• souffles
    numéro 3, troisième trimestre 1966

    ahmed bouanani : 
    introduction la poésie populaire marocaine (1)
    pp. 3-9

     


     

    "Celui qui ignore la poésie ne connaît pas la route de l'intelligence qui conduit à la sagesse par les degrés de la science et de l'art."

    Chanson du Souss

     

         Le Maroc possède une tradition littéraire orale des plus vivantes et des plus intactes. Transmise depuis les temps reculés, cette tradition s'est enrichie d'une génération à une autre et aux contacts de nombreuses civilisations. Elle a fait, jusqu'à présent l'objet d'un nombre très restreint de recueils et d'études destinés pour la plupart à des buts linguistiques. Toutefois, les récits qui nous sont rapportés dans ces recueils, le plus souvent dans des traductions qui laissent à désirer, sont incapables de rendre les nuances et la richesse des expressions et des images employées par le conteur, la délicatesse d'allusion et les tons spécifiquement marocains des contes et légendes populaires.

         Plus encore que dans les contes et les légendes, la traduction des chants populaires, (les quelques fragments qu'on peut lire dans certains ouvrages) ne donne qu'une idée assez vague quand elle n'est pas fausse de ce qu'est en fait la poésie populaire en dialectes maghrébins.

         Ces documents sont d'un intérêt capital pour les chercheurs sociologues, folkloristes, ethnographes ou linguistes, soucieux de trouver les origines de tel rite ou de tel mot. Mais ils ne peuvent pas servir pour des études d'analyse de la littérature orale traditionnelle. Pour juger correctement de la valeur d'un poème ou d'un conte, la reconsidération du texte original s'impose. Mais la tâche n'est pas aisée. Il faudrait entreprendre un long travail de recherche pour recenser, grouper le plus grand nombre de contes et de légendes (dits par des conteurs professionnels, car ceux-ci seuls détiennent les secrets de la narration traditionnelle riche en images et en expressions), de chants populaires, de dictons et de proverbes qu'il est encore possible de recueillir dans différentes régions du pays. Une fois ce travail encyclopédique réalisé, on peut se livrer à l'analyse des documents dans leur dialecte d'origine pour dégager les caractéristiques du génie populaire qui les a engendrés.

         Certains auteurs ont recueilli des textes mal racontés, incomplets ou abâtardis, et ont conclu trop hâtivement que les berbères manquent d'imagination et que leurs contes sont pauvres et totalement dépourvus de lyrisme (cf. Henri Basset, Essai sur la littérature des Berbères. 1920). Il est inutile de démontrer que leurs propos sont erronés. Un conte n'est que dans la façon dont on le dit. Puisqu'il est oral, il n'est prisonnier d'aucun langage; seuls les thèmes qui y sont développés demeurent immuables. Chaque conteur possède un style propre, une manière de faire vivre son conte dans la halka. Il use d'artifices pour intéresser, captiver l'auditoire. L'improvisation est capitale pour parvenir à ses fins. Le conteur change parfois le nom d'un ou de plusieurs personnages, supprime à l'occasion certaines actions, en rajoute de son cru, suivant les circonstances. Car raconter n'est pas seulement rapporter le conte tel qu'il a été conçu par les anciens, c'est surtout l'enrichir d'éléments nouveaux. C'est pourquoi le conteur est aussi poète. Une étude de la littérature orale traditionnelle ne doit en aucune façon négliger le rôle créateur du conteur.

         Un fait est certain: la tradition se perd quand elle n'est pas maintenue. Et la tradition orale littéraire, plus que toute autre tradition, est en voie de désagrégation pour ne pas dire de disparition. Rares sont aujourd'hui les conteurs professionnels qui savent encore les secrets de la narration traditionnelle, les chanteurs qui connaissent les poèmes du légendaire Sidi Hammou auquel la plupart des chants célèbres du Souss sont attribués. Les noms mêmes de nos poètes populaires, et à plus forte raison leurs oeuvres, ne sont connus presque plus de personne. N'eût été l'ouvrage de René Euloge par exemple qui groupe un nombre assez important de chants de la Tassaout, qui aurait jamais entendu parler de la poètesse Mririda N'Aït Attik ? Les historiens et les biographes classiques jettent un discrédit sur tout ce qui n'est pas composé en arabe classique littéraire et relèguent dans l'oubli ces poètes vulgaires et illettrés qui, pourtant, ont exprimé les sentiments les plus profonds de la vie de notre peuple.

     

    LES CHANTEURS AMBULANTS

         Autrefois, des chanteurs ambulants, nombreux dans le Moyen Atlas et plus encore dans le Souss, sillonnaient toutes les régions du pays, à l'exemple des acrobates Ouled Hmad ou Moussa et des conteurs. Leur orchestre comprenait quatre exécutants: l'amghar ou imdiazen, qui est le chef de la troupe, le bou ghanim ou joueur de flûte, vêtu d'un costume éclatant, et deux répondants au tambourin. Dans le Souss, les chanteurs ambulants allaient parfois seuls ou accompagnés d'un enfant. Mais le plus souvent, ce sont des compagnies importantes qui parcouraient les villes et les villages, improvisant de leur cru des pièces poétiques ou chantant des poèmes célèbres de leur patron.

         Ces chanteurs ambulants ont gagné une place de première importance dans la lutte contre les forces d'invasion colonialistes du début du siècle et sous le protectorat : "Aujourd'hui, écrit Basset, ce sont eux, ces orchestres à l'accoutrement barbare, toujours en marche de village en village, qui répandent dans les régions agitées, les bruits les plus extraordinaires et poussent à la lutte contre les Français. On les admire, on les écoute. Ce sont de redoutables agents de propagande".

         De nombreuses chansons se rapportent à la pénétration française, aux luttes soutenues par les tribus, aux exactions des caïds et des contrôleurs civils; des chansons anonymes que chacun fait siennes parce qu'elles sont dites avec des mots simples et un coeur d'homme.

    "Plus de châteaux démolis que de châteaux assis.
    plus de crasse que de savon
    et plus de faim que de farine
    et plus de souliers percés que de bons souliers."

         Un poète des Bni Mtir s'exprime ainsi :

    "Je parle pour ceux qui sont assis autour de moi.
    Si je racontais ce que je vais dire à la source, elle se dessècherait d'émotion.
    Si je le racontais à l'arbre, il en perdrait toutes ses feuilles.
    Si je le racontais au rocher, il en branlerait sur ses bases.
    Si je le disais à l'obus de 75, il exploserait.
    Si je narrais mon récit aux pierres, je les ferais pleurer.
    O vous tous, qui avez vécu ces événements que mes paroles vont rapporter,
    Ecoutez-moi !
    Vous avez mangé le suc des grappes amères, et vos enfants en gardent les lèvres irritées..." !

         Ces chanteurs, aujourd'hui, se sont tus. Ils ne parcourent plus ni les villes ni les villages. Même sur la place de Jemaâ el Fna, à Marrakech, il n'y a vraiment plus que des charlatans, des dresseurs de singes, des charmeurs de serpents, et des Rwaïss qui ne savent pas chanter. Dans les villes, on rencontre quelquefois des chanteurs isolés que personne n'écoute plus. En de rares occasions, le vingt-septième jour du Ramadan ou à l'Achoura par exemple, des chanteurs ambulants se manifestent. Mais ces troubadours deviennent de plus en plus rares. La vie moderne les refoule vers l'intérieur du pays, dans les petites localités et dans les souks.

     

    LES POETES

     

         Le rôle du poète dans l'ancienne société marocaine est considérable. Il est avant tout le chroniqueur, 1'"historien" de sa tribu. Il ne chante pas seulement ses amours et ses déboires propres, mais aussi et surtout les événements vécus par sa tribu ou au sein de sa tribu. Au cours d'une joute entre clans rivaux, c'est à lui que l'on fait appel pour prendre la défense des siens. Respecté et vénéré à l'égal d'un saint, sa parole est écoutée, car il possède la sagesse et le secret des mots qui vont droit au coeur.

    Le nuage noir annonce la pluie;
    l'arrivée du guêpier, l'été ;
    les chants de coqs, l'aurore;
    la fumée des terrasses, le feu des noyers...
    Mais rien n'avertit de la mort.

         Ainsi parle Sidi Baaddi de Togourt. Tous ceux qui ont reçu le don merveilleux de la poésie et du chant, partout où ils vont, sont bien accueillis. Ils sont aussi craints qu'aimés.

         Mais le poète n'est pas seulement un troubadour, un aède qui chante pendant les fêtes, glorifie sa tribu, ou fait l'éloge d'un homme illustre ou d'un bienfaiteur. Son rôle est capital quand il s'agit pour sa tribu de combattre l'ennemi. Ibn Khaldoun signale cette fonction du poète chez les Zenata ; il écrit : "Le poète marche devant les rangs et chante : son chant animerait les montagnes solides ; il envoie chercher la mort ceux qui n'y songeaient pas."

         Pour tout le monde, l'inspiration du poète est de source divine. La croyance populaire, nourrie de mythologie, de superstitions et de merveilleux, lui attribue des dons surnaturels.

         Il existe dans le pays plusieurs lieux sacrés (grottes, tombeaux saints) où l'aspirant poète se rend pour recevoir la consécration. C'est à Ifri Nkad, chez les Aït Ba Amrane de Tiznit; à Lalla Takandout, chez les Ihahanes; dans la région de Marrakech, ce sont deux marabouts célèbres, Sidi Jebbar et Moulay Brahim, que nombreux chanteurs et poètes reconnaissent pour patrons. L'aspirant poète fait un sacrifice, puis s'endort dans la grotte ou dans le sanctuaire du saint. Si son sacrifice est agréé, la troisième nuit il voit sortir de la caverne "la mère de l'esprit" qui l'habite; elle l'invite à le suivre. A l'intérieur, elle lui fait boire l'eau d'une fontaine ou le lait d'une brebis. Puis, il trouve toute une assemblée de génies qui lui offrent du couscous. Autant de grains il mangera, autant de poèmes composera.

         Le poète est entouré de mythes. On croit qu'il peut entrer en contact avec les forces de la nature, les apaiser ou les déclencher contre quelqu'un; il parle le langage des animaux, des plantes et des insectes. Le monde n'a pas de secret pour lui. Mais la croyance populaire n'ignore pas que le poète doit perfectionner son art auprès de poètes illustres. Il entre au service de l'un d'eux, l'accompagne partout où il va, apprend ce qu'il dit. Après une longue période d'initiation poétique, il peut alors s'exprimer par lui-même, donner un cachet nouveau et personnel à ses chants.

         Les instruments de musique que le poète utilise sont variés selon les régions. En voici les principaux:

    - le rebab, sorte de petit violon monocorde aux incrustations de perles et de verre, dont la corde, en crin de cheval, est oblique, et l'archet en demi-cercle. 
    - le bendir, peau tendue sur un cercle de bois (cet instrument est très employé dans les danses).
    - le guenbri, instrument à trois ou quatre cordes, utilisé par la plupart des troubadours du pays, (les chanteurs gnawi se servent d'un guenbri différent, dont la boîte de résonance est plus allongée; l'extrémité du bras est munie de pendentifs minuscules qui produisent des sons touffus).

         Dans les plaines atlantiques (Chaouïa, Doukkala, Abda, Tadla), l'instrument le plus employé est la taréja. Ailleurs, ce sont la flûte, la derbouka, le ter, le tebel et le violon avec archet.

         Dans la région de Zagora par exemple, il existe un instrument qu'on ne trouve nulle part ailleurs : c'est le deffe, peau tendue des deux côtés d'un carré de bois dont les dimensions sont beaucoup plus petites que celles du bendir.

         Toutefois, il nous est impossible de donner dans le cadre de cette esquisse une liste plus complète des instruments; ceux-ci méritent une étude à part qui rendrait compte de la variété et de la richesse de la musique populaire marocaine.

     

    AMARG

     

         Amarg est le mot en dialecte berbère par lequel on désigne toute poésie chantée en général (au Moyen Atlas, c'est l'Izlane). Amarg signifie aussi amour, chagrins, regrets, séances au cours desquelles on exécute les chants.

     

         Il se compose en grande partie de courtes pièces issues de l'inspiration du moment et qui durent le temps que les événements qui les ont suggérées soient oubliés. Ces pièces sont improvisées soit au cours d'un rassemblement important de tribus ou de cérémonies traditionnelles (naissance, baptême, circoncision, mariage, etc...) ; soit au cours de joutes littéraires, véritables tournois de virtuosité opposant des personnes d'une même tribu ou de tribus rivales. Chacun fait assaut d'esprit et de verve dans ces joutes où souvent il semble bien que les femmes triomphent.

         Ces séances, combinant le chant et la danse, sont connues au Maroc sous les noms d'Ahouach et d'Ahidous. Que ce soit l'un ou l'autre, il s'agit toujours de danses chantées, danses collectives et rituelles, dont les multiples figures sont réglées par le Raïss.

         Un thème poétique est proposé, une phrase est lancée ; là-dessus, le thème musical se brode, le rythme aussitôt s'en empare, lui donne une forme, une contexture rigide que la danse va rendre plastique.

         Les chants sont, en somme, des vers isolés qu'on appelle "tit", un choc, une attaque, un coup de bendir, que module d'abord le raïss et que tous répètent ensuite un grand nombre de fois. Chacun d'eux est à lui seul un poème; en voici des exemples:

    "Un ami qu'on ne voit pas, - l'envoyer chercher, - ce n'est pas un péché."
    "L'espoir est plus vigoureux que les mules de Syrie. - On n'est jamais fatigué pour aller chez un ami."
    "L'amour qu'on ne peut assouvir est plus désolant que la période des pluies."
    "Je voudrais récolter une moisson de beautés que rapporteraient chez moi les laboureurs sur les mulets."
    "Toi qui te figures avoir des amis, au sein de la prospérité, - garde bien ta fortune si tu veux garder tes amis."
    "Une main ouverte vaut mieux que plusieurs mains fermées."
    "L'amitié se maintient dans la confiance ; - elle périt dans le mensonge.
    "Amoureux, que chacun aille avec ce qu'il aime." 
    "N'est-ce pas, les gens, qu'il faut soupirer quand on est en peine ?"

         Parfois, au cours de ces séances, il arrive que l'on fasse des déclarations d'amour, des allusions ironiques sur la conduite d'une femme infidèle ou d'un homme orgueilleux.

                   "Celui que Dieu met à cheval sur une selle, -
                   il doit modérer son allure, - 
    et ne pas faire galoper ceux qui chevauchent sur la terre et sur les pouces de leurs pieds de peur que Dieu ne le démonte et qu'il ne soit semblable à eux."

         Ces vers visent un cheïkh de la tribu des Ghoujdama qui tenait à distance les gens qui venaient le saluer, de peur qu'ils salissent son burnous.

         La fête, commencée un peu avant la fin du jour, se termine à l'aube.

    "Pour Dieu, donnez-nous congé, maître de la fête. 
    L'étoile du matin se lève et c'est le jour."

    Et sur ce vers, tous les gens se dispersent.

         A côté de cette forme de la poésie caractérisée par la spontanéité et l'improvisation de l'esprit populaire, il existe une catégorie de chants qui se rattachent à un mode de vie très archaïque et dont actuellement encore de nombreuses tribus poursuivent la tradition. Ce sont :

    a) les chants des rites agraires pour demander la pluie, fêter les moissons et les récoltes ou la mutation des saisons. Les réjouissances saisonnières sont probablement héritées des danses que devaient déjà célébrer les fils de Sumer et les pâtres d'Homère. Rappelons que les danses dans l'Antiquité étaient associées à toutes les fêtes religieuses et politiques; elles donnaient une forme vivante et concrète aux conceptions sacrées.

    b) les chants accompagnant de leur rythme les travaux quotidiens: chants des fileuses et des cardeuses de laine, chants du hinna qu'entonnent les femmes en parant la jeune mariée, chants des artisans, chants du moulin à grain, berceuses, etc... Les chants du moulin à grain ne se retrouvent déjà plus que dans certaines tribus de l'Atlas comme les Aït Bougmez et chez les Aït Atta de Tazzarine et les Mgouna (ces chants sont appelés "Herro"). Leur survivance est précaire, car l'utilisation des moulins à grain se fait de plus en plus rare, et ces chants, uniques en leur genre, risquent dans un avenir très proche de n'être plus qu'un vague souvenir si des mesures ne sont pas prises à temps pour les préserver de l'oubli.

    c) les chants de mariage, les chants de deuil, etc...

    d) des comptines que parfois encore les enfants des campagnes et des villes récitent dans leurs jeux ou quand il pleut.

    e) les chants de guerre pour enflammer les cavaliers, la marche vers la bataille, etc...

         Les chansons du Rif - même inspiration que les chansons du Moyen Atlas - ont cependant une forme moins primitive. Les chansons de Tanger, Fès, Larache (comme celles des plaines atlantiques et du Maroc oriental) sont d'une richesse et d'une profondeur incontestables. Chanson de la poudre, chanson de baignade, chanson de la grande daya, chanson du géranium. Chansons plaisantes telle cette chanson des femmes de Tanger sur les vieux :

    "Les mendiants et les vagabonds
    cherchent les mets délicats ;
    les vieux blancs et ridés
    aiment les jeunes filles ;
    le chat qui a perdu les dents
    veut les souris bien tendres
    et celui qui est édenté veut croquer des bonbons..."


         Les poèmes composés par un aède racontent généralement une anecdote tirée de la légende. L'origine de celle-ci n'est autre que le Coran, la vie du Prophète ou des saints de l'lslam. Certains chants rappellent étrangement par leur sujet des mythes antiques, tel ce poème de Cabi qui raconte l'histoire d'un jeune homme à qui Dieu permit d'aller voir ses parents en enfer et de délivrer l'un d'eux : ni son père ni sa mère n'ayant voulu partir sans son époux, Dieu les libéra tous deux et pardonna à leur famille. Ce poème présente de grandes affinités avec cette autre chanson soussie de "Hamou Ou Namir" (recueillie par Justinard) qui rappelle le mythe d'Orphée.

         Il est d'autres poèmes - et ce sont la plupart de ceux composés dans le Sous - attribués à un poète légendaire, Sidi Hammou, l'un des ménestrels les plus célèbres. Né à Aoullouz et mort chez les Iskrouzen, à des dates incertaines (son existence remonterait au XVIe siècle), patron des chanteurs, Sidi Hammou n'a pas laissé une oeuvre écrite et il n'existe probablement plus personne qui saurait dire ses chants à l'heure actuelle. Toutefois, quelques-uns parmi ses longs poèmes ont été recueillis dans certains ouvrages, mais il n'est pas certain qu'ils ne soient pas modifiés, encore faudrait-il savoir s'ils ont réellement appartenu à Sidi Hammou. En tout cas, il est à signaler qu'aucune étude (à notre connaissance) n'a été entreprise pour dégager de l'oubli l'oeuvre colossale de ce grand poète populaire.

         Après une longue absence, Sidi Hammou se décide à revenir auprès de celle qui avait été l'objet de son premier amour. En traversant la chaîne de l'Atlas pour arriver à Aoullouz, il cherche à adoucir les fatigues du chemin par des réminiscences, et par l'expression de ses craintes et de ses espérances.

    "...Ah ! ma mère, miséricordieuse, enfin je suis arrivé à être taleb ! Avec quelle fierté je me promène, mes tablettes en main. Mais la chanson descend, et mon érudition me profite peu avec les maîtresses de boucles d'oreilles.
    Dois-je revenir à Ouijjan, à Tiki-ouin et Ighil Mallan, là où j'ai vu ces adorables gazelles, reposant sur leurs couches ? C'est un spectacle qui vaut des quintaux d'or !
    Quand la caravane se fatigue, il faut qu'elle se repose.
    Si le moulin travaille lentement, qu'on ajoute de l'eau dans le ruisseau.
    Si l'amitié se refroidit, lâche-là."

         On trouve dans les paroles de Sidi Hammou un nombre infini de proverbes. Dans ce poème où il chante sa bien-aimée Fadma Tagurramt, il s'exprime constamment par allusions, paraboles :

    "Est-ce qu'on apporte de l'eau jusqu'au sommet de la montagne pour la faire couler à la plaine ?"

    "Pèse tes paroles plutôt que tes richesses."
    "Est-ce que je demande au chameau la noblesse du cheval ?"
    "Le laurier-rose me donnera-t-il de la douceur ?"
    "On ne cherche pas un lieu sec dans l'océan."
    "Et moi, puis-je espérer une réponse d'un mort ?"
         Avec sa réticence caractéristique, le poète nous laisse à la fin du poème deviner seulement que tout va bien, et que le cours de sa passion, jadis si troublé, promet à l'avenir de se dérouler à son entière satisfaction.

     

    "Fadma, fille de Mohammed, penses-tu que, parmi les drogues de Rome, il existe un remède pour ceux qui aiment ? Quel qu'il soit, donne-le moi, mais vite."

         Il semble que l'un des thèmes préférés de Sidi Hammou dans la plupart des poèmes qu'on lui attribue soit l'amitié.

    "Qu'il ne dise jamais qu'il a passé sa vie,
    Celui qui n'a pas d'ami,
    Parce que la vie, ce sont les amis qui la font passer."
    "Un coeur, quand il est brisé, qui le guérira,
    Si ce n'est, d'un ami, la parole ou le rire ?"
    "Il n'est rien de plus cruel que les larmes d'un ami."
    "Le laurier-rose est amer. Qui, jamais, en le mangeant,
    A trouvé qu'il était doux ?"
    "Je l'ai mangé pour mon ami. Je ne l'ai pas trouvé amer."
    "Que le fusil ne soit jamais loin de la balle, 
    Et les yeux peints de l'antimoine 
    Et le coeur loin de ses amis 
    Jusqu'à ce qu'ils entrent sous terre."

         La sagesse, la beauté de ces vers, sont incomparables. Mais, comme le dit la chanson :
    "Les propos de Sidi Nammou sont si nombreux que c'est comme la mer, on n'en voit pas le bout."

         En résumé, on distingue dans la poésie populaire marocaine :

    - 'des petites pièces' qui chantent généralement les sentiments honorés dans les tribus: l'amitié, l'amour, le courage, etc... Elles ressemblent plus à des proverbes, et les vers, lancés souvent à la volée au cours des danses, n'ont aucun lien entre eux ; le thème seul les unit.

    - 'des poèmes plus longs' sont composés par des aèdes. Mais la plupart d'entre eux, sinon tous, se transmettent aujourd'hui encore, anonymes. Qui nous dira le nom de ces poètes ? Qui nous dira le nom de celui-là qui dit :
    "Une source sortit du tombeau de Fadel. Une source sortit du tombeau d'Attouch. Elles se rencontrèrent et parcoururent le monde."

    Et qui nous dira les noms de tous ceux qui ont crié contre l'oppresseur, marché devant les soldats en chantant :
    "Les hommes, de l'union. Moi, je vois le fleuve,
    En tout endroit qu'il se disperse,
    Il faut qu'un chemin le traverse."

    - enfin 'des chants rituels' dont les origines se perdent dans la nuit des temps, accompagnant des rites auxquels le paysan demeure fidèle.

     


    1 : Nous n'aborderons pas ici un des genres les plus importants de cette poésie: le Malhoun; il nécessiterait à lui seul plusieurs études distinctes.
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    1 commentaire
  • <nobr>LA POESIE COMME ELEMENT DE PROMOTION DES</nobr>
    <nobr>VALEURS AUTHENTIQUES</nobr>
    <nobr>Brahim Baouch</nobr>
    <nobr>Avant de commencer cette intervention, je voudrais bien vous lire ces magnifiques vers du poète</nobr>
    <nobr>Ali Widda :</nobr>
    <nobr>Usigh kem a tisit</nobr>
    <nobr>Ur ek ktigh a yighef inu</nobr>
    <nobr>Ur ek ukizegh allig sawelegh…</nobr>
    <nobr>J’ai pris le miroir,</nobr>
    <nobr>Je n’ai pas remarqué que c’était moi-même</nobr>
    <nobr>Je ne me suis remarqué que seulement quand j’ai parlé</nobr>
    <nobr>Ce Maroc !</nobr>
    <nobr>Quand on parle du Maroc, on parle d’abord d’un pays qui a des racines profondes dans l’Afrique</nobr>
    <nobr>et qui s’ouvre à la fois sur l’Atlantique et la Méditerranée, C’est un pays purement amazigh</nobr>
    <nobr>(berbère) qui s’est arabisé partiellement avec la conquête coloniale et la mise en place de l’école</nobr>
    <nobr>moderne.</nobr>
    <nobr>Le Maroc est un pays africain qui a produit une diversité culturelle basée sur tamazight, comme</nobr>
    <nobr>langue, culture et civilisation.</nobr>
    <nobr>Le pays, que les observateurs considèrent très différent de l’Orient arabe, reflète une spécificité</nobr>
    <nobr>très typique, basée sur une richesse artistique et une tradition populaire orale spécifique et</nobr>
    <nobr>universelle, c’est son mode de chants et de danses. Ces modes expriment la pensée d’ordre</nobr>
    <nobr>philosophique et sociale et l’environnement de l’homme Amazigh, le noble et le libre.</nobr>
    <nobr>Les chants et les danses des Imazighen sont une expression artistique d’un peuple africain qui</nobr>
    <nobr>évolue en gardant des traditions.</nobr>
    <nobr>Qui improvise ?</nobr>
    <nobr>Dans mon intervention, je vais essayer un peu de consacrer tout mon temps limité pour la poésie</nobr>
    <nobr>amazigh chantée. Tout d’abord, on va avouer que c’est difficile de séparer la poésie des chants ou</nobr>
    <nobr>des danses de Ahidous ou Ahouach.</nobr>
    <nobr>Un poète amazigh s’exprime toujours en chantant, sa poésie est reprise en chœur dans les cercles</nobr>
    <nobr>de Ahouach ou Ahidous.</nobr>
    <nobr>Amedyaz ou Amarir (Anechad) est un poète respecté qui traite tous les thèmes de sa société et</nobr>
    <nobr>son environnement. Amedyaz ou Amarir a tout un lexique, très diversifié ou il peut puiser</nobr>
    <nobr>tamedyazt ou turart pour exprimer ses émotions.</nobr>
    <nobr>Tout amazigh ou Tamazight doit réciter et apprendre par cœur beaucoup de chants et poèmes</nobr>
    <nobr>des ancêtres, comme il est obligé (e) d’apprendre comment entamer une danse, et plus</nobr>
    <nobr>précisément la danse de sa tribu.</nobr>
    <nobr>Comment devenir improvisateur ?</nobr>
    <nobr>2003-11-06</nobr>
    <nobr>140</nobr>
    <nobr>Amdyaz ou Amarir est à la fois, un sage et un maître de l’art de versification, l’Amarir a un rôle de</nobr>
    <nobr>faire des vers ou versifier la vie.</nobr>
    <nobr>Chaque versificateur traverse les vallées et les montagnes pour présenter à un public amazigh</nobr>
    <nobr>attentif, des « spectacles poétiques qui marquent pour un temps la vie locale » (H. Jouad).</nobr>
    <nobr>Dans le quotidien, un amazigh reçoit tout un bagage de « parole de sagesse » soit des vers où des</nobr>
    <nobr>proverbes, l’amour des chants et des danses oblige l’amazigh de réciter ou d’improviser des vers</nobr>
    <nobr>ou des chants. Je dois avouer que la splendeur et la magnificence de la poésie Amazigh résident</nobr>
    <nobr>dans le fait qu’elle est spontanée et naturelle.</nobr>
    <nobr>Ce n’est pas facile d’être un poète improvisateur, la coutume amazigh, voulait qu’un jeune</nobr>
    <nobr>amazigh devrait apprendre l’accumulation produites pas les ancêtres. C’est un adepte qui apprend</nobr>
    <nobr>le métier d’un autre Amarir. Il n’existe pas d’école pour enseigner l’improvisation des chants et de</nobr>
    <nobr>danses, mais l’amazigh considère la vie comme le seul canal qui lui permet d’apprendre, d’ailleurs</nobr>
    <nobr>toutes les expressions orales ne s’apprennent que par la participation dans l’acte.</nobr>
    <nobr>Il y a d’ailleurs une procédure à suivre dans le domaine artistique amazigh, d’abord pour être</nobr>
    <nobr>poète, il faut maîtriser et dominer la langue amazigh (awal) et réciter les vers des grands poètes (le</nobr>
    <nobr>verbe hèsu : apprendre par cœur), puis, il faut avoir une belle voix. En général être poète</nobr>
    <nobr>nécessite d’être autodidacte et performant.</nobr>
    <nobr>Mais la condition principale demeure dans le contenu. Le groupe musical Archach chantait :</nobr>
    <nobr>Sawel ukan a yamdyaz</nobr>
    <nobr>Ini yat awal n sawab</nobr>
    <nobr>I warraw n umazigh</nobr>
    <nobr>Ka yeran ad as yessflid</nobr>
    <nobr>Dit (raconte, parle) ô poète</nobr>
    <nobr>Dit la parole de la raison</nobr>
    <nobr>Au fils d’amazigh</nobr>
    <nobr>Le seul qui a la volonté de l’entendre</nobr>
    <nobr>Le poète amazigh est un improvisateur qui « produit » les vers, c’est un bon connaisseur de son</nobr>
    <nobr>métier, il s’adonne aux genres poétiques différents : Gloire addur, poésie lyrique tayri/badâd,</nobr>
    <nobr>éloge tulgha, satire argam, description… Les thèses de tamedyazt ne sont pas stables, le poète</nobr>
    <nobr>peut chanter « pour critiquer, conseiller, se plaindre, se résigner » (M. Mokhlis)</nobr>
    <nobr>Improviser c’est être libre</nobr>
    <nobr>Pour improviser une tamdyazt, le poète amène tout son arsenal linguistique et met à la portée de</nobr>
    <nobr>sa pensée toutes les images poétiques qu’il possède pour batir son univers allégorique.</nobr>
    <nobr>L’improvisation est le point fort de la poésie amazigh, le poète qui n’improvise pas le chant ne</nobr>
    <nobr>sera pas admis parmi les meilleurs.</nobr>
    <nobr>La technique de l’improvisation permet au poète un champs vaste pour traiter ses thèses, il</nobr>
    <nobr>surprit la foule par ses vers inattendus, il profite de cette liberté pour montrer ses performances et</nobr>
    <nobr>ses capacités comme un poète de la tribu, pour « voyager dans le monde des mots ». D’ailleurs,</nobr>
    <nobr>les poètes disent que le poète « voyage » quand il improvise : Yemudda umarir= le poète a voyagé</nobr>
    <nobr>ou yedda umedyaz= le poète est parti ou yesewat umarg= il est englouti par le chant…</nobr>
    <nobr>141</nobr>
    <nobr>Avant d’entamer son voyage, le poète s’adresse d’abord à Rebbi, le Dieu tout puissant, il sollicite</nobr>
    <nobr>son aide sa miséricorde et sa clémence, puis il demande l’aide des Saints du pays (igurramen n</nobr>
    <nobr>tmazirt).</nobr>
    <nobr>Le poète du Moyen Atlas disait :</nobr>
    <nobr>Zzurex ec a yisem n bab n lqudra la ec neqqar</nobr>
    <nobr>Je commence par ton nom, le tout puissant, je te sollicite…</nobr>
    <nobr>Celui du Souss chantait :</nobr>
    <nobr>Nenna bismi llah ùrhim u rràhim nezur ek</nobr>
    <nobr>A Rebbi lli yellan f ida larzaq ndâlb ek</nobr>
    <nobr>Je dis au nom de Dieu le miséricordieux et le Clément, je commence par toi</nobr>
    <nobr>Ô mon Dieu qui est à l’origine des destinées, je te demande…</nobr>
    <nobr>Le poète personnage respecté</nobr>
    <nobr>La parole poétique est respectée chez l’amazigh, le poète, lui aussi, se voit comme un individu</nobr>
    <nobr>béni, qui a des perfermances gigantesques, il a les droits de modeler la langue comme il veut, il la</nobr>
    <nobr>conforme à son univers poétique.</nobr>
    <nobr>La poésie « exprime une vision de l’existence et de la vie, c’est un besoin existentiel, un souffle de</nobr>
    <nobr>vie omniprèsent dans toutes les activités de l’homme amazigh, tissage, moisson, fêtes… »(M.</nobr>
    <nobr>Moukhliss. Actes de la 4eme rencontre de l’Université d’été d’Agadir. Août 1991)</nobr>
    <nobr>Le poète prend en considération, au moment de la « production » des vers, la tradition orale</nobr>
    <nobr>authentique, il inspire et provoque l’enthousiasme de sa pensée et son discours poétique de la vie</nobr>
    <nobr>quotidienne et de l’expérience acquise dans l’Asays (un vaste endroit où s’organise les cérémonies</nobr>
    <nobr>de chants et de danses amazigh). Certaines fois, on a du mal à définir les convictions profondes</nobr>
    <nobr>d’un poète, son savoir s’adresse à la raison (ixef= la tête), à la passion et à l’envie, il choisit les</nobr>
    <nobr>termes les plus profondes pour convaincre l’écouteur/ le récepteur, pour critiquer pour définir</nobr>
    <nobr>ses émotions, c’est un prédicateur du message profane… etc.</nobr>
    <nobr>Le poète promouvoit les valeurs de sa société</nobr>
    <nobr>La poésie amazigh est comblée des valeurs sociales qui sont le produit d’une société purement</nobr>
    <nobr>amazigh. Le poète comme un individu de ce milieu, joue un rôle remarquable pour préserver et</nobr>
    <nobr>promulguer ce patrimoine dans les foules pendant les cérémonies d’Ahouach et Ahidous. C’est</nobr>
    <nobr>un préposé à Asays, sa fonction est de tisser la parole, de sculpter sa tayffart ou tamedyazt et</nobr>
    <nobr>composer les mots qui aboutissent à divulguer ces valeurs sociales.</nobr>
    <nobr>Il est difficile de différentier entre tamedyazt et tayffart comme deux formes poétiques,</nobr>
    <nobr>cependant le dictionnaire de Miloud Taïfi définit tamedyazt comme long poème chanté et tayffart</nobr>
    <nobr>comme poème chanté de plusieurs vers qui comporte des devinettes, des allégories… Ces deux</nobr>
    <nobr>formes sont chantées par imedyazen et imhellelen qui se déplacent de tribu en tribu ou de village</nobr>
    <nobr>en village.</nobr>
    <nobr>L’amour du pays</nobr>
    <nobr>La valeur la plus importante véhiculé par le poète amazigh est son amour éternel de la terre</nobr>
    <nobr>akal/tamurt/tamazirt.</nobr>
    <nobr>Ecoutons Ali N Ayt Tirit U Buâezza décrivant la beauté de l’Amur, le pays des Maures (Mauro en</nobr>
    <nobr>espagnol) :</nobr>
    <nobr>Kkix ed iyenna, kkix ed ilalen</nobr>
    <nobr>Annayex tagut</nobr>
    <nobr>142</nobr>
    <nobr>Anniy en tlalan in sacris d zzin</nobr>
    <nobr>Kkix ed Lmadina d Mekka</nobr>
    <nobr>D Lquds aha d Mizra</nobr>
    <nobr>Nugga asen i Ssudan x isaffen</nobr>
    <nobr>Ddunit zi nniy ifuday nezêra tt</nobr>
    <nobr>Nnix ac kkes tarict</nobr>
    <nobr>Ur ttafat am tamazirt umur (Revue Amazigh, N°1- 1981)</nobr>
    <nobr>J’ai voyagé à travers le ciel et océans</nobr>
    <nobr>J’ai vu les pays des brouillards (l’Europe)</nobr>
    <nobr>Là ou naissent les pluies et la beauté</nobr>
    <nobr>J’ai visité la Médina et la Mécque</nobr>
    <nobr>Ainsi que Jérusalem et l’Egypte</nobr>
    <nobr>J’ai survolé le Soudan et ses grandes rivières</nobr>
    <nobr>On a apprécié l’univers depuis les sommets des plateaux</nobr>
    <nobr>Je t’annonce de desseller ton cheval</nobr>
    <nobr>Il n y’a pas de si beau que le terre d’Amur</nobr>
    <nobr>Amitié- tidukkla</nobr>
    <nobr>Les poètes donnent grande importance à l’amitié, comme étant une valeur sociale très grande sur</nobr>
    <nobr>quoi est fondée la relation entre les humains, le souci du poète est de trouver un ami ou une amie</nobr>
    <nobr>fidèle. L’amitié c’est la fidélité, au fond du thème tidukkla (amitié), le poète traite aussi le sujet de</nobr>
    <nobr>l’entraide (tiwisi), l’homme a toujours besoin de quelqu’un pour l’aider.</nobr>
    <nobr>Nostalgie- amarg</nobr>
    <nobr>Il y’a des moments ou la nostalgie et la séparation poussent le poète pour essayer de chasser ses</nobr>
    <nobr>préoccupations et ses soucis à fin d’être avec son bien aimé. Ce genre de poésie est, en général,</nobr>
    <nobr>triste. On sent que les deux aimés pleurent leur sort, écoutons ses deux poètes :</nobr>
    <nobr>Netta ;</nobr>
    <nobr>Yedda d yîd, mraran imudal</nobr>
    <nobr>Teghlimt a tafukt</nobr>
    <nobr>Yebedd id uhîz usmun inu !</nobr>
    <nobr>Nettat :</nobr>
    <nobr>Sellix ac, mezzwaren imêttawen,</nobr>
    <nobr>Gluglen i tîtt inu</nobr>
    <nobr>Hi ma c ssiyerex a wanda rix ?!</nobr>
    <nobr>S uzmar, iqqen t ad yenew umarg</nobr>
    <nobr>Umma azegza yesemmum</nobr>
    <nobr>Lui ;</nobr>
    <nobr>La nuit approche, les collines se renvoient les ombres</nobr>
    <nobr>Tu te couches Ô soleil !</nobr>
    <nobr>Et moi, j’ai la nostalgie de ma bien aimée,</nobr>
    <nobr>Elle :</nobr>
    <nobr>A ta voix mes larmes font écho</nobr>
    <nobr>Et mon œil n’est plus qu’un lac</nobr>
    <nobr>Hélas, pour toi je ne puis rien, mais</nobr>
    <nobr>Endure donc, et que mûrisse ta passion !</nobr>
    <nobr>Acides sont les fruits verts. Revue Amazigh, N°1- 1981)</nobr>
    <nobr>Un autre chantait :</nobr>
    <nobr>Ullah ar da gganegh, fafagh ed,</nobr>
    <nobr>Inigh is id yeghra ca</nobr>
    <nobr>Zzigh azgu ayda d yetnaqqar lbiban ghifi</nobr>
    <nobr>Je jure que je dors</nobr>
    <nobr>143</nobr>
    <nobr>Et je me réveille en sursaut</nobr>
    <nobr>En croyant qu’on m’appelle</nobr>
    <nobr>Mais ce n’était que le vent</nobr>
    <nobr>Qui fait claquer les portes sur moi.</nobr>
    <nobr>Le poète lutte contre l’injustice- gar azerf, soit qu’elle est issue de la société ou des gouverneurs,</nobr>
    <nobr>le poète des ayt Baâmran, au Sud marocain chantait :</nobr>
    <nobr>Tanna yejran i bab n lâaqqel yara tent</nobr>
    <nobr>Ah inu jrant g igi ur a nettara yat</nobr>
    <nobr>Terzâ tcawct, yedêr ed fellagh ulutim</nobr>
    <nobr>Ar ak aqqragh a Sidi Hmad u Musa, cciyx</nobr>
    <nobr>A yi tallt aghrabu a yelkem winnun</nobr>
    <nobr>A fella ur yettâr lbâdel ula hàderegh as</nobr>
    <nobr>Ula sar gigh inigi n walli f yettâr</nobr>
    <nobr>Le sage met en écriture ce qui lui est arrivé</nobr>
    <nobr>Moi qui en ai tant subi, hélas, je n’ai rien écrit</nobr>
    <nobr>La farouche est brisée, le tas de haies tombe sur nous</nobr>
    <nobr>Je t’invoque, Ô Cheikh Sidi Hmad u Moussa</nobr>
    <nobr>Que ma barque s’éléve au niveau de la tienne</nobr>
    <nobr>Ne fais pas tomber l’injustice en ma présence ni sur moi</nobr>
    <nobr>Que je ne sois jamais témoin d’un sur qui elle tombera.</nobr>
    <nobr>Le poète, comme citoyen de la tribu, décrit l’effet de la sécheresse- azrig dans cette société</nobr>
    <nobr>pastorale, la sécheresse qui sème la terreur et la panique entre les éleveurs et les pasteurs :</nobr>
    <nobr>Wak wak ! a gar asggas lqent a segh yexleq</nobr>
    <nobr>Yekkes kent a tiddi kullu gh irgazen hèderen akw</nobr>
    <nobr>Yessiwed ikessaben d ifellàhen, ur yezri yan</nobr>
    <nobr>Imma driwc yut t igellin ùhlas yebri t akw</nobr>
    <nobr>Yeserf ed Rebbi tafukt d wâdu d wayur jemâan</nobr>
    <nobr>Alligh kullu tellas ddunit ur yehdêr yan</nobr>
    <nobr>Aie Aie ! cette année-ci n’en ai pas une, elle est née du malheur</nobr>
    <nobr>Elle interdit aux hommes de relever la tête, ils ont tous courbé l’échine</nobr>
    <nobr>Elle a semée la crainte entre éleveurs et agriculteurs, elle n’a épargnée aucun</nobr>
    <nobr>Quant au pauvre, le bât le blesse, il souffre</nobr>
    <nobr>Dieu a envoyé, ensemble, le soleil, le vent et la lune</nobr>
    <nobr>Ainsi, la terre est entièrement tondue, et personne n’a contesté</nobr>
    <nobr>Résistance- tagrawla</nobr>
    <nobr>Imedyazen nous ont laissé un grand corpus traitant la lutte et la résistance contre l’occupant,</nobr>
    <nobr>Imazighen ont lutté pour l'indépendance du Maroc de 1912 jusqu’à 1956, M. Chafik, l’actuel</nobr>
    <nobr>recteur de l’IRCAM, a déjà traité ce sujet (Revue de l’Académie du Royaume du Maroc. N° 4-</nobr>
    <nobr>Novembre 1987). On cite :</nobr>
    <nobr>Hammu Amaâdur avait dit :</nobr>
    <nobr>A wa bexxin ussan, wad yerezzun assid ur t ufin</nobr>
    <nobr>A wa nek ad allex a wa !</nobr>
    <nobr>Wa la teddux g tillas, mani yella ubrid att nissin ?!</nobr>
    <nobr>Les jours devenaient sombres, celui qui cherche la lumiére ne l’a pas trouvé</nobr>
    <nobr>Moi je pleurais</nobr>
    <nobr>Je marche dans les ténèbres, ou’est la bonne voie, je la connais pas</nobr>
    <nobr>La poétesse Tawgrat ult Âissa n Ayt Suxman, avait prise la chanson comme arme fatale contre les</nobr>
    <nobr>français, cette grande poétesse est morte en 1930. François Reyniers collectait un peu de son</nobr>
    <nobr>144</nobr>
    <nobr>patrimoine dans son ouvrage ( Taougrat ou les Berbères racontés par eux-mêmes, Ed. Genthner,</nobr>
    <nobr>Paris,1930), il disait qu’elle était l’ennemie de la France, elle a encouragée les combattants de</nobr>
    <nobr>Aghbala pour s’affronter aux occupants, elle a une grande influence sur la tribu de Ayt</nobr>
    <nobr>Suxman…</nobr>
    <nobr>Tawgrat chantait pour exciter les femmes de la tribu pour aider les hommes dans leur guerre :</nobr>
    <nobr>Ddan ed irumin, sewan ax g ughbalu n tasaft</nobr>
    <nobr>Ur ggwiden, qqenen iysan</nobr>
    <nobr>Aha d zziyen tiwwas</nobr>
    <nobr>Nnan ac a nemyudjar g ixamen</nobr>
    <nobr>Ttaweg a Ittu, gher id i Tuda d Izza</nobr>
    <nobr>Tiwtmin a mi yeya lhàl ad asint ilafen !</nobr>
    <nobr>Imazighen imec gguten d ammi ur llin !</nobr>
    <nobr>Tamazirt anex udjan imuyas s uburez, ur asen telli</nobr>
    <nobr>I wida yetzâllan xef iblis,</nobr>
    <nobr>Imec ax neghan s wass,</nobr>
    <nobr>Gher îd a ten tezzêâ tawigt inu</nobr>
    <nobr>Les roumis sont venus, ils ont bu dans notre source</nobr>
    <nobr>Ils n’ont pas peur, ils dressent les tentes dans le sol</nobr>
    <nobr>Ils prétendent être nos voisins</nobr>
    <nobr>Regarde Ittu, appelle Tuda et Izza</nobr>
    <nobr>C’est le tour des femmes pour prendre les étendards de la guerre</nobr>
    <nobr>Imazighen à gogo sans effet</nobr>
    <nobr>Ceux qui prient au nom du Satan</nobr>
    <nobr>n’auront pas notre pays qu’on a hérité de nos glorieux ancêtres</nobr>
    <nobr>s’ils nous massacrent le jour,</nobr>
    <nobr>la nuit, notre fantôme les chassera</nobr>
    <nobr>Le grand chercheur amazigh Lahoucine Atabji a collecté, avant de nous quitter définitivement,</nobr>
    <nobr>Beaucoup de Chants de résistance contre le colonialisme, parmi ce qu’il a collecté ses malheureux</nobr>
    <nobr>vers du poète rifain lors de la guerre du Rif contre les espagnols, écoutons ce poète qui décrit la</nobr>
    <nobr>bataille de Dhar u barran , qui venait juste avant la fameuse bataille de Anwal dirigée par Feu</nobr>
    <nobr>Mohamed Abdelkrim Khattabi, que les espagnols connaissent bien :</nobr>
    <nobr>A ya dhar n ubarran</nobr>
    <nobr>A ya ssus n ixesan</nobr>
    <nobr>Wi zzay ek yegharren</nobr>
    <nobr>A zzays yeghar zzman ?</nobr>
    <nobr>Yeghar zzays zzman</nobr>
    <nobr>yessk usbanyu gher uliman</nobr>
    <nobr>Yen as zur ed tamurt n Tamsaman</nobr>
    <nobr>Tamsaman ma thawen ac</nobr>
    <nobr>Ma teghir ac d benaâman</nobr>
    <nobr>Ullah xuma yexerq i baba c</nobr>
    <nobr>Am wi yeâdan</nobr>
    <nobr>Nnzah a Mimunt</nobr>
    <nobr>Muhend gharm ayt mam</nobr>
    <nobr>Rbarquq wer yenwi</nobr>
    <nobr>Ô dhar u barran</nobr>
    <nobr>Ô champs de la plus terrible des batailles</nobr>
    <nobr>Qui a voulu tromper</nobr>
    <nobr>N’a en fait trompé que soi même</nobr>
    <nobr>145</nobr>
    <nobr>L’espagnol invita l’allemand</nobr>
    <nobr>Viens admirer le pays de Tamsaman</nobr>
    <nobr>Tamsaman n’est pas à prendre</nobr>
    <nobr>La crois-tu de la vulnérabilité du coquelicot ?</nobr>
    <nobr>Par Dieu que tu recevras la même tannée</nobr>
    <nobr>Que par le passé</nobr>
    <nobr>Chante mimunt</nobr>
    <nobr>Tu as, toujours tes frères</nobr>
    <nobr>Les pommes ne sont pas mûres</nobr>
    <nobr>Les prunes ne sont pas encore aigres</nobr>
    <nobr>Dans le Rif, Imazighen de cette région ont été obligé de participer dans la guerre civile de</nobr>
    <nobr>l’Espagne (1936- 1939), les tragédies vécue par les poètes du Rif les ont incité à improviser des</nobr>
    <nobr>vers ou ils chantaient les douleurs qui les hantaient. Écoutons :</nobr>
    <nobr>A rùh, ssiwêd as assram i yamma ma teddar</nobr>
    <nobr>Yen as yekkes as ufus, yen as yekkes as udâr</nobr>
    <nobr>Apporte mon salut à ma mère si elle est encore en vie</nobr>
    <nobr>Dit lui que j’ai perdu, à la fois, la main et le pied</nobr>
    <nobr>Un autre poète /soldat chantait :</nobr>
    <nobr>A tamghart n ubulisi ma yettaâjab am adîr</nobr>
    <nobr>A qam aryaz nam sbaâ yyam ur yendîr</nobr>
    <nobr>Ô femme du soldat cesse d’avaler les raisins</nobr>
    <nobr>Il y’a sept jours que ton mari est mort, il n’est pas encore enterré</nobr>
    <nobr>La femme du Rif pleure son mari en chantant :</nobr>
    <nobr>A ya lalla yimma mayammi sseâd inu</nobr>
    <nobr>Âissa aqqa yuyur, mayammi tudart inu</nobr>
    <nobr>Ô maman. Quelle malchance j’ai !</nobr>
    <nobr>J’ai perdu Âissa, à quoi sert ma vie ?</nobr>
    <nobr>Le groupe Ihinajen est avec nous</nobr>
    <nobr>Pour en conclure, et puisque le groupe Ihinajen est avec nous, on ne manquera pas l’occasion</nobr>
    <nobr>pour découvrir les talents des poètes de ce groupe et la poésie dite Ahellel de la tribu d’Ayt Yusi,</nobr>
    <nobr>au Moyen Atlas Marocain, le groupe appartient au village Akay, il se compose de 5 poètes qui</nobr>
    <nobr>s’adonnent à la poésie traditionnelle orale.</nobr>
    <nobr>Le corpus poétique d’Ihinajen traite des thèmes universels philosophiques existentiels, humains…</nobr>
    <nobr>À titre d’exemple la paix, les droits humains, la lutte contre la discrimination et la prise de</nobr>
    <nobr>conscience de l’identité Amazigh.</nobr>
    <nobr>Le grand Amadyaz déclame les vers de la poésie aidé par des accompagnateurs dites ireddaden</nobr>
    <nobr>(répéteurs). Ihinajen ne prennent pas des instruments.</nobr>
    <nobr>Ihinajen est un groupe professionnel qui a des enregistrements qui se vendent, ils ont un grand</nobr>
    <nobr>public et une clientèle nombreuse.</nobr>
    <nobr>Tayffart ou ahellel d’Ihinajen se base sur un ensemble de tiwan ( tiwent) des refrains.</nobr>
    <nobr>Le fait marquant dans la poésie d’Ihinajen, c’est qu’elle est basée sur le style du récit et du</nobr>
    <nobr>dialogue, elle traite un thème sous forme d’une histoire ou un dialogue.</nobr>
    <nobr>146</nobr>
    <nobr>Dans le Souss, le Moyen Atlas ou le Rif, et dans tous les pays de Tamazgha, et grâce aux</nobr>
    <nobr>Imedyazen et Imariren « la langue Amazighe a pu résister à tous les envahisseurs (… ) Ils ont fait</nobr>
    <nobr>que cette langue soit restée dans son oralité, avec ses menaces, son aridité parfois, sa richesse et sa</nobr>
    <nobr>projection » (Youcef Merahi- Izuran N° 10. Mars/Avril 2002- P 30). Les poètes amazigh ne se</nobr>
    <nobr>fatiguent pas de satisfaire le public sans penser au sort de leurs poèmes qui se perdent dans les</nobr>
    <nobr>méandres de la langue. Cette fonctionnalité qui a sauvée la langue et la culture amazigh et lui ont</nobr>
    <nobr>permis de continuer à vivre depuis plus de six milles ans.</nobr>
    <nobr>Qui peut se targuer d’une telle longévité devant tant de « civilisations» qui les a traités de barbare ;</nobr>
    <nobr>« civilisations » aujourd’hui disparues ?.</nobr>

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  • AHIDOUS

     

    Danse accompagnée de chant, l'ahidous n'est pas seulement le divertissement préféré des Amazighs (du Maroc central), c'est surtout leur moyen d'expression le plus complet et le plus vivant. On le danse à l'occasion des moindres fêtes et même, l'été, après la moisson, presque tous les soirs dans les villages.

    Les danseurs se mettent en cercle, en demi-cercle, ou sur deux rangs se faisant face, hommes seuls, femmes seules, ou, hommes et femmes alternés, étroitement serrés, épaule contre épaule, ils forment bloc. La danse est rythmée au tambourin et par des battements de mains. Les mouvements sont collectifs ; c'est un piétinement, un tremblement qui se propage, entrecoupé d'ondulations larges, coups de vent sur les blés. Par leur aisance et leur ensemble, ils témoignent d'un sens du rythme remarquable. Toutefois, tous faisant presque toujours le même geste en même temps, c'est surtout un ensemble de juxtaposition que l'ahidous présente. En ce sens, il est très caractéristique de la mentalité des Amazighs. L'ahwach dansé par les Chleuhs de l'Atlas occidental est déjà fort différent.

    Le sens mystique de la danse ne se dégage pas nettement de l'ahidous, sauf peut-être de certaines formes spéciales comme l'« ahidous n tislit » dansé chez les Aït Hadiddou au moment où la mariée arrive à la maison de son mari : le chant qui l'accompagne est une véritable incantation ; on l'appelle d'ailleurs « lfal » (le sort).

    Dans l'ahidous ordinaire, le chant s'appelle « izli » (plur. izlan). C'est un poème d'une extrême concision, en général deux versets qui se répondent. Il est lancé par le meneur de la danse sur un air qui varie selon les tribus, puis repris par les danseurs qui longuement le psalmodient, répètent plusieurs fois chaque phrase. L'« izli » est souvent improvisé et l'ahidous peut être l'occasion de joutes poétiques.

    Poésie purement orale, jaillie de la vie même de la tribu, les « izlan » sont familiers à tous. On les chante, on les cite fréquemment, les meilleurs franchissent les limites du groupe, certains passent en proverbe. Les sujets sont ceux de toute poésie populaire, mais avec une tendance marquée vers la satire. Les hommes et les événements y tiennent donc une très grande place; dans l'Atlas central, être la risée des gens se dit « être l'izli du monde ».

    D'après Maroc central de J. Robichez, éd. Arthaud, 1946

     

    Source: azawan.com

    Photos et extrait musical tirés du livre de M. Rovsing Olsen, Chants et danses de l'Atlas, éd. Cité de la musique / Actes sud, 1997. 
    Crédits photographiques : Jean Besancenot, collection de l'Institut du monde arabe ; Jacques Belin, Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris. 
    Enregistrement : Bernard Lortat-Jacob, 1973



    Danse de Haidus

    C'est une danse collective, elle s'exerce d ansla région du Moyen Atlas. La danse se compose de quatre éléments :
    L'appel
    Le rythme à cinquième.
    Le rythme à deuxième et à quatrième.
    Le rythme à troisième plus rapide.

    La danse d'Ahidous se compose d'un cercle, une fois on rapproche les épaules, une autre fois on met les mains dans les mains, toutes ces danses s'exercent avec mixité entre femmes et hommes pour chanter sur le rythme de la danse avec les pieds et les mains et tout le corps ainsi on a une permutation des rôles dans les danses.

    Source: chioukh 

    4 commentaires
  • Comme je suis motivé aujourd'hui, je vais vous "chanter" un petit morceau de Cheikh Lmlla7i (L3rbi lmllahi - ahidouss de benyazgha). Je pense que cela se passait dans les années 60 ou 70, à l'époque où il y avait "ssoulima" flmenzel : une sorte d'écran qu'on attachait sur le mur de "7izb lssti9llal" (parti d'indépendance) en face du marché et on projetait des films en plein air. Eh bien un jour, juste avant le film, il y avait un spectacle de Cheikh Lmlla7i qui aurait dit (entre autres) : 

    "Haddda nddam cheikh l3arbi lyazghi msskine... 
    ddi sssaken fmalla7a ye3llam ghir yed ou 3inn" 

    nddam = chant, poésie,etc. 
    sssaken = habite 
    ye3llam = possède 
    yed = main 
    3inn = oeil 

    Pour ceux qui l'ont connu, ce cheikh était borgne et avait une seule main (ou un seul bras). 

    Et un autre jour, en face du café dlmerrkz (au centre d'El Menzel), il y avait 4 chyoukh d'ahidouss qui assuraient le spectacle. Alors pour le plus grand bonheur des yazghis, 3 chyoukhs (dont notre ami lmmallahi) faisaient un clan contre le 4eme. Lmmalahi était borgne mais il se trouve que les deux autres de son clan l'étaient aussi (ça se comprend remarque!). Ils n'arrêtaient pas de taquiner l'autre cheikh qui n'était pas handicapé. Alors ce dernier prononça une phrase qui marqua la fin du spectacle. 
    Il aurait dit ; 

    "Wahha hya .........; 
    Tjjam3ou lchyakhs, frrddou, fattouni b3in" 
    Il faut le chanter !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 
    Tjjam3ou = ils se sont regroupés 
    frrddou = de -impair- 


    Auteur: encoreUnYazghi 

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  • Ahwash et Ahidous des juifs berberes

     

    Extrait de l'article 'Changement et continuité dans l'Ahwash des Juifs-Berbères'
    - M. Elmedlaoui - membre de l'IRCAM.

    'Cela n'est pas d'une notoriété publique, mais certain(e)s initié(e)s au moins savent que parmi les genres musicaux marocains, la musique maroco-andalouse, par exemple, a dépassé les frontière du Maroc pour s'implanter dans d'autres horizons grâce notamment à la mobilité de la communauté juive marocaine immigrée et à son attachement farouche à sa culture malgré tous les effets apparents des contraintes aliénantes de l'immigration.Cette implantation s'est surtout institutionnalisée avec la création de l'Orchestre Andalou d'Israël fondé par Avi Eilam Amzalag. Ce que je ne savais pas personnellement, jusqu'à très récemment, même si je l'ai toujours soupçonné et essayé d'en savoir avec précision en discutant à maintes fois notamment avec feu Haïm Zafrani, est le fait que le genre musical amazighe (berbère) de l'Ahwash ait également franchi les frontières du Maroc il y déjà un demi siècle pour s'implanter ailleurs. Cela, je l'ai appris récemment grâce à la thèse de Sigal Azaryahu (1999) intitulée : “ Processus de préservation et de changements dans la musique des Juifs de l'Atlas en Israël ” et aux échantillons vidéos de cérémonies vives de cet Ahwash d'outre mer que cet auteur a pu enregistrer auprès de certaines communautés de Juifs Marocains établis en Israël depuis les années cinquante du 20e siècle.Je me propose donc dans cet contribution, de faire une lecture de cette image en miroir que les vicissitudes de l'histoire nous renvoient à travers les éléments des travaux de Sigal Azaryahu. 
    ...Il s'agit dune description comparative ethnomusicologique en hébreu (définition des rôles, des étapes, des fonctions et des significations) de certaines variétés de l'ahwash du Haut Atlas central, et de l'ahidus du Sud Moyen Atlas.La comparaison est faite entre les formes d'origine, audiovisuellement documentées à travers un travail de terrain dans les localités d'origine à Igloua , Tidili (Haut Atlas central au Sud de Marrakech) et Ait Bougmmaz (Sud-est d'Azilal), et les aspects que prennent ces formes d'origine dans le contexte de l'immigration judéo berbère marocaine en Israël, notamment dans les mochavim d'Aderet et de Shokeda.
    ...L'ahwash du mochav d'Aderet dont les acteurs et actrices proviennent des Igloua, et de Tidili dans le Haut Atlas central, se caractérise par une assez grande adhérence aux canons de l'ahwash des lieux d'origine. Cela se voit, entre autres, d'après traits suivants : commencement par un chauffage fonctionnel mais aussi rituel de tambourins authentiques (‘tagnza') sur un brasier afin d'en ajuster les trois tonalités; un cendrier improvisé en ‘naqus'; une bonne maîtrise du rythme quinaire 5/8, typique de l'ahwash, avec ces trois tonalités de percussion de tambourins (lhmz, agllay et nnqqr); des youyous justes et une danse sobre aux épaules et à mouvement vertical du corps; maîtrise des modes pentatoniques des airs; mémorisation d'un riche répertoire de chants et de mélodies anciennes; une diction chleuhe juste et une prononciation chleuhe standard. Par contre, il se trouve que les hommes ont parfois des difficultés à tenir le registre haut, qui caractérise la vocalise du chant chleuh; ils dégradent ainsi parfois la voix d'une octave par rapport aux femmes pour certains airs.
    L'ahwash / ahidus du mochav de Shokeda , dont les acteurs et actrices proviennent des Aït Bougmmaz, se caractérise par une interférence des genres (ahwash / ahidus / bughnim) et par beaucoup d'éléments épars qui connotent des aspects d'acculturation aux niveaux, entre autres, (i) de la langue (accent andalou: un /l/ emphatisé et une perturbation des sibilantes), (ii) des répertoires (paroles, mélodies et danses), (iii) du costume masculin, et (iv) des instruments de percussion (tambourins légers).Il s'agit donc fort probablement d'une communauté de megorashim d'origine andalouse, déjà perturbée il y quelques siècles par un changement d'environnement linguistique et socioculturel suite à l'expulsion consécutive à la Reconquista (Andalousie => Maroc) et établie de surcroît , au terme de cette expulsion, dans une zone du Maroc qui est à cheval entre l'aire Tachelhiyt et l'aire Tamazight d'une part, et où interfèrent par conséquent l'ahwash et l'ahidus d'autre part, avant d'être enfin supplantée au milieu du 20e siècle du Maroc et pour s'implanter en Israël. Il y a là, en somme, l'illustration d'un scénario concret, parmi d'autres possibles en de semblables circonstance, de l'agonie d'un genre culturel d'une communauté bimillénaire...'

     


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