'étais conscient de la raison pour laquelle ils l'utilisaient à mon encontre! Le sens était clair et net !
    Je te remercie de m'avoir donné l'occasion de parler de cette expression car j'ai voulu le faire précédemment dans mon texte, et vu que je n'avais pas assez de place, je pensais le faire plus tard. Donc tu m'as aidé à enchaîner sur mon sujet d'avant . Ce n'est pas la seule expression que les anciens utilisaient - et dont j'ai fait "les frais " maintes fois moi-même - mais il y en a d'autres dont je n'ai compris la signification que plus tard, à l'âge de 30 ou 40 ans. Quand on est jeune, on mémorise ; et plus tard on décode ! d'ou l'importance de ce site qui pourrait nous faciliter les échanges et nous amener à réviser " Aswarna "(nos leçons coraniques ) et à laisser un témoignage à nos enfants et aux générations futures.

    Je me rappelle quelques anecdotes concernant cette expression, lorsque ma mère ou d'autres femmes voulaient traverser " ASSAFAH ": elles étaient gênées par le regard des anciens qui étaient assis et alignés comme " l'Ahjar d'Almankaâ " au pied de la falaise de ASSAFFAH. J'ai entendu ma mère répéter cette phrase plusieurs fois avec un ton de colère et de mécontentement. Souvent ces anciens étaient alignés en train de discuter entre eux ou de confectionner des coufins, des Zenbiles, des fils de Doums (Lahbals ), des (Salba )pour la charrue.
    Ou tout simplement ils étaient là à ne rien faire, à attendre, attendre que le temps passe, ou regarder, détailler et critiquer les passants, jeunes ou moins jeunes, hommes ou femmes, gens du pays ou " Ahl Barra ". Il fallait trouver un sujet de conversation, et peu importait le prix. Donc je comprenais la colère de ma mère! C'était "Jmaâ "d'oulad abdelaziz. Tous ces anciens sont morts , allah Yarhamhoum. Il y avait : Rguigue, Fafouch, ould Lahcen Al kamla qui donnait
     "le mauvais oeil" et qu'on craignait beaucoup, cheikh ould Allal, Bellahlal, Assou ben Rahhou et son frère si mohamed,  Ben Kerou, Boutahar et la liste est longue !
    J'arrête mon cher Fandlaoui car je commence à avoir les " boules ", le coeur serré et la main qui tremble ! Ces souvenirs font naître en moi une nostalgie douloureuse et me donnent envie de chialer!
    N'oublions pas que chaque douar avait cette assemblée d'anciens " JMAÂ " et nous - les jeunes de l'époque - on les traitait de " Shabe Arzaz " ou de "Hjar Almankaâ " car le conflit de générations a toujours existé !

    Auteur:
    toumi10

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    Cher Toumi, je reviens sur ce beau témoignage pour une simple remarque: depuis quelques années, à chacun de mes séjours à El Menzel, je me transforme volontiers en Hjar Almankaâ, et je passe des heures à ne rien faire, à regarder les passants et les passantes, à commenter et critiquer la tenue, ou l'évolution sociale, ou le vieillissement des uns, des unes et des autres avec quelques amis, et je trouve cela très agréable.
    Le conflit des générations, comme tu le dis, a toujours existé, et tout jeune devient un jour un vieux et imite ceux dont il s'est autrefois moqué.
    Les jeunes passent, et les Hjar Almankaâ restent...

    Auteur:
    froissart

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    En réponse à ton rectificatif relatif à l’expression « hjar lmounka3 », j’ai peur que tu ne te trompes mon cher Toumi. Cette expression est souvent associée à une autre « hargal oumargal », ce qui connote la résistance, la patience et l’endurance. Aussi le sens de la première ne peut être indépendant de celui de la deuxième. Quoi qu’il en soit, il est peut être jute de dire que l’expression est polysémique comme beaucoup d’autres. C’est la nature du langage dialectal, oral qui, parce qu’il n’est pas écrit, devient, par la nature des choses, quand il sort du cadre spatio-temporel où il est pratiqué, moins précis et plus fluide.
    Ceci dit, en attendant la sortie de notre ami Mghili de la très sympathique cérémonie qu’il a organisée en l’honneur de notre « ancien et nouvel ami froissart », laisse-moi te poser une question.
    Toi qui ne voulais pas divulguer ton douar d’origine, (je pensais que c’était parce que tu ne voulais pas limiter ta dimension à un simple individu, tu désirais garder ton statut de personnage à la balzacienne, plus riche et plus fécond - et j’avais, au début, apprécié ton choix), maintenant tu t’es fait prendre dans ton piège. D’abord en qualifiant les badauds d’ouled abdelaziz de « hjar lmounka3 ». (C’est la même remarque que faisait ma mère. Mais elle les comparait à des twachar de feu (brazéros). Et elle préférait emprunter les sentiers sinueux de bou3raïs. Et chaque fois qu’elle devait passer devant eux, elle disait « 3inakom fagdam oufakom ittahdam). Ensuite en donnant à monsieur Froissart toutes les précisons sur ta scolarité, sur les personnes qui étaient en classe avec toi, la belle Naïma par exemple, tu viens de donner à Mghili une précieuse information pour nous identifier et tirer sur nous à bout portant. Mais ne t’en fais pas, je serai toujours là pour te protéger. Nous les kalâoui, nous avons toujours été les remparts des béni yazgha.

     Auteur: Fandlaoui


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  • J'ai une petite demande (samholi ntcharrat chwich) concernant ma cérémonie d'accueil: j'aimerais bien voir en place pendant cet évènement (di machi i7dro fih lahbab o lshab)un sheikh qui va utiliser les cuillères, verres, et ssiniyya pour dire ses chants.

    Auteur: 7ab riro

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    Mon frère, ta demande de cérémonie avec cuillers, verres et ssiniya m'a donné la chair de poule car elle m'a rappelé celle à laquelle j'ai assisté et que j'ai entièrement filmée lors d'un mariage familial dans la maison de famille située au Hay Jdid derrière les petites maisons des anciens coopérants.

    C'était admirable! Quel sens de l'improvisation! Quelles belles choses exprimées avec si peu de matériel! Quel art! C'étaient des cousins de mon épouse, et je les retrouve toujours avec joie chaque été!

    Auteur: froissart

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  • Je vous ai parlé de la force hydraulique pour les moulins à eau, de la force du vent pour les moulins à vent , et de la force de AZZAKOUR pour la presse du moulin à huile.
    Aujourd'hui je vais vous parler de la force humaine que les Yazghis ont employée dans une culture qui a disparu complètement du paysage des Beni Yazgha. Vous êtes en train de vous poser la question de savoir quelle pouvait être cette culture ! Je ne sais pas si cette culture existait dans tous les douars des Beni Yazgha, ou seulement dans certains qui avaient la chance d'avoir une bonne terre fertile gâtée par la présence de beaucoup d'eau. En tout cas, mon souvenir remonte à l'âge de 5 ou 6 ans et je ne me souviens pas de l'importance que notre région donnait à cette culture. Il s'agit de la culture du CHANVRE ( ALKANNABE ).

    La plante du chanvre est de la famille des  Cannabinacées, autrement dit c'est la soeur jumelle du Hachisch. On sème les graines (chêvenis ) au mois de mars ou d'Avril. La floraison, c'est à la fin de l'été, et la récolte au mois d'Octobre. C'est une plante qui demande beaucoup d'eau, et ce n'est pas la seule raison qui l'a fait disparaître du paysage.

    Aprés le fauchage de cette plante on récupére d'abord les graines. Ensuite on met les tiges à rouir (immergées dans un bassin d'eau: ALMANkAÄ) pendant une semaine. Il faut dire que les hommes doivent descendre dans le bassin pour mettre des pierres au dessus du chanvre pour qu'il soit complètement immergé - car le chanvre est léger, et sans le poids des pierres, il flotterait au dessus de l'eau -. On pratique ces manipulations et ce travail pendant le mois d'Octobre, ou en Novembre. Ce n'est pas la saison de faire un plongeon dans une piscine ! Une semaine plus tard c'est le broyage, c'est à dire qu'on met les tiges dans une cuvette creusée dans un demi-tronc d'arbre coupé en longueur , et qu'à l'aide d'un autre morceau de bois on dame les tiges pour qu'elles deviennent de la filasse. C'est un travail pénible qui ne pousse pas à économiser sa force. Une fois que tout est broyé, on achemine la filasse à Fes pour des établissements de filatures où on réalise des cordages, vêtements, torchons, draps, voiles, filets, etc.. Il faut dire qu'on se sert aussi du chanvre dans le bâtiment comme isolant, dans la plomberie et même dans l'industrie automobile. Les propriétés de l'huile des graines du chanvre ressemblent à celles de l'huile d'argan. Toutes les deux sont utilisées dans le monde des cosmétiques et, au Maroc et particulièrement à Fés, on utilise les chêvenis dans la préparation des sucreries ( NOUGAT ) qu'on trouve aux alentours de Moulaye Idriss.

    Je viens de me rendre compte que je me suis égaré dans les explications de la transformation du chanvre. Cela a dû ennuyer quelques-uns d'entre vous ! Donc je reviens à mes moutons pour vous dire que j'ai complétement oublié le nom de ces instruments qui servaient au broyage des tiges ! Pourriez-vous me rafraichir la mémoire en me donnant le nom de ces "trucs " et me parler un peu plus de ce sujet? Peut-être ai-je oublié d'évoquer ou d'expliquer correctement  certaines étapes de la préparation. J'aimerais savoir également si cette culture était répandue dans tous les douars qui avaient assez d'eau. Je sais que dans LA KLOUEE restent encore des bassins " ALMANKAA " qui témoignent de l'existence de cette culture disparue.

    Toi, mon cher Kalâoui - qui as une mémoire d'éléphant -  peux-tu me raconter des anecdotes concernant le chanvre et ses méfaits, à moins que notre ami Mghili - qui est un spécialiste en la matière - pourrait trouver son inspiration grâce à cette plante convoitée par les grands amateurs de hachisch et nous associer à ses souvenirs d'antan !


    Auteur: toumi10

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    Je tiens à tirer une majestueuse révérence à mon ami Toumi pour le souvenir qu’il a relaté : la culture du chanvre. Ta narration m’a rajeuni de plus de cinquante ans. Je revois encore bellahlal, que dieu ait son âme, accroché à son « hourgal » à sdi mamnhou, en pleine activité, séparant « eshage » du « chtab » du chavre en tapant sur sa « jabya ». Tu es vraiment mon cher Toumi une grosse pierre du « mounka3 » « hajra dalmouka3 » comme on dit encore chez nous sans savoir peut être ce que cela signifie. Bravo!

     Auteur:
    Fandlaoui



    Oud Bladi Monsieur Toumi merci pour ton accueil.
    Cher ami j'ai beaucoup aimé ton récit sur le chanvre, ce produit qui a fait autrefois la gloire de notre région.
    Je suis de cette génération qui a vu arriver la fin de cette industrie. Je me souviens de notre mankaâ où j'ai vu pour la dernière fois mon grand père travailler avec son fils (mon père).
    Notre mankaâ était à côté de Ain Msqfa sous le grand noyer de Feu Hadou Hamtta, à mrajaâ al ain. Oui, ils cultivaient le chanvre dans Blad Squa à Boudinar, Lquoçib, Mrajaâ al ain ..., et puis je ne sais si tu as connu notre cacahouète à nous, la graine de chanvre grillée (fi lfarah)...
    Mon ami Toumi, une fois encore: merci!

    Auteur: Yazghi 2


    Je me souviens parfaitement bien des graines de chênevis (Azzarriâa d'Alkanab) que nos mères faisaient griller dans le FARRAH aprés avoir préparé le pain sur " Lamnassab " ou " Alkanoune ". On se régalait car c'était très délicieux. Je t'assure mon cher Patryck que les chênevis n'étaient pas préparées comme tu l'aurais aimé ! L'effet en aurait été différent si c'était toi qui les avais préparées !

    Auteur: toumi10 


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  • Comme je l’ai promis, je vais vous entretenir aujourd’hui de mon expérience au « msside » autrement dit l’école coranique. Je ne sais pas si vous avez vécu cette belle aventure. Surtout toi Toumi et toi HKOUYA Mghili, bons francisants* que vous êtes !!!! et bons orateurs comme le souligne justement notre ami PLOJIK que je remercie beaucoup pour son amabilité et sa fierté d’être Yazghi.

    Le mssid, c’était le lieu d’apprentissage et aussi d’éducation. Pour mon père, c’était quelque chose de primordial. L’école de l’administration coloniale, même après l’indépendance, n’était que khoudra fou9 t3am. D’ailleurs, si mes parents avaient opté pour m’envoyer à l’école, ce n’était pas par nécessité, mais parce qu’à leurs yeux je ne pouvais pas supporter les travaux pénibles des champs: j’étais tellement chétif et paresseux! C’était aussi pour eux, une certaine forme, quoique qu’inconsciente, de prendre leur distance vis-à-vis de l’occupant. L’école moderne n’était pas un privilège au temps du nommé lkaid laarbi , c’était une peine qu’on infligeait aux familles démunies. Mon oncle, par exemple, n’était pas obligé d’envoyer ses enfants à l’école car il était mokhazni. Aussi, ironie du sort, aucun d’eux n’a été scolarisé, et ils en veulent un peu maintenant à leur père.

    Nous avons, mon frère et moi, commencé à fréquenter le « mssid » à l’âge de quatre ans. Mes parents étaient fiers de nous. L’apprentissage de l’écriture et de la lecture se faisait dans la douleur et l’euphorie en même temps. Nous avons connu la baguette du cognassier à un âge précoce. Mais chaque verset appris était un grand évènement pour la grande famille et une ressource de valeur pour le fkih, car à l’achèvement de chaque « sourat », nous devions lui offrir quelque chose « alkhtma » : 50 centimes, un plat de « mellui »ou d’la9rais, le plus souvent des œufs beldi « (une dizaine). Notre grand bonheur fut lorsqu’un soldat revenait d’Indochine. Le fkih nous envoyait chez lui pour lui demander « thrira ». Le fkih nous relâchait pour une demi journée. Et c’était la liesse et les cris de joie. Un après-midi de liberté de jeux : « billes » « chaba » « trinbo » « lamkahel » « slague ouloubaré » » « 9ach9ach », « sabsabbout » « takhbabbou3 » « drarej » les camions de cactus et généralement les parties se terminaient par des bagarres entre nous enfants du même douar ou contre ceux d’un autre douar. Le bon vieux temps mon cher Toumi !! Te rappelles-tu encore ces bons moments d’enfance ? Que c’était riche !

    Je n’ai pas terminé mon propos. Je vous promets d’y revenir plus tard.

    Auteur: Fandlaoui

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    Notre ami Fandlaoui nous a parlé d'un souvenir que nous partageons tous avec lui et particuliérement notre génération! Je dis à notre ami Fandlaoui que je n'ai pas oublié ATTAHMILA wa Adraka Ma ATTAHMILA !! destinée à tous ceux qui n'apprenaient pas leurs versets par coeur !! et malheur à eux s'ils le répétaient à leurs parents lorsqu'ils rentraient à la maison, car ils risquaient de recevoir une deuxiéme correction! Tout ce qui tu nous as raconté mon cher Fandlaoui est exact, et je m'en souviens comme si c'était hier !!!!.

    Auteur: toumi10

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    Notre ami Fandlawi a évoqué l'une des belles époques qui ont gravé notre mémoire à jamais, celle de LMSID, mais je rappelle que les générations suivantes ont aussi connu LMSID sauf que l'appellation n'était pas la même. Je fais allusion aux propos de Toumi. On l'a connue sous le nom de "JAME3", une petite école composée d'une seule salle de classe et de toilettes (le strict minmum). La récréation on la prenait carrément à l'extérieur dans la rue. Vous l'avez peut-être deviné, je parle de JAME3 dyal lmenzel qui se situe juste derrière la mosquée dyal lmenzel et qui en fait partie d'ailleurs. Ce qui est marquant aussi c'est LMDARBA, GHIR KANKHORJOU MAKAYEN GHIR CHIYER BELLOUHA (l'ardoise). Il faut que je pose la question à ma mére pour savoir combien de points de sutures j'ai eus à la tête à cause de ces batailles qui avaient lieu à l'époque pour tout et n'importe quoi. Eh oui ça fait déjà bientot trois decennies! Que de bonheur malgré tout. Envers notre f9ih (lf9ih lmellahi lah ydokrou bkhir) nous étions dociles et respectueux. Je priais Dieu pour ne pas le croiser dans la rue le dimanche tellement j'avais peur de lui: rien à voir avec les élèves d'aujourdhui...!

    Auteur:
    PLOKIJ

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    J'aimerais bien revenir un peu sur ton texte du Mssid pour te dire que tu as oublié un détail très important et qu'on ne saurait passer comme ça sous silence. Il s'agit de l'ambiance qui régnait dans le Mssid, en pleine séance d'apprentissage collectif du Saint Coran.

    La séance qui consiste en la lecture répétée, à haute voix, par chacun des MHADRA (élèves) de sa LOUHA (tablette), commence sur ordre du fkih, qui en donne le coup d'envoi en tapant devant lui, un grand coup de bâton sur le HSSIR (natte). Et la cohue s'ébranle, à qui mieux mieux. Les petits, qui rivalisent les uns avec les autres en répétant inlassablement, et sur la même intonation, la seule "BASMALA" (BISMI LLLLAAAHI RRRAHMAAANI RRAHIIM), suivie de quelques mots d'AL HAMDOU LILLAHI RABBBIL'AAALAMIIIN..... Et les plus grands qui s'isolent, un peu en retrait pour attaquer la mémorisation, en procédant par fragments de versets, qu'ils répétent autant de fois que nécessaire, les yeux ouverts dans un premier temps, puis en les fermant par intermittence, pour voir si ça rentre ou pas. L'intonation est souvent cadencée par des coups de "DAKKAN", une sorte de gros doigt en bois taillé en biais sur un bout, que "LAMHADRI" frotte sur la tablette, de haut en bas et de bas en haut, en suivant la ligne de mots qu'il prononce, pour les bien graver dans son disque dur.

    Le bourdonnement continue sous la surveillance du fkih qui veille à l'animation, oeil ouvert et bras levé, prolongé d'un matériel qui, rien qu'à la vue, donne la chair de poule aux plus hardis. Ce matériel est de differents types et il y en a de tous les goûts. Il y a des pièces qui servent à traiter la proximité, et d'autres qui permettent de raser au loin les têtes fortes. Quant aux goûts, il y en a qui sentent le coing, comme celui auquel a goûté notre ami Fandlaoui, d'autres qui ont la saveur de la grenade, de l'olive, de la prune etc... C'est un consommable à durée de vie limitée, surtout pendant les périodes où le fkih est mécontent. Les connaisseurs parmi les MHADRA qui sont chargés de procurer ce matériel, surtout ceux qui se considèrent au dessus du lot, de par un quelconque lien direct, familial ou autre avec le fkih, pour en augmenter la durée de vie, ne manquent pas de le passer au feu après sa cueillette, comme on fait pour les gaules pour augmenter leur résistance (TALOUAT).

    Les fkih étaient, parallèlement à ce métier, des tailleurs de djellaba. Une fois la cohue lancée, le maître-massacreur tire son projet de djellaba d'à côté et se met à l'oeuvre. La baisse de son attention entraîne automatiquement une diminution du volume de son de la scène, à cause de la fatigue qui gagne les acteurs. Le fkih fait même semblant de s'assoupir pour augmenter leur confiance. Tout d'un coup, c'est la réaction foudroyante du maître des lieux qui fait preuve d'une grande dextérité dans le maniement de son materiel, balayant dans tous les sens, et à deux mains. Et c'est la relance, cette fois-ci, du son et.. des senteurs. Quelle pédagogie!

    Auteur: mghili

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    Ca fait vraiment plaisir de voir une participation de plus en plus importante sur le forum "Le Grand Douar" de Yabiladi. Je suis ravi de constater le débat qu'a provoqué le texte de notre ami Fandlaoui concernant les souvenirs de LAMSID. C'était le passage obligé et obligatoire pour apprendre à lire et à écrire avant de faire une démarche auprès du Directeur de l'école primaire pour s'inscrire au C.P. J'ai bien aimé le débat, et c'est ainsi que je conçois nos échanges d'idées sur ce forum.
    Ce travail sur le souvenir nous pousse à nous rappeler ce que nous avons vécu et a pour objectif que notre mémoire reste une MEMOIRE VIVE. Il reste des choses à dire sur la vie de LAMHADRA et de lAMSID. Mais nos amis Fandlaoui, Mghili, ainsi que Plokij ont dit les plus importantes.

    J'ajouterai tout simplement que je n'ai pas oublié que chaque matin il fallait laver ALLOUH puis le badigeoner avec de l'argile blanche " ASSALSSAL" que nous les kalâoui on cherchait au-dessus de AIN KBIR c'est-à-dire à BABA FOUYANE, n'est-ce pas mon cher Kalâoui?
    Ensuite il fallait préparer " ALKALME " fait avec un morceau de roseau et le tremper dans un encrier de "SMAGH" pour écrire nos versets.

    J'ajouterai également pour les FKIH-TAILLEURS: il y avait toujours un MHADRI qui DRABE ALBARCHMANE !!

    Auteur: toumi10

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    En effet il y a quelque temps, j’avais entamé quelques modestes souvenirs du Mssid. Nos amis Mghili, Toumi et Plojik ont contribué à l’évocation des leurs. Je les remercie de leur intéressante participation à ce thème très cher à beaucoup d’entre nous.
    Certes le mssid évoque en nous un tas de souvenirs. Chacun de nous l’a vécu à sa manière. Mais, ce qui est certain c’est qu’aucun d’entre nous n’a échappé aux coups de la verge de cognassier, à la falaka ou à la tahmila...
    Mon Mssid à moi avait ses règles : un novice, par exemple, n’avait pas le droit de s’asseoir comme il le désirait. Il devait se tenir droit, les jambes jointes, la planchette sur les genoux. Il y avait souvent parmi les élèves (lamhadra) des filles de différents âges et devaient elles aussi se soumettre à cette pénible règle. Quand elles n’avaient pas de pantalon ( seroual battakka), cela donnait au aux anciens l’occasion, lorsque le fkih s’assoupissait, de jeter un coup d’oeil furtif entre les jambes: ce fut un rêve qui se prolongea durant des jours et des jours. Ah le rêve de l’adolescence !!! Qu’en dis-tu mon cher Toumi ? A cinquante ans ce n’est plus la même chose ? N’est ce pas ?
    Les anciens avaient plus de droits. Ils pouvaient se croiser les jambes, demander fréquemment à sortir (assi nakhrej). Le plus ancien avait même le droit de remplacer le fkih lorsque ce dernier vaquait à certaines occupations : faire ses ablutions, manger, annoncer la prière, ou écrire un talisman pour quelques malades ou pratiquer une saignée (lahjama). Sais-tu mon cher Mghili ce que c’est « lahjama » ? Je pense que ceux qui ont la tête dure et ne veulent pas raconter leurs souvenirs aux autres en ont besoin...

     Auteur: Fandlaoui

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    Comme je l’ai annoncé dans mon dernier écrit, je n’ai pas encore épuisé le tas de souvenirs que je garde encore de mon Mssid. Aussi vais-je encore une fois aujourd’hui vous en entretenir.
    La gestion de toute la mosquée était assurée par le fkih. D’abord son "élection" à ce poste se faisait en concertation entre tous les chefs de familles du douar, et ce à la fin de la récolte des céréales, vers le mois de septembre.
    Un contrat verbal entre la « jmaâ » et le nouveau fkih est établi. En quoi consiste ce contrat ? Le fkih s’engage à veiller sur les équipements en place, à assurer l’annonce de la prière, à être l’imam des croyants, à apprendre le coran aux enfants, et à tenir une conduite exemplaire parmi les habitants du douar. De sa part, « la jmaâ » s’engage à garantir au fkih sa subsistance : deux repas par jour « ennouba », le déjeuner et le dîner, répartis à tour de rôle sur toute les familles. Après la prière d’ « al asr » un ou deux élèves sont envoyés par le maître de l’école chez telle famille pour lui annoncer son tour.
    Il m'arriva parfois, distrait et paresseux que je fus, d’oublier la mission dont le fkih m’avait chargé. Dès que je sortais de la mosquée et que je me retrouvais avec des enfants qui jouaient, j’oubliais vite ma mission. Le lendemain, ce dernier ne trouvait rien à mettre sous la dent. Alors c’est moi qui me trouvais au régime de « la falaka ». « chantrou lkalb _ t3aoud tanssa ennouba dlafkih ? _ aa ssi oullah man3aoud._ ila 3aout n3aoudek. » Le fkih mangeait n’importe quoi, des olives noires, et on n’en parlait plus.
    La jmaâ s’engage aussi à donner au fkih ce qu’on appelle « echart » : un « moud » et demi de blé et deux  « moud » d’orge si la famille possède une paire d’animaux pour labourer, si elle ne possède qu’un seul animal c’est un « moud » de blé et un autre d’orge. Le fkih grignote par-ci par- là quelques miettes : tahrira, lkhatma, un peu d’huile un peu de beurre, lfatra, etc.
    Le nôtre n’était jamais mécontent. Il se suffisait de peu.
    La prochaine fois je vous conterai, si vous le permettez, un souvenir qui reste gravé dans ma mémoire et qui me traumatise encore maintenant. L’histoire de la planchette «ellouha » jetée dans le puits.

    Auteur: Fandlaoui

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    Comme promis, je vais vous conter aujourd’hui l’histoire de la maudite planchette « louha ».
    C’était vers le mois d’avril. Il commençait à faire chaud chez nous. Oui, avril, là où tu vois les fèves penche-toi. En arabe on disait « ibrine finma chaft lfoul mil ». C’était aussi un moment crucial de l’année : les silos des pauvres étaient presque à sec. « 3ounk l3am ». Notre fkih, que dieu ait son âme, devait s’absenter pour une quinzaine de jours. Il devait aller au pélerinage. Son pélerinage à lui était Moulay abdessalam au nord, « hajj lmaskin » le pèlerinage des pauvres. Alors il nous a confiés à un ancien élève, un taleb. Nous étions une dizaine d’élèves.

    Le fkih nous maintenait, mon frère et moi, au même niveau. Cela lui facilitait la tâche de la dictée et nous incitait au travail. Pour moi, c’était une pénible besogne, du fait que j’allais à la fois au mssid et à l’école. Cela n’était pas le cas pour mon frère. J’arrivais difficilement à apprendre mon quart du verset coranique, souvent je trichais. Le fkih par intérim décida un jour que celui d’entre nous qui apprendrait son tman, passerait au suivant, prétextant que nous, mon frère et moi, nous n’étions pas nés « les têtes attachée » et que chacun se débrouillerait comme il le voudrait.

    Ce fut une décision aux lourdes conséquences sur moi. Mon père avait approuvé la décision du remplaçant du fkih. A la maison j’étais la risée de tout le monde. Que faire ? Je devais réagir. Alors, un beau matin, je profitai de l’inattention de mon frère. Je m’emparai de sa planchette et je la jetai dans le puits de la mosquée, espérant le retarder un peu. C’était un puits abandonné, d’une profondeur de quelques vingt mètres et sur lequel on racontait d’étonnantes et horribles histoires. On disait par exemple qu’il était habité par une vipère à sept têtes, par des jnouns et même par sidna « 3azrail ». Souvent on avait la chair de poule quand on passait à proximité. Quand je suis revenu de l’école, au mssid on ne parlait que de la planchette de mon frère. Qui aurait osé voler une planchette d’un lieu sacré ? Chacun émettait ses suppositions. Moi aussi j’avais les miennes. Le fklh avait jugé bon, pour son enquête, de nous faire passer par la bastonnade «la falaka » à tour de rôle. Quand mon tour arriva, j’avais senti que mon bourreau savait quelque chose et qu’il m’était inutile de continuer à cacher la vérité, et je passai aux aveux, au grand soulagement de ceux qui n’avaient pas encore goûté aux coups de la verge du cognassier. Vite on alla chercher des cordes « toual. ». On me plaça dans un couffin attaché à la corde et hop au gouffre !!! Tu ne pourras jamais imaginer mon cher Toumi les souffrances que j’ai endurées. J’ai vécu en noir et blanc puis en couleurs toutes les histoires qu’on racontait sur le puits : Sidna 3azrail avec son gourdin de fer, les diables avec leurs longues oreilles et surtout lhaicha « la vipère aux sept têtes. Il m’a même semblé, à un moment donné, que j’étais mordu et mort à jamais. Au fond du puits, j’entendais des hurlements qui me parvenaient d’en haut. Je plongeai ma main (je n’avais plus de main, tellement je tremblais de tout mon corps), dans de la boue et rencontrai par hasard la maudite planchette. Je lançai un strident « tirez je l’ai trouvée !!!!! ». Au-dessus de moi éclatèrent des rires de joie et moquerie. On me remonta à l’entrée du puits. Certains proposèrent de me faire redescendre au fond encore une fois, d’autres de me laisser accroché dans mon couffin. Mais le fkih remplaçant jugea bon de me faire passer par la falaka. La falaka n’était rien en comparaison avec ce que je venais de vivre.
    Quand maintenant je repasse à côté de ce puits, ce qui me reste encore des cheveux se hérisse et j’ai la trouille comme vous dites en France.

    Auteur: Fandlaoui


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